Apologétique actuelle

09/Oct/2010

Le Maréchal Lyautey, au début de novembre a été transporté, au milieu d'une véritable apothéose, sur cette terre d'Afrique, qu'il avait choisie pour sa dernière demeure.

C'est en chrétien, négligeant ses titres de gloire humaine, qu'il a voulu inscrire son nom sur son tombeau. Et l'exemple de ce grand homme est comme un chapitre de l’apologétique par l’exemple qui, grâce à Dieu, se renouvelle d'âge en 'âge et qui a tant de poids sur les jeunes gens. C'est pourquoi le bulletin croit bien faire de rapporter ici les éléments de ce qui peut servir à illustrer une leçon de catéchisme à nos grands élèves.

 Son épitaphe. — Détachons d'abord ces quelques lignes de l'épitaphe de l'illustre mort. Il l'avait composée lui-même. C'est une telle leçon pour les musulmans, parmi lesquels il a voulu revenir, comme aussi pour bien des chrétiens de nos jours, moins fiers que lui de leur vieille foi ancestrale.

 

Ici repose

Louis Hubert Gonzalve Lyautey,

Décédé dans la religion catholique,

Dont il reçut en pleine foi les derniers sacrements…

Dieu ait son âme dans la paix éternelle!

 

Si l'illustre maréchal peut être compté, au total, parmi les belles figures de l'Église catholique, il y eut pourtant dans sa longue carrière une éclipse partielle, que suivit heureusement un retour fervent et, à cause de sa situation, éclatant, à la vie chrétienne intégrale.

Mais, entrons ici dans quelques détails.

 L'éclipse. — A Saint-Cyr, il faisait partie du petit groupe d'apôtres suscités par La Tour-du-Pin, par Albert de Mun et par son intime ami le futur colonel Keller. En 1876, il l'avait suivi dans une retraite fermée à la Grande-Chartreuse.

Puis, sa foi se voila, sans pourtant cesser de vivre, dans une sorte de pénombre. Elle restait la base inébranlable des grandes vérités politiques et sociales auxquelles il resta toujours attaché, et dont il fut, au Maroc, le réalisateur de génie. « Malgré certaines apparences, malgré des luttes, des hésitations, des remous que Dieu fit méritoires et salutaires, écrit le Père Lejosne, il fut toujours un fidèle de la Sainte Eglise ». Ainsi, il ne manquait pas la messe du dimanche et des fêtes. Il l'entendait au Maroc, comme Résident général, avec solennité. Mais il restait éloigné des sacrements.

Par quels sentiers la Providence a-t-elle conduit le Maréchal? C'est là son secret. Mais on sait que le colonel Keller priait et faisait prier pour son ami ; il le pressait avec toute la délicatesse de son cœur ardent.

Il n'était pas le seul à s'occuper de cette grande âme: le Père Lejosne et le curé de Thorey en Lorraine, M. Pierre Heidsieck, jeune officier de ses amis qui, au retour du Maroc entrait au séminaire, le jeune Marocain, Mohamed Abdel Jalil, aujourd'hui, le R. P. Jean, Franciscain, dont il aida la vocation, et enfin un jeune scout qui avait campé chez le Maréchal et dont l'influence fut immense, Henri Massis, secondaient, sans la connaître, l'action du colonel Keller.

 Le retour. — La grâce appelée par tant de prières reconquérait peu à peu cet homme de bonne volonté.

Le 4 janvier 1930, le Maréchal écrit à Pierre Heidsieck, qui vient d'entrer à Saint-Sulpice, ces lignes;

« Prie bien pour moi; les temps sont peut-être venus et proches. »

Le même mois, Massis revient à Paris; le Maréchal l'invite à dîner. Vers 10 heures du soir, la plus émouvante conversation s'engage. C'est une page d'anthologie chrétienne, qui fait penser aux Confessions d'un autre Africain, saint Augustin.

 Le rôle de la prière. — Les yeux dans les yeux, écrit Massis, il commença d'une voix sourde:

« Je vous ai dit, n'est-ce pas, et vous savez que je suis d'Eglise. Vous avez prié pour moi et je vous en remercie de tout mon cœur, mon petit Massis. Mais voilà… moi, je ne puis plus prier… Ah ! il y a tant de difficultés que je ne saurais vous les expliquer toutes… Il faudrait que je me confesse… Voilà plusieurs mois pourtant que tout m'appelle, que tout semble concourir à me rapprocher de Dieu… ».

Massis se souvient alors de la divine promesse lue dans l'Evangile : « Si deux d'entre vous s'accordent sur la terre, quelque chose qu'ils demandent, elle leur sera donnée par mon Père qui est dans les cieux. »

Il propose au Maréchal, tout simplement, de prier avec lui.

Après un moment d'hésitation, le vieux soldat se jette à genoux, prend sa tête entre ses mains et demande à Massis de réciter le Pater et l'Ave et il les répète après lui, à haute voix.

Puis, il se relève, mais, comme pour saint Paul terrassé, la grâce avait fait son œuvre.

 Le triomphe de la grâce. — Le mercredi saint 1930, elle triomphe définitivement.

« Ce fut infiniment simple, écrit le P. Lejosne. Une confession, à la manière des étudiants, dans le salon d'attente de ma chambre ». Le jeudi-saint, une lettre part pour Massis : « Mon cher ami, j'ai reçu ce matin la communion pascale des mains de mon petit curé de Thorey ».

Le vendredi de la semaine de Pâques, le P. Lejosne reçoit une nouvelle visite du Maréchal:

« Mon Père, la semaine passée, j'ai communié pour moi, mais, après demain, il y a une grande manifestation de la Jeunesse Catholique en l'église de Saint- Léon. Si je communiais avec eux, pour bien montrer ma foi et ma pratique?…

— Monsieur le Maréchal, je ne vous l'aurais pas demandé, mais, puisque la pensée de ce grand acte vous vient, je ne puis que vous approuver et vous louer et être heureux de l'exemple que vous donnerez à toute cette jeunesse. »

Le dimanche de Quasimodo, Mgr Baudrillart, qui célèbre la messe du Congrès, à Nancy, a la joie de communier le premier, avant des centaines de jeunes gens, le Maréchal Lyautey.

Inutile de dire que le Maréchal vécut désormais en chrétien total. Rappelons seulement qu'à l'Exposition coloniale, celui qui aimait d'être nommé l'Africain exigea une chapelle des Missions, il en fit sa paroisse, et son exemple rayonna sur toute la France et, on peut l'affirmer, sur le monde entier.

Le 27 juillet 1934, la mort le prend. Elle trouve le Christ dans l'âme de ce grand vivant, à qui elle ouvre les portes de la vraie vie. Ainsi le Maréchal de France qui, achevant l'œuvre de Charles X, avait taillé de sa main, dans l'Afrique, un empire, remporta sa plus belle victoire, celle qui dure éternellement.

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