Audience du Saint-Père aux Supérieurs de lInstitut

27/Oct/2010

Un événement qui fera époque dans les annales rie notre Institut se produisait le 16 octobre dernier. Le Saint Père accordait, en ce jour-là, une audience spéciale aux membres de l'Administration Générale et aux Frères Provinciaux et Visiteurs accourus à Rome, des quatre coins du monde, pour prendre part aux exercices de la retraite et pour étudier ensemble les questions d'ordre général sur la marche de la Congrégation.

Au jour fixé, accompagnés d'un soleil levant clair et gai, tous les membres du Régime et les Frères Provinciaux et Visiteurs se rendent ponctuellement au Vatican. Ils franchissent les portes de bronze, montent l'escalier de Pie IX, traversent la cour Saint Damase et. portés par de puissants ascenseurs, arrivent à la deuxième loge de Raphaël. La salle du Consistoire les attend. En s'y rendant, ils peuvent admirer la salle Clémentine et celle du Candélabre.

Très ponctuel, le Saint Père arrive en compagnie de Son Exc. le Maître de Chambre et de deux camériers secrets participants. Les Frères, pleins d'émotion, lui font une ovation et Sa Sainteté prend place sur son trône. Aussitôt le R.F. Supérieur lit une adresse que les annales de l'Institut conserveront avec soin. La voici :

Très Saint Père.

« Les mots sont impuissants à rendre l’émotion et les sentiments suscites en nous par la grâce insigne que Votre Sainteté accorde à tout l’lnstitut des Frères Maristes des Ecoles, en nous admettant en Votre auguste Présence. Cette grande faveur vient couronner heureusement deux événements historiques pour notre Congrégation.

« D'abord le transfert à Rome de notre Maison Généralice qui, depuis se trouvait à Saint-Genis-Laval, dans la banlieue de Lyon. Bien des motifs nous ont poussés à poser cet acte important: le désir d’être présents à Rome, sous la juridiction encore plus directe du Saint-Siège, la nécessité de fréquents contacts avec les Sacrés Dicastères, le besoin de recevoir rapidement les directives du Siège Apostolique, enfin le caractère devenu universel de notre Institut.

«D'autre part, une décision du Chapitre Général, tenu en 1958, prévoyait la réunion, tous les trois ans, des Frères Provinciaux de tout l’Institut pour les exercices spirituels et pout faire le point sur la marche de la discipline religieuse, sur le recrutement et sur le travail apostolique parmi la jeunesse, mission qui nous a été confiée par l'Eglise.

 

« C'est la première fois que nous tenons une telle réunion et c'est un trait de bienveillance du Seigneur et de la Sainte Vierge, qu'un tel acte soit encouragé et aidé par la bénédiction de Votre Sainteté.

« Voici donc à Vos pieds, outre les 14 Membres de l'Administration Générale, les 39 Provinciaux et les 7 Visiteurs, représentant autant de divisions administratives, heureux de pouvoir offrir à Votre Sainteté, les hommages filiaux et respectueux des quelque 9.400 religieux sous leur dépendance, de plus de 6.000 sujets en formation, espoir de notre Institut pour l'avenir, des 330.000 élèves de nos écoles et, avec eux, des dizaines de milliers d'anciens élèves et de leurs familles.

« Que la bénédiction de Votre Sainteté descende d'une façon particulière sur les confrères qui travaillent dans les pays de missions, sur les 54 Frères Chinois séparés de nous par le rideau de bambou, sur les 183 Frères expulsés de Cuba et sur les Frères de toutes les missions éprouvées dans le monde.

«Notre Fondateur, le Bienheureux Marcellin Champagnat, qui' Votre prédécesseur d'heureuse mémoire éleva aux honneurs de la Béatification le 29 mai 1955, parlant du Siège Apostolique, s'exprimait ainsi: « De même que toute la lumière qui éclaire la terre nous vient du soleil; de même ainsi toute la lumière qui éclaire les hommes dans l'ordre du salut vient de Notre Saint Père le Pape. Le Pape est au monde moral ce que le soleil est au monde physique » (Vie, p. 339).

« Aujourd'hui, les héritiers du patrimoine spirituel du Bienheureux Champagnat sont heureux de redire ces mêmes sentiments à Votre Sainteté et d'exprimer leur amour sincère et leur entière soumission filiale. Nous suivons avec grand intérêt l'impulsion dynamique donnée à la préparation du Concile Œcuménique que Votre Sainteté a voulu et qui sera, sans contredit, l'événement le plus grandiose et le plus utile de notre temps: « di massimo beneficio e vantaggio per la Chiesa e l’umanità intera », comme Votre Sainteté le qualifiait dans Son radio-message du 1ier octobre 1961.

« Nous profitons de cette occasion pour assurer Votre Sainteté que nous offrons nos prières constantes et nos efforts pour vivre plus généreusement notre vie religieuse afin que Dieu accorde à cet événement mémorable le succès le plus marquant.

« Et puisque nous sommes à la veille de l'heureux anniversaire de Votre Sainteté, permettez-nous, très Saint Père, de Vous exprimer nos souhaits profondément respectueux dictés par notre intense amour filial, afin que le Seigneur Vous conserve en excellente santé, alerte et dynamique, de longues années encore, jusqu'à l’accomplissement parfait de la difficile mission que la Providence a confiée à Votre Sainteté pour le bien du monde entier.

« Dans ces sentiments, nous nous prosternons aux pieds de Votre Sainteté, pour solliciter la bénédiction apostolique qui procurera un immense réconfort aux Frères et à tous les autres Membres de notre Institut ».

A la fin de cette adresse, le Saint Père se lève et dans un discours sans apprêt, laissant parler son cœur de père, se déclare heureux de se trouver parmi les Frères de Marie. Il raconte comment, en 1914, alors qu'il était âgé de 33 ans, il eut pour la première fois, connaissance de notre Bienheureux Père Fondateur et de son œuvre. Il se trouvait au chevet du saint évêque de Bergame, Mgr Radini Tedeschi qui se mourait. Ce grand évêque paraissait appelé à de grandes choses et cependant était déjà mûr pour le ciel. Cet évêque très zélé pour le salut des âmes, se tenait au courant de toutes les formes de l'apostolat chrétien. Or, parmi les livre» laissés près de son lit funèbre, le Souverain Pontife découvrit une biographie de notre Bienheureux Fondateur. « Ce fut, dit-il, ma première connaissance de votre œuvre. En contemplant aujourd'hui, en 1961, la gloire resplendissante du Bx. Champagnat, béatifié par Sa Sainteté Pie XII, et le développement de son œuvre, nous pouvons dire : Deus haec mirabilia fecit. Ainsi quand on se tient entre les bras du bon Dieu, que l'on cherche uniquement sa divine volonté, manifestée dans les événements grands et petits, quand on considère cet esprit d'humilité et de simplicité qui est la note caractéristique de votre Institut, on bénit le Seigneur et on s'abandonne entre ses mains pour se laisser conduire là où sa divine main voudra, vers la croix, vers le sacrifice et enfin, vers la gloire céleste. C'est avec un sentiment de tendresse que je pense à ceux de vos Frères qui ont versé leur sang, ont donné leur vie pour Notre-Seigneur et dont la cause de Béatification est introduite ».

 Le Saint Père rappelle nos origines et parle de la ville de Lyon qu'il connaît bien, de la générosité de cette ville pour les œuvres catholiques, de ce centre, berceau de plusieurs œuvres missionnaires. «En voyant, ajouta le Saint Père, que vous avez quitté vos lieux d'origine, votre Bethléem, pour venir vous fixer à Rome, ce grand foyer de lumière où il y a place pour tous les serviteurs du Seigneur, je me réjouis et vous assure que vous y trouverez, de la part du Saint-Siège, direction et bienveillance. Comme nous, vous avez abandonné votre père, votre mère, votre pays, pour suivre l'appel divin. Il y a là une raison d*espérer que Dieu viendra au secours de notre faiblesse et nous aidera à remplir notre mission. Maintenant, laissez-moi vous dire en toute simplicité, que vous n'êtes pas simplement membres d'une Congrégation, mais que vous avez dans l'Eglise, une place pleine de responsabilités, les plus grandes responsabilités, et que vous devez, dans votre mission éducative, apprendre à respecter, à pardonner, à comprendre ».

Le Saint Père est émerveillé de constater le développement de notre famille religieuse et répète par deux fois: «Nove mila! Nove mila! ». Il compare notre Congrégation aux familles religieuses des Jésuites et de S. Vincent de Paul qui grandirent aussi merveilleusement à leur époque. Il dit que le matin, en récitant l'invocation: Sanguis Christi, inebria me. Que le sacrifice du Christ vous inonde de sa grâce, il a eu la pensée de nous conseiller de chercher dans le très précieux Sang de Jésus, les lumières et les forces nécessaires pour vivre une vie vraiment évangélique, pour y trouver la force de s'abandonner entièrement à la volonté divine, surtout dans les difficultés et les peines el aussi pour nous consacrer pleinement au service du Seigneur.

Le Saint Père donne ensuite sa bénédiction aux Frères Supérieurs, bénissant en leur personne, tous les membres de la Congrégation. Sa Sainteté descend alors de son trône et vient se mêler familièrement aux Frères, s'entretenant en conversation avec eux. Il parle de notre genre de vie, de notre œuvre qui revêt aujourd'hui une importance primordiale dans l'Eglise. Le C.F. Secrétaire Général lui présente alors une photographie qui montre le Saint-Père en visite dans notre collège d'Athènes, alors qu'il était Délégué Apostolique en Europe Orientale. Le Pape se montre agréablement surpris.

La séance s'est prolongée. Le Souverain Pontife se retire, enchanté de son contact avec les Frères et ceux-ci restent sous le charme des moments inoubliables qu'ils viennent de vivre. Ils sortent émus et silencieux. En se retirant, ils font une rapide visite des lieux qu'ils traversent: la salle ducale, la salle royale, celle des bénédictions. Ils descendent par l'escalier royal, franchissent de nouveau les portes de bronze, vont se placer devant l'imposante façade de Saint Pierre et posent devant les appareils photographiques pour fixer à jamais, le souvenir de ce grand événement.

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