BrĂ©sil – Grottes de Lourdes

F. M. T.

01/Nov/2010

La Province du Brésil Nord, fondée en 1903, avait été placée sous le haut patronage de l'Immaculée Conception

La dévotion à la Vierge s'y était accrue avec le développement de la Province et c'est à un vœu de ses fondateurs que l'idée d'une grotte de Lourdes doit sa réalisation.

Longtemps à l'état d'ébauche — depuis 1916 environ — elle était finie et inaugurée après la deuxième guerre mondiale.

Aujourd'hui on peut dire qu'elle est, sans contredit, la plus belle grotte de Lourdes de tout le Brésil Nord. Très ressemblante à l'original, dans un cadre de verdure unique, en bordure d'un bosquet, à la croisée des chemins, toute proche de la maison provinciale.

Un rocher la surplombe d'où retombent en se délassant les plantes grimpantes et où les lichens et autres herbes folles s'agrippent pour survivre. La pluie elle-même y a laissé des veines d'un coloris verdâtre qui vous donnent l'illusion de la pierre ancienne, vieillie par la patine des intempéries et des siècles. Et pourtant, — il faut souvent le dire et le répéter aux visiteurs qui n'en croient qu'à leurs yeux — cette pierre et ce roc n'est que du ciment travaillé et moulé avec amour et avec art à longueur d'années.

Cotte grotte est surtout l'œuvre de celui qui l'a dessinée et mûrie durant plusieurs décades; bref, c'est le plus beau fleuron du F. Joseph Ruthig.

Quelques mots suffiront à peindre le constructeur au vif, sans offusquer sa modestie, car il s'est habitué depuis longtemps aux travaux qui ne rapportent pas grande popularité.

Allemand de souche, il est né dans le Palatinat, région qui conserve bien vivace la dévotion à Marie. J'ai pu le constater pendant un séjour d'une semaine dans ce pays. Le samedi soir, la cloche de l'église paroissiale appelle les enfants. Le prêtre y fait prier, prononce une brève exhortation et tout se termine par le chant du Salve Regina que les clochers se renvoient dans la brume du soir.

Parti de ce cadre marial dès sa jeunesse, F. Joseph Ruthig entre dans la Congrégation des Frères Maristes. Il est à Arlon, à Beaucamps et, en 1911, arrive au Brésil Nord. Placé à la Maison Provinciale, il voit l'œuvre grandir et se développer.

Il en connaît les fastes et les vicissitudes. Il en accompagne tous les battements du cœur, tellement il s'y est identifié. Il se laisse aller parfois à la nostalgie, mais il se reprend toujours, car il sait que les œuvres de Dieu sont marquées par les empreintes des hommes.

Il manie aussi bien la scie que le marteau, la truelle que le goniomètre. Il est maître tailleur à ses heures et chef typographe ensuite. Il dirige un chantier de travail, se fait architecte, professeur, maître de chapelle ou surveillant. Il a donc maintes flèches à son arc. Quelques autres sont certainement inconnues des hommes.

Il se désigne lui-même sous l'appellation de Frère « grottier ». Un mot pas tellement ronflant pour la vanité humaine, mais dont il aime se parer lorsqu'il parle de la douzaine de grottes, aux styles les plus divers, qu'il a élevées dans le nord-est brésilien.

Horace nous parle quelque part dans ses odes de la pérennité du bronze. F. Joseph Ruthig, lui, s'est contenté de la pérennité de la pierre et du ciment. Ses grottes en l'honneur de l'Immaculée vont atteindre jusqu'aux confins du Triangle de la Sécheresse, dans l'hinterland brésilien, hanté par la disette et les calamités périodiques.

Allez-y voir, comme il l'a fait lui-même durant de fréquents voyages dans les zones oubliées de la pluie. Parcourez en jeep, ou à cheval, ces immensités à l'aspect désertique en temps de canicule, mais luxuriantes et vertes à la première ondée.

Faites cela pendant le mois de mai. Sur le soir vous entendrez d'un paquet de maisons à l'autre l'Ave Maria qui répond au Pater et le chant du soir à la Madone qui fait écho au Salve Regina sur le bord de la route. Si vous entrez vous trouverez toute la famille autour de l'autel illuminé de la Vierge de Lourdes, de Fátima ou de l'Aparecida. Parfois, la ritournelle dolente d'un instrument à cordes ajoute sa note typique aux voix graves et aiguës des gens de la glèbe ou aux voix enfantines du foyer.

C'est dans ce vaste fond de scène marial comme décor que F. Joseph Ruthig a passé sa vie entière. C'est là qu'il a tracé ses plans. C'est pour ce peuple qu'il a construit ses grottes. Une vraie vie de bénédictin lié à son monastère par la stabilité, car il faut bien le dire, F. Joseph Ruthig n'a connu qu'un seul poste. Arrivé à Recife en 1911, il s'y trouve encore.

F. M. T.

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