Brésil Septentrional. 25 ans du juvénat
09/Oct/2010
Le Juvénat. Le 2 juillet 1935 ramenait le 25ième anniversaire de la fondation du Juvénat de la Province, établi à Apipucos. C'était une trop heureuse circonstance pour ne pas la célébrer par une petite fête de famille. Et le bulletin est heureux de s'en faire l'écho, d'autant plus que l'historique de ce juvénat enrichira nos Annales, non sans être pour tous un bel exemple de constance, au milieu de difficultés bien supérieures à la moyenne.
Débuts. — Rappelons d'abord que quelques mois avant la tourmente de 1903, nos Supérieurs avaient répondu à l'appel de Mgr Rego Maia et envoyé 4 Frères s'installer à Bélem, au Collège N.-D. du Carmel, qui fut ainsi le berceau de la province. Grâce à l'arrivée d'un bon nombre de Frères d'Aubenas, 7 établissements furent successivement fondés en peu de temps. bientôt, les arrivées de France cessant, en même temps que les Collèges se développaient, on fui en face d'un manque de personnel qu'il était d'ailleurs facile d'envisager comme inévitable, depuis quelque temps.
L'idée d'une prochaine cessation, des mesures persécutrices dans la mère-patrie s'évanouissait d'autre part, petit à petit, là comme en beaucoup d'autres pays. Il fallut bien en venir, heureusement d'ailleurs, à l'idée d'un recrutement sur place. C'est ainsi qu'en 1910 s'ouvrit, non loin Apipucos, à Ponte d'Uchoá, faubourg de Recife, ville plus connue au loin sous le nom de Pernambouc, un tout petit juvénat. Son premier local a été le germe d'où est sorti depuis notre Collège de cette ville.
Un petit groupe de juvénistes, venant de Pontos, Espagne; débarqua le 2 juillet et s'installa dans le local nouvellement acquis.
La croix. — Humainement parlant, les débuts ne furent pas heureux. Le C. F. Romualdus, qui amenait 8 juvénistes d'Europe, auxquels se joignaient deux petits Brésiliens qui les attendaient, avait été nommé Directeur du juvénat de l'Immaculée Conception. Il ne fit que passer.
Le 12 août, un juvéniste, Marcel Rieu est atteint d'une fièvre pernicieuse et bientôt, il en est de même de deux de ses condisciples. Le F. Directeur est atteint à son tour. On se hâte, pour arrêter l'épidémie, de transférer ailleurs les juvénistes valides. Mais le petit Marcel, malgré tous les soins prodigués, s'envolait au ciel le 15 aout. Pieux comme un saint Stanislas de Kostka, il avait le même bonheur que lui, de mourir au jour de l'Assomption, et ses dernières paroles furent: « Voyez, la Sainte Vierge vient me chercher. »
Trois jours après le Frère Directeur mourait à son tour.
Voyages. — Le juvénat s'était réfugié à Camaragibe, où le R. P. Bernard, des Pères du Sacré-Cœur, lui avait offert l'hospitalité. Après un quinzaine de jours, il fut installé dans une petite villa, offerte par la famille Didier. C'est le C. F. Conon, actuellement Provincial, qui en avait pris la direction.
Au mois de décembre, les santés s'étant bien remises, il revint à Ponte d'Uchoâ. On inaugurait le Noviciat et deux juvénistes-postulants, les circonstances ne permettaient pas encore une distinction bien nette, participèrent à cette première prise d'habit.
Installation définitive. —- La maison de Ponte d'Uchoâ ne pouvant suffire au fonctionnement d'un juvénat, d'un noviciat et d'un collège, il fallut chercher une installation nouvelle. C'est alors que fut acquise la maison et la propriété d'Apipucos. La chère maison était loin d'être ce qu'elle est aujourd'hui. Il ne reste même plus rien du bâtiment primitif.
C'était un local abandonné qui servait de refuge aux miséreux et aux chauves-souris. C'est au long des années suivantes qu'a été réalisé sur un plan bien conçu l'imposant ensemble que montre la photo ci-jointe.
Recrutement. — Les premiers essais de recrutement sur place furent suivis de déboires. Nous étions peu connus. Les voies de communications n'abondaient pas pour un territoire plus grand que la France, notre genre de vie n'attirait guère. Bref, de concert avec une autre province du Brésil, on résolut de doubler ce juvénat par un autre, situé en Italie. Il fut établi à Sangano, non loin de la maison-mère. Il va de soi que les efforts de recrutement au Brésil perdirent alors de leur intensité. De son côté, le juvénat de Sangano, ouvert en 1912, périt peu après, des suites de la guerre et dut fermer ses portes en 1919. Il avait pourtant fourni, pendant ce temps, une vingtaine de sujets aux deux provinces brésiliennes.
Cette fermeture fit reprendre les efforts au brésil et le C. F. Ludovicus ne recula devant aucune fatigue pour alimenter le juvénat. Les résultats, cette fois, ne correspondirent pas encore tout à fait aux efforts. Les espoirs se rabattirent alors sur le juvénat de Ferrières qui avait remplacé, en France, celui de Sangano; et qui fut ensuite transporté à Ruoms. Mais, là encore, comme il fallait partager avec une autre province, le courant était fort aminci, quand il abordait à Apipucos. Il y eut pourtant là aussi, en quelques années, une vingtaine de sujets qui passèrent l'océan. Mais on en aurait voulu bien davantage.
C'est sur ces entrefaites qu'un nouvel essai fut tenté .dans une autre direction. En 1919, le C. F. Marie-Emeric posait les bases d'un nouveau juvénat situé à Tuy (Espagne) sur les limites du Portugal, pays où les vocations ne manquent pas. La législation d'alors ne permettait pas d'y pénétrer directement. Les recrues de ce juvénat venaient, après quelque temps d'essai, grossir les rangs du juvénat d'Apipucos et l'on crut enfin résolue la question du recrutement, après tant d'efforts dans tous les sens. Il en restait pourtant un à faire et peut-être le principal. Pendant cette longue période d'installation, de constructions et d'aménagements, il avait été matériellement impossible de donner, soit une formation suffisamment longue, soit suffisamment adaptée aux divers groupes, d'ailleurs minuscules, de provenances diverses. De là, peut-être, les déboires du début.
Aujourd'hui, la situation s'est bien améliorée. La maison d'Apipucos, comme la plupart de nos maisons provinciales, possède des sections bien séparées, ayant chacune leur personnel bien spécialisé et le nombre des juvénistes actuels permet de leur donner l'importance que jadis on ne pouvait leur accorder, au temps où ils se réduisaient à une poignée. Ainsi vont les œuvres du bon Dieu, dont la croissance est souvent lente et semée de bien des épreuves.
Pendant cinq ans le C. F. Hérébaldus a été à la tête du juvénat. Sa houlette aussi ferme que veloutée s'est étendue sur un groupe de 40 à 50 juvénistes et ses dé- voilés collaborateurs ont mis toute leur activité au service de l'œuvre fondamentale pour l'avenir de la Province- Espérons qu'avec la bénédiction de sa céleste Patronne, le juvénat de l'Immaculée Conception donnera les fruits que nous en attendons et que de si longs efforts méritent bien.
La Fête. Le bel anniversaire du 2 juillet 1910 fut donc une heureuse et sainte journée. Il s'y joignait une des plus favorables circonstances : les cinquante années de vie religieuse du C. F. Gonthier qui, malgré le poids des ans, surveille depuis longtemps lès petits agneaux de sa bergerie.
Le programme du jour avait été dressé d'avance et chacun en reçut un exemplaire qui fait vraiment honneur à notre petite imprimerie. Bien entendu, à tout Seigneur, tout honneur et c'est le bon Dieu et la Sainte Vierge qui eurent la meilleure part de la journée : communion extraordinairement fervente, messe chantée à 2 voix, tous nos exercices de piété en esprit de reconnaissance. A 15 heures, séance littéraire et récréative. Après un magnifique chœur d'ouverture, le cher Frère Directeur Provincial adressa quelques mots au jubilaire, retraçant les principaux faits et gestes d'une vie entièrement dévouée à l'enseignement, soit en France, soit au Brésil. Avec la verve que nous lui connaissons, il passa successivement du sérieux au comique, de la prose aux vers, si bien que tous prêtèrent une oreille attentive aux louanges méritées par tant de dévouement. Après un second chant de circonstance, le Frère Directeur du Juvénat montra le doigt de Dieu dirigeant les événements pendant ce premier quart de siècle et nous aidant à vaincre les difficultés qui s'opposaient à notre œuvre. Ensuite se succédèrent chants et saynètes les plus agréables à entendre. La séance dura trois heures. Deux des juvénistes fondateurs honoraient de leur présence notre charmante fête de famille.
Ainsi, si l'on peut dire, chacun pouvait constater que le juvénat, malgré quelques fleurs qui ont coulé, à donné de bons fruits à la province. C'est la meilleure récompense de tous ceux qui y ont dépensé leurs sueurs. Puisse l'Immaculée Mère de Dieu lui accorder une prospérité toujours plus grande !