Collège de Belem

04/Sep/2010

Au retour de son voyage de délégation au Brésil Septentrional, comme l'a déjà dit la circulaire du 24 mai dernier, le C. F. Flamien, Assistant Général, a remis au Révérend Frère Supérieur un long et intéressant rapport sur la jeune et déjà florissante province mariste, qui s'est fondée depuis sept ans dans cette hospitalière contrée. Après un tableau géographique on il met tour à tour en relief la belle situation du pays, les caractères de son climat, l'abondance et la variété de ses fruits, la richesse de ses productions naturelles, sa physionomie politique et religieuse, le libéralisme de ses lois, notamment en ce qui concerne l'instruction et l'éducation, et conséquemment les conditions excellentes oh nos Frère s'y trouvent pour faire le bien, le C. F. Assistant retrace successivement l'origine et les progrès de chacun des huit établissements dont se compose actuellement la province, montre les effets souvent visibles de la protection divine dans le développement de ces œuvres naissantes, et note enfin les belles espérances qu'elles font concevoir pour l'avenir.

Tout cela est d’un intérêt très attachant, surtout pour des cœurs animés de l'esprit de famille, et c'eût été pour le Bulletin une joie de pouvoir le reproduire in extenso ; malheureusement son format exigu et rigide ne le lui permet pas. Il devra donc se borner, pour cette fois, à lui emprunter la matière d'une petite notice sur l'établissement de Bélem, berceau de la province, se promettant bien, à mesure qu'il en aura la possibilité, de profiter largement de la permission qui lui a été donnée d'y faire d'autres cueillettes pour le plaisir et la grande édification de ses lecteurs.

Bâtie à 150 Km. de l'océan Atlantique, sur une plage peu, élevée, à l'E. du golfe du Pará ou du Tocantins, qui porte en cette partie le nom de baie de Guajará, Belem, capitale de l'État du Parti, est sans contredit une des plus belles et plus importantes villes du Brésil septentrional. A qui la voit du port, sur un fond de forêt vierge, avec ses maisons blanches que dominent les tours et les coupoles de ses églises et de, ses monuments publics, elle donne une impression charmante, plutôt augmentée qu'amoindrie par la visite qu'on fait de l'intérieur.

Ses avenues larges, propres, bien pavées et ombragées de manguiers magnifiques ; ses rues droites grandement aérées et parcourues en tout sens par des tramways électriques ; ses superbes jardins ornés de bassins artistiques et plantés de ces arbres gigantesques des tropiques, dont le feuillage, toujours vert comme le gazon qui est ii leur pied, entretient une douce et perpétuelle fraîcheur, joignent aux avantages divers qu'on trouve généralement dans les villes de la zone tempérée les agréments particuliers de la nature équatoriale.

Son climat, tout en étant un peu chaud, n'a rien d'excessif ; tempéré qu'il est par les pluies abondantes, la proximité des grands cours d'eau, les 'immenses forêts avoisinantes, et surtout les vents alizés qui y souillent toute l'année. D'autre part, les gigantesques travaux d'assainissement qu'on y a pratiqués au cours de ces dernières années en ont presque entièrement exilé la fièvre jaune et les autres maladies endémiques auxquelles on y était autrefois exposé. Aussi sa population, qui n'était guère, il y a dix ans, que de 120.000 âmes au plus, atteint ou dépasse aujourd'hui les 200.000, et elle progresse constamment d'une manière rapide.

Enfin pour le nombre et la beauté de ses édifices religieux et publics, de même que par ses institutions d'enseignement et de bienfaisance, Belem n'a guère à envier aux grands centres européens ou américains les plus favorisés. La cathédrale, en particulier, construite au XVIII° siècle, est une des plus belles du Brésil.

Dans un des faubourgs de la ville, le sanctuaire de N. D. de Nazareth est le centre d'un pèlerinage très fréquenté, qui donne lieu, chaque année, à de grandioses manifestations religieuses. La fête du Cierge surtout, qui se célèbre en octobre, est d'une extraordinaire solennité. La veille, la statue miraculeuse de Notre-Dame est portée en grande pompe à la cathédrale, où elle passe la nuit ; puis, le lendemain, une immense et imposante procession, à laquelle prennent part en tenue officielle toutes les autorités de la ville, la reconduit triomphalement à Nazareth, sur un magnifique char tiré à bras, au milieu d'un religieux enthousiasme. Il n'est certainement pas exagéré d'évaluer à 50.000 personnes le nombre moyen des assistants à ce gigantesque et somptueux cortège. Un de ses ornements les plus remarquables est un petit navire richement paré, porté par vingt à trente matelots en habits de fête et rempli de jeunes enfants qui sèment des fleurs sur tout le parcours. C'est en souvenir d'un miraculeux sauvetage.

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Comme toutes les villes importantes du Brésil, Belém eut autrefois de nombreuses et florissantes communautés religieuses, dont il ne reste plus guère que le souvenir et les pieuses demeures, employées aujourd'hui à d'autres usages. Tels sont les Jésuites, dont le beau collège est devenu le grand séminaire et le palais épiscopal, et les Carmes, dont le monastère ou Carmel (en portugais Carmo) abrite le collège diocésain, confié depuis sept ans à la direction de nos Frères, et qui a servi de providentiel berceau à nos œuvres clans le Brésil du Nord.

Fondé par les Carmes en 1713, ce pieux monastère conserva sa destination primitive pendant cent vingt ans, c'est-à-dire jusqu'en 1863. A cette époque devenu presque désert, il fut cédé à. Mgr. D. Antonio de Macedo Costa, évêque de Pará, et devint successivement caserne, monastère des Sœurs Dorothées et collège diocésain, confié à la direction de prêtres séculiers.

Après avoir fonctionné ainsi pendant une vingtaine d'années, le collège diocésain ou plutôt le ‘’séminaire’’ du Carmo — car c'est le nom officiel qu'on lui donnait alors — passa, en 1885, aux Pères du Saint-Esprit, sous l'habile direction desquels il parvint à un haut degré de prospérité. Chaque année, il sortait de ce foyer intellectuel et moral un contingent considérable de jeunes gens bien formés, qui emportaient le meilleur souvenir des leçons et du dévouement de leurs maîtres. Une bonne partie de la classe actuellement dirigeante du Pará y a fait son éducation .A cette époque.

En 1897, par suite de nous ne savons quelles difficultés, les Pères durent abandonner la direction du collège, qui subit bien tôt sous la nouvelle administration, une crise très prononcée. En 1903, la rentrée n'eut pas lieu, et l'établissement resta fermé pendant quelques mois.

Mgr. D. Francisco de Rego Maïa, évêque du Pará, résolut de confier de nouveau le collège à une Congrégation religieuse et son choix se porta sur les Petits Frères de Marie déjà avantageusement connus dans le Brésil Central et Méridional. Se trouvant à Rome, il vint lui-même, à St Genis-Laval, traiter avec les Supérieurs des conditions pour l'envoi des quatre premiers Frères.

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Ceux-ci, sous la conduite du Frère Auxent, établi directeur de la petite colonie, quittèrent Aubenas le 18 mars 1903 ; et, après avoir été mettre leur mission sous la protection du Vénérable Fondateur, à N. D. de l'Hermitage, et recevoir la bénédiction du R. F. Supérieur à Saint Genis-Laval, ils s'embarquèrent au Havre, le 33 du même mois, sur le "Jérôme" à destination de Belém.

Vingt-un jours plus tard, le 12 avril, saint jour de Pâques, ils abordaient heureusement aux rives du Pará. Mgr. Maïa était encore en Europe. En son absence, ils furent accueillis avec une grande bienveillance par son Vicaire Général, Mgr Muniz, en qui les Frères ont toujours trouvé un conseiller prudent, un protecteur dévoué et un ami de toutes les heures.

Ce n'était pas sans besoin, car ils allaient avoir à passer par de bien dures épreuves. Ils pensaient trouver, à leur arrivée, un collège en plein fonctionnement, où ils ne seraient d'abord employés que comme auxiliaires, en attendant qu'ils eussent pu se familiariser avec la langue du pays. Déception ! Depuis plus de six mois l'établissement était fermé, faute d'élèves, et le local ainsi abandonné se trouvait dans un état lamentable. Nonobstant : les journaux, sans avertir, avaient annoncé la réouverture dès l'arrivée des Frères. Il fallut prendre son courage à deux mains et employer de longues et pénibles journées pour mettre les dortoirs, les classes, et les cours de récréation en état de recevoir les élèves. Et ce n'était encore que la moindre difficulté ; bien qu'ils n'eussent d'abord accepté que la surveillance, comment allaient-ils se tirer d'affaire, avec des enfants dont ils ne pouvaient le plus souvent se faire comprendre, s'exprimant par signes ?

Cependant, grâce à leur énergie et à leur dévouement, grâce aux bons offices d'un excellent prêtre, Eneas Soares de Lima, qui voulut bien mettre à leur service sa parfaite connaissance du portugais, grâce à l'appui moral et aux bienveillants encouragements de Mgr. Muniz, grâce par dessus tout à la protection de la Très Sainte Vierge, qui est la ressource ordinaire de tous les Petits Frères de Marie, dans les heures difficiles, comme elle le fut de leur Vénérable Fondateur, les débuts furent moins mauvais qu'on n'avait lieu de le craindre. Le premier jour, ils reçurent 20 élèves et dès la fin du mois le nombre en était monté à plus de 40. Par leurs bons procédés, leur attitude en même temps digne et ferme et leur méthode d'enseignement, les Frères conquirent peu à peu l'affection avec l'estime de leurs élèves, la sympathie des familles, et la haute appréciation du clergé, dont toute la bienveillance leur était désormais assurée.

Le premier pas était franchi et la situation paraissait sauvée pour un temps ; mais cela ne pouvait durer. D'autres élèves plus avancés s'annonçaient, et le personnel allait se trouver absolument insuffisant heureusement le cri de détresse de la petite colonie fut entendu, en Europe, par ceux qui l'avaient envoyée sur ces rives lointaines et qui suivaient tous ses mouvements avec une anxieuse sollicitude : le 21 juin de la même année, fête de saint Louis de Gonzague, 14 nouveaux Frères débarquaient au Para pour leur prêter main forte.

Parmi les nouveaux arrivés, il y avait des jeunes gens qui ne pouvaient pas rendre encore de grands services ; mais il y avait aussi des hommes d'une valeur peu commune, soit comme éducateurs, soit comme religieux. En peu de temps ils eurent appris la langue portugaise, ils purent même l'enseigner d'une manière satisfaisante, et, dans un temps relativement court, le collège reprit son niveau intellectuel d'autrefois. Les parents, satisfaits de l'enseignement donné par les nouveaux maîtres, accordèrent toute leur confiance à l'établissement qui se relevait, et les cours ouverts en mai sous de si mauvais auspices se terminèrent à la fin de novembre avec 67 inscriptions.

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C'était au moment où se passaient en France les tristes événements que l'on sait. Avec une brutalité dont on ne trouve que peu d'exemples dans l'histoire des peuples civilisés, le gouvernement de M. Combes fermait par milliers les établissements congréganistes, et ne laissait aux pauvres religieux, jetés à la rue, que le choix entre la sécularisation et l'exil. De ce fait, le Pará, qui était alors pratiquement le seul asile ouvert aux Frères de la province d'Aubenas, reçut en moins de trois mois 45 Frères désireux de mettre leur vocation à l'abri, et, en même temps qu'une maison d'éducation pour les enfants, le Carmo devint pour les Frères nouvellement arrivés une sorte de scolasticat ou d'école normale.

Tout en se réjouissant d'y avoir trouvé la tranquillité nécessaire pour travailler à pouvoir se rendre utiles plus tard, bon nombre de ces Frères, habitués à la vie d'enseignement, souffraient néanmoins de ne pouvoir travailler que pour eux-mêmes. Afin de donner un aliment à leur zèle, non moins que pour leur fournir l'occasion de s'initier à la langue et aux mœurs du pays avant de chercher un théâtre définitif à leur activité impatiente, et pour procurer quelques ressources à la communauté, on créa pour eux, dans divers quartiers de Belem, notamment à Nazareth, à Sainte Anne et St. Jean, des écoles paroissiales succursales du Carmo. Là, avec les éléments des connaissances humaines, ils enseignaient principalement le catéchisme, et préparaient les enfants à la première Communion, à la grande satisfaction du clergé, dont le ministère se trouvait ainsi grandement facilité.

Une Colonie plus hardie ne craignit même pas de s'isoler complètement du reste de la communauté et d'aller chercher, dans un pays lointain et encore sauvage, des âmes d’enfants indiens pour leur faire connaitre Jésus-Christ et sa religion divine. Composée de cinq Frères, elle partit, le 20 février 1904, sous la direction du Frère Réginald, remonta, à travers mille périls, le Tocantins, puis son affluent l'Uruguaya, et elle arriva, après 53 jours de voyage, à Conceição, aux confins des Etats du Pará, de Goyaz et de Maranhâo, où elle avait été appelée par les RR. Pères Dominicains, apôtres de ce pays. Trois ans plus tard, après beaucoup de privations et de souffrances courageusement supportées, les zélés missionnaires seront obligés, faute de ressources, de retourner au Pará, non sans un grand regret de se séparer de leurs chers catéchumènes et néophytes, qui leur avaient donné de si douces consolations.

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Entre temps, la Communauté du Carmo, de son côté, avait : eu à passer par le dur mais salutaire creuset de l'épreuve. La rédemption du monde s'est opérée par la croix, et c'est une loi, semble-t-il, que tout ce qui de près ou de loin touche à ce grand ouvrage doive s’opérer par .le même moyen. Il n’y a guère qu'à l'ombre de cet arbre sacré que les œuvres de Dieu puissent prendre racine et acquérir la vertu de porter des fruits.

Le collège, ouvert depuis quelques mois à peine, reprenait de plus en plus l'air de prospérité qu'on lui avait vu autrefois ; les catéchismes paroissiaux étaient partout bien suivis, et les Frères étudiants, malgré les ressources à peine suffisantes dont ils disposaient pour vivre, continuaient avec courage leur laborieuse initiation à la langue du pays, lorsque, au mois de février 1904, le jeune Frère Joseph Berchmans, plein de vie et de santé, est saisi subitement par l'impitoyable fièvre jaune, et succombe au bout de peu de jours.

On était à peine remis de l'impression causée par ce premier malheur, lorsqu'on se trouve en face d'un autre plus grand encore. Le même jour, pour des causes qu'on n'a jamais bien pu s'expliquer, seize Frères tombent gravement malades avec des symptômes identiques. Etait-ce un empoisonnement par imprudence ? D'aucuns l'ont supposé, et parmi eux un certain nombre de médecins ; mais il s'en faut que la chose soit certaine. Quoi qu'il en soit, il y eut clans toute la communauté une consternation qu'il est facile de s'imaginer. On s'empressa cependant de• donner aux malades tous les soins possibles, on se multiplia pour les suppléer dans leur tâche ; on leur procura tous les secours médicaux dont on put disposer et, grâce à Dieu, au bout de quelques jours le plus grand nombre se trouvaient de nouveau sur pied ; mais, malgré tout ce qu'on put faire, deux d'entre eux, les Frères Emère et Fulbertus, succombèrent après quelques jours de souffrances patiemment supportées.

Dix mois après, sans que rien eût pu le faire prévoir, deux autres Frères, les FF. Octave Léon et Audry, étaient encore moissonnés par la mort, à quelques heures de distance.

Comme on pouvait s'y attendre, tous ces décès dans un intervalle si court donnèrent lieu à bien des commentaires et les hypothèses allèrent leur train. Naturellement on soupçonna la maison d'être malsaine ; il fut question de fermer le collège et d'obliger les Frères à chercher ailleurs un autre logement, ce qui les aurait mis dans le plus grand embarras.

Heureusement, aucun élève n'ayant été atteint, on put éviter cette mesure radicale ; mais Mgr. Maïa s'était ému de ces bruits alarmants. Il fit appeler le Frère Directeur et, avec les précautions oratoires que requérait la circonstance, il lui enjoignit nettement d'avoir à trouver un autre local pour les Frères qui n'avaient pas d'emploi au collège. En cela comme en tout, la Providence avait ses desseins.

Pour obtempérer aux ordres de Monseigneur, et aussi pour répondre au désir plusieurs fois exprimé des Supérieurs de la Congrégation le Frère Directeur entreprit un voyage vers le Sud. Le double but qu'il se proposait était de chercher quelques établissements à fonder, afin de donner aux Frères déjà passablement avancés dans la connaissance du portugais le moyen de remplir la fin de leur vocation et de leur assurer les ressources dont ils avaient besoin pour vivre. Et Dieu, en qui il se confiait, bénit ses démarches.

Dans les visites successives qu'il fit à San Luiz de Maranhào, Ceara, Pernambouc, Maceió, Bahia. Il reçut généralement très bon accueil et il prépara les voies à plusieurs fondations qui depuis lors se sont réalisées et sont devenues prospères. Bientôt il lui fut non seulement possible d'occuper tous les Frères qui se trouvaient disponibles ; mais il se trouva dans la nécessité de refuser, faute de personnel, plusieurs postes qu'on le pressait d'accepter.

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Quant au collège du Carmo, réduit au personnel strictement nécessaire, il continua de donner satisfaction aux familles et de voir augmenter progressivement le nombre de ses élèves, qui dès la seconde année atteignit la centaine. L'année suivante, il s’éleva à 170, où il s’est à peu près constamment maintenu jusqu'à l'année dernière, avec une moyenne de 75 internes. Il aurait, sans aucun doute, progressé d'une façon beaucoup plus rapide sans deux obstacles qui lui ont porté jusqu'à présent un préjudice considérable : sa situation trop excentrique et le défaut d'équiparation. D' une part, en effet, il se trouve à une extrémité de la ville mal desservie par les tramways, ce qui constitue un défaut capital dans un pays où on ne sait pas se résoudre à faire cinquante mètres à pied ; et d'autre part, n’étant pas équiparé, il était obligé, jusqu'ici, pour la collation des grades, c'est-à-dire pour le passage du cours d'une année à celui de l'année suivante et pour l'obtention du baccalauréat à la fin de la dernière année de présenter ses élèves au Gymnase, ce qui était au moins incommode. Heureusement ce dernier désagrément n’existe plus aujourd’hui. Depuis cette année, le collège jouit de l'avantage de l'équiparation1, qui lui donne le droit de conférer lui-même à ses élèves les grades dont nous venons de parler ; aussi l'effet n'a pas tardé à s'en faire sentir. Presque tout de suite, le nombre des élèves a passé de 170 à 260.Cela donne au collège du Carmo, considéré simplement comme foyer d'instruction, un rang distingué parmi les établissements similaires de la grande capitale paraense ; mais ce qui assure -aux élèves qui 'le fréquentent un avantage encore plus précieux qu'une instruction solide et de bon aloi, c'est l'esprit chrétien qui y préside et l'enseignement religieux qui y tient la place d’honneur.

Malheureusement, au Brésil comme dans un trop grand nombre d'autres pays, l'enseignement religieux n'a aucune place dans les programmes des écoles officielles : heureux encore lorsqu'on se tient à cet égard dans les limites d'une franche neutralité, et que des professeurs imbus de principes irréligieux n'affichent pas, dans leur enseignement, des tendances plus ou moins hostiles à nos saintes croyances.

Il s'ensuit que la jeunesse élevée dans ces écoles grandit le plus souvent dans une ignorance à peine croyable des vérités religieuses les plus élémentaires. Si l'on tient compte, d'autre pari, qu'une autre portion considérable de la jeunesse reste en dehors — ou peu s'en faut — de toute instruction, on n'aura pas de peine à se figurer combien nos Frères ont à faire, en ce qui regarde l'enseignement chrétien, auprès du plus grand nombre des élèves qui leur arrivent. Et cependant, les Brésiliens sont religieux par caractère, les pratiques pieuses leur plaisent. S'ils ne pratiquent pas, c'est qu'ils ignorent et ils ignorent parce qu'on ne leur a jamais enseigné.

Les Professeurs du Carmo trouvent là un puissant motif de redoubler de zèle dans l'accomplissement de leurs fonctions de catéchistes, qui sont d'ailleurs pour eux une source de réelles consolations. Il est touchant de voir avec quelle attention respectueuse enfants et jeunes gens écoutent l'explication des vérités chrétiennes, dont ils n'avaient soupçonné ni la grandeur, ni la beauté, ni surtout l'importance ; avec quelle bonne volonté ils se portent, en général, aux pratiques de piété qu'on leur suggère ; et avec quelle constance ils y persévèrent plus tard.

Chaque année les Frères ont la grande joie d'amener à la Sainte Table, après les y avoir fervemment préparés, un groupe de cinquante à soixante premiers communiants, dont l'âge varie entre douze, dix-huit et parfois vingt ans, et dont les dispositions pieuses sont un sujet d’édification profonde pour les fidèles toujours nombreux qui viennent y assister. La cérémonie se fait très solennellement ; et d'ordinaire c'est Monseigneur l'Archevêque qui la préside en personne.

C'est donc en somme à une œuvre bien belle que travaillent nos Frères à Belem, comme d'ailleurs dans tous les établissements de la contrée. Souhaitons que le Seigneur leur permette e la soutenir longtemps, et de lui donner des développements encore plus amples ; en peuplant de vocations solides et nombreuses la maison de noviciat et de juvénat qui vient d'être fondée à Pernambouc. Hélas ! c'est bien surtout en songeant à cette terre généreuse du Brésil, où tant d'âmes d'enfants, ‘’naturellement chrétiennes’’ selon l'expression d'un père de l'Eglise, clament avec instance le pain de la sainte doctrine, qu'on se sent le cœur navré de ne pouvoir leur donner personne pour leur rompre.

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1 Pour bien comprendre ces mots d'équiparé et d'équipartition qui reviennent souvent à propos de nos établissements du Brésil, il est nécessaire de connaître, au moins dans ses grandes lignes, l'organisation de l'enseignement dans le pays.

Au Brésil, connue presque partout ailleurs, l'enseignement donné dans les gymnases ou collèges officiels a deux degrés : l'enseignement élémentaire, qui comprend trois années d'études, et l'enseignement secondaire, qui en comprend six.

A la fin de la troisième armée d'enseignement élémentaire, l'élève doit subir un examen sur les diverses matières du programme, et, s'il s'en tire avec succès, il peut, après s’être fait inscrire dans le gymnase, suivre les cours de la première année de l'enseignement secondaire. A la fin de cette première année, il doit encore subir avec succès un examen qui lui permette de passer à la suivante, et ainsi pour toutes les autres. Après l'examen de sixième année, qui résume tout le programme, le candidat heureux est reçu bachelier (bacharel) et peut entrer dans l'enseignement supérieur.

L'établissement type d'enseignement secondaire est le Gymnasio Pedro II, i. Rio de Janeiro. Son programme et son règlement font loi dans toute la République, et, en principe, lui seul aurait le droit de conférer les grades, c'est-à-dire la promotion du cours de chaque année à celui de l'année suivante et le baccalauréat à la fin des cours. Mais le Gouvernement peut accorder et accorde en effet cette faculté- à d'autres collèges, soit publics soit privés, qui peuvent prendre dès lors le titre de gymnases. Ces collèges sont dits équiparês (c'est-à-dire assimilés ou égalés) au Gymnasio Pedro II, et leurs diplômes — qu'ils délivrent eux-mêmes — ont la même valeur et donnent droit aux mêmes avantages que les siens.

La condition imposée à tout collège équipant est de payer un fiscal, c'est-à-dire un inspecteur nommé par le Gouvernement et spécialement attaché à l'établissement, dont il a la responsabilité officielle au point de vue des études. Il a le droit de visiter les classes aussi souvent qu'il veut pour s'assurer que règlements et programmes sont fidèlement suivis. Il préside aussi à tous les examens et en sanctionne toutes les épreuves. En outre, le collège privé qui sollicite l'équipa- ration doit présenter comme garantie une somme de 75.000 francs ou un immeuble de valeur au moins égale et libre d'hypothèque.

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