Collège de Maceiò

12/Sep/2010

Maceió, capitale du petit Etat brésilien d'Alagôas, est une ville relativement moderne. Elle, qui compte aujourd'hui près de 50.000 habitants, n'était, il y a un siècle, qu'un simple village, et, il n'y a pas encore quarante ans, sa population atteignait ã peine dix ou douze mille âmes.

Assise sur la côte de l'Atlantique, à 206 kilomètres au sud de Pernambouc et à 498 au nord de Bahia, elle occupe une situation charmante, entre la mer et la Lagoa du Norte, qui reçoit les eaux du rio Mundahù. Ses rues sont droites, tracées parallèlement à la vallée, et ses abords, plantés de cocotiers et de dattiers, lui font comme une couronne de verdure. Son port, ouvrage de la seule nature, est protégé contre les vents du N. E. par un banc de coraux ; malheureusement il est exposé 'aux tempêtes du sud, qui menacent de l'ensabler.

Il est fréquenté, plusieurs fois par semaine, par des bateaux européens et brésiliens qui donnent un facile débouché aux produits de la région, dont les deux principaux sont le coton et le sucre. Une seule usine, celle de MM. Vandesmet, située dans les environs, produit annuellement plus de 60.000 sacs de cette dernière denrée. Elle est de plus la providence du pays par ses œuvres de bienfaisance. Au point de vue ecclésiastique, Maceió est la résidence d'un évêque, titulaire d'Alagôas.

Nous avons dit autre part1 comment en 1904 le Frère Auxent, Directeur du Collegio do Carmo, à Belém du Para, et représentant des Premiers Supérieurs pour le district du Brésil Nord, alors en formation, avait dt1 se résoudre à entreprendre un voyage le long de la côte Nord-Est, pour trouver du travail aux Frères que la fermeture des établissements de France avait amenés au Paré.

Au cours de ce voyage, après avoir visité São Luiz de Maranhão, Cessa, Pernambouc, il s'arrêta également à Maceió, où il trouva un accueil tout paternel auprès du vénérable évêque, Mgr Antonio Brandão, et il y eut dès lors des pourparlers en vue de la fondation d'un collège placé sous la direction des Petits Frères de Marie ; mais ce ne furent — comme ce ne pouvaient guère être, d'ailleurs — que des préliminaires.

Le Frère Marie-Alypius, devenu. Directeur de Bahia, y revint quelques mois plus tard : les négociations furent reprises, les conditions de viabilité de l'œuvre étudiées plus en détail, et la fondation fut enfin résolue, de concert avec Monseigneur, sur les bases suivantes :

a) L'établissement prendrait le nom de "Collège Diocésain’’.

b) Il serait au compte des Frères, qui le dirigeraient en toute indépendance.

c) Monseigneur avancerait sans intérêts la somme nécessaire a la location provisoire d'une maison, de même qu'a l'acquisition du mobilier et d'un logement pour les Frères ;

d) En cas de succès, cette somme serait remboursée par les Frères à Monseigneur à mesure que les bénéfices le permettraient : mais en cas d'échec elle ne serait pas exigible.

En conséquence, au mois de janvier 1905, six Frères, sous la direction du Frère Louis-Chanel, vinrent mettre la main à cette œuvre naissante, comptant sur l'aide de Dieu et la protection de Marie. En l'absence de Monseigneur, ils furent reçus et hébergés pendant huit jours avec la plus grande amabilité par M. le Chanoine Octavio, curé de la cathédrale, et le 7 février, les classes s'ouvraient avec 20 élèves. Ce n'était pas beaucoup ; mais les humbles débuts n'ont pas lieu de décourager. Ils sont si souvent, dans les plans de Dieu, le premier état des plus grandes œuvres !

On accueillit donc comme une bénédiction du ciel ce premier petit noyau ; on l'entoura de tous les soins dont on était capable, et peu à peu, Dieu merci, il fit boule de neige. Trois mois après, les vingt étaient devenus soixante, et il ne se passait guère de semaine, sans qu'on eût la joie d'inscrire quelque nouveau-venu, de sorte qu'avant la fin des cours le registre matricule en comptait 92.

Dès leur arrivée, les Frères avaient trouvé généralement à Maceió une atmosphère de sympathie. Les enfants étaient dociles et animés de bonne volonté ; mais ils étaient, au point de vue religieux, d'une ignorance dont on a peine â se faire une idée. Sur une soixantaine d'élèves, dont un bon nombre étaient déjà grands, quatre ou cinq seulement avaient fait leur Première Communion et la plupart des autres ne savaient pas seulement qu'il y eût un sacrement de l'Eucharistie. Cela vient que d'une part la religion est bannie de l'enseignement officiel, et que d'autre part l'insuffisance numérique du clergé ne lui permet pas de s'occuper activement, comme en Europe, de cette partie de sa mission auprès des âmes.

Ce que les Frères eurent d'abord le plus à cœur, ce fut donc d'organiser parmi leurs élèves le catéchisme préparatoire à la Première Communion ; mais si la chose était absolument nécessaire elle ne laissait pas de présenter d'assez sérieuses difficultés. Peu convaincus de la nécessité d'un enseignement de ce genre, bon nombre n'y assistèrent d'abord qu'à leur corps défendant et quelques-uns même en prirent prétexte pour se retirer. Il fallait du temps pour instruire et convaincre ; mais d'autres payèrent en abondantes consolations, par leur piété candide et leur bonne volonté touchante, les peines inutiles qu'on s'était données pour ceux-là.

La cérémonie eut lieu en grande solennité au collège même, et à la manière française. Monseigneur l'Evêque se fit un plaisir de venir la présider, et Son Excellence M. le Gouverneur vint l'honorer de sa présence, ainsi que sa dame et un petit nombre d'invités. Tous en éprouvèrent une vive et édifiante impression, partagée par l'assistance beaucoup plus nombreuse, qui, le soir, à la cathédrale, avait voulu être témoin de la touchante cérémonie de la rénovation des vœux an Baptême.

Quant aux études profanes, il fallut nécessairement les organiser selon le système et les usages du pays. Le Collège comprit les trois cours d'enseignement primaire et, dans la mesure dur possible, les six cours de l'enseignement secondaire. Tout d'abord on fut obligé de conduire aux cours du Lycée, après les y avoir fait inscrire, les élèves qui désiraient subir les examens officiels ; mais bientôt la loi qui prescrivait cette obligation fut modifiée et les élèves des collèges privés purent se présenter aux examens du Lycée sans obligation d'en avoir suivi les cours. Le jury, composé en grande majorité de professeurs de collèges rivaux, n'était pas, cela va sans dire, favorable aux Frères ; néanmoins leurs élèves, en général, firent bonne figure, et donnèrent une excellente idée de l'enseignement qu'ils recevaient. Aussi, pendant plusieurs années, le collège fit-il concevoir de belles espérances. En 1909 il avait déjà atteint le chiffre encourageant de 115 inscriptions.

Mais, on ne le sait que trop, le baromètre de la prospérité est comme celui du temps ; il est sujet à des variations souvent très brusques et, pour passer de beau fixe à tempête, il ne lui faut bien des fois qu'un moment. Ce fut le cas du Collège Diocésain. Sans autre cause explicable qu'une concurrence effrénée, venue surtout, malheureusement, d'un côté d'on l'on n'aurait pas cru devoir l'attendre, le chiffre des inscriptions, en 1910, baissa subitement de plus de moitié, entraînant un fléchissement correspondant dans celui des ressources ; de sorte qu'il fallut aux Frères beaucoup de patience et d'esprit religieux pour ne pas se laisser décourager.

Par bonheur, leur cœur fut à la hauteur de l'épreuve, que Dieu, dans sa bonté, daigna ne pas prolonger trop longtemps. Peu à peu, l'engouement qui avait en partie vidé leurs classes au profit de celles des établissements concurrents se refroidit beaucoup de ceux qui les avaient quittés leur revinrent, et ceux qui ne revinrent pas furent remplacés par de plus nombreux, si bien qu'en 1913 le chiffre des élèves se retrouvait non seulement au niveau de 1909, mais l'avait même dépassé.

Seulement, par une conséquence difficilement évitable, le local était devenu tout à fait trop petit, et il y avait urgence de l'agrandir ou mieux de le remplacer. Le C. F. Flamien, A. G., dans la visite qu'il fit au Brésil Nord comme délégué du R. F. Supérieur en 1912 1913, s'en rendit parfaitement compte. Malheureusement il était difficile de trouver à la question une solution satisfaisante. A Maceió, les maisons capables de s'adapter aux exigences d'un Collège sont fort rares s'il en existe, et, pour construire de toutes pièces un établissement ad hoc, il eût fallu des ressources qu'on n'avait pas. Il invita cependant les Frères à chercher une combinaison acceptable, promettant son appui pour la faire agréer des Supérieurs majeurs, et, la divine Providence se mettant visiblement de la partie, on rencontra mieux qu'on n'eût osé espérer.

Presque au centre de la ville se trouvait un grand bâtiment
.àa deux étages de 25 mètres sur 15 de base, avec 17 m. de hauteur au faîtage, construit il y a une soixantaine d'années, alors que Maceió n'était encore qu'un gros village, par un Docteur médecin qui était mort avant d'avoir pu achever même le gros œuvre. Le travail avait été fait dans de telles conditions de solidité que protèges par une simple toiture sans génoise ni gouttière, livrés à tous les assauts de la pluie, des vents et des grands oiseaux du pays, les murs ni les pièces de charpente n'avaient reçu que des avaries superficielles. Mais, presque sans ouvertures à la partie inférieure, l'édifice était si noir, si maussade, qu'il ne tentait personne, étant donné surtout les grosses dépenses que demanderaient son achèvement et son adaptation. En 1902, il était devenu à assez bon compte la propriété de Monseigneur l'Evêque, qui se proposait d'y installer soit un collège soit une communauté religieuse.

Aucune autre combinaison n'ayant pu réussir, Monseigneur voulut bien consentir à en faire la cession complète en vue de l'enivre ; des amis dévoués s'entremirent pour en assurer la possession légale et couvrir une partie des dépenses, et, avec l'autorisation des Supérieurs, les travaux furent entrepris le 3 septembre 1913. Il fallait se presser, car les élèves, chaque mois plus nombreux ne pouvaient absolument plus tenir dans les deux maisons louées jusque là, et payées fort cher. Heureusement, quoique ce ne soit pas bien l'habitude dans le pays, l'ouvrage pût être mené assez vite. En décembre, 45 fenêtres, 5 portes doubles et 600 m. carrés de plancher étaient déjà posés ; la toiture était refaite, et le crépissage fini. Le pavé d'en bas et les cloisons des classes allaient aussi bon train, de sorte qu'on put y transporter le mobilier scolaire en attendant le mois de février, qui est là-bas l'époque de la réouverture des classes.

Ce fut une tache écrasante ajoutée a toutes celles que les Frères avaient déjà ; mais enfin il y a des grâces pour tout, et, malgré les craintes qu'on pouvait en avoir, personne ne fut malade.

A la date fixée, les cours purent s'ouvrir dans le nouveau local comprenant huit belles classes, un réfectoire et des dortoirs capables de donner place à plus de 50 internes, tandis que les dépendances s'achevaient peu à peu, ainsi que les plus nécessaires. Restait à en faire l'inauguration solennelle, et à bénir la Chapelle, où maîtres et élèves auront désormais l'avantage précieux de pouvoir communier a la Messe les dimanches et fêtes ainsi que le premier vendredi de chaque mois.

Cette belle cérémonie fut fixée au 25 mars par Monseigneur l'Evêque, qui voulut bien la présider en personne. Dans la vaste salle du premier étage, ornée du mieux qu'on avait pu pour une si solennelle circonstance, Sa Grandeur, après avoir procédé selon les rites ordinaires à la bénédiction de l'édifice, célébra la Sainte Messe, à laquelle assistaient, en plus de 150 élèves de l'établissement, M. Félix Vandesmet, vice-consul de France ; et son Frère M. Gustave Vandesmet, patrons de l'usine modèle de Brazileiro, avec toute leur famille ; M. Girard, un de leurs coopérateurs les plus dévoués, et sa famille, Mr l'abbé Bancarel, le zélé aumônier de la même usine, tous généreux bienfaiteurs de l'établissement ; ainsi que bon nombre de prêtres, de parents et d'anciens élèves. Le C. F. Marie-Alypius, Provincial, était venu se mettre à la tète de la communauté, et bien d'autres se trouvaient de cœur au milieu d'elle, particulièrement le C. F. Damien, qui fonda l'établissement, le C. F. Flamien qui, à son dernier passage comme délégué du R. F. Supérieur avait préparé les bases de l'œuvre nouvelle, et les Frères Directeurs qui s'y étaient succédé.

Vers midi, un certain nombre de ces bienfaiteurs et amis avaient accepté de prendre part aux agapes de famille. Le Frère Directeur profita du moment du dessert, pour leur exprimer, au nom de toute la maison, les sentiments de sa vive gratitude, ainsi qu'à leurs associés qui n'avaient pu venir, et en réponse M. le Vice-Consul, après avoir fait un éloge aimable et délicat de l'Etablissement et de tous ceux qui s'étaient succédé dans sa direction, porta un toast chaleureux au Frère Marie Alypius, au C. Frère Damien, au C. Frère Flamien et au D. Frère Supérieur Général.

Le soir, des groupes photographiques furent tirés pour commémorer la fête, dont le souvenir embaumera longtemps la mémoire et le cœur de la communauté et des élèves.

Ceux-ci, dont la conduite était très satisfaisante, y ont trouvé comme un renouveau d'application et de bon esprit, et Dieu, en récompense, s'est plu à leur envoyer de nouveaux compagnons provenant d'excellentes familles. Bien que nous ne soyons encore qu'aux deux tiers de l'année, le chiffre des inscriptions s'est déjà élevé à plus de 200, dont une quarantaine d'internes.

Laudetur Jesus Christus et Maria Mater ejus !

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1 Cf. Bulletin de l'Institut ; t. I, page 519 ; et t. Il, page 24.

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