Collège de Pamplona

16/Sep/2010

Pamplona, capitale de l'ancien royaume de Navarre, est sans contredit une des plus anciennes villes d'Espagne. Fondée, dit-on, par Tubal, 2121 ans avant notre ère, elle porta successivement les noms de Martua, Atanagia, et Santueña. Pompée, en 68 av. J.-C., la restaura, l'embellit considérablement et lui laissa le nom de Pompeiopolis, qui, par une série de transformations, est devenu Pamplona en espagnol et Pampelune en français.

Sa population d'environ 30.000 habitants ne la met pas au rang de ce qu'on est convenu d'appeler les "grandes villes" ; mais sa situation topographique sur l'Arga, affluent de l'Ebre, au milieu d'un fertile bassin entouré de pittoresques montagnes ; la beauté de ses monuments, de ses promenades et de ses jardins ; ses rues larges, droites, bien pavées, remarquablement propres et bordées, quelques-unes, de riches et élégants magasins, en font un séjour des plus agréables.

Elle a de belles places comme celles de la Constitution et de San Francisco, toutes deux de forme presque carrée, et bordées de remarquables édifices. Le Paseo de Valencia, où se voit le grandiose et beau monument aux Privilèges de la Navarre ; le Parque de Taconera, d' où l'œil embrasse un splendide horizon de plaines et de montagnes ; le Salón de los Jardines, sont autant de charmantes promenades, que la nature et l'art, de concert, semblent avoir pris plaisir à rendre agréables.

La Cathédrale, qui s'élève au bord d'une terrasse dominant le cours de l'Arga, est un monument d'aspect majestueux. Elle fut reconstruite, à la fin du XIV° siècle, par Charles III le Noble, roi de Navarre, sur les fondements d'une ancienne qui datait du XII° siècle et dont il reste encore quelques parties. La façade, en style gréco-romain, est beaucoup plus moderne que le reste de l'édifice, et compte, parmi ses traits les plus caractéristiques, deux tours de forme élégante et un beau portique orné de douze gigantesques colonnes de l'ordre corinthien. A l'intérieur, on admire avec raison le tombeau en albâtre de Charles le Noble et de son épouse Léonore de Castille, orné de leurs statues jacentes, les stalles du chœur en bois de chêne richement sculpté, et nombre d'autres œuvres artistiques.

D'autres monuments, tels que le Palais de la Députation provinciale, celui des Archives de Navarre, l'Hôtel de Ville, le Museo de Sasarate, la Chambre des Comptes, etc. …, sont aussi de belles œuvres d'architecture.

Pour s'approvisionner d'eau potable, la ville est allée capter des sources abondantes situées â 15 Km. au sud, sur les flancs du mont Francoa. Elles lui sont amenées par un aqueduc, qui traverse la vallée de Noain sur un pont gigantesque de 97 arches, dont quelques unes ont plus de 20 mètres de haut.

La ville est entourée de fortifications et défendue au S.O. par une citadelle pentagonale, à l'assaut de laquelle fut blessé, en 1521, Ignace de Loyola, le futur fondateur de la Compagnie de Jésus ; et sur le mont San Cristobal, une des hauteurs voisines, on a construit récemment le fort Alphonse XII, un des plus puissants ouvrages de défense qu'il y ait, dit-on, en Espagne.

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Ainsi, aux points de vue militaire, économique, intellectuel et religieux, comme aux points de vue historique et politique, Pamplona est le centre, et pour ainsi dire le cœur de toute la région navarraise, une des plus riches en bonnes vocations religieuses du Royaume Très Catholique.

Pour ce motif, nos Supérieurs, des les premiers temps de l'établissement de l'Institut dans la Péninsule, avaient senti la nécessité d'avoir dans cette capitale une école qui servirait de pied-à-terre aux Frères qui, de temps à autre, allaient faire une visite dans le pays à la recherche de bonnes recrues pour le juvénat et le noviciat de la naissante province d'Espagne ; et à diverses reprises, à partir de 1897, on avait essayé de s'y implanter ; mais deux grandes difficultés avaient rendu vaines toutes ces tentatives. D'un côté, en effet, malgré bien des recherches, on ne réussissait pas à trouver un local propice ; et d'autre part, à l'Evêché, dans la crainte de trop multiplier les Communautés religieuses, déjà fort nombreuses dans le diocèse, et de voir s'établir une rivalité peu désirable entre les nouvelles et celles qui s'y trouvaient déjà, on se montrait peu disposé à donner l'autorisation nécessaire.

Mais la divine Providence, qui voulait cette fondation, se chargea heureusement de tout arranger. Depuis deux ans, des protestants étrangers avaient ouvert dans la ville une académie de langues qui, à la vérité, n'avait pas obtenu grand succès ; mais qui pouvait à la longue exercer une pernicieuse influence sur les faibles. Un des Conseillers de Monseigneur l'Evêque, le R. P. Gil, avait été Provincial des Augustins aux Philippines et qui était très au courant de la tactique ordinaire des protestants pour s'infiltrer dans les milieux catholiques, n'avait pas tardé se rendre compte du danger. Dès qu'il eut connu le projet des Frères, il y vit tout de suite un moyen efficace d'éteindre à sa naissance ce foyer d'hérésie, et, grâce a sa bienveillante intervention, secondée par celle d'un autre homme de bien de la ville, appelé D. Mariano Rubio, Monseigneur nous accorda enfin l'autorisation désirée d'établir dans la ville une Académie pour l'enseignement du Commerce et des Langues.

Ce premier point résolu, on s'occupa immédiatement de la question du local et l'on réussit également à y trouver Une solution qui sans être l'idéal, donnait du moins la possibilité de commencer l'œuvre. C'était l'essentiel, en attendant que les circonstances permissent de lui substituer, comme on espérait, quelque chose de mieux.

Au prix de 55 pesetas par mois, on loua donc, au 1ier étage de la rue Navarreria, N° 21, une habitation qui contenait une quinzaine de pièces en assez bon état, mais toutes fort petites et peu propres à servir de classes. Il est vrai que dans les débuts il ne serait pas nécessaire d'en avoir de bien grandes.

C'est le 15 mai 1903, que trois Frères, sous la conduite du Frère Théodore-Joseph, alors Visiteur pour l'Espagne, vinrent s'y installer, au milieu d'un dénuement qu'on ne peut guère bien comparer qu'à celui de Nazareth ou de La Valla ; et, le 1ier juin de la même année, après avoir obtenu l'autorisation du Gouverneur Civil, on ouvrit les cours avec 2 élèves et 8 leçons particulières.

A la retraite, le Frère Basilice fut nommé Directeur ; mais il y resta peu de temps. Il partit pour la France et fut remplacé par le Frère Mélasius. Les enfants, lorsque se rouvrirent les classes, étaient au nombre d'une douzaine. Durant le cours de l'année scolaire, ce chiffre tripla, et, au mois de janvier, la fermeture de l'académie protestante dont nous avons parlé plus haut augmenta un peu le nombre des leçons particulières ; malgré tout, l'établissement restait petit, et se débattait péniblement au milieu des épreuves.

La mort lui enleva son protecteur dévoué, le R. P. Mariano Gil, qui avait tant fait pour aplanir les obstacles rencontrés par sa fondation et qui avait témoigné aux. Frères, depuis leur arrivée, tant d'attachement et de bienveillance. D'autre part, Mme la marquise de Rosalejo, propriétaire de la maison, ne voulut absolument pas y laisser plus longtemps les Frères, sous prétexte que les enfants faisaient trop de tapage, que cela dérangeait les, voisins, et il ne fallut pas moins de deux mois de recherches et de négociations pour en trouver une autre qui pût à peu près la remplacer.

Cette dernière, située rue Eslava, N° 1, appartenait à D. Joaquin Garjon. Les classes furent installées au rez-de-chaussée. tandis que les appartements des Frères étaient au troisième étage. Il n'y avait pas assez de large pour permettre à l'établissement de se développer beaucoup, mais en attendant elle pouvait suffire.

On y demeura deux ans, pendant lesquels le Collège commença à se faire connaître avantageusement et à gagner la confiance des familles. En dépit de quelques accidents plus ou moins fâcheux qui vinrent mettre à l'épreuve le courage des Frères, le nombre des élèves monta à plus de 80, sans compter les leçons particulières ; et deux d'entre eux, épris de la vie de zèle et de dévouement dont ils voyaient l'exemple en leurs maîtres, allèrent demander une place au juvénat de Burgos.

Le 15 avril 1906, le Collège se transporta Paseo de Valencia N° 15, dans une maison très convenable pour la destination qu'on avait en vue ; car elle avait été bâtie à neuf, douze ans auparavant, pour une fin toute pareille et avait abrité quelques années un collège de plus de 200 externes et une trentaine d'internes. Il est vrai qu'on n'en avait loué qu'une partie ; mais l'amélioration n'était pas moins très notable. Aussi fut-elle appréciée des familles, qui témoignèrent leur satisfaction en envoyant leurs enfants en plus grand nombre. Le Collège, où régnaient la piété et le bon esprit, avait définitivement conquis une place accréditée parmi les maisons d'éducation de la ville. Aux classes d'enseignement primaire et commercial, on venait d'ajouter les premières de l'enseignement secondaire, dont les élèves, à la clôture des cours obtinrent d'excellentes notes. Tout concourait donc à faire concevoir de belles espérances pour l'avenir de l'établissement, lorsqu'un fait imprévu vint mettre en question son existence elle-même.

La maison où il se trouvait installé fut vendue, et la nouvelle propriétaire, Mme Jeanne Almandoz, veuve Aroza, se refusa absolument, malgré les influences amies qui s'efforcèrent de la faire changer de résolution, à continuer le bail qui en assurait la jouissance au Collège.

Or, outre que les maisons capables de se prêter à l'installation d'une pareille œuvre sont extrêmement rares à Pamplona, les loyers y sont à des prix disproportionnés avec les modestes ressources de l'établissement. Au grand regret des familles qui lui avaient confié leurs enfants, on se voyait donc à la veille l'être obligé de le fermer.

Par bonheur la secourable Providence intervint, au moment critique, pour épargner à la communauté le crève-cœur d'en venir à cette mesure désespérée. Sous son inspiration, des personnes généreuses, parmi lesquelles la reconnaissance nous fait un devoir de citer tout particulièrement D. Eugenio Arraiz et Don Juan Ortola, n'hésitèrent pas à s'imposer de lourds sacrifices pour la conservation d'une œuvre dont elles connaissaient les chrétiennes aspirations et les heureux fruits, et, non sans peine, elles y réussirent.

On avait d'abord songé à construire de toutes pièces un bâtiment ad hoc, où le collège pourrait vivre et se développer sans crainte de l'avenir. Ce projet ne put être réalisé ; mais, après beaucoup de perquisitions et de démarches, on trouva une autre solution qui donnait, pour quelques années au moins, des garanties à peu près équivalentes.

Sur la rue Yanguas y Miranda, une maison à quatre étages de 14 mètres de façade sur 27 de profondeur était disponible, et, moyennant quelques transformations d'intérieur assez peu coûteuses elle pouvait fort bien s'adapter à la destination projetée. On la prit à bail pour 8 ans, au prix de 4.500 pesetas par an.

Les classes purent s'y ouvrir au mois de septembre 1908, et, au mois de mai suivant, le collège comptait 175 élèves, dont 140 pour l'enseignement primaire et 35 pour l'enseignement secondaire ; et, comme l'année précédente, les examens de fin d'année furent très bons. Le succès, par la grâce de Dieu, dépassait les espérances.

En septembre 1909, les élèves de la 4ième année de l'enseignement secondaire se présentèrent pour commencer la cinquième, avec un nombre égal de camarades qu'ils avaient recrutés, ce qui fut pour les Frères un sujet de grande consolation ; malheureusement, faute de professeurs pour la faire, cette cinquième année dut être supprimée, au grand regret de ces braves enfants, et, si possible, au regret plus grand encore des Frères, qui perdaient en eux leurs élèves les plus intelligents, les plus appliqués et les plus attachés au Collège. Par suite d'un concours malheureux de plusieurs autres circonstances, quelques élèves de l'enseignement primaire furent aussi empêchés de venir de sorte qu'en cette année scolaire 1909-1910 il y eut dans le nombre des élèves une baisse assez prononcée sur celui de l'année précédente, qui, il est vrai, avait été exceptionnel. Cette baisse ne fut d'ailleurs que momentanée, et, dès l'année suivante, le chiffre des inscriptions atteignit de nouveau, ou peu s'en fallut, son point culminant.

Depuis longtemps, les Frères de la Communauté désiraient ardemment avoir à la maison une chapelle, avec la présence habituelle de Jésus-Hostie, lumière, force, consolation et espérance des âmes. Cette joie leur fut donnée au mois de mars 1911. Au troisième étage de la maison, au dessus des classes de l'enseignement secondaire ; entre la chambre du Frère Directeur et la salle d'études des Frères, un appartement qu'on avait pu rendre libre fut disposé le mieux possible en vue de cette sainte destination, et, le jour de l'Annonciation de la Très Sainte Vierge, l'inauguration en fut faite, à la grande satisfaction des maîtres et des élèves, par M le Curé de la paroisse, que Mgr l'Evêque avait bien voulu déléguer à cet effet.

Ce fut une belle et touchante cérémonie. Les enfants, qui avaient répondu avec un généreux enthousiasme à l'invitation qui leur avait été faite de participer, au moyen d'une petite cotisation, à l'achat des ornements et des vases sacrés, voulurent pour la plupart sanctifier par une communion fervente ce jour mémorable dans les annales de leur cher Collège, et beaucoup de leurs parents se firent un bonheur de les accompagner. De beaux chants furent exécutés, et l'ensemble de la fête laissa tous un doux et pieux souvenir. Il en fut de même de la bénédiction d'une belle image de Marie Immaculée, patronne de la chapelle, et de la première communion d'un des élèves, qui eurent lieu peu de temps après.

Depuis lors, le Divin Maître, prisonnier d'amour dans son Tabernacle, est le centre de la vie religieuse de la Maison et il n'y a pas à douter que ce soit à sa bénédiction toute spéciale qu'est due la prospérité surprenante du Collège en ces dernières années.

On aurait peine, sans doute, à trouver dans toute l'Espagne quatre centres urbains qui, eu égard à leur population, possèdent autant et de si bonnes écoles que Pamplona ; c'est pourquoi des hommes d'expérience et par ailleurs bien intentionnés regardèrent longtemps comme téméraire la tentative d'en ouvrir une nouvelle, pensant, non sans raison apparente, qu'elle ne pourrait tout au plus que vivoter misérablement, sans espoir probable de jamais se faire jour parmi tant de rivales accréditées, qui la tiendraient comme étouffée sous leur ombre.

Et cependant ces prévisions, toutes fondées qu'elles paraissaient être aux yeux de la prudence humaine, ont été heureusement trompées. Malgré les conditions pénibles de ses débuts, la chétive plantule de 1903 a réussi, dans un nombre d'années relativement court, à percer l'ombre qui l'étiolait, à conquérir pacifiquement sa bonne part d'air et de soleil, et à se faire une place honorée. parmi les autres centres enseignants de la ville. Les deux élèves avec lesquels elle commença se sont multipliés d'année en année jusqu'à devenir 248 au mois d'août dernier ; et ceux qui l'ont quittée pour aller prendre leur place dans la mêlée de la vie sociale, lui font honneur, grâce à Dieu, par la dignité de leur conduite en même temps qu'ils lui conservent un fidèle et reconnaissant souvenir.

Quoi de plus juste, donc, que de faire hommage d'un résultat si disproportionné avec les moyens qu'on pouvait mettre en œuvre à la bénédiction spéciale de l'Hôte divin qui, du fond silencieux de son Tabernacle, anime et féconde par sa grâce la grande œuvre qui se poursuit en commun dans la maison, donnant aux maîtres, dans la mesure où ils savent recourir à Lui, le courage qui soutient, l'intelligence qui éclaire, la chaleur qui persuade, le dévouement qui triomphe de tout ; et aux enfants, la facilité de comprendre, la docilité à suivre la direction qui leur est tracée, et la bonne volonté pour faire généreusement les efforts nécessaires.

Sans cette grâce, quels que soient les moyens humains dont on peut disposer, il ne se fait rien, en éducation, d'effectif, ni surtout de durable, mais avec elle, il n'est rien qu'on ne puisse espérer.

Afin que le sympathique Collège de Pamplona persévère et progresse de plus en plus, comme sûrement nous le lui souhaitons tous, dans la voie prospère où nous le voyons si heureusement engagé, nous ne saurions donc rien faire de mieux, chers lecteurs du Bulletin, que de prier d'abord pour que la dévotion à Jésus-Hostie s'y maintienne et s'y accroisse encore, ainsi que dans tons les autres auxquels nous nous intéressons. Tant qu'elle en sera, avec la dévotion à Marie Immaculée, le principe inspirateur et pour ainsi dire l'âme vivante, nous avons toute raison d'espérer que le reste lui viendra par surcroît.

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