Colombie
05/Oct/2010
Un coup d'œil d'ensemble. — Les peuples heureux n'ont, dit-on, pas d'histoire. C'est aujourd'hui le cas de la Colombie, où nos tranquilles communautés jouissent d'une paix d'autant plus appréciée que les anciens se souviennent des mauvais jours d'autrefois.
Là, comme ailleurs, il y a eu des temps héroïques à traverser. La Province a été fondée sur la tombe de son premier Directeur, qui mourut, à son arrivée, des suites des fatigues du voyage. Elle a connu dix ans après les innombrables difficultés de la guerre civile des Mille jours, qui la priva presque de tous moyens d'existence, sans parvenir à décourager ses aînés. Mais grâce au Sacré Cœur à qui elle s'est consacrée officiellement, une période tranquille déjà longue vient de se dérouler pour la chrétienne nation de Colombie. De là, un changement notable dans l'état économique et tout à l'avantage de la prospérité du pays, si troublé jusque là.
Voies de communication. — Nos premiers Frères n'arrivèrent à pied d'œuvre qu'après d'interminables et fatigants voyages. Il fallait inévitablement, une fois parvenu au port de Buenaventura, franchir la Cordillère occidentale qui sépare la mer de la plaine du Cauca, où ils se rendaient. Vu l'altitude et le manque de bonnes routes, c'était une affaire bien plus compliquée que de passer les Alpes par le Grand Saint Bernard.
Plusieurs postes devaient employer une bonne partie de leurs vacances pour s'assurer le bienfait de la retraite ! Deux semaines à cheval, pour se rendre à l'Etablissement central de Popayán, autant pour le retour, par des sentiers muletiers, c'était pittoresque, sans doute, coupé d'aventures imprévues, mais ce n'était guère pratique. Une simple petite promenade de Pasto à Tuquerres, qui se touchent presque sur la carte, exige la descente d'une vallée de 2.000 mètres pour remonter à 3.200, avec toute la gamme des températures, depuis la chaleur torride jusqu'à une fraîcheur glaciale.
Mais tout ce vieil état de choses s'envole comme un rêve. Routes, ponts, chemins de fer, tunnels, autos, exploitation de mines, lignes d'aviation excitent toutes les activités.
Du port de Buenaventura, en train de devenir un port moderne, avec ses quais, ses phares, ses brise-lames s'avance un chemin de fer qui réunit de nombreuses villes. En premier lieu vient Cali, dont la population dépasse 130.000 âmes, avec ses beaux parcs, ses rues asphaltées, ses palais, ses avenues, ses fabriques. C'est la ville qui s'est le plus développée et qui, sans tarder, sera une grande cité.
C'est bien autrement que la trouvèrent les premiers Frères, qui durent franchir les hautes montagnes qui la séparent du port, par un sentier impraticable, sur une mauvaise monture, sous les rayons d'un soleil de feu et au prix d'indicibles privations, que le regretté Frère Angelo paya de sa vie.
De Cali, où la voie bifurque, un embranchement se dirige vers le sud et atteint Popayán, en attendant que, sous peu, il arrive jusqu'à Pasto.
Voilà donc toute cette région à un jour de la mer, au lieu de huit, qu'on employait autrefois.
Vers le nord, la voie ferrée longe une interminable plaine, où le Cauca majestueux, est parcouru par de nombreux bateaux à vapeur. Un de ses embranchements se dirige, par Ibagué, vers la capitale Bogota, qu'il atteindra bientôt, quand auront été achevés les travaux considérables qui assureront la percée de la Cordillère centrale.
Ajoutons que l'aviation et les autos achèvent de réunir les diverses localités que séparaient jusque là le triple cloisonnement des trois Cordillères parallèles, aux cols espacés et presque partout infranchissables. Des services journaliers d'hydravions relient la capitale aux deux océans et aux villes intermédiaires.
La Colombie actuelle. — Au total, on ne peut que se réjouir de voir cette vaste et chrétienne région prendre une place importante dans le mouvement général du monde.
Sa superficie, dans des limites désormais bien fixées par des accords diplomatiques avec ses voisins, couvre 1.200.000 Kilomètres carrés, soit autant que l'Angleterre, la France et l'Italie ensemble.
Sa population n'est encore que de 8 millions et demi d'habitants. Elle a à peu près doublé depuis que nos Frères y sont allés en 1889, et son territoire peut, dans la suite des temps, en nourrir dix fois plus.
Pour le moment, elle occupe donc le troisième rang parmi les républiques sud-américaines et ses ressources naturelles sont remarquables. Le sous-sol offre de l'or, du platine et du pétrole et le sol, abondamment arrosé se prête, vu ses différentes altitudes, à toutes sortes de cultures.
L'enseignement de ce pays bien chrétien fait une large part aux Congrégations enseignantes. Les Frères des Eudes chrétiennes y dirigent 32 établissements et notre Institut une vingtaine.
Pasto. — La seule région qui possède de nos écoles est, vers le sud-est, la haute vallée du Cauca. C'est même tout à fait au sud qu'est le groupe le plus nombreux, au milieu duquel Pasto brille comme une étoile de première grandeur.
Il serait un peu long et surtout monotone de passer en revue tous ces établissements. Mieux vaut donc s'arrêter à un seul, celui précisément de Pasto, dont le Bulletin a la bonne fortune de pouvoir montrer la photographie.
La ville de Pasto est le chef lieu d'un département, celui du Nariño. Elle est située à 2.600 mètres d'altitude, ce qui corrige sa situation près de l'équateur et lui donne un climat tempéré. Elle est assise au fond d'une vaste cuvette, dont les bords sont formés par de hantes montagnes, d'environ 4.000 mètres. Plusieurs d'entre elles sont des volcans, entrant de loin en loin en activité.
De nombreux villages d'Indiens l'entourent à distance, et non loin, à l'est, deux de nos écoles : celles de Sibundoy et de Santiago du Putumayo, sont en plein territoire des missions indiennes, où sauf les Missionnaires, à peu près tous les habitants sont indigènes.
L'ensemble des six écoles de Pasto et des environs atteint presque 2.000 élèves.
L'école de Pasto, fondée il y a 38 ans et qui a compté dans les débuts 800 élèves s'est transformée en un établissement d'enseignement secondaire, moins populeux, mais d'une influence plus durable, vu la clientèle qu'il reçoit.
Actuellement le Collège de l'Immaculée est le meilleur établissement que nous possédions au sud de la Colombie.
L'édifice a trois étages. Il a été construit sous la direction du C. F. Théodore-Joseph, alors Provincial, sur un assez vaste terrain qui nous fut donné à cette intention par un généreux bienfaiteur, Monsieur Nestor Villota. Pourvu, petit à petit, d'une belle chapelle et de toutes les installations d'un collège moderne, il a été doté ces derniers temps par la Municipalité d'un terrain de jeux et sports, qu'on a baptisé Stadium Champagnat, et qui a été muni de tout le nécessaire par divers bienfaiteurs.
Le Collège est « équiparé » c'est-à-dire qu'il délivre le baccalauréat à la fin de leurs études, à ceux de ses élèves qui le méritent. Déjà plus de 70 d'entre eux, pourvus de ce diplôme, ont pu entrer dans diverses Universités où ils ont fait honneur à leurs maîtres.
Comme dans tous les établissements où la direction religieuse a le zèle des âmes, des associations qui groupent l'élite des élèves pour les pousser au bien, fonctionnent au Collège de l'Immaculée, pour les grands élèves comme pour les plus jeunes, et, de la sorte, le bien s'y fait sous toutes ses formes.
Une population scolaire d'environ 450 élèves se presse dans ses murs, dont un certain nombre d'internes.
C'est un résultat consolant pour les survivants de la première heure, dont les sueurs ont créé aux pieds des Andes ce magnifique centre d'enseignement chrétien.