Congrès Euch. à Sydney
FF. Kevin et Alphonsus
21/Oct/2010
Au printemps de 1953, Sydney était le théâtre d'une série de démonstrations imposantes en l'honneur de Notre-Seigneur dans le sacrement de son amour. Du 12 au 19 avril, en effet, se tenait dans la grande ville australienne, un Congrès eucharistique national qui allait être le plus important événement religieux en Australie.
Un triple but avait présidé à l'organisation de ce Congrès : commémorer le 150ième anniversaire de la proclamation de l'acte autorisant en Australie la célébration publique de la Sainte Messe ; marquer le 25ième anniversaire de l'établissement dans le pays de la Société du Saint-Nom-de-Jésus (Holy Name Society) ; souligner également le 25fc anniversaire du Congrès eucharistique international tenu à Sydney en 1928.
Bref rappel historique. — En janvier 1788, un établissement pénal était fondé en Australie et l'arrivée d'un convoi de 1.030 personnes comprenant le personnel militaire et pour le plus grand nombre, des condamnés politiques, en marquait l'inauguration. Parmi ces derniers, se trouvaient un certain nombre de catholiques. Un seul ministre anglican avait été envoyé pour subvenir aux besoins spirituels de tout ce groupe, et si pauvre était l'assistance qu'il recevait des autorités officielles dans son difficile ministère que, quatre ans après son arrivée, il n'avait pas encore d'église. Il érigea alors à ses frais une chapelle temporaire. Quelques prêtres catholiques s'étaient bien offerts pour accompagner ce premier contingent, sans rien demander pour leur subsistance, dans le seul but d'être utiles aux prisonniers catholiques, mais le ministre, Lord Melville, n'avait pas accepté leur offre.
L'arrivée de nouveaux prisonniers, dans les douze ans qui suivirent, augmenta considérablement dans la colonie le nombre des catholiques, Irlandais pour la plupart. Parmi ceux qui furent déportés après la rébellion irlandaise de 1798, il y avait trois prêtres. Mais ils ne furent pas autorisés à exercer publiquement leur ministère, bien qu'ils le fissent sans doute en secret. L'abbé O'Neil ayant été relâché et l'abbé Harold étant exilé dans l'île de Norfolk, l'abbé Dixon restait seul à Sydney en 1803. Ce dernier s'était comporté avec tant de prudente circonspection que le Gouverneur King demanda qu'il fût gracié. Lord Hobart refusa, mais suggéra qu'une émancipation conditionnelle lui soit accordée avec le droit de remplir les fonctions d'un membre du clergé. C'est à la suite de cette suggestion que le Gouverneur King rendit officielle sa proclamation, le 19 avril 1803, et l'abbé Dixon put commencer à dire la messe publiquement pour les déportés et les colons.
Le saint sacrifice avait été très probablement célébré publiquement avant cette date, car il y avait deux prêtres dans l'expédition française de La Pérouse qui arrivait à Botany Bay six jours après la flotte anglaise. L'un d'eux, l'abbé Receveur, fut enterré à cet endroit de la baie. Il y avait aussi un aumônier avec les vaisseaux espagnols qui firent halte à Sydney pendant un mois en 1793. Néanmoins, il reste vrai que la proclamation du Gouverneur fut la première reconnaissance officielle de l'Eglise catholique en Australie. L'horaire du Congrès avait été établi de telle façon que la procession finale coïncidât exactement avec cet anniversaire.
Personnalités assistant au Congrès. — Bien qu'il ne fût que national, ce Congrès illustrait bien le caractère universel de l'Eglise. En effet, l'Eglise d'Asie y était représentée par son Eminence le Cardinal Gracias, Archevêque de Bombay et deux Evêques Hindous, tandis que Son Eminence le Cardinal Agagianian, Patriarche des Arméniens, représentait les Bites Orientaux. Leurs Excellences Mgr McQuaid, Archevêque de Dublin, Mgr Heenan, Evêque de Leeds (Angleterre), et Mgr O'Hara, Archevêque de Philadelphie, conduisaient des délégations d'Europe et d'Amérique. En outre, on remarquait l'Episcopat de la Nouvelle-Zélande au complet et les Evêques missionnaires de Nouvelle-Guinée, des Iles Salomon et des Fidji.
Notre établissement de St. Joseph's Collège eut l'honneur de recevoir la visite des Cardinaux Gracias et Agagianian qui, tous deux, dirent la messe au Collège.
On remarquait, parmi les principaux organisateurs de ce Congrès, plusieurs anciens élèves de nos écoles. Le plus important était sans contredit le Légat Pontifical, Son Eminence le Cardinal Gilroy, Archevêque de Sydney. Cinq des Evêques australiens sont également de nos anciens élèves. Le Président et le Vice-Président du Comité des laïques étaient deux anciens de Darlinghurst : Sir Edward McTiernan, Juge en Chef de la Cour Suprême d’Australie, et le Docteur Nowlan. Un autre ancien de Darlinghurst, M.P.D. Hills, Maire de Sydney, présidait aux réceptions officielles données à l'Hôtel de Ville.
Ouverture du Congrès et ses manifestations. — Après un triduum préparatoire, le Congrès fut solennellement ouvert à la Cathédrale Sainte Marie, le dimanche soir, 12 avril. Depuis cette cérémonie jusqu'à la fin du Congrès, la Cathédrale et les principales églises paroissiales de la ville furent illuminées chaque soir. Le lundi, le thème du Congrès : l'Eucharistie et la charité chrétienne était diffusé par les journaux, la T.S.F. et les cinémas, tandis que des prêtres des différents ordres religieux prêchaient au moyen de haut-parleurs, aux endroits les plus favorables de la ville. Le lendemain, il y eut réception officielle des dignitaires du Congrès, par la ville et par l'Etat. Entre temps, plusieurs sociétés catholiques tinrent des réunions et plus de 8.000 hommes de la Société du Saint-Nom-de-Jésus remplissaient la Cathédrale pour entendre la sainte Messe et faire la Sainte Communion à la fin de leur journée de travail.
La semaine entière comportait un programme bien rempli de cérémonies eucharistiques, de réunions et conférences publiques à la Cathédrale, à l'Hôtel de Ville, à l'Université et ailleurs. Le thème du Congrès sur la charité chrétienne était constamment rappelé à l'attention du public et tout spécialement à l'Université lors du banquet sur l'Est, l'ouest et l'avenir de l'Australie et du Congrès tenu à l'Hôtel de Ville sur La Charité dans la vie industrielle.
Une petite minorité de protestants montrèrent leur manque de cette vertu chrétienne par leurs attaques verbales et dans les journaux. Leurs protestations amenèrent Son Excellence Mgr Heenan à faire ce commentaire : « Ils craignent que les catholiques consacrent l'Australie à la Sainte Vierge. Dieu le Père a bien confié son Fils à la Vierge Marie, et si nous, les catholiques, nous confions les citoyens de l'Australie aux mains de Marie, je ne crois pas que nous leur fassions aucun mal. »
Parmi les démonstrations les plus remarquables, il faut citer les deux, qui se déroulèrent au terrain de l'exposition.
Le premier soir, dit soir des Citoyens, la manifestation se terminait par un gigantesque tableau vivant constitué par 9.000 écolières catholiques formant Je dessin d'un immense calice surmonté de la blanche hostie, avec la Croix comme arrière-plan. Pendant la bénédiction du Saint Sacrement, on éteignit les lumières et l'immense arène n'était plus éclairée que par les 9.000 points lumineux produits par les lanternes électriques tenues par les élèves. L'effet produit était tel que toute l'assistance en retenait son souffle et, malgré la solennité du moment, la foule éclata en vibrantes acclamations. Une scène similaire se reproduisit deux soirs plus tard quand 25.000 bougies brillèrent dans l'obscurité de l'Aréna, au moment où 25.000 hommes de la Société du Saint-Nom consacraient leur vie d'homme au Dieu de l'Eucharistie.
Cérémonies pour les religieux. — Il y eut également des cérémonies spécialement pour les religieux : une Grand' Messe solennelle et une série de conférences. A la Grand' Messe, Son Excellence Mgr Liston, d'Auckland, Nouvelle-Zélande, souligna le grand don de la vocation religieuse et l'importance de notre apostolat. Il s'exprima ainsi :
« La prière, le silence, le renoncement, l'obéissance, l'éducation du cœur et de l'esprit, la sainteté des vœux sont la préparation à l'apostolat ; mais l'épanouissement de tout cela c'est lorsque votre vie se transforme en œuvres de charité spirituelles et temporelles, au service du prochain, par amour de Dieu… »
« Ce n'est pas une chose facile que votre formation à l'apostolat de l'action. Vous devez appartenir entièrement au bon Dieu, mais vous dépenser dans le monde, au service du prochain, pour le connaître, le comprendre et l'aimer… »
Le principal conférencier fut Son Excellence Mgr Mac-Mahon, de Perth, Australie Occidentale, auteur de plusieurs ouvrages sur la Liturgie et l'éducation chrétienne. Son sujet était : Comment enseigner la Messe aux enfants.
« Si nous n'arrivons pas à apprendre aux enfants à apprécier la Sainte Messe, dit-il, nous manquons notre but. Le missel doit faire de nous des saints, mais nous avons besoin de quelqu'un pour nous apprendre, sous les mots, son riche contenu. »
La procession finale et les élèves des Frères. — Le point culminant du Congrès fut bien le défilé final de 25.000 personnes dans la procession eucharistique, le dimanche après-midi, et qui se déroula depuis l'église St. Patrick — paroisse où nos Frères ouvrirent leur première école en 1872 — la plus ancienne église en Australie, jusqu'à la Cathédrale. Une foule estimée à 750.000 personnes était massée sur le parcours. Un détachement de la police motorisée ouvrait la procession ; puis venaient les enfants de chœur de St. Joseph's Collège, portant la croix. Suivaient les fidèles, hommes et femmes, groupés suivant leurs associations : la Société du Saint-Nom, les enfants de Marie, les gardes-malades, l'organisation de la Jeunesse Catholique et bien d'autres trop nombreux pour être mentionnés. Puis, c'étaient les enfants des écoles de Sydney, où les nôtres étaient représentés par un groupe de 288 élèves de nos écoles secondaires. Les Sœurs et les Frères marchaient ensuite. De toutes les Congrégations religieuses représentées, les Frères Maristes avaient le plus fort contingent. Et à titre de première Congrégation enseignante arrivée en Australie, nous marchions les derniers de ce groupe. Derrière nous venaient les étudiants des séminaires, les religieux prêtres, les prêtres séculiers revêtus des ornements sacerdotaux et finalement Son Eminence le Légat Pontifical, portant l'ostensoir et assisté par les Chevaliers du Pape et les membres de la Hiérarchie. Un message personnel du Saint-Père fut radiodiffusé à la fin de la bénédiction : bien digne couronnement de cette démonstration mémorable de foi envers la Sainte Eucharistie.
L'Exposition missionnaire et les juvénistes des îles Salomon. — Une Exposition missionnaire organisée par Son Excellence Mgr Wade, S. M. Vicaire Apostolique des Salomon du Nord était ouverte au public pendant le Congrès et attirait l'attention sur le travail des Missions en Océanie. A cette occasion, on soulignait le fait que le C. F. Alphonsus Mary, de Suva, Fidji — venu en Australie cette année — qui a revêtu le saint habit il y a 70 ans, avait été le premier missionnaire australien à s'expatrier comme missionnaire. Il y a 65 ans, en effet, il quittait Sydney pour aller travailler avec les indigènes de Samoa et des Fidji. La présence de dix juvénistes indigènes des Salomon, élèves de nos Frères, à Tenaru, Salomon du Sud, du Vicariat de Son Excellence Mgr Aubin, S. M., et de Kieta, Salomon du Nord. du Vicariat de Son Excellence Mgr Wade, S. M., donnait un intérêt tout spécial à l'Exposition. Ces jeunes gens étudient présentement avec les juvénistes australiens à Lavalla (Bowral) et à l'Hermitage (Mittagong). Ils eurent à répondre au public qui visitait l'Exposition. Ils s'acquittèrent très bien de leur rôle, expliquant le magnifique travail des Frères dans leurs îles et disant leur désir de devenir Frères Maristes à leur tour afin de pouvoir enseigner plus tard à leurs compatriotes, suivant le désir du Saint-Père.
D'après les FF. Kevin et Alphonsus.