Départ des Frères de Uruapen

11/Sep/2010

En lisant dans le dernier numéro du Bulletin que le collège des Sacrés-Cœurs, à Uruapan, à cause de la révolution, avait dû fermer ses portes, on se sera sans doute demandé par quelle suite de circonstances il avait été réduit à cette dure extrémité. Nous sommes en mesure, aujourd'hui, grâce à plusieurs lettres venues de Mexico, de satisfaire à une curiosité si légitime, et nous allons le faire de notre mieux; mais nous croyons utile auparavant de dire Un mot de ce qu'était ce bel établissement.

Uruapan, que son heureux climat et la beauté pittoresque de ses environs ont fait surnommer le ‘’Paradis du Michoacán1’’, est une petite ville de 18.000 habitants située dans une magnifique vallée sur le talas méridional du plateau de l'Anahuac. Centre d'une industrie et d'un commerce assez importants, elle est reliée à Mexico par une voie ferrée, qui passe en même temps par Morelia et Toluca, capitales respectives des Etats de Michoacán et de Mexico.

En 1902, quelques familles qui s'intéressaient beaucoup à l'éducation chrétienne de leurs enfants, ayant entendu parler du bien que faisaient nos Frères à Zamora, où depuis deux ans ils. avaient ouvert une école, prièrent Mgr. Fernandez, évêque auxiliaire de cette ville, de se faire leur intercesseur auprès du Frère Provincial, en vue d'obtenir pour Uruapan un semblable avantage. Sous cet honorable patronage, leur demande fut agréée et. le collège, à la grande satisfaction des familles, put s'ouvrir au mois de mai 1903 avec ses deux sections de payants et de gratuits. Le local primitif étant trop exigu pour permettre à l'œuvre de se développer, il fut remplace bientôt après, grâce de' bienveillantes interventions, par un plus vaste, où elle se trouvait dans d'excellentes conditions; et à partir de ce moment le nombre des élèves s'accrut rapidement jusqu'à arriver au chiffre de 250, oh il s'est à peu près maintenu.

Depuis dix ans, il faisait ainsi le bien, au milieu d'une population sympathique et généralement très dévouée aux Frères, lorsque la révolution est venue l'obliger à interrompre sa tache pour un temps qui, nous aimons à l'espérer, ne sera pas très long.

Une première fois, du á au 6 juin derniers, des bandes rebelles venues des Etats de Morelos et de Guerrero s'étaient emparées d'Uruapan, qu'ils avaient pillée et rançonnée; mais, à l'arrivée d'un train militaire chargé de troupes gouvernementales, ils avaient du abandonner la place, après avoir perdu 250 des leurs, morts ou blessés; mais ils promirent de revenir et de se venger.

Les classes du collège, interrompues pendant quelques jours, purent reprendre; mais naturellement le nombre des élèves avait beaucoup diminué, un grand nombre de familles ayant été chercher leur sécurité en quelque endroit plus tranquille. Mais les rebelles, défaits une première fois, n'avaient pas oublié leur promesse de revenir. Le 21 du même mois, une autre bande représenta devant la ville et, après avoir éprouvé un premier échec d'avant-garde, réussit à prendre de nouveau la place, que sa: trop faible garnison n'avait pu défendre. Ils avaient mis le feu aux quatre coins de la ville ; heureusement une forte pluie qui se mit à tomber empêcha la propagation de l'incendie. L'arrivée d'un train militaire chargé de troupes fédérales fit naître une lueur d'espoir ; mais elle ne fut pas de longue durée. Après une rencontre avec les rebelles, ce détachement dut battre en retraite et abandonner la position, emmenant avec lui tous les employés du gouvernement. Ce fut alors un sauve qui peut général. Chacun voulait partir sons la protection de la troupe, ne sachant s'il le pourrait plus tard.

Qu'allaient faire les Frères? Il ne leur restait qu'une vingtaine d'élèves; le prix des choses les plus nécessaires montait à des chiffres exorbitants; le danger semblait être grave. Sur le conseil des personnes qu'ils crurent les plus à même de bien connaitre la situation, ils prirent le parti de congédier les quelques enfants qui étaient encore sous leur garde et de partir pour Mexico, après avoir confié la garde de la maison à un locataire qui leur servait de jardinier.

Il était temps, si l'on ne voulait pas manquer l'occasion; car le train qui allait partir escorté par la troupe était littéralement assiégé, et, selon toute probabilité, de longtemps il n'y en aurait pas d'autre. A grand peine, les Frères réussirent à y trouver place, et bientôt ils étaient en route; mais les pays à traverser étaient escortés de rebelles, qui, en maints endroits, avaient coupé la voie et fait sauter les ponts, de sorte qu'il fallait s'arrêter parfois des demi-journées pour attendre l'exécution de travaux qui permissent au train de continuer sa route. Assez souvent, de plus, il était presque impossible de se procurer quelques provisions sans courir le danger de se faire tuer, et à chaque pas le train se trouvait exposé à rencontrer des mines qui pouvaient le faire voler en éclats. Enfin, après trois jours de privations et d'angoisses, les voyageurs arrivèrent sans grave accident à Mexico, où ils eurent la joie de voir que dans nos établissements de cette ville et des environs tout marchait comme de coutume et que la piété et le zèle des Frères étaient, Dieu merci, aussi ardents que jamais.

Quant à Uruapan, elle est rentrée, grâce à Dieu, depuis du temps déjà, sous la loi du parti de l'ordre, et la région, d'après ce qu'on nous écrit, est à peu près entièrement pacifiée. Il y a loue lieu d'espérer que les Frères pourront bientôt aller reprendre auprès de leurs chers élèves s'ils ne l'ont pas déjà fait la tache de dévouement qu'il leur avait fallu momentanément interrompre.

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1 Le Michoacán est un des 27 Etats confédérés dont se compose la république mexicaine.

 

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