Echos des Triduums à loccasion de la Béatification du B. P. Fondateur à Madagascar
23/Oct/2010
Nous reproduisons ici le sermon original que prononça à l'ouverture du Triduum en l'honneur du Bienheureux Champagnat, le R.P. Torre, curé de Betafo, le 26 janvier 1956.
« Permettez-moi que je me fasse l'interprète de la Paroisse de Betafo pour vous dire la joie que nous procure votre vénérée présence en cette circonstance du Triduum d'actions de grâces en l'honneur du nouveau Bienheureux Marcellin Champagnat, fondateur de votre Institut.
En effet c'est avec une certaine fierté que Betafo se doit de mettre l'accent sur l'action de grâces de ce Triduum. N'a-t-il pas été de la part du Ciel, l'objet d'un choix sans pareil. Aussi, c'est avec reconnaissance qu'il répète avec nos Saints Livres : Non fecit taliter omni nationi… J'ai été privilégié parmi toutes les fondations maristes. Écoutez plutôt :
En ce temps-là, Jésus, Messire le Roi du Ciel, tint à son Serviteur Marcellin, au sein du repos éternel, le langage suivant : « Tes nombreux fils de la planète, — car ils occupent les cinq parties du monde, et le soleil ne se couche jamais sur les fondations maristes — tes fils, dis-je, font en ce moment un assaut de prières à l'Église, mon épouse, pour qu'elle délivre à leur Fondateur, un diplôme officiel de sainteté…
Déjà toute une nuée de théologiens, de docteurs, de canonistes, de consulteurs romains, passent au crible, chaque ligne de tes écrits, examinent tous les actes de ta pauvre vie, te suivent pas à pas dans l'exercice de toute la gamme des vertus : théologales (Foi, Espérance, Charité), cardinales (Prudence, Justice, Tempérance, Force), religieuses (Pauvreté, Chasteté, Obéissance, Humilité…) et l'avocat du diable, un retors entre mille, toujours aux trousses de ces vaillants travailleurs, ne cesse de soulever tout un nuage de sophismes et d'objections pour obscurcir la vérité, car c'est une vérité qu'il faut dégager de tous les actes de ton existence, sans mélange de volonté propre… Tu t'en souviens, cher Marcellin ? Dans tes épreuves, et elles furent nombreuses, tu répétais sans cesse : « Je ne veux que la volonté de Dieu… » Et il faut prouver juridiquement, à la face du monde, à qui l'Église va te montrer, que tu disais la vérité. Oui, la grande lumière de la Vérité éclaire maintenant toute ta vie. Tu as réalisé magnifiquement ma devise évangélique : « Si quelqu'un veut être mon disciple qu'il se renonce lui-même, qu'il prenne sa croix et qu'il me suive… Qu'il mette ses pas dans mes pas… » Cela porte loin. Ma grâce t'a aidé à réaliser ce programme. Et maintenant écoute la voix de l'Église, mon épouse : « C'est la vérité que le Serviteur de Dieu Marcellin Champagnat, dans sa carrière de chrétien, de prêtre, de religieux, de fondateur, eut uniquement en vue le Ciel et les intérêts éternels, soit pour lui-même, soit pour les autres. »
L'examen est passé. Marcellin Champagnat est reçu avec la mention : Sainteté héroïque !
Et maintenant, l'Église dans sa prudence consommée va demander à Dieu le Père d'apposer le sceau divin au diplôme de Sainteté qu'elle va délivrer au Fondateur des Frères Maristes. Je veux dire des miracles canoniques, car le plus grand miracle de Champagnat, c'est l'universalité des Frères Maristes à travers le monde. Mais ce miracle n'est pas canonique, il faut en faire d'autres. « Eh bien ! dit le Roi Jésus à Marcellin, sur terre tu as toujours fait ma volonté, maintenant je veux faire la tienne. Choisis toi-même le lieu et le sujet de ces miracles. »
« Penchons-nous et regardons sur terre, dit Jésus. Les fondations de tes fils la couvre : 32 provinces, établies dans plus de 260 diocèses, occupant plus de 50 pays… Près de 8.500 Frères, sans compter les 5.000 sujets en formation et leurs 250.000 élèves, font en ce moment la même prière : « Seigneur, Seigneur, glorifiez votre Serviteur et notre Père, « Marcellin Champagnat. » Et les regards des deux spectateurs célestes, commencent à parcourir avec complaisance, une à une, toutes les fondations maristes du monde, et elles sont nombreuses : 720.
« Et d'abord les deux Amériques, avec leurs Collèges prospères où se développent toutes les branches de l'enseignement primaire, secondaire et même supérieur… Ô Jésus, c'est trop beau, soupire Champagnat, pour choisir là-dedans. Passons à l'Asie avec ses œuvres du Proche-Orient et de l'Extrême-Orient : Syrie, Liban, Chine, Japon… Et à l'Océanie avec ses écoles d'Australie, de Nouvelle-Zélande… Ce n'est pas encore là, ô Jésus, n'en déplaise à mes chers Fils. » Puis c'est la vieille Europe avec tous ses États : la France où Marcellin reconnaît le berceau de son Institut, où il a peiné, souffert et passé sa vie à faire la volonté de Dieu, en forgeant des clous et en bâtissant son Hermitage. Enfin voici la grande Afrique noire, depuis l'Algérie jusqu'au Cap où ses fils se dépensent au milieu des plus sérieuses difficultés, et qui ne cessent de répéter à chaque heure du jour le même cri : « Seigneur, glorifiez votre serviteur… »
« Eh bien ! Marcellin, lui dit Jésus, où penses-tu arrêter ton choix ; nous avons parcouru tous les continents, nous avons fait le tour du monde. Resterais-tu sourd aux supplications de tes Fils ? — Oh, Seigneur Jésus, reprit Marcellin, il reste encore une île d'Afrique : la petite fondation malgache, la dernière de l'Institut, très modeste, bien silencieuse. On ne parle pas beaucoup d'elle. Elle est perdue dans le « bozaba » (grandes herbes) et pourtant du milieu de ce bozaba, il s'élève des supplications ardentes pour demander ma glorification. Une maladie grave est-elle signalée dans une famille ? Aussitôt Bonus et sa communauté mettent tout en branle : Pères, Frères, Sœurs, élèves, chrétiens, neuvaine à Champagnat pour le miracle canonique. Et défense à Victoire Rasoamanarivo (servante de Dieu malgache dont la cause est en cour de Rome) d'intervenir, ça brouillerait les cartes… J'ai vu tout cela, Jésus, j'en ai été touché. Aussi, Jésus, je vous dis en malgache : Aza fady kely : Je choisis Betafo, comme lieu et comme sujet du miracle. Ailleurs, c'est une femme du monde que vous avez guéri. Ici ô Jésus, je désire que votre puissance s'exerce sous le toit même de l'œuvre de mes fils. La porte sera bien gardée. Ce sera bien un miracle Champagnat. Vous connaissez mes humbles origines et mes dispositions intimes : à votre imitation j'ai établi mon quartier dans l'humilité :
Marlhes Bethléem
La Valla Nazareth
Mes fils s'appellent Petits Frères de Marie. Aussi le miracle de ma glorification doit porter ce cachet : il doit sortir du dernier poste mariste du monde.
On dira peut-être : De Betafo, peut-il sortir quelque chose de bon ? comme on a dit, à votre sujet : De Nazareth, peut-il sortir quelque chose de bon ? Et pourtant de Nazareth est sorti le Salut du monde… Eh bien, Jésus, étendez votre droite et accordez à mes fils malgaches le témoignage qu'ils vous demandent.
Et le 14 novembre 1941, le petit pensionnaire de Betafo, Jean-Aimé Ranaivo, atteint de méningite cérébro-spinale aiguë, malgré les soins dépensés, abandonné, condamné par la Faculté, était subitement guéri. Vous connaissez le reste.
Un miracle malgache va contribuer à faire briller sur la tête de Marcellin Champagnat, l'auréole des Bienheureux.
Merci, merci, Seigneur, de cette préférence pour Madagascar.
Merci, Bienheureux Champagnat de cette attention pour vos humbles fils de l'œuvre malgache.
Quelle meilleure récompense pour eux, que ce regard bienveillant de leur Bienheureux Père.
Et pour nous tous, enfants du Vakinankaratra, quel meilleur réconfort dans la bataille de la sainteté. L'unique tristesse de la vie, a-t-on dit, c'est de n'être pas des Saints, et la seule vraie joie, c'est de l'être.
Eh bien, que le nouveau Bienheureux, que nous allons célébrer pendant ce Triduum, nous aide de son intercession à grandir chaque jour dans l'amour de Notre-Seigneur Jésus-Christ et toujours dans ce climat mariai qui est la caractéristique de son Institut.
Tout à Jésus par Marie et tout à Marie pour Jésus.
Marie ne garde rien pour elle. Si nous nous donnons à Elle, c'est pour nous donner à Jésus. Toute mère ne vit et ne travaille que pour ses enfants.