États-Unis – Bénédiction de la Chapelle à Marian Collège

22/Oct/2010

Le 2 mai 1954, le Scolasticat de Marian Collège, Poughkeepsie, voyait le couronnement d'un projet caressé depuis longtemps : celui de la bénédiction par le Cardinal Spellman, Archevêque de New-York, de sa nouvelle chapelle.

 

Projets. — Depuis quelques années, devant l'affluence toujours croissante des scolastiques, — ils étaient 50 en 1948, ils sont 140 en 1954 — on songeait à édifier des locaux définitifs pour Marian Collège, à Poughkeepsie. Car, jusque-là, on s'était contenté d'aménager successivement, tant bien que mal, les appartements laissés par les novices et les juvénistes qui s'étaient installés ailleurs dans de meilleures conditions. Mais ces aménagements mêmes ne pouvaient être que provisoires, parce que ces locaux étaient malgré tout insuffisants et trop dispersés : il y a plus de 800 mètres entre les bâtiments extrêmes occupés par les scolastiques.

Après avoir élaboré bien des projets, on s'arrêta finalement à un plan d'ensemble qui fut soumis aux Supérieurs Majeurs et approuvé. Au centre de la propriété où se trouvent déjà la bibliothèque (30.000 volumes), les laboratoires, le gymnase et les classes, on construirait les autres bâtiments nécessaires pour loger convenablement de 150 à 200 étudiants. On érigerait d'abord la chapelle, puis successivement, convergeant vers cette chapelle, trois autres pavillons indépendants, l'un pour cuisine, réfectoire, et salles d'étude, actuellement en construction, un autre pour les dortoirs et enfin un troisième pour les salles de classe.

 

Construction de la chapelle. — C'est par la chapelle que l'on résolut de commencer puisque, pour l'automne 1953, il fallait de toute nécessité aménager l'ancienne en dortoir afin de loger les 30 nouveaux scolastiques que l'on attendait. Les plans sortaient bien un peu des sentiers battus. Au lieu de la structure habituelle, on conçut une chapelle de forme octogonale, avec l'autel au centre et les huit sections convergeant vers l'autel. Si ces plans sortaient de l'ordinaire, on avait de bonnes raisons de les adopter. Tout d'abord une telle construction reviendrait moins cher et c'est une raison qui a son importance dans un pays où le coût de la construction est très élevé. De plus, les Frères pourraient l'entreprendre et l'achever sans devoir recourir à la main-d'œuvre étrangère.

C'était là, il faut en convenir, une entreprise hardie, car les Frères qui allaient mener l'œuvre à bonne fin, bien qu'ayant déjà une certaine expérience, n'étaient tout de même pas des spécialistes en construction. Les plans furent soigneusement préparés par un architecte ; on n'aurait qu'à les suivre minutieusement. Le F. Nilus Vincent, fort de l'expérience acquise dans la construction du gymnase de Lawrence, se vit confier la responsabilité de l'entreprise. On se mit à l'œuvre, dès les premiers jours du printemps de 1953, puisque la chapelle devait être prête pour l'automne de la même année. Les scolastiques, par groupes d'une dizaine se succédèrent de semaine en semaine sur le chantier, jusqu'à la fin de juin, alors que les équipes des Frères des écoles qui s'étaient entraînés dans les constructions précédentes, arrivèrent des quatre coins de la province, permettant ainsi aux étudiants de Marian Collège de poursuivre leurs études pendant les vacances.

Les travaux furent alors poussés avec célérité sans que personne ne songeât à se prévaloir de la semaine de 40 heures et, malgré certains délais dans la livraison du matériel, l'édifice était presque achevé au moment de la reprise des classes en septembre. En tout cas, on était suffisamment avancé pour envisager la bénédiction de l'autel le 24 octobre. Tout était entièrement l'œuvre des Frères.

Et, en quittant le chantier pour regagner leurs écoles, ces derniers pouvaient être fiers de leur travail. Ils avaient fait preuve d'un dévouement, d'un esprit de famille et aussi d'une compétence vraiment remarquables. Leurs efforts étaient d'ailleurs récompensés par la réussite, car ils ont fait, de cette chapelle, une œuvre d'art qu'on se plaît à admirer. Ceux qui voient cette réalisation ont peine à croire que ce soit l'œuvre de gens qui, après tout, ne sont pas du métier.

 

Description de la chapelle. — Comme nous l'avons vu plus haut, la chapelle est octogonale et, des huit sections, les bancs des fidèles convergent vers l'autel qui est véritablement le centre, ce qui permet à tous les assistants de suivre parfaitement et d'assez près tous les gestes du prêtre, puisque chaque section n'a que cinq bancs de profondeur. Pourtant, l'ampleur de l'édifice est telle — au moins 25 mètres de diamètre — qu'on peut faire asseoir aisément 250 personnes. La table d'autel en marbre blanc repose sur un socle également en marbre, ayant la forme d'un tronc de pyramide renversé. Le tabernacle est très peu élevé afin de rendre possible la vue du prêtre à ceux qui sont dans les bancs derrière l'autel. Un crucifix triangulaire, c'est-à-dire formé de trois crucifix assemblés en triangle, est suspendu au-dessus de l'autel. La table de communion en fer ouvragé avec dessus en chêne fait le tour de l'autel. Les bancs sont en chêne. Le chemin de croix, dit de Lourdes, est le même que celui de N.-D. de l'Hermitage. Il a ceci de particulier que chaque Station ne reproduit que la tête du Christ, mais dans une attitude telle qu'elle permet d'identifier la station. Les murs intérieurs sont recouverts d'une boiserie de chêne. Le plancher est en tuile d'asphalte aux dessins liturgiques bien agencés. Huit statues modernes occupent les angles des différentes sections. Les murs extérieurs sont recouverts d'une brique spéciale appelée « Permastone ». Une croix en aluminium termine un élégant clocheton qui domine le toit en son centre.

L'éclairage est assuré par des fenêtres d'environ 60 centimètres de haut par 6 mètres de largeur qui laissent passer la lumière par un treillis ouvragé, tandis qu'une triple rangée de briques de verre translucides au haut du mur fournit une douce lumière dans toute la chapelle.

 Il règne dans cette chapelle, dédiée à la Sainte Vierge sous le vocable de Notre-Dame de la Sagesse, patronne des étudiants de Marian Collège, une atmosphère de piété et de recueillement où non seulement les Frères de la maison et les scolastiques aiment à venir prier, mais également des personnes du dehors qui s'y arrêtent volontiers.

 

Les bienfaiteurs. — Les Frères de Marian Collège ont été grandement encouragés et aidés dans leur travail par la sympathie des parents des Frères et des scolastiques et même par les associations d'anciens élèves de nos différentes écoles et par les associations des parents des élèves actuels. Dès qu'ils surent qu'une chapelle allait être construite à Poughkeepsie et que cette construction serait l'œuvre des Frères, un grand enthousiasme se répandit chez tous et tous voulurent apporter leur concours en vue de recueillir des fonds pour le mobilier de la chapelle. Ainsi, par exemple, sur l'initiative de quelques-unes d'entre elles, les mamans des scolastiques de New-York et des environs — et plus de la moitié viennent de cette région — organisèrent des parties de cartes et autres réunions sociales pour recueillir des offrandes. Elles firent tant et si bien que le montant de leur souscription atteignit près de 5.000 dollars. De divers côtés, les dons affluèrent : dons individuels représentant parfois le fruit de plusieurs jours de travail, dons collectifs permettant d'offrir un objet important de mobilier. Telle fut la générosité des bienfaiteurs, que tout le mobilier de la chapelle — et ceux qui en ont l'expérience savent que ce mobilier est extrêmement coûteux, — depuis l'autel jusqu'au bénitier en passant par la table de communion, les lampadaires, les bancs, le chemin de croix, l'orgue, les statues, le confessionnal, tout le linge d'autel, les ornements liturgiques, les vases sacrés, etc. … fut payé grâce à leurs offrandes.

Toutes ces personnes avaient si bien pris la chose à cœur qu'on eût dit que c'était de leur chapelle qu'il s'agissait. Aussi bien, en les invitant à assister à la Bénédiction solennelle par le Cardinal Spellman, le 2 mai dernier, les Frères voulaient-ils leur témoigner une reconnaissance bien méritée.

 

Consécration de l'autel. — C'est le 24 octobre 1953, au cours d'une cérémonie impressionnante et d'un riche symbolisme qu'eut lieu la consécration de l'autel, par Son Excellence Mgr Thomas J. McDonnell, Evêque coadjuteur de Wheeling, W, V., et grand ami des Frères. Arrivé la veille, Son Excellence apportait avec lui les reliques destinées à être encastrées dans la pierre d'autel. Ce même jour, dans la soirée, les Franciscains du Séminaire du Mont-Alverne chantaient les Matines et les Laudes de l'Office des Martyrs, pendant que la communauté récitait privément l'office de la Sainte Vierge dans la nouvelle chapelle.

 Le 24, les Frères recevaient la Sainte Communion pour la dernière fois dans le gymnase transformé en chapelle provisoire pour les vacances et à, 7 h. 30, la cérémonie de la consécration de l'autel commençait, longue cérémonie qui ne dura pas moins de deux heures et demie.

Pendant que l’Evêque revêt les ornements liturgiques dans Je sanctuaire, la chorale chante les Psaumes de la pénitence. Puis tous s'agenouillent pour le chant des Litanies des Saints. Le célébrant fait alors sept fois le tour de l'autel, en l'aspergeant d'un mélange d'eau bénite de vin, de cendre et de sel, pendant qu'on chante le Miserere.

Il encense ensuite sept fois l'autel qu'un des assistants continue à encenser de tous côtés pendant le reste de la cérémonie.

Les cinq croix gravées dans la table d'autel et le tombeau où seront insérées les reliques sont ensuite bénits, encensés et aspergés tour à tour. Les reliques, transportées en procession de la sacristie, sont scellées dans le tombeau.

C'est ensuite la table d'autel tout entière, aussi bien que le devant et l'arrière de la base et les quatre coins sur lesquels repose la table d'autel qui sont oints avec l'huile des catéchumènes et le Saint Chrême.

Des croix de papier ciré sont alors déposées sur les croix gravées sur l'autel sur lesquelles on place de gros grains d'encens avant d'y mettre le feu, comme pour figuier les sacrifices de l'ancienne Loi.

Enfin les nappas d'autel sont bénites ainsi que les chandeliers et l'autel est alors prêt pour le Saint Sacrifice que Son Excellence célèbre immédiatement. Notre-Seigneur prend ainsi possession de sa nouvelle demeure après avoir régné dans l'ancienne chapelle pendant un demi-siècle.

 

Bénédiction de la chapelle. — Les travaux pour le finissage de la chapelle s'étant poursuivis tout l'hiver, la bénédiction par Son Eminence le Cardinal Spellman, Archevêque de New-York, qui avait accepté aimablement l'invitation, avait été fixée au dimanche 2 mai 1954.

Des personnalités nombreuses, tant ecclésiastiques que civiles, avaient été invitées pour la circonstance, de même que les bienfaiteurs et les parents des Frères et des scolastiques. Le C. F. Thomas Austin, Assistant général, était venu du Canada avec une délégation de la province d'Iberville. Le Conseil provincial au complet et bon nombre de Frères étaient aussi présents.

A dix heures, la cloche annonçait que la cérémonie allait commencer et immédiatement se forma la procession pour se rendre à la chapelle. A la suite du porte-croix, des acolytes, du thuriféraire et du cérémoniaire, marchaient huit chantres, suivis des Frères de la communauté, des visiteurs des différentes congrégations religieuses, des prêtres et enfin de Son Eminence et ses Assistants, précédés d'une escorte d'honneur de Chevaliers de Colomb.

Arrivé à la porte de la chapelle, Son Eminence récita les prières usuelles et commença à asperger d'eau bénite les murs extérieurs pendant que les chantres entonnaient le Miserere. La procession entra ensuite à la chapelle au chant des Litanies des Saints, après quoi le célébrant aspergea les murs intérieurs pendant qu'on chantait les Psaumes appropriés.

Puis ce fut la messe solennelle à laquelle Son Eminence assista du trône érigé en son honneur. Elle fut célébrée par le R. P. J. Walsh, S. J., Recteur du Noviciat des Jésuites de Saint-Andrew-on-Hudson, assisté comme diacre et sous-diacre de Messieurs les abbés Léo J. Gregg et James P. Hearon, respectivement curés des paroisses de la Sainte-Trinité et de Sainte-Marie de Poughkeepsie. Sous la direction du C. F. Adrian August, la chorale des scolastiques chanta la Messe en l'honneur de sainte Odile.

Après l'évangile, Mgr Michael P. O'Shea, curé de Saint-Pierre de Poughkeepsie et doyen des Comtés de Dutchess et Putnam, souhaita la bienvenue à Son Eminence et il loua les Frères de leur magnifique travail : «une chapelle mariale, bâtie en cette année mariale, par des mains maristes ». 

Le R. P. William V. Bangert, S. J., aumônier de Marian Collège, donna le sermon. S'inspirant du texte de saint Paul dans son Epître aux Ephésiens : « Vous êtes bâtis sur le fondement des apôtres et des prophètes, Jésus-Christ étant lui-même la pierre angulaire… », il dit son admiration pour cette chapelle dont on faisait la dédicace. Et, dans un rapprochement flatteur, il dit que sa réalisation était le résultat du même esprit et de la même ferveur qui animaient les bâtisseurs des cathédrales antiques et plus particulièrement de la cathédrale de Chartres dédiée à Notre-Dame comme cette chapelle est dédiée à Notre-Dame de la Sagesse. Il développa ensuite cette idée que le Frère, après avoir construit cette chapelle, demeure un bâtisseur toute sa vie. Il doit en effet travailler à ériger l'édifice de sa propre perfection et cela demande les efforts de toute une vie. Il a ensuite à travailler à bâtir le temple de Dieu dans les âmes des enfants, ce qu'il fait par l'éducation chrétienne. Ainsi cette chapelle, qui fut construite par les Frères, demeure le symbole de la vie du Frère : il est le bâtisseur de sa sainteté personnelle et le bâtisseur de la sainteté chez les autres…

A la fin de la Messe, Son Eminence donna la bénédiction pontificale, puis, montant en chaire, il exprima son admiration pour cette magnifique chapelle érigée par les Frères et dont ils peuvent être fiers ; il souligna la rare perfection des cérémonies qui venaient de se dérouler. S'adressant ensuite aux parents, il ajouta : « Mais plus fiers que tous doivent être les papas et les mamans de ces jeunes Frères, parce qu'ils ont consacré à Dieu et à son service ce qu'ils ont de plus cher et de plus précieux au monde : leurs enfants. A eux va mon admiration la plus haute, comme à leurs enfants, pour cette vocation sublime qu'ils ont choisie : celle d'enseigner à la jeunesse à servir Dieu, avec l'aide de la Sainte Vierge. »

La cérémonie achevée, il y eut quelque répit pendant lequel Son Eminence se montra d'une bonté et d'une simplicité charmantes, allant d'un groupe à l'autre et s'entretenant aimablement avec chacun.

A 12 h. 30, tous se rendirent dans la salle du gymnase transformée en salle de banquet. A la table d'honneur prirent place les principaux dignitaires ecclésiastiques ainsi que les membres du Conseil provincial. Le C. F. Assistant était placé à gauche du Cardinal. Dans la salle, près de 500 convives, Frères et scolastiques avec leurs parents et bienfaiteurs purent s'attabler.

A la fin du banquet, te C. F. Linus William, Provincial, se faisant l'interprète des Frères, des parents et des bienfaiteurs, exprima sa reconnaissance à Son Eminence pour la condescendance qu'il avait montrée en venant bénir la chapelle. Il dit également sa reconnaissance aux bienfaiteurs pour leur générosité, aux Frères pour leur travail, et aux parents, « les grands bienfaiteurs de l'Institut » puisqu'ils lui ont donné leurs fils.

C'était un jour à jamais mémorable pour ceux qui avaient eu le bonheur d'y prendre part et que les annales de Marian Collège allaient inscrire parmi les plus glorieux de son histoire.

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