Fête eucharistique à Amchit
12/Sep/2010
Le 26 juillet dernier, se terminait à Amchit la retraite annuelle à laquelle venaient de prendre part 80 Frères de la province de Syrie. C'était en même temps le jour de la clôture, à Lourdes, du XXV° Congrès eucharistique international, et N. S. P. le Pape Pie X. on le sait, avait exprimé le désir que partout, en cette occasion, on s'unit aux congressistes pour acclamer Notre Seigneur présent dans la sainte Eucharistie.
Nous crûmes qu'en ce moment où l'univers catholique rivalisait d'empressement pour offrir à l'Hôte divin du Tabernacle un solennel hommage de reconnaissance et d'amour il ne nous convenait pas de rester en retard, mais que c'était ou jamais l'occasion de réaliser le mot du Docteur Angélique : Quantum, potes tamtum aude, et de mettre tous nos soins à organiser une fête qui fut, si possible, sans précédent, sur cette terre libanaise, où pourtant le culte de l'Eucharistie est très en honneur.
Son Excellence Monseigneur le Délégué Apostolique, qui ce dessein fut communiqué ne se contenta pas d'y donner sa pleine adhésion, mais il s'offrit à présider lui-même la pieuse manifestation et ne craignit pas pour cela, malgré la chaleur, de descendre des hauteurs de Harissa, sa résidence d'été, située plusieurs heures de chemin.
Pour que tout fût le moins indigne possible du divin objet de la fête, on fit appel à tous les dévouements et à, toutes les aptitudes des Frères de la Retraite et, Dieu merci, ce ne fut pas en vain. Musiciens, décorateurs, artistes de tous les genres se mirent à l'œuvre, et, sans que le recueillement ni le silence eussent rien à souffrir, tout fut prêt à l'heure dite. Partout, sur le parcours adopté pour la procession, flottent à profusion les drapeaux et les oriflammes, des guirlandes aux mille nuances courent dans tous les sens. Nombre de maisons notamment celle des Frères et celle des Sœurs sont, pavoisées, de sorte que notre ‘’quartier latin’’, depuis bien longtemps sans doute, ne s'était pas vu si brillamment et si gracieusement paré.
Vers les 9 heures du matin, précédé de cavaliers et suivi d'une nombreuse escorte de voitures d'honneur montées surtout par des habitants de Gebail, Son Excellence apparait sur la route. Aussitôt les cloches sonnent, la foule s'ébranle, les Frères accourent et tout le monde se porte a la rencontre du représentant vénéré de N. S. P. le Pape, dont l'arrivée est saluée par d'enthousiastes acclamations.
Après une courte halte au salon des Frères, où il reçoit les hommages des habitants d'Amchit et de Gebail, il vient prendre place sous le dais, à la suite da cortège qui s'est rapidement organisé, et, mitre en tète et crosse en main, il se dirige processionnellement, au chant du Magnificat, à la chapelle de l'Hôpital Saint-Joseph, pour présider la cérémonie de clôture de notre Retraite.
Cette chapelle, choisie à cause de son ampleur, avait été splendidement décorée par les mains aussi habiles que pieuses des Sœurs de Saint-Joseph de l'Apparition, de Marseille. Elle se trouvait déjà remplie par nos retraitants et une foule nombreuse d'autres personnes, lorsque Son Excellence y fit son entrée au chant de l'Ecce Sacerdos Magnus.
La cérémonie toujours belle et touchante, reçut de cette pompe extérieure un caractère encore plus impressionnant que de coutume et laissa pleins d'édification les pieux fidèles qui étaient venus y assister, en même temps que, pour les Frères eux-mêmes, elle mettait le plus heureux couronnement aux exercices d'une retraite dont le souvenir sera, nous l'espérons, impérissable comme ses fruits.
La grande manifestation religieuse qui avait motivé la présence de Monseigneur consistait en une procession solennelle où le Saint Sacrement porté, par Son Excellence, serait accompagné par au moins trois mille personnes. Elle avait été fixée à 4 h. du soir.
Bien avant cette heure, la chapelle de l'Hôpital Saint-Joseph et ses abords avaient été de nouveau envahis par la foule. Le soleil libanais dardait encore ses rayons brûlants, tempérés cependant par la brise de mer, par l'approche du soir et par les ombrages qui couvraient une bonne partie du parcours, décoré comme nous avons dit plus haut.
Le moment venu, le cortège commence à se former dans la chapelle et se met en marche. En tête, à la suite de la croix, marchent en longues files les enfants des Sœurs, les congréganistes et un grand nombre d'autres personnes pieuses et recueillies ; puis viennent les jeunes gens et les hommes en masses compactes sous différentes bannières, les Frères de la retraite et le groupe des chantres en deux files régulières, et les Juvénistes en soutane et surplis, qui encensent et jettent des fleurs. Les prêtres en ornements sacrés précèdent immédiatement le Saint Sacrement, escorté par un petit groupe de soldats libanais.
Derrière le dais, porté par quatre Frères en surplis, viennent en foule, selon l'usage du pays, les religieuses et les dames.
La longue procession, constituée dans cet ordre se déroule lentement au chant des hymnes et des cantiques dans les allées et les cours de notre propriété, s'arrêtant par deux fois, pour recevoir la Bénédiction devant deux magnifiques reposoirs dressés par la main des Frères. Le soir, comme épilogue, il y eut une belle illumination à notre maison et à celle des Sœurs.
Jamais dit-on on n'avait vu rien de pareil dans le pays, jamais tant d'ordre, de silence, de recueillement et de piété dans une telle foule. Tout le monde, nous l'espérons, se sera retiré bien impressionné, et la gloire de Jésus Hostie en ressortira. C'était tout notre désir et, s'il se réalise, nous nous tiendrons surabondamment payés des soins et des fatigues que nous à coûtés la préparation de cette fête, dont nous garderons nous mêmes un délicieux souvenir. A. M. D. G.
Amchit, le 29 août 1914.