Fêtes jubilaires á Poughkeepsie, New-York

29/Sep/2010

Notre province des Etats Unis, rattachée dans son enfance à la province mère du Canada, est encore bien jeune ; aussi, clairsemés sont les vétérans à qui la divine Providence accorde d'y célébrer leurs noces d'or dans notre chère congrégation. Raison de plus pour tous les membres de la province de ne laisser passer inaperçu aucun de ces glorieux anniversaires qui sont pour tous, adolescents et vieillards, une puissante incitation pour marcher allègrement dans la voie qui mène à la montagne sainte. Cette année le cycle du temps nous apportait le cinquantième anniversaire d'entrée en religion du Cher Frère Félix Eugène, ancien Provincial, un de ces vaillants athlètes du Christ et preux chevaliers de Notre Dame, qui est encore sur la brèche, luttant sans cesse contre le mal, car

Cinquante ans de travaux ont passé sur sa tête:

Ce lourd fardeau peut-être a ralenti ses pas,

Mais son cœur reste fort; l'épreuve, là tempête,

La terre ni l'enfer ne l'ébranleront pas.

Oui, depuis bien longtemps déjà il travaille. et partout où la sainte obéissance l'a placé, soit en France et en Nouvelle-Calédonie aussi bien qu'au Canada et aux Etats Unis, il s'est dépensé sans compter et a été pour tous un modèle vivant du Petit Frère de Marie. Ne convenait-il pas de fêter ce méritant confrère?

Déjà au mois de juin, une fête tout à fait intime eut lieu à Lowell, important établissement de près de 1.000 élèves, où le bon vieillard consacre le reste de ses forces à alléger la tâche parfois bien lourde du frère Directeur et des autres confrères. Mais cette démonstration de piété fraternelle n'était que le prélude d'une autre plus grandiose à notre maison provinciale de Poughkeepsie, car tous les Frères de la province considéraient comme un devoir bien doux de dire au cher jubilaire et la haute estime dans laquelle ils le tiennent et la profonde reconnaissance qu'ils lui doivent.

Cette fête de famille fut fixée au 25 août dernier, clôture de la retraite annuelle à laquelle prirent part le plus grand nombre des Frères. Dès la veille, le Révérend Père Stearns, C. SS. R., prédicateur des saints exercices et vrai disciple de S. Alphonse, ainsi que le Cher Frère Leo, Provincial, admirateur des vertus du Frère Félix, invitaient tous les retraitants à faire la sainte communion et â offrir toutes les bonnes œuvres du lendemain aux intentions du héros du jour. Gâté de la Providence, ô Frère Félix-Eugène ! A quel moment de l'année, agissons-nous avec plus de pureté d'intention qu'à la fin d'une bonne retraite? Aussi nous sommes sûrs que nombreuses ont été les faveurs que le doux Jésus vous a départies en réponse aux prières adressées au Ciel pour vous.

Le 25 août, la journée commença par une grand'messe d'actions de grâces, à quatre voix, du célèbre compositeur Don Lorenzo Perosi. Bien que l'heure fût un peu matinale (6 a. m.), les voix flûtées des Juvénistes et celles plus mâles des anciens se mélangeaient parfaitement et la messe fut exécutée avec brio. Comme pour rappeler à tous que les prières de la journée étaient pour lui, le vénéré jubilaire occupait la place d'honneur dans l'allée principale, tout près de la table de communion. Sans doute sa modestie en souffrit bien un peu, mais ne convenait-il pas qu'après avoir été à la tâche pendant cinquante-ans il fût à la gloire au moins pour quelques. instants?

A dix heures, après la cérémonie traditionnelle et toujours émouvante de l'émission ou de la rénovation des vœux, tous se rendirent sur la pelouse du noviciat. C'est là, que sous la ramure touffue des grands arbres, comme les Grecs d'antan, dans un "family gathering" juvénistes, novices, scolastiques et anciens s'évertuèrent à chanter les vertus et à redire les nobles exemples du jubilaire. A l'heure indiquée, le héros gravissait les degrés d'une estrade adossée au côté nord de la maison du noviciat et artistiquement décorée aux couleurs papales, américaines et françaises et où d'élégants cartouches redisaient les vertus maristes qui ont brillé d'un éclat particulier dans la longue carrière du Frère Félix. Après que le cher Frère Provincial et ses conseillers, ainsi que le doyen de la province, se furent placés en l'hémicycle autour du héros et que les salves d’applaudissements eurent cessé, un grand chœur de circonstance, magistralement exécuté, mit tous les cœurs en harmonie avec l'objet de la réunion. Puis un compagnon d'armes du jubilaire, le cher frère Zéphiriny, le Cicéron de nos réunions de famille, prit la parole et, dans un style tour à tour gai, spirituel, humoristique et sagace, retraça à grands, traits la vie de celui que l'on fêtait. Enumérer toutes les parties du programme serait chose monotone : qu'il suffise de dire que pendant les deux grandes heures que dura cette séance, tous les instants, en furent si agréablement occupés que quand l'heure de midi sonna chacun fut surpris de la rapidité avec laquelle le temps s'était enfui. J'allais oublier de dire qu'en cette heureuse circonstance, la province limitrophe du Mexique, en la personne du Frère Servasio, se joignit à nous pour offrir ses meilleurs vœux au jubilaire. Professeur à la Havane, ce bon confrère qui pendant les vacances avait bien voulu, avec l'obligeante autorisation de son frère Provincial, initier nos étudiants dans l'harmonieuse langue castillane, dit en termes très heureux combien tous les Frères de la république sœur s'associaient de tout cœur à ceux des Etats-Unis pour rendre grâces à Dieu et fêter celui qui en cette année achevait de tracer son cinquantième sillon dans le champ du Père de famille. Enfin le vénérable Jubilaire se leva au milieu d'un tonnerre d'applaudissements et après avoir demandé à tous de l'aider à remercier le Seigneur il nous parla des humbles commencements du juvénat Ste Anne, à Poughkeepsie, où il fut premier directeur. En des termes dont lui seul a le secret, il nous fit voir comment la bonne Grand’Mère avait tout fait chez nous et nous invita à renouveler notre confiance en cette puissante thaumaturge du continent nord-américain.

Mais il est de tradition immémoriale chez les hommes de tous les temps et de tous les pays, qu'il ne saurait y avoir de vraies fêtes sans un banquet; et il n'y a rien en cela que de très légitime, de très chrétien, de très fraternel et partant de très religieux. Il va sans dire que les prévoyants organisateurs de cette cordiale manifestation n'avaient eu garde de déroger à un usage si antique et si solennel. Les tables étaient modestement mais abondamment servies et ce fut en bénissant Dieu que l'on fit honneur à la cuisine de notre chef.

Peu d'instants après avait lieu la nomination des emplois pour l'année 1925-26. Chacun se sépara en emportant non seulement un beau programme et une image commémorative nais aussi le parfum des vertus maristes du jubilaire et en lui souhaitant de chanter son soixantième Te Deum.

Ad multos et felices annos!

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