Histoire de nos Juvénats

05/Oct/2010

Cet article, puisé dans le Petit Juvéniste, nous a paru devoir être conservé dans notre Bulletin de l'Institut, qui le reproduit en le complétant par endroits.

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Les Juvénats, ou du moins les Juvénistes, sont très anciens dans l'histoire des Ordres religieux, quoiqu'ils n'aient pas porté ce nom relativement récent, et qui est un peu particulier à notre Institut.

Nous lisons dans la vie de Sainte Euphrasie, qui vivait au IV° siècle, que sa mère l'ayant prise avec elle dans une visite qu'elle rendait à l'abbesse d'un couvent égyptien, l'enfant, qui n'avait pas encore sept ans, ne voulut plus s'en retourner. Il fallut la laisser là, ce dont sa pieuse mère fut d'ailleurs bien contente.

Saint Thomas d'Aquin, devint juvéniste, dès l'âge de six ans, au monastère bénédictin du Mont Cassin, voisin du château paternel.

La plupart des anciens monastères avaient ainsi, sous le nom d'oblats, ce qui veut dire enfants offerts par leurs parents, quelques jeunes novices qui servaient d'enfants de chœur, et dont la plupart, finalement, devenaient religieux.

Toutefois, jusqu'à nos jours, les juvénistes, qui étaient plutôt une exception, restaient plus ou moins mêlés aux novices, et il n'y avait pas pour eux d'institution spéciale. On se contentait d'adoucissements à la règle commune, eu égard à leur jeune âge.

Dans les premiers temps de l'Institut, il en fut de même pour nous. Ainsi, le R. F. François vint à 10 ans au Noviciat de La Valla et il y reçut le saint habit dès l'année suivante.

 

Un Juvéniste d'il y a cent ans. — Nos Annales nous parlent du petit Frère Sylvestre, celui qui devait un jour monter la brouette à la salle d'études. Il avait été admis au noviciat à l'âge de neuf ans, et il y resta évidemment fort longtemps, non sans y faire quelques espiègleries. N'eut-il pas un jour la fantaisie de tailler sur la tête, d'un novice, à qui il coupait les cheveux, une magnifique tonsure?

Le V. Fondateur était parti la veille en voyage, pour longtemps, disait-on, et les cheveux auraient le temps de repousser. Mais le retour s'effectua subitement, et à la coulpe qui eut lieu le lendemain, le novice tonsuré dût ôter sa calotte, qu'il s'obstinait à garder partout depuis trois jours. Tout fut découvert, à la grande joie de l'assemblée, comme on pense bien.

Le P. Champagnat fit les gros yeux au petit Frère Sylvestre et, comme pénitence lui ordonna de quitter le rabat, en le menaçant du Grand Vicaire qui s'était annoncé, ce qui avait causé son retour inattendu. Le pauvre enfant se crut bien près d'être excommunié.

Mais, au récit du délit, le grave chanoine, ne put tenir son sérieux et tout s'arrangea par une promesse de ne pas recommencer, après quoi le rabat fut rendu au petit diablotin.

On voit que les juvénistes d'aujourd'hui sont bien à peu près aussi sérieux que leurs prédécesseurs d'il y a cent ans.

 

Fondation des Juvénats. — Les choses allèrent ainsi pendant près d'un demi-siècle : les noviciats n'accueillant les postulants qu'aux environs de la quinzième année, et ceux plus jeunes qu'on y admettait parfois, par exception, restant mêlés aux autres. Il faut ajouter que le niveau des études en ce temps-là était bien moins élevé que de nos jours. Ainsi, on n'éprouvait guère le besoin d'une longue formation scientifique devenue aujourd'hui indispensable à de futurs instituteurs et qu'on est heureux d'activer dès l'âge de douze ans, dans nos Juvénats actuels, qui sont d'excellentes écoles.

En 1868, toutefois, les temps ayant évolué, le R. F. Louis-Marie annonça dans sa circulaire du 10 juillet, qu'on essaierait d'ouvrir un Juvénat à l'Hermitage. On allait, disait-il, y réunir « tous les jeunes Frères qui n'avaient pas complété leur quinzième année » et ceux dont la santé réclamait des adoucissements.

Ce n'était donc pas encore tout à fait un juvénat de nos jours, mais on s'en rapprochait. L'essai fut heureux, car il permit de recevoir des enfants que leur jeune âge faisait jusque-là refuser.

Aussi, le Chapitre de 1876 décida d'ouvrir deux autres Juvénats : un, à St Paul pour le midi de la France, et un à Beaucamps, pour le nord, celui de l'Hermitage se transportant à St Genis.

En 1879 parut un premier Numéro annuel du Bulletin des Juvénats, que d'autres publications analogues en diverses langues ont continué depuis. On le destinait aux bienfaiteurs de l'Œuvre des Juvénats, qui, sollicités par une organisation ad hoc, avaient aidé l'Institut à construire, meubler et entretenir ses Juvénats. Le R. F. Nestor déclarait en 1882 que Dieu bénissait cette entreprise « au-delà de toute espérance ». Il y avait alors 250 juvénistes, et on trouvait ce résultat magnifique.

Aussi les fondations nouvelles de juvénats se succédèrent petit à petit dans diverses régions de la France et même à l'étranger dans le cours des 20 années suivantes. Inutile d'en dresser la liste. Disons en résumé que les Juvénats sont devenus un des organismes essentiels de toutes les Provinces. Plusieurs d'entre elles en ont deux et parfois trois. Il n'y en a plus qu'une seule qui en est dépourvue.

Oh ! qui dira les bienfaits que la Providence prodigue aux juvénistes dans ces asiles bénis d'innocence et de piété, qui abritent leur jeunes ans !

 

La tempête. — En 1903, pourtant, tout faillit sombrer dans la grande tourmente de l'expulsion des Congrégations, hors de France.

Le chiffre des Juvénistes qui avait atteint en 1900 un peu plus d'un millier en France, disparaît presque des statistiques. Au 1ier janvier 1904, on n'en trouve plus que quelques uns à la Province de St Genis, plus que 2 à celle de l'Hermitage et un seul à Aubenas. Il avait fallu rendre à leurs familles des centaines de Juvénistes, victimes de la hâte brutale de l'expulsion.

Il y aurait de beaux exemples de fidélité à citer parmi les Juvénistes d'alors qui acceptèrent l'exil, parfois au-delà des mers, pour rejoindre à l'étranger leur Institut proscrit et mériter le bonheur de la vie religieuse.

Mais comme l'Institut n'avait nullement envie de mourir d'inanition, pour le plaisir de mourir français, il ne tarda pas à rouvrir le long des frontières d'Espagne, de Belgique et d'Italie de nouveaux Juvénats.

Tout doucement aussi l'Institut entra avec plus de résolution dans la voie ouverte par la Providence, de recevoir dans ses Juvénats les enfants des nations diverses qui l'avaient si généreusement accueilli. Aussi, lentement, la catastrophe de 1903 fut réparée, la brèche se referma et même l'accroissement reprit. Il fallut toutefois 7 ans pour revenir au chiffre de 1901.

En 1911, le premier millier fut franchi et en 1924 le deuxième le fut à son tour. Nous marchons vers le troisième, que le bon Dieu nous donnera certainement d'atteindre un jour, car c'est maintenant dans le monde entier que notre Institut est répandu.

Etat actuel. — Evidemment, il ne s'agit plus uniquement de petits Français, quoiqu’il y en ait encore, grâce à Dieu, près de 300. Mais enfin, on voit que la bonne Providence déjoue adroitement les calculs des méchants. Ceux-ci, en saccageant, connue à coups de hache, le grand arbre mariste, n'ont fait que répandre au loin, en boutures, ses rameaux mutilés.

Aussi, quelles promesses d'avenir sont aujourd'hui pour nous, nos 46 Juvénats des cinq parties du monde, où se préparent à la vie religieuse, de bons enfants de 42 nations.

L'Europe en a pour sa part 28, avec environ 1.400 juvénistes, et elle vient en tète, ce qui est convenable, puisqu'elle a commencé la première.

L'Amérique vient ensuite avec 13 Juvénats et 700 juvénistes, ce qui est aussi un joli chiffre.

Les autres parties du monde sont moins riches, vu leur faible population catholique. L'Asie et l'Océanie n'ont chacune que deux Juvénats.

Enfin vient la pauvre Afrique, avec un seul, tout petit, à Madagascar, le benjamin, qui a fort envie de grandir et qui a bien son mérite, puisqu'il a déjà fourni sept Frères à l'Institut.

Mais, qu'il se réjouisse, il aura bientôt un voisin, si l'on peut dire, au Congo belge, à Fataki, sur les bords du Lac Albert.

Parmi tous ces juvénats, il faut mentionner à part celui qui porte le nom de St François Xavier et qui est établi à Grugliasco, d'où chaque année le scolasticat qui le continue envoie dans toutes les régions du globe entre vingt et trente jeunes missionnaires. Sa population est fort mêlée puisqu'il accueille dans ses murs des enfants de presque tous les pays d'Europe.

Tout cela, évidemment, cause d'énormes dépenses, car, ni les familles ni les bienfaiteurs ne suffisent à couvrir les frais de tant de bouches. Mais l'Institut ne peut faire un plus bel emploi de ses économies, et il multiplierait encore ses Juvénats si ses ressources le lui permettaient.

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Pouvait-on prévoir en 1808 que le premier Juvénat de l'Hermitage serait l'aîné d'une si nombreuse famille et que ses 60 premiers juvénistes seraient un jour quarante fois plus nombreux ? C'est une preuve de plus de la maternelle bonté de Marie, notre céleste Mère, qui répand sur notre Institut ses abondantes bénédictions, ce dont nous ne saurions trop l'en remercier.

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