Inauguration du nouveau collège de Saïda
29/Oct/2010
Le collège Saint Louis de Saïda (l'antique Sidon) que nos Frères diligent depuis bientôt soixante ans, vient d'être transféré hors de la ville, dans la localité de Remeyleh, Le nouveau collège portera désormais le nom de « Collège Notre-Dame ». C'est une superbe réalisation qui n'a rien à envier aux autres grands établissements que l'Institut possède aujourd'hui un peu partout.
Situé à 7 km. au nord de Saïda, le nouvel établissement répond parfaitement aux exigences modernes de l'éducation: site idéal sur une colline, loin de tous bruits, locaux vastes et bien conçus. La superficie de l'enclos: 100.000 m2, dont 11.000 pour le stade et 32.000 pour cours de récréation et sports habituels; le restant est dédié à des jardins, pelouses et bâtiments.
La nouvelle position du collège est un encouragement pour les parents chrétiens qui perdent l'appréhension qu'ils avaient d'envoyer leurs enfants à l'ancienne école St. Louis, au centre de la ville musulmane.
La fête
«C'est le mois de Marie: c'est le mois le plus beau» chantait-on un peu partout dans nos collèges maristes. En ce dimanche de mai, toute la région de Saïda était en liesse. Le festival de la cité aux orangers battait son plein. Le vieux port était rempli d'une joyeuse animation avec ses régates et ses compétitions d'aviron. La nuit, le Château de la Mer resplendissait de mille feux.
A quelques pas de là, sur la butte de Remeyleh, scouts et louveteaux pavoisaient le nouveau collège que les Frères Maristes viennent d'y bâtir pour remplacer l'ancienne école Saint Louis où l'on se sentait trop à l'étroit dans des murs vénérables, certes, mais vétustes, datant de l'Emir Fakhreddinne de célèbre mémoire.
Après avoir quitté le grand axe routier Beyrouth-Saïda, une belle route nouvellement asphaltée mène en quelques minutes sur l'esplanade déjà plantée d’arbres prometteurs, d'où l'on jouit d'un panorama splendide sur la Méditerranée, la montagne libanaise et les vergers d'orangers de l'antique Sidon.
A onze heures du matin une messe est célébrée en la chapelle provisoire du collège, à la mémoire des Frères et des anciens élèves défunts.
L'on prie surtout pour le CF. Fidence le dévoué Procureur de la Rue Emir Amine, décédé depuis quelques semaines et qui a tant fait pour bâter les constructions. Les anciens élèves de L'amicale tiennent après la messe leur réunion habituelle, au cours de laquelle furent proclamés les résultats des divers concours primés par leur fédération.
C'est bien cette atmosphère de libéralisme que nos anciens élèves ont respiré dans les collèges maristes au Proche-Orient, terre de dialogue.
A partir de 5 heures de l'après-midi, parents, amis et anciens élèves, religieux et religieuses confrères des établissements voisins, commencent à affluer au nouveau collège, admirant les belles lignes harmonieuses et la géniale distribution des différents secteurs scolaires. Dans les nouvelles constructions, c'est l'idée de décentralisation, d'espace, d'air, de lumière, qui a prédominé. Les classes, les dortoirs, les réfectoires, les appartements privés des Frères, le jardin d'enfants forment des ensembles séparés et reliés par des allées couvertes ou des parterres, où croîtront de hélios, fleurs exotiques dans l'éclaboussure des jets d'eau. Il faut certes, marcher un peu, pour se rendre d'un lieu à un autre, mais les médecins ont toujours dit que la marche est un exercice profitable pour le- personnes sédentaires.
A cinq heures et demie, la fanfare de la Gendarmerie Nationale annonce l'arrivée de Son Excellence Rachid Bey Karamé, Président du Conseil des Ministres et Représentant Officiel de Son Excellence le Général Fouad Chéhab, Président de la République Libanaise. Il est accompagné du ministre des affaires sociales, Me Jean Aziz, et de Mr Bardawil, Administrateur du Mont-Liban. Parmi les éminentes personnalités présentes on distingue Son Excellence Mr de Boisséson, Ambassadeur de France au Liban, et de Mr Léquiller, Conseiller Culturel auprès de l'Ambassade; Mr Nazem Accari, ancien président du conseil; Mr Manzor, ministre plénipotentiaire de l'Uruguay; Mr Basile Abboud et Mr Samih Osseyran, députés du Liban-Sud, tous deux anciens élèves.
Et c'est la cérémonie religieuse de la bénédiction du nouveau collège célébrée par Mgr Smith, Vicaire Apostolique des Latins de Beyrouth. On reconnaît aux tous premiers rangs du clergé : Son Excellence Mgr Khoreiche, Représentant officiel de Sa Béatitude le Patriarche Meouchy; Son Excellence Mgr Righi-Lambertini, Nonce Apostolique au Liban; Son Excellence Mgr Nabaa, archevêque catholique de Beyrouth; Mgr Ghanui, archevêque chaldéen du Liban; Mgr Bello, archevêque chaldéen de Syrie. De nombreux représentants de congrégations religieuses enseignantes assistent aussi à la cérémonie : RR. PP. Jésuites, Frères des Ecoles Chrétiennes, Religieuses des Saints Cœurs et de St Joseph de l'Apparition, etc. … Les Frères Maristes sont également venus très nombreux de Jounieh, de Jbeil et de Damas. On distingue entre autres, le CF. Eugénien, ancien directeur de Saïda qui sut si bien aplanir les difficultés pour maintenir la présence mariste au Liban-Sud.
Les prières rituelles terminées, le président Karamé coupa le ruban) traditionnel. Avant de visiter la nouvelle bâtisse, les personnalités présentes ont applaudi plusieurs orateurs qui ont prononcé des allocutions de circonstance, mettant en relief l'œuvre réalisée par les Frères Maristes dans notre pays depuis plus d'un demi-siècle. MM. Said Akl, Boulos Salante et Fouad Boustani, recteur de l'Université libanaise, tous trois anciens élèves des Frères Maristes, se sont succédé au micro.
A son tour, le Chef du Gouvernement prit la parole pour mettre l'accent « sur la coopération fraternelle qui existe entre les diverses communautés et louer les efforts déployés par les Frères Maristes pour la formation de la jeunesse libanaise ».
Puis, le président Karamé remit au Frère Mario-Raphaël, Visiteur des Frères Maristes au Liban, les insignes d'Officier de l'Ordre national du Cèdre; la Médaille d'or de l'Education nationale, au Frère Amphiloque, directeur du collège de Remeyleh, et la Médaille d'argent de l'E. N. au Frère Benoît Mazloum, directeur des Travaux.
Le C. F. Mario Raphaël, Visiteur du District, remercia en termes émus et expliqua le pourquoi de cette nouvelle réalisation que les Frères Maristes inauguraient ce matin. Il dit notamment : «En bâtissant cette école dans une région déshéritée, nous avons voulu non seulement demeurer au service du Liban-Sud, mais surtout continuer pour notre faible part, à travailler à la promotion sociale du Liban provincial, fidèles on cela à la ligne de politique générale de notre cher Président, l'émir Fourni Chébab.
« On a vanté suffisamment et à juste titre, les avantages d'une saine décentralisation. En dotant la Province d'institutions culturelles aptes à donner aux élèves de toutes les couches sociales la formation et l'information nécessaires, on les maintient dans leur milieu naturel durant une bonne partit de leur jeunesse. Nous avons voulu construire ce collège pour aider dans la mesure de nos moyens, le Liban et les Libanais à réaliser leur magnifique vocation au carrefour des Continents.
« Le Liban est, à mon avis, une terre de dialogue et les Libanais forment des agents de liaison par excellence. Les races, les religions, les idéologies les plus diverses s'y coudoient et s'y affrontent, comme elles s'y sont affrontées et coudoyées depuis des siècles.
« Nous nous trouvons dans un pays au passé vivant par ses multiples vestiges. Ce passé, disent les historiens et les archéologues, n'est pas l'œuvre d'un seul peuple ni d'une seule race… La civilisation s'est développée ici par les effets de mélanges intimes d'esprits différents où tant de races et de cultures, en fusionnant, ont donné naissance à la culture typiquement libanaise. D'où le bienfait du brassage de ces races et de ces cultures, le bienfait des interférences de la civilisation orientale et occidentale et du pluralisme des langues, chacune apportant, avec son éloquence, sa finesse ou sa richesse verbale: sa psychologie, sa philosophie de la nature et de l'homme ».
« Il est assez clair comme le disait Paul Valéry, que les progrès de la connaissance et de la puissance de l'homme eussent été bien lents et bien médiocres, si l'humanité fût demeurée divisée en groupes ethniques non communicants, sans hybridation, ni composition de leurs qualités. Cela s'est admirablement réalisé au Liban et continue de se faire sous nos yeux, par cette volonté de vivre en commun, affirmée dans le Pacte de 1943.
« Ce collège essaiera dans la mesure de ses moyens de faciliter le dialogue entre les civilisations différentes, de raffermir la coopération et la compréhension entre les éléments de toutes les communautés libanaises.
« Elèves musulmans et chrétiens continueront sur les bancs de cet établissement et dans cette ambiance scolaire renouvelée, à se connaître, à s'estimer, à s'aimer et à nouer entre eux les liens solides de ces premières amitiés qui résistent à tous les avatars de l'existence moderne ».
L'emploi du temps de S. E. Monsieur le Président du Conseil ne lui permettant pas de demeurer davantage, on se vit obligé d'écourter la séance. Dans une lettre personnelle remise le lendemain au CF. Visiteur, S. E. Monsieur de Boisséson, Ambassadeur de France au Liban, s'exprimait en ces termes élogieux et délicats:
«Mon Cher Frère Visiteur»,
« En vous félicitant encore de l'inauguration du très beau collège de Saïda, j'ai l'honneur de vous faire parvenir le texte de la courte allocution que je comptais prononcer à l'occasion de la remise de cette distinction.
«Je comprends les raisons qui ont contraint le Président du Conseil à précipiter la fin de la cérémonie, avant que toutes les rubriques du programme aient pu être épuisés. Je n’ai qu’un regret, c'est de n'avoir pu exprimer publiquement, devant le vaste auditoire qui était réuni en la circonstance, les sentiments que nous éprouvons à l'égard de votre effort personnel et celui de vos confrères. Ils s'inscrivent dans l'histoire de la magnifique action scolaire et apostolique des Frères Maristes, à laquelle la France s'honore d'avoir pu participer, à l'occasion de l'édification du collège de Saïda. Mais peut-être votre modestie aurait-elle un peu souffert du juste hommage que mes paroles voulaient vous adresser.
« Je forme en tous cas des vœux pour le succès futur de votre œuvre, et je vous prie, mon Cher Frère Visiteur, d'agréer les assurances de ma considération très distinguée et de mes sentiments dévoués.
« N'est-il pas touchant, poignant de songer que chacune de ces pierres, chacun de ces murs ont été élevés et cimentés par les sacrifices, par la foi inflexible et par un grand sentiment d'affection pour leurs frères humains, émanant de cette poignée d'hommes, de missionnaires, ici présents dans leurs soutanes noires, qui, en ce faisant, n'ont cherché ni la puissance, ni l'argent, ni la gloire, mais ont simplement voulu répondre pleinement à l'appel mystérieux de la plus belle des vocations, celle d'instruire des enfants, de les élever vers un progrès intellectuel et moral, d'en faire des citoyens dignes de leur patrie, de leur famille et du destin mystérieux que la Providence a placé dans l'âme de chacun d'eux ».
Pour terminer dans la joie cette mémorable soirée, un buffet bien garni accueillit les nombreux invités du jour, chacun put se restaurer en échangeant ses impressions sur la conception moderne et pratique de ce collège qui continuera à faire le bien commencé au Liban-Sud par les Frères Maristes, depuis bientôt soixante ans, avec la bénédiction de Dieu et le sourire de Notre Dame.
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