Installation dans les nouveaux locaux

07/Sep/2010

Dans les belles nuits de juin, en contemplant les splendeurs du firmament aux souffles des brises caressantes on voit subitement paraître le sillage lumineux d'une étoile. On la suit un instant d'un regard émerveillé, puis elle s'évanouit tandis que l'âme garde une sorte de nostalgie des mystérieuses profondeurs qui l'écrasent de leur majesté.

La comparaison ne paraîtra point prétentieuse aux grands Novices de 1911-1912, si l'on assimile à ces feux brillants des nuits chaudes de l'été les manifestations qui passent dans le ciel de paix et de bonheur de leurs Six-Mois !

La fête de l'Immaculée, comme ‘’les astres morts qui vont se perdre clans les cimetières du ciel’’ (Th. Moreux), est ensevelie dans le passé ; mais elle laisse dans les esprits et les cœurs une mélancolique traînée de saintes pensées et d'impérissables souvenirs !

Avec la grande fête de Marie devait coïncider l'inauguration du nouveau local destiné au Second Noviciat. Durant toute une semaine l'activité des ouvriers est stimulée par le fiévreux entrain des Grands Novices balayant, nettoyant, frottant, décorant leur future résidence.

L'avant-veille encore les pessimistes donnent des oracles alarmants. Mais il sera longtemps vrai d'affirmer que les optimistes gouvernent le monde et les pessimistes le voient tourner !…

Le jeudi 7 décembre, il se produit un tel fourmillement de bonnes volontés et d'efforts qu'à 8 heures du soir, tout le monde déclare avec complaisance la possibilité de l'installation prévue pour le lendemain.

L'aube du grand jour se lève péniblement dans la brume blanche et la bruine. Nul n'y prend garde car la joie se concentre à l'intérieur aujourd'hui ; et il ne s'agit point d'excursion ; ou de grand congé.

Une méditation toute parfumée d'amour pour Marie et due au R. P. Hilléreau monte les cœurs au diapason convenable à la solennité. Tous vibrent à l'unisson d'un sentiment unique, suggéré hier par le C. F. Directeur du Second Noviciat.

Tout sera pour la Reine des Cieux ! Dans ces dispositions, on entre à la chapelle pour la sainte Communion et la première messe. Le modeste sanctuaire avec le resplendissement de ses lumières, de ses décors et de ses peintures, avec sa température moite et douce invite à la paix et au bonheur. Cette cérémonie matutinale est toute de recueillement et de ferveur !

La grand'messe célébrée par un missionnaire de N-D. de la Salette avec le concours des Pères Aumôniers, déroule le symbolisme touchant de la liturgie catholique. Grâce aux poétiques et savantes interprétations que l'on entend au Second Noviciat, plusieurs découvrent enfin les beautés insoupçonnées des mélodies grégoriennes. Au surplus un autre élément de charme provient des contrastes des voix. Les sonorités larges et puissantes des Grands Novices donnent l'impression de la force et de la virilité ; tandis que le timbre pur et grêle des Juvénistes sonne les notes cristallines, évocatrices de candeur et d'innocence !

Une vénérable tradition veut qu'aux fêtes solennelles, les Supérieurs eux-mêmes entonnent ces mélopées archaïques et sublimes ; et ces voix inaccoutumées ajoutent à la grandeur de l'ensemble.

Dix heures ! La messe est finie et le clergé paroissial invité pour la bénédiction des locaux de N.-D. du Bon Conseil est là. La Communauté va de la chapelle au nouveau bâtiment ; elle se masse dans la salle de travail : superbe appartement (13m x 8m) où la lumière pénètre à flots par dix grandes baies. On système de chauffage avec radiateurs assurera, par les plus grands froids, une température intérieure hygiénique et propice â l'étude. De là, le clergé passe en bénissant dans les salles adjacentes et complétant le rez-de-chaussée : la chambré du Fr. Directeur et la salle dite ‘’des pas perdus’’. Ce sera l'appartement où les Grands Novices, dans leurs loisirs, feront gravement les péripatéticiens !

Puis vient le premier étage avec un dortoir modèle divisé en 34 cellules et le 2nd étage dont la destination est encore problématique.

Aussitôt après la bénédiction, s'ouvre une séance d'inauguration de la salle d'étude. Le décor est d'une simplicité rare. Un Christ se détache sur peluche de velours rouge. Le tableau de N–D. du Bon Conseil et des reproductions agrandies et artistiques des photographies de nos Supérieurs ornent les trumeaux. On y reconnait vite le talent du C. F. Virgilius. L’estrade, régnant sur toute la largeur de la salle et ornée de quelque pots de fleurs, servira de scène. Au parterre se pressent, sympathiques et attentifs le R. F. Supérieur Général, le R. P. Supérieur Général des Missionnaires de la Salette, les Pères Aumôniers, les membres du Régime et toute la maisonnée.

Les Grands Novices, par une série de chants et de débits s'efforcent de mettre en relief les principaux sentiments dont les circonstances provoquent l'éclosion : l'amour de Jésus, de N.-D. du Bon Conseil, désormais leur patronne, du Vénérable P. Champagnat, leur reconnaissance pour les Supérieurs et leur esprit de famille. Nous épargnerons aux lecteurs du Bulletin les longueurs fastidieuses d'une analyse détaillée. Il suffira de noter que la bonne volonté des acteurs pour édifier et intéresser l'auditoire a trouvé une bien douce satisfaction clans la joie mêlée de fierté du R. Fr. Supérieur contemplant ses fils aînés, et dans les marques sonores de bienveillance données généreusement par les spectateurs !

Après les émotions suaves de la Religion et les plaisirs délicats de l'art, viennent des jouissances qui, pour être moins nobles, ont néanmoins le don d'associer à la fête toutes les énergies du corps.

Dans la "salle des pas perdus’’ une table en forme d'U gigantesque réunit encore tous les Frères de la maison pour le dîner.

Le Grand Noviciat est fertile en artistes : les peintres, les décorateurs, les servants ont donné à cette salle un aspect de féerie. Une fois de plus on constate que la simplicité et le bon goût, avec des riens produisent de grands effets. Tout au fond, se détachant sous la banderole écarlate et historiée qui court en corniche le long des murs, et de chaque côté du Christ, on remarque spécialement deux tableaux souvenirs, commémorant le passage du R Fr. Supérieur à Alep (1910).

Le repas de famille commence joyeusement. Le C. F. Sigebertus s'est surpassé et son menu, sans perdre les qualités de sobre élégance que nous avons déjà notées pour l'ensemble de cette fêle éminemment mariste, restaure à merveille les estomacs mis en belle humeur ! Au dessert, le C. F. Marie-Odulphe se lève et au nom du Second Noviciat, trouve des trésors de délicatesse et d'affectueuse reconnaissance pour tous les invités. Chacun, sans en être offusqué, peut respirer le parfum de la spirituelle adresse, depuis le R. F. Supérieur Général jusqu'à l'heureux mortel qui soigne "ces messieurs’’ !

Pas un convive qui ne reçoive sa savoureuse tartine sur laquelle on trinque, comme le dit une rengaine célèbre, à la satisfaction générale de tous les musiciens et à la santé du gouvernement ! !

Le R. Fr. Supérieur répare paternellement et spirituellement un oubli volontaire. Il remarque combien "N.-D. du Bon Conseil„ l'inspira opportunément en lui indiquant le C. F. Marie-Odulphe comme directeur du Second Noviciat. Puis, après avoir félicité tous ceux qui ont pris une part active à l'érection du bâtiment, il invite à la reconnaissance envers le bon Dieu pour la bonne issue des travaux propres à favoriser les exercices des six mois !

La Règle harmonise admirablement toutes nos aspirations ; par elle, les distractions permises et innocentes et le soulagement du corps ne sauraient dégénérer et faire oublier les biens supérieurs de l'âme… Après la franche gaieté d'un fraternel repas, on se dispose à chanter les vêpres. Cet office garde une poésie que peuvent apprécier davantage ceux qui pendant de longues années en ont été privés. La liturgie de l'Église est comme une de ces sources limpides des montagnes où l'on croit "boire la fraîcheur et l'innocence’’ (F. Coppée) et dont on ne se rassasie jamais. Le Grand Noviciat n'aurait-il pour résultat que d'affectionner les Frères à ces prières ravissantes qu'il produirait un magnifique renouvellement de ferveur. Telle est l'impression idéale que l'on remporte de la psalmodie des vêpres de l'Immaculée !

Le 8 décembre 1911 doit laisser dans les mémoires des traces profondes et tout y contribuera.

Vers 5 heures, nous voici pour la seconde fois dans la salle d'étude du Second Noviciat. Depuis quelques jours, la munificence du C. F. Econome général et les cotisations des Grands Novices, agréées par le R. F. Supérieur, ont permis l'emplette d'une "machine à projections’’ pour conférences. Elle est arrivée avant-hier.

D'habiles électriciens et un conférencier de valeur l'inaugurent ce soir. Les tableaux de N.-D. du Bon Conseil, du Vénérable P. Champagnat, du R. F. Supérieur Général et même des Grands Novices défilent en provoquant des surprises variées. Puis viennent successivement des vues de Jésus chez les Bretons agrémentées de couplets, des images de Lourdes et de l'Immaculée accompagnées d'une délicieuse musique, œuvre de l'organiste du Second Noviciat.,

De ce superbe essai, il ressort que désormais les conférences pédagogiques et les causeries présenteront un haut intérêt dès que sera possible l'adaptation d'un "mégascope'' permettant, la projection de simples cartes postales. Quelle attraction pour le noviciat de 1912-1913 !…

A 6 heures, la Communauté se rend à la chapelle. Le R. P. Crespel visiblement ému et inspiré par les grandes manifestations de la journée prononce une allocution qui n'est qu'un hymne enthousiaste de gratitude envers la Très Sainte Vierge !

Alors se déroule, religieuse et reposante comme un acte d'amour ; la série des motets qui constituent le salut au T. S. Sacrement. La journée s'éteint en musique sous la bénédiction ineffable de Jésus et dans un dernier cri de foi à l'Immaculée. :.

La féerie de lumières, de chants et de fleurs n'est plus à présent qu'un souvenir, mais le poète a dit :

Les plus beaux souvenirs sont fils de l'innocence,

Ils font lever au ciel l'aube de l'Espérance !

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