JubilĂ© des FF. Flore et Donat – France
13/Sep/2010
Pendant 16 ans, de 1881 à 1897, le Frère Flore, de la province de Saint Paul-3-Châteaux, fut directeur de l'école libre de Saint-Donat, dans le département de la Drôme. Durant ce temps, il éleva la très grande majorité des enfants de ce religieux pays, et, par son zèle, ses manières affables, son dévouement et ses succès scolaires, il s'acquit promptement, auprès du clergé de la paroisse, des bienfaiteurs de l'école, des chefs de famille et de ses élèves, de chaudes et sincères sympathies qui ont survécu à son départ et continuent encore, après 17 ans d'absence, le bien qu'il y fît pendant son séjour.
A diverses reprises, ses chers anciens élèves avaient essayé de l'attirer au moins pendant quelques jours dans le pays, pour avoir le plaisir de le revoir et pour lui donner un témoignage public de leur reconnaissance ; mais les circonstances d'une part et de l'autre la modestie du bon Frère qui, satisfait d'avoir été à la peine, redoutait de se trouver à l'honneur, avaient empêché leurs démarches d'obtenir leur effet. Cette année, elles furent couronnées de succès ; et ce fut une grande fête, pour tous ses anciens disciples, coopérateurs et amis qui purent se rendre disponibles, de se trouver réunis autour de lui dans un banquet de famille, sous la présidence de M. le Curé.
La fête fut intime, mais pleine de la plus cordiale gaîté. On se félicita de se retrouver ensemble, on rappela mille anecdotes palpitantes du temps vécu en commun, et au dessert, des toasts chaleureux furent portés en l'honneur du maître vénéré d'autrefois.
Tout d'abord, ce furent deux jeunes enfants, fils d'anciens élèves, qui, en lui présentant une gerbe des fleurs lui débitèrent un compliment fort bien tourné. Puis M. Louis Dorey, prenant la parole, rappela en termes heureux la bonté du Frère Flore et son énergie à lutter contre une administration antireligieuse qui, après avoir obtenu par surprise la laïcisation de l'école communale, s'ingéniait à entraver la création de l'école libre, évoqua avec humour quelques épisodes de ces temps déjà lointains et exprima au vénérable héros de la fête toute la joie qu'éprouvaient ses anciens élèves et ses amis de le revoir au milieu d'eux.
Monsieur Henri Barret, ancien élève, se levant à son tour prononça le discours suivant, dont nous empruntons le texte l'Impartial de la Drôme (23 juillet 1914)
« Messieurs,
J'ai eu, cette nuit, une vision magnifique. C'était au déclin de l'automne : au flanc d'une montagne escarpée, je voyais se dresser un chêne séculaire ; dans le sol granitique ses racines s'étaient profondément enfoncées ; son tronc restait haut et droit, et son front était couronné de nombreux et verdoyants rameaux nourris par une sève toujours jeune. C'était un spectacle réconfortant, une image de la vie qui, prolonge son automne et ne veut pas faire place à l'hiver !
Et voici qu'aujourd'hui, Messieurs, cette vision devient une réalité ; car on me permettra, je crois, vénéré frère Flore, de vous comparer au roi de nos forêts… Comme le chêne, vous avez laissé au milieu de nous un souvenir ancré par de profondes racines ; comme le chêne, dans le calme et dans la tempête, vous êtes resté debout ; comme le chêne encore, votre front vénérable est couronné de nombreux rameaux auxquels vous apportez aujourd'hui une sève toujours vivifiante et jeune.
Oui, ce n'est pas sans une joyeuse émotion que nous, vos anciens élèves, nous nous rappelons votre passage au milieu de nous. Et comment pourrions-nous l'oublier ? Pendant de longues années vous vous êtes consacré, avec une science et un dévouement sans pareils, à l'instruction et à l'éducation des enfants de Saint-Donat ; vous avez formé leur intelligence et façonné leur esprit avec un soin jaloux ; autant par l'exemple que par la parole, vous leur avez appris à devenir des hommes. Tâche élevée et sublime, dont vous n'attendiez d'autre récompense que la satisfaction du devoir accompli ! Ah, oui, messieurs, ce furent de belles années ! des années de travail opiniâtre et d'énergique fierté !
Aussi sommes-nous heureux, cher frère Flore, d'avoir pu réunir autour de vous plusieurs des personnes dévouées, vous prêtèrent leur concours et quelques-uns de ceux que vous avez formés. C'est la couronne de rameaux dont j'ai voulu parler tout à. l'heure. Sans doute beaucoup sont absents, et la hâte avec laquelle nous avons dû organiser cette petite fête ne nous pas permis de les réunir tous ; plusieurs, pour des raisons diverses, n'ont pu y prendre part, mais ils sont de Cœur avec nous, vous pouvez en être certain.
Cependant, messieurs ; je ne voudrais pas que vous puissiez m'appliquer le mot d'Horace : Laudator temporis acti ! Si le passé fut beau, le présent n'est pas moins consolant, et vous vous en réjouissez avec nous, n'est-il pas vrai vénéré frère Flore. Oui, ceux qui vous ont remplacé dans la difficile et ingrate mission d'élever notre jeunesse ont droit à tous les éloges et à toute notre reconnaissance. Je suis particulièrement heureux de les saluer ici, en mon nom et au nom de tous les pères de famille. Qu'ils soient remerciés et que le spectacle d'aujourd'hui les soutienne et les réconforte dans leur carrière de sacrifice et d'abnégation ! C'est bien d'eux que l'on peut dire : Sic vos non vobis ! Non, ils ne travaillent pas pour eux ! Mais les enfants, j'ose leur en donner l'assurance, ne seront pas plus ingrats que les pères, et leur souvenir sera religieusement gardé.
On dit, messieurs, que le respect s'en va et que la reconnaissance est rare ; nous sommes là pour affirmer bien haut que. ces sentiments sont plus que jamais vivaces dans nos cœurs et que nous voulons les léguer à nos fils avec tout le patrimoine moral qui nous vient de nos anciens maîtres !
Messieurs, je lève mon verre en l'honneur de celui qui tut notre maître dévoué, de celui que son entrain et sa belle humeur gardent de vieillir, de celui dont le cœur est toujours le même pour ses amis de St Donat ! Et je termine en lui donnant aussi l'assurance que de nous à lui le cœur est toujours de même ».
M. le Chanoine Chevalier, Archiprêtre de Saint-Donat, tint à joindre ses témoignages de religieuse sympathie à ceux qui avaient été si éloquemment exprimés a l'adresse du méritant religieux qu'il ne connaissait encore que de réputation, mais qu'il honorait déjà comme un des bienfaiteurs de la paroisse. Il déclara se féliciter d'avoir avec tant de ses meilleurs paroissiens ce trait commun d'avoir été, lui aussi, l'élève des Petits Frères de Marie et il profita de l'occasion pour inviter tous les assistants à donner plus que jamais leur confiance et leur généreux concours aux continuateurs à Saint-Donat de l'œuvre du Frère Flore, à la santé duquel il leva son verre en faisant des vœux pour qu'on pût le voir encore souvent à de pareilles réunions.
Après quelques mots de l'hôtelier, également élève de l'école, tous les convives se précipitèrent pour serrer la main de leur vieux maître que l'émotion étreignait, et qui ne put répondre aux compliments qui lui étaient adressées que par des poignées de main dans l'étreinte desquelles on sentait passer tout son cœur.