Juv. de Jamna

F. M.

03/Sep/2010

 

Dans plus d'une contrée de l'Ancien et du Nouveau Monde, ]a question capitale du recrutement se pose avec des interrogations plus ou moins difficiles à résoudre. Au Mexique, en particulier, on s'est demandé, avec quelque inquiétude, s'il sera jamais possible de trouver, non des légions d'enfants épris de la vie religieuse comme au temps de Robert d'Arbrisselle, mais une bonne partie des ouvriers nécessaires au développement de la Province.

Pendant les premières années de la fondation, formant alors un district de St-Paul-3-Châteaux, grâce au zèle du vénéré Frère Bérillus, dont l'ardeur apostolique se tournait volontiers vers les missions, et à la faveur de la persécution en France, les sujets ne firent pas défaut ; on put même, au grand profit de la colonie naissante, réunir un certain nombre de Jeunes Frères pour les appliquer aux études. Mais la source ne tarda pas, sinon à tarir, du moins à se montrer avare ; il fallut donc songer sérieusement au recrutement sur place, par le Juvénat d'abord ; c'était même un peu tard.

Les pessimistes regardaient cette œuvre comme condamnée d'avance à la stérilité, étant donnés le caractère du pays et le peu. de succès de plusieurs autres Congrégations dont les essais étaient restés presque complètement infructueux. A les entendre, tenter d'avoir recours aux vocations mexicaines, serait peine et argent perdus. Suivre pareil avis, c'était la pénurie des sujets s'accentuant de jour en jour, et à bref délai, l'impossibilité de soutenir même les œuvres entreprises, les Auxiliaires d'Europe n'arrivant plus que comptés et à des intervalles chaque Fois grandissant. D'autre part, le Vénérable n'avait-il pas dit : « Dieu n'est pas embarrassé pour trouver des hommes ; il peut prendre le premier qui passe dans la rue pour conduire une maison ; entre ses mains, tout instrument est bon ; et n'est-il pas vrai qu'il n'y a pas de terrain si aride qui ne puisse produire quelques bons épis par les soins d'un laboureur diligent ? Inutile d'examiner plus longtemps ; un Juvénat était nécessaire et possible ; l'heure était venue de le réaliser ».

Tout n'était pas à créer, d'ailleurs, car depuis plusieurs années : un vaste local en bon état et construit assez récemment pour collège, dans la petite ville de Jacona, avait été mis à la disposition des Frères, pour vingt ans. Situé dans une des provinces les plus religieuses et les plus agréables du Mexique, aux abords d'une population simple et tranquille, l'endroit semblait tout-indiqué pour une maison de formation. On y avait bien déjà établi un petit pensionnat, mais son peu de prospérité portait à croire que ce n'était pas l'œuvre voulue par la Providence.

Deux ans ne sont pas encore écoulés depuis la naissance du Juvénat, qui se confondit momentanément avec le Pensionnat, diverses raisons ne permettant pas alors de supprimer ce dernier. Protégé par N. D. d'Espérance, dont le Sanctuaire vénéré et célèbre se trouve à proximité, il ne tarda pas à compter une 15e d'enfants, amenés, les uns par le zélé Recruteur qui ne .se donne aucun repos pour augmenter la petite famille, et les autres par des frères Directeurs vivement désireux de voir les vocations éclore autour d'eux.

Aussi, au mois d'avril dernier, le ch. F. Provincial pouvait-il écrire : « Grâces à Dieu, le Juvénat, semble s'établir sérieusement dans la Province. Bien qu'on ne s'occupe du recrutement avec quelque activité, que depuis peu, il compte 25 enfants donnant des espérances, par les dispositions qu'ils montrent pour la piété et l' étude… Les résultats déjà obtenus sont des plus encourageants ; ils disent clairement que si tous nous prenons à cœur de favoriser cette œuvre par excellence, nos vieux se réaliseront, et bientôt nous verrons cesser la pénurie de sujets qui nous afflige… Travailler sans relâche à l'accroissement de la Famille religieuse, dont nous avons le bonheur d'être membres, est une obligation qui s'impose à tous, et qu'il doit nous être doux de remplir, tantôt par une éducation foncièrement chrétienne, tantôt par de pieuses exhortations ou de sages conseils, toujours par le bon exemple et la prière ».

Depuis lors, la marche en avant a continué, et tout récemment le ch. gère Pierre Damien en exprimait sa joie en ces termes au T. R. Frère : « Je suis de plus en plus content du recrutement ici. Nous n'allons pas vite, mais nous aurons du bon, j'espère. Ces derniers jours nous aurons reçu deux excellents postulants et plusieurs autres se préparent, ainsi qu'une quinzaine de Juvénistes ; ceux-ci sont au nombre de 30, actuellement. Partout j'ai été fort bien accueilli par le Clergé, et dans plusieurs paroisses Messieurs les Curés s'occupent même activement de nous trouver des enfants. Assez souvent, on m'invite à visiter l'école : je fais alors un catéchisme et je parle de notre œuvre ; puis je prends note des élèves qui manifestent des inclinations pour notre genre de vie, promettant de revenir dans quelques mois. Au bout d'un certain temps ceux qui persévèrent dans leur désir d'être des nôtres et paraissent réunir les conditions voulues, sont admis si on m'a fourni de bons renseignements sur leur compte. Comme je serai heureux quand je verrai ici 25 Novices et 50 Juvénistes ! J'espère que ce beau jour n'est pas très éloigné, car la moisson s'annonce bonne pour la fin de l'année ».

Un des obstacles les plus fréquents que rencontre notre œuvre est l'affection trop humaine des parents pour leurs enfants. Beaucoup leur laissent prendre une liberté exagérée autant que funeste, mais se montrent intraitables si on leur parle de vocation pour la vie religieuse ; ils permettront tout, excepté de se donner à Dieu ; quand il n' y a pas des sentiments assez profondément chrétiens, le sacrifice de la séparation parait impossible. Cette prévention aveugle, souvent occasion de lutte pour les Jeunes conviés de N. S. est aussi de nature à refroidir parfois l'ardeur des apôtres du recrutement.

Heureusement, au Mexique comme partout, il se trouve des familles où l'on reconnaît à l'appel divin le droit de se faire entendre, et même, formant de belles et encourageantes exceptions, des pères qui sont tout heureux de donner leur fils à l'Institut des Petits Frères ; témoin les faits suivants.

Un frère Directeur demandant au père d'un Juvéniste qu'il voulût bien confirmer par écrit l'autorisation verbale donnée à son fils, reçut après quelques jours, cette réponse : « Enfin, comme je l'avais dit, jamais je ne voudrais faire opposition à la vocation de mes enfants, et moins encore si elle vient d'en haut ; que la volonté de Dieu se fasse, et gloire à Lui, si mon fils est docile à ses inspirations… Tout est donc en ordre, et si cette vocation est vraiment inspirée, croyez que ce n'est pas un sacrifice pour moi, mais plutôt le sujet d'un religieux orgueil. Mon fils m'est très cher, mais il le sera davantage quand je saurai que Dieu l'agrée et l'accepte pour travailler à sa sainte gloire…

Un Juvéniste que l'on pensait envoyer hors du Mexique pour continuer sa formation ayant pressenti son père, afin de savoir s'il ne rencontrerait pas d'opposition, en reçut ces mots simples et sublimes : C'est de plein gré et après mûre délibération que j'ai donné mon consentement à ton entrée chez les Frères Maristes ; je t'ai donné à la communauté, tu ne m'appartiens plus ; c'est maintenant à ton Supérieur de disposer de toi comme il jugera à propos ».

Grâces à Dieu, on peut dire que l'Episcopat mexicain est unanime pour favoriser le recrutement. Tous les Evêques des diocèses où les Frères sont établis, entre autres marques de bienveillance, ont donné des lettres aussi flatteuses que sympathiques en faveur de cette œuvre, et la maison de Jacona est encore sous l' heureuse impression de deux visites qui, en apportant la joie dans la communauté, ont été pour elle un puissant encouragement.

Le septembre, c'était Mgr l'archevêque de Mexico, de passage à Zamora, qui l'honorait de sa présence et venait revoir le collège oh il avait été élève, puis Supérieur, après son retour de Rome. Répondant au compliment qui le félicitait de son élévation au siège Métropolitain, et le remerciait de sa précieuse visite, il aima à rappeler les années qu'il avait passées dans cette maison et clans la ville éternelle, et dit qu'il se réjouissait de voir l'œuvre rêvée dans sa jeunesse si bien continuée par d'autres ouvriers.

Deux jours plus tard, les légères oriflammes flottaient encore au vent, et les palmes s'inclinaient à l'envi pour fêter le nouvel Evêque du diocèse Mgr Othon Nuisez. Zamora, sa ville épiscopale, venait de lui faire une splendide et enthousiaste réception. A Jacona, quoique plus modeste, elle ne fut pas moins chaleureuse.

Le vendredi, premier du mois, Mgr célébrait la Sainte Messe dans le Sanctuaire de N. D. d'Espérance et donnait la première Communion aux élèves de l'école gratuite ainsi qu'à d'autres enfants de la localité ; puis, à 9 heures, il se rendait à l'établissement. Après la réception à la chapelle, avec chants de circonstance, il visita le local avec le plus vif intérêt, dans ses différentes parties. Entre temps, les Novices, Juvénistes, pensionnaires et enfants de l'école gratuite s' étaient réunis dans le réfectoire orné comme aux plus beaux jours de fête, pour lui souhaiter la bienvenue en une petite séance toute de famille. Sa Grandeur, qui s'était montrée très sobre de réponses aux pompeux discours qui lui avaient été adressés jusque-là, dit, dans une paternelle allocution, comme la renommée l'avait déjà appris, que les œuvres d'éducation avaient toutes ses sympathies ; ajoutant qu'il connaissait aussi l'excellence de celles des Petits Frères de Marie, bien qu'ils ne fussent pas encore établis dans son diocèse natal.

Un témoin résume ses impressions en ces mots : « Jamais je n'avais été ravi de la visite d'un Evêque comme vendredi ; ce Mgr Nuisez est un homme de Dieu, et d'une grande simplicité : on se sent immédiatement à l'aise à ses côtés et il attire tout à lui ».

Puisse l'arrivée de cet apôtre zélé de la jeunesse favoriser encore le développement des œuvres de formation dans la province du Mexique, que la Vierge de Guadalupe a déjà entourée de si maternelles attentions !

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