La fête des Anciens Elèves au Collège S. Joseph de Rio de Janeiro
F. J. B.
19/Sep/2010
(19 août 1917). — Le 19 août dernier, dès la première aube d'une matinée sans nuages, le vieil édifice du Collège Diocésain S. Joseph commençait à se remplir d'une nombreuse pléiade de courageux jeunes gens, qui accouraient à l'invitation du Comité Directeur de la Société des Anciens Elèves.
Ils venaient de tous les points de l'immense capitale, dans le désir de resserrer les liens qui les unissent entre eux et à leurs anciens maîtres ; de respirer de nouveau, du moins pendant quelques heures, l'air qui les vivifia jadis ; de revoir le riant berceau où tant de rêves heureux avaient caressé leur imagination enfantine, le gracieux jardin où ils avaient exercé et fortifié leurs ailes avant de prendre leur essor vers les divers horizons de la pensée et du devoir, cette miniature de société, enfin, où s'affinent les vertus et se trempent les caractères.
L'évocation du passé est un si précieux dictame, un baume si puissant contre les souffrances du cœur que rares sont les esprits, même les plus positifs, qui ne subissent point l'empire de ce besoin de redonner l'être à un bonheur qui n'est plus.
Et c'était pour nous une vraie jouissance que le spectacle de cette belle phalange de jeunes hommes associés pour la réalisation d'un noble idéal, en ces tristes temps où il n'y a qu'une voix pour déplorer l'affaissement des caractères, la crise de la fermeté et de l'énergie.
Voici, d'après le Jornal do Brazil, le détail des fêtes qui remplirent cette heureuse journée.
A 7 heures et demie, Messe de Communion, où l'on vit avec édification s'approcher de la Sainte Table, à côté de leurs anciens maîtres et des élèves actuels, un groupe nombreux et sympathique des anciens élèves.
A 9 heures et demie, Grand’messe, célébrée par Son Excellence Révérendissime Mgr P. Cortesi, auditeur de la Nonciature Apostolique. La Schola Cantorum du Collège, renforcée de voix viriles des anciens élèves, fit entendre les chants qui aux beaux jours d'autrefois faisaient vibrer, dans cette même chapelle, les cœurs enfantins de ces derniers. Parmi les beaux motets qui furent ainsi interprétés, on remarqua particulièrement l'Ave Maria de Pinzarrone.
Après la Messe, Mgr Fernando Rangel monta en chaire et parla pendant plus de demi-heure avec une éloquence entraînante et persuasive. Prenant pour texte ces paroles de la Sainte Ecriture : Labora sicut bonus miles Christi, travaille comme un bon soldat de Jésus-Christ, il prémunit ses distingués auditeurs contre les illusions les plus ordinaires à la jeunesse inexpérimentée.
« Plaisirs du monde, quelle qu'en soit la nature, plaisirs de l'esprit ni plaisirs du cœur, rien n'est capable ici-bas de nous rendre heureux.
"La vie n'est qu'un songe rapide dont le réveil est la mort. A tout bien prendre, c'est seulement à celle-ci que la réalité commence ; celui-là seul peut être réputé comme ayant bien vécu qui sait bien mourir. La jeunesse est la période de la vie ou les passions se font plus vivement sentir. Le jeune homme répugne à la froideur et à l'indifférence ; il se passionne pour le bien ou pour le mal" Et l'éminent prédicateur exhorte ses jeunes auditeurs à se passionner pour la vérité surnaturelle et partant pour l'étude de la Religion, qui est la seule source de cette vérité. Il rappelle la parabole du mauvais riche, frappé par la mort au moment même où, dans son orgueil, il faisait avec une fastueuse complaisance l'énumération des richesses qu'il croyait devoir lui assurer le bonheur ; et, se référant à l'évangile du dimanche précédent, il montre comment Marie, sœur de Lazare, choisit réellement la meilleure part en préférant aux soins temporels les pratiques de la vie surnaturelle. "Le coup le plus redoutable pour notre âme n'est certes pas celui qui nous vient d'une main ennemie, dont on ne peut guère attendre autre chose, mais celui qui nous vient traitreusement de celui que nous croyons notre ami. Jésus est notre ami très fidèle ; soyons, de notre part, ses amis ; n'imitons pas ceux qui laissent de côté la religion et les sacrements, croyant avoir assez fait en s'abstenant de les dénigrer et de les attaquer".
A 11 heures fut servi le déjeuner, présidé par Son Excellence Rme Mgr Cortesi, entouré de Mgr Rangel, du Frère Adorator, Provincial des Frères Maristes ; du Frère Mie-Chrysophore, Directeur du Collège ; des RR. Pères Aumôniers, et d'un bon nombre de professeurs de l'Etablissement. Une fraternelle allégresse en fut le trait dominant. Au nom de tous les élèves actuels, ses condisciples, le jeune Sébastien Faria, de cinquième année, salua les Anciens, qui, en des temps plus ou moins éloignés, avaient occupé leurs places. M. le D. Fausto Moreira, Président de l'Association des Anciens Elèves, prenant ensuite la parole, exposa les progrès accomplis par la Corporation, en fit ressortir le but généreux, l'idéal élevé et les avantages au triple point de vue physique, intellectuel et moral ; remercia les hôtes illustres qui avaient bien voulu présider ces fraternelles agapes et fit des vœux pour la prospérité toujours croissante de la Société, qui a devant elle un avenir si riche d'espérances. Tour à tour, le Frère Provincial, Mgr Rangel et le Frère Directeur portèrent aussi des toasts chaleureux ; et enfin Mgr Cortesi s'exprima, dans la langue diplomatique, en termes extrêmement élogieux pour les Frères et leurs élèves, anciens et actuels.
Malgré la bruine, un match de football entre les représentants du présent et du passé du Collège occupa agréablement une bonne partie de la soirée ; à 6 heures eut lieu le Salut solennel du T. S. Sacrement, et à 7 heures précises arrivait Son Excellence le Nonce Apostolique, Mgr A. J. Scapardini, qui avait bien voulu accepter la présidence de la soirée récréative offerte aux familles des anciens élèves.
Elle se déroula d'après un programme à la fois bien fourni et heureusement combiné, dans l'exécution duquel les élèves anciens et les actuels rivalisèrent de talent, de bonne grâce, et s'attirèrent de la part de l'assistance d'enthousiastes applaudissements.
Pour tout dire d'un mot, ce fut dans toute la force de l'expression, comme les années précédentes, une belle et sympathique fête. On ne saurait trop faire de vœux pour qu'elle se renouvelle pendant longtemps en conservant sans altération le caractère de piété franche et courageuse, de fraternité chrétienne, d'affectueuse gratitude et d'enthousiasme pour le bien dont elle a donné le fortifiant spectacle.