La première éducation religieuse

D. F.

17/Feb/2010

Dans le beau petit livre qu'il a écrit sur l'Art d'attirer les petits enfants à Jésus-Christ, le sage et pieux Gerson consacre le premier chapitre à montrer combien il est important pour eux-mêmes, et pour l'Eglise que les enfants s'approchent de Jésus-Christ dès leur plus tendre jeunesse. Et il n'y a qu'une voix parmi ceux qui ont quelque expérience de l'éducation chrétienne pour proclamer la même vérité. Ils savent que les premières paroles qu'entendent ses oreilles, et toutes les impressions qui accompagnent l'éveil de sa jeune âme à l'existence peuvent avoir et ont souvent, en effet, sur toute sa vie, une influence aussi grave que décisive ; et c'est pourquoi ils sont unanimes à enseigner qu'on ne saurait commencer de trop bonne heure à tourner doucement leur esprit et leur cœur vers la piété. Trop souvent, on parle et on agit avec eux comme s'ils ne pouvaient avoir l'idée de Dieu, ni du devoir, ni du vrai, ni du bien, alors que ces idées présentées d'une certaine façon, comme sait le faire une mère pieuse et intelligente, leur sont facilement accessibles. Aussi Joseph de Maistre considère-t-il comme un grand malheur pour un homme que sa formation religieuse et morale n'ait pas commencé sur les genoux de sa mère. C'est, dit-il, une lacune que rien ne pourra combler entièrement. Mais, « si la mère — ajoute-t-il — s'est fait un devoir d'imprimer profondément sur le front de son fils le caractère divin, on peut être à peu près sûr que la main du vice ne l'effacera pas1 ».

Cette pensée, qui n'est d'ailleurs que la traduction d'un oracle de l'Esprit-Saint dans le livre des Proverbes, est souvent revenue, depuis quelques années, sous la plume de NN. SS. les Evêques, dans leurs lettres pastorales et leurs autres écrits ; et elle a trouvé dans quelques-uns d'entre eux des interprètes particulièrement éloquents en même que très pratiques. Nous ne résistons pas au plaisir d'en citer ici quelques passages, d'autant plus que les instructions qu'ils donnent aux parents chrétiens conviennent aussi, à peu de différence près, à tous ceux qui sont appelés à leur succéder ou à les seconder dans la formation religieuse des jeunes âmes.

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Ecoutons d'abord Mgr Freppel2, l'illustre évêque d'Angers, si connu pour la vigueur avec laquelle il sut défendre au Parlement français les intérêts de l'Eglise. ‘’A qui revient la première part dans cette œuvre si haute et si difficile de l'éducation ?’’, demandait-il dans sa lettre pastorale du 2 février l872. Et il répondait : "A vous-mêmes, Nos Très Chers Frères, à vous, parents chrétiens, qui, en donnant le jour â vos enfants, avez contracté l'obligation de les élever pour Dieu et pour la société. Cette tache est à la fois le premier de vos droits et le plus saint de vos devoirs. C'est à vous qu'il appartient d'initier à la vie intellectuelle et morale ceux qui vous doivent la vie du corps ; et, quelles que puissent être les influences de l'avenir, votre action demeurera la plus décisive de toutes ; vos paroles seront les premières qui arriveront au cœur de vos enfants pour y éveiller le sentiment du bien ou l'instinct du mal, et vos exemples, parlant plus haut encore que votre voix laisseront dans leur mémoire une trace indélébile.

Bien d'antres discours pourront dans la suite frapper leurs oreilles ; le cours naturel des choses les amènera en présence de situations bien diverses ; mais ce qu'ils auront vu et entendu dans l'intimité de la famille, à ces heures de la vie où tout frappe et saisit, où les impressions sont d'autant plus vives qu'elles sont plus fraîches, ce qu'ils auront appris de la sorte ne s'effacera jamais de leur âme. Bons ou- mauvais, les enseignements du foyer domestique ont une force de persuasion à nulle autre pareille, parce qu'ils s'imposent avec l'autorité de la première et de la plus durable des affections humaines. C'est la nature elle-même qui les grave dans nos cœurs, où le respect et la confiance les retiennent à jamais comme un héritage sacré et un patrimoine inaliénable. On peut oublier toute autre chose ; l'âge et les entrainements du monde emportent avec eux bien des souvenirs qui semblaient impérissables ; mais il est une voix qui pour nous ne perd rien de sa force ni de son charme ; c'est la voix grave et douce, insinuante et sévère cru son de laquelle notre âme avait tressailli pour la première fois, dont l'écho se répète à toutes les tentations de la vie, et qui ne s'éteindra pas alors même que tous les bruits de ce monde seront venus expirer au seuil de notre éternité.

Grande est donc votre responsabilité, Nos Très Chers Frères, dans l'éducation de vos enfants, puisqu'il vous appartient d'y mettre la première main et de poser les fondements de leur bonheur. Puissiez-vous comprendre toute la gravité de vos obligations, dans ces jours d'allégresse on la famille voit s'élargir le cercle de ses joies et où il vous est donné de pouvoir vous écrier, dans votre reconnaissance, avec la première Mère du genre humain : Possedi hominem per Deum, j'ai possédé un homme par la grâce de Dieu !

Un homme ! Oh ! le grand mot ! disait Tertullien. Un homme, une créature de Dieu, une Lime que le Christ va consacrer par son baptême, que l'Esprit Saint remplira de sa grâce ! C'est sur cette terre bénie que vous êtes appelés à bâtir ; c'est dans ce champ divin que vous devez jeter la première semence du vrai et du bien ; c'est ce candidat de l'éternité qu'il faudra préparer à ses destinées futures ; c'est à orner et à embellir cette construction divine qu'il s'agira d'apporter tout le soin dont vous êtes capables. Ah ! comprenez de quel respect, de quelle pieuse révérence des parents vraiment chrétiens doivent entourer cette chose si sainte et si pure qui s'appelle l'enfant. Ne vous étonnez pas si le père d'Origène se levait la nuit pour aller déposer sur la poitrine de son fils le baiser de la foi et de l'amour, comme sur un sanctuaire où résidait l'Esprit Saint.

Quoi de plus ravissant d'ailleurs que le spectacle de cette éducation domestique, où l'affection, soutenue par la piété, lutte sans relâche contre les obscurités et les résistances d'un esprit qui vient à peine de s'ouvrir à la lumière.

Quelle plus touchante image que celle d'une mère penchée sur le berceau de cet être chéri, épiant pour ainsi dire les premières lueurs de son intelligence pour y mêler les rayons de la foi et les premiers mouvements de son cœur pour les diriger vers Dieu ; exerçant ses lèvres à murmurer avec le nom de son père les noms de Jésus et de Marie, qui devront faire dans la suite sa consolation et sa force ; dirigeant ses mains inhabiles, qui déjà cherchent le chemin du ciel ou essaient de former ce signe rédempteur qui, pour lui comme pour le savant et pour l'homme de génie, résume et symbolise la doctrine et l'histoire ; et plus tard, le suivant pas à pas dans ses études comme dans ses jeux, écartant le mensonge de sa bouche ou étouffant dans son cœur le premier germe de la révolte gravant dans sa mémoire les divines formules de la prière, expression aussi simple que sublime du dogme et de la morale : mettant à sa portée les enseignements de la religion ; redressant suivant la loi de Dieu ses inclinations naissantes, et le formant par degrés aux vertus qui font le vrai chrétien, l'homme utile a sa famille et à son pays. Non, rien ne vaut ces leçons du jeune âge, quelque élémentaire, quelque naïve même que puisse en être la forme, et ce n'est pas exagéré de dire que nous devons tous plus ou moins à l'éducation maternelle ce qu'il y a de meilleur en nous’’.

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Cet idéal de la première éducation religieuse, que l'illustre évêque d'Angers traçait si éloquemment aux mères chrétiennes, Mgr Egger3, évêque de Saint-Gall, en Suisse, leur enseigne plus pratiquement, mais avec non moins d'onction, comment elles peuvent le réaliser. Il y a autant de plaisir que de profit à lire ces lignes où l'on sent transpirer à chaque mot, avec le zèle du Pasteur, la fine psychologie et le tact délicat d'un éducateur émérite.

L'âme de l'enfant, dit-il, devient sensible aux impressions religieuses vers le temps où il commence à parler. Le langage marque chez lui le début de l'activité intellectuelle, et c'est à la mère qui revient le privilège de provoquer ce double éveil de l'esprit et de la parole. Il doit apprendre d'elle non seulement le langage de la terre, mais aussi le langage du ciel, c'est-à-dire la prière et les pieux sentiments auxquels la prière sert d'expression.

Pour une mère vraiment chrétienne, ce devoir est sans contredit le plus beau et le plus agréable de tous. Son enfant est l'image de Dieu, l'enfant de Dieu, le temple du Saint-Esprit ; d'autre part, le maître souverain du ciel et de la terre est le Père de cet enfant, Père plein d'amour et de bonté. Combien la mère ne doit-elle pas être heureuse d'apprendre à cet enfant à parler à ce Père avec tendresse, avec respect, avec confiance ;

Tant que l'enfant est incapable de comprendre cette langue du ciel, sa mère se contentera de prier pour lui avec une grande ferveur. C'est, en effet, une œuvre bien mystérieuse, celle qui consiste à faire pénétrer dans l'âme d'un enfant les lumières de la foi, l'esprit de piété et la crainte de Dieu. Un tel résultat dépasse entièrement les forces de l'homme ; pour l'atteindre, la grâce de Dieu est absolument nécessaire. Il faut que ce secours divin rende la mère capable de remplir sa tache et agisse en même temps sur le cœur de l'enfant. Les hommes plantent et arrosent ; mais c'est le Seigneur qui donne l'accroissement.

Si l'on songe à l'avenir de l'enfant, aux tentations et aux dangers auxquels il va être exposé, et qui trop souvent viennent détruire ce que la mère a péniblement édifié, on comprend combien il est nécessaire de confier cette plante délicate à la garde de Notre Seigneur qui seul peut la mettre à l'abri des orages et des tempêtes. N'y a-t-il pas là, pour la mère contemplant le berceau de son enfant, un puissant motif de ne pas s'abandonner à de vaines pensées, mais de consacrer à Dieu cette jeune âme, de la mettre sous la protection de la Mère du bel amour et de la recommander à l'ange gardien par de ferventes prières ?

Néanmoins, quoique la grâce divine soit le principal agent pour faire éclore le germe des vertus dans le cœur de l'enfant, il va sans dire que le résultat ne saurait s'obtenir sans les secours des parents. Ce n'est pas le jardinier, non plus, qui fait croître et mûrir les fruits ; et pourtant, s'il veut en recueillir au temps de la récolte. il doit cultiver les arbres avec soin. Il en est ainsi de la formation religieuse de l'enfance : la mère doit faire preuve de zèle et de bonne volonté, et si à cela elle joint une certaine connaissance des principes d'éducation, ses efforts seront d'autant plus sûrement couronnés de succès.

Dans l'histoire de la Révélation, on remarque que la connaissance du Père, du Fils et du Saint-Esprit n'a été manifestée aux hommes que par degrés et insensiblement. C'est de la même manière que la mère doit procéder à l'égard de ses enfants, parce que leur intelligence encore faible et peu ouverte ne comporte pas un autre mode d'enseignement. Les vérités de la foi seront exposées graduellement, et l'exercice de la prière accompagnera toujours les explications théoriques.

Il est d'abord une vérité que l'enfant saisit. sans peine : c'est Glue Dieu est le créateur du ciel et de la terre ; que, comme un bon père, il veille du haut du ciel sur nous qui sommes ses enfants. C'est par ce dogme fondamental que la mère commencera l'instruction religieuse de ses enfants ; elle insistera fortement sur ce point.

Que Dieu est un être invisible, l'enfant le comprendra en voyant sa mère et tous les autres membres de la famille s'adresser avec respect, dans la prière, à Celui que nul mil mortel ne saurait contempler. La mère complétera cette notion en inspirant à l'enfant le sentiment de la grandeur et de la bonté infinies de Dieu. Elle devra surtout appuyer sur cette pensée, que Dieu sait tout et voit tout. Si à cela elle ajoute quelques mots sur le bonheur du paradis et sur la protection de l'ange gardien, on peut dire que c'est assez pour commencer. Dans les premiers temps, il vaut mieux ne pas parler à l'enfant de l'enfer et des autres graves vérités du salut.

Tout en donnant l'enseignement théorique, la mère s'appliquera à développer dans le cœur de sou enfant des sentiments de respect, de reconnaissance et d'amour pour Dieu. Elle lui rappellera souvent que Dieu est présent partout et qu'il ne faut pas l'offenser :

C'est seulement lorsque ces notions et ces sentiments auront pénétré dans l'âme de l'enfant qu'on pourra songer à le faire prier ; car ce serait une erreur de croire que l'enfant prie parce qu'il parvient répéter quelques invocations qu'il ne comprend pas. La prière est essentiellement l'expression d'un sentiment intérieur. Sans doute chez l'enfant ce sentiment sera plein de naïveté et de candeur ; cependant il doit exister si l'on veut que la prière soit digne de ce nom.

Au début, la mère fera donc bien de se contenter d'exiger que l'enfant se tienne tranquille et joigne respectueusement ses petites mains pendant que les autres personnes de la maison feront leur prière. Lors qu'il sera un peu plus avancé, sa mère dira devant lui, à certains moments déterminés, quelques courtes prières bien simples et bien ferventes, que l'enfant devra répéter avec dévotion.

Il ne peut pas être question encore de les lui faire retenir par cœur. Il est même préférable d'abord de varier les termes pour ne pas le fatiguer par des répétitions qui ne manqueraient pas de lui paraître monotones. L'enfant aime le changement.

Mais il ne faut négliger aucune occasion de lui parler de Dieu, et faire en sorte que ce nom adorable conserve bien à ses. yeux toute sa signification et éveille toujours dans son âme des impressions religieuses. Pour une mère véritablement pieuse, c'est une tâche agréable, une douce obligation de graver profondément et en traits ineffaçables, dans le cœur de ses enfants des sentiments de reconnaissance et d'amour envers Dieu.

* *

C'est ainsi que le comprenait la mère de Lamartine, qu'on peut citer à cet égard comme un excellent modèle.

Sa piété, dit le grand poète dans ses Confidences, était la part d'elle-même qu'elle désirait le plus ardemment nous communiquer. Faire de nous des créatures de Dieu en esprit et en vérité, c'était sa préoccupation la plus maternelle. A cela elle réussissait sans système, sans effort, avec cette merveilleuse habileté de la. nature qu'aucun artifice ne peut égaler. Sa piété, qui découlait de chacune de ses aspirations, de chacun de ses actes, de chacun de ses gestes, nous enveloppait, pour ainsi dire, d'une atmosphère du ciel ici-bas. Nous croyions que Dieu était, derrière elle, et que nous allions l'entendre, le voir comme elle semblait elle-même l'entendre, le voir et converser avec lui à chaque heure du jour. Dieu était pour nous comme l'un d'entre nous. Il était né en nous avec nos premières et nos plus indéfinissables impressions. Nous ne nous souvenions pas de ne l'avoir pas connu ; il n'y avait pas un premier jour où on nous avait parlé de lui ; nous l'avions toujours vu en tiers entre notre mère et nous. Son nom avait été sur nos lèvres avec le lait maternel ; nous avions appris à parler en le balbutiant.

A mesure que nous avions grandi, les actes qui le rendent présent et même sensible à l'âme s'étaient accomplis vingt fois par jour sous nos yeux. Le matin, le soir, avant, après nos repas, on nous avait fait faire de courtes prières. Les genoux de notre mère avaient été longtemps notre autel familier- Sa figure rayonnante était toujours à ce moment voilée d'Un recueillement respectueux et un peu solennel, qui nous avait imprimé à nous-mêmes le sentiment de la gravité de l'acte qu'elle nous inspirait. Quand elle avait prié avec nous et sur nous. son beau visage devenait plus doux et plus attendri encore. Nous sentions qu'elle avait communiqué avec sa force et avec sa joie pour nous en monder davantage.

Toutes nos leçons de religion se bornaient pour elle à être religieuses devant nous. La perpétuelle effusion d'amour, d'adoration, de reconnaissance et de prière qui s'échappait de sen âme était sa seule et naturelle prédication. La prière, mais la prière rapide, lyrique, ailée, était associée aux moindres actes de notre journée. Cette invocation s'y unissait si à propos qu'elle était toujours un plaisir au lieu d'être une obligation et une fatigue. Notre vie était, entre les mains de cette femme, un sursum corda perpétuel. Elle s'élevait aussi naturellement à la pensée de Dieu, que la plante s'élève à l'air et à la lumière.

Notre mère pour cela faisait le contraire de ce qu'on fait ordinairement. Au lieu de nous commander une dévotion chagrine, qui arrache les enfants à leurs jeux ou à leur sommeil pour les forcer à prier Dieu, souvent à travers leur répugnance et leurs larmes, elle faisait pour nous une fête de l'âme de ces courtes invocations auxquelles elle nous conviait en souriant. Elle ne mêlait pas la prière à ce qui pouvait exciter nos larmes, mais à tous les petits événements heureux qui nous survenaient pendant la journée.

Ainsi quand nous étions réveillés dans nos petits lits, que le soleil si gai du matin étincelait sur nos fenêtres, que les oiseaux chantaient sur nos rosiers ou dans leur cage, que les pas des serviteurs résonnaient depuis longtemps dans la maison et que nous l'attendions elle-même impatiemment pour nous lever, elle montait, elle entrait, le visage toujours rayonnant de bonté, de tendresse et de douce joie ; elle nous aidait a nous habiller ; elle écoutait ce petit ramage d'enfants dont l'imagination rafraîchie gazouille au réveil comme un nid d'hirondelles gazouille sous le toit quand la mère approche ; puis elle nous disait : "A qui devons nous ce beau jour dont nous allons jouir ensemble ? C'est à Dieu, c'est à notre Père céleste. Sans lui, ce beau soleil ne se serait pas levé ; ces arbres auraient perdu leurs feuilles : les oiseaux seraient morts de faim et de froid sur la terre nue, et vous, mes pauvres enfants, vous n'auriez ni lit, ni maison, ni jardin, ni mère pour vous nourrir, vous abriter, vous aimer et vous réjouir. Il est bien juste de le remercier pour tout ce qu'il nous donne avec ce jour, de le prier de nous en donner beaucoup d'autres pareils’’. Alors elle se mettait à genoux, elle joignait elle-même nos petites mains dans les siennes ; puis elle faisait lentement et a demi-voix la courte prière du matin, que nous répétions avec ses inflexions et ses paroles

* *

Une pareille éducation religieuse au foyer familial est sans aucun doute un inestimable bienfait, et il serait grandement à désirer qu'elle fût celle de tous les jeunes chrétiens ; malheureusement. il est loin d'en être ainsi. Pratiquement, c'est à l'instituteur chrétien qu'incombe très souvent la première éducation religieuse des enfants. C'est pourquoi il nous a paru que les lecteurs du Bulletin trouveraient grand profit à lire les éloquentes recommandations de Mgr Freppel aux chefs de famille, les conseils si pratiques de Mgr Egger aux mères chrétiennes, ainsi que les exemples de l'incomparable éducatrice que fut la mère de Lamartine, et que ces quelques pages seraient une utile introduction à une série d'articles sur l'Éducation religieuse que nous nous proposons dé publier cette année :

Pour peu qu'on réfléchisse, on verra que toutes les qualités les plus désirables' dans un bon catéchiste, le sentiment de la haute mission qu'il remplit et de la responsabilité qui en résulte, le respect pour l'enfant, le soin de prier pour ceux qu'il veut instruire, l'attention à ne leur donner que de bons exemples, l'application à graduer son enseignement pour le tenir à leur portée, et à le rendre attrayant pour le leur faire mieux goûter, s'y trouvent admirablement rappelées.

On sait que le célèbre Père Girard, dans des livres les plus solidement pensés qui aient été écrits sur l'Éducation, a préconisé, pour apprendre aux enfants à se servir de la langue de leur pays, la méthode qu'emploient instinctivement les mères pour leur apprendre à parler. N'a-t-on pas l'impression en lisant les pages où Lamartine raconte sa première éducation religieuse que le moyen le plus efficace pour inculquer facilement et d'une manière durable aux enfants les premiers principes de la religion, de la piété, serait peut-être aussi de s'inspirer discrètement des procédés que l'instinct maternel et l'esprit de Dieu concourent à suggérer pour cette fin aux mères pieuses ?

Il est vrai, comme le remarque Mgr Egger, que, dans leur succès, les procédés ne sont probablement pas l'élément principal. La clef de l'énigme, pour expliquer comment les mères pieuses ont presque toujours su élever des enfants pieux, est que leur cœur était tout brûlant de l'amour de Dieu, et tout rempli de la joie de le servir. Avec cette éloquence persuasive qui est leur privilège, elles ont fait passer dans l'âme tendre et délicate de leurs enfants, les sentiments de piété et les saintes dispositions qui les pénétraient elles-mêmes. Ces saintes dispositions ont transformé en prière les premiers bégaiements de l'enfant ; elles ont grandi avec lui et ont produit plus tard les fruits de vertu dont leur vie a porté l'empreinte.

C'est surtout par ce côté que le bon catéchiste doit s'efforcer de ressembler aux mères vraiment chrétiennes, s'il veut arriver au même résultat. litre pieux, vertueux, pour inspirer plus efficacement la piété et la vertu aux jeunes âmes que le bon Dieu lui a confiées.

D. F.

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1 Soirées de Saint-Pétersbourg.

2 Né à Obernay (Bas Rhin) en 1827 ; Mort à Angers en 1891.

3 Né à Kirchberg en 1833 ; mort à St-Gall en 1907.

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