La traditionnelle vedette V.J.M.J

13/Oct/2010

Parmi les innombrables et vénérables documents qui s'entassent aux archives du Secrétariat Général, il existe un coffret de bois où se conservent des écrits authentiques du V. P. Champagnat. C'est avec une émotion intense que l'on se penche sur ces cahiers et ces feuillets jaunis par les années, comme l'on vénère les reliques des saints. Il y a entre autres un paquet de lettres classées sous le N° 8. Ce sont celles adressées à des Frères. L'une des plus anciennes de ces feuilles porte le cachet de la poste et l'adresse du F. Antoine, Instituteur, à Millery (Rhône), car alors on pliait simplement le papier et on le fermait avec un petit pain à cacheter.

A la cime de la page, se détachent, très nets, ces mots: Vive Jésus, Vive Marie, vive St. Joseph ! Puis on lit ceci:

 

« Mes bons amis,

« Je crains ne vous avoir pas averti que les vacances ne commenceront que le 15 septembre… Ne vous épouvantez pas nous avons Marie pour notre défense. Tous nos cheveux sont comptés, il n'en tombera pas un seul sans que Dieu le permette. Persuadons-nous bien que nous n'avons pas de plus grand ennemi que nous-mêmes. Nous seuls pouvons nous faire du mal, personne autre ne peut nous en faire. Dieu a dit au méchant tu viendras jusque là et tu n'iras pas plus loin… »

 

Cela porte la date du 5 août 1830. La révolution sévissait depuis le 28 juillet. Et les bruits sinistres, circulant dans la contrée, expliquent les cris de foi qui commencent la lettre et les réflexions qui les suivent…

Depuis, dans les correspondances officielles et privées figure la traditionnelle vedette, ou en toutes lettres comme dans la missive aux Frères de Millery, ou seulement avec les initiales: V. J. M. J. Le cachet officiel de l'Institut sous le monogramme marial et la triple violette symbolique, porte les quatre lettres bénies. Elles indiquent la triple dévotion, le triple amour, la triple connaissance à cultiver par les vrais disciples du V. P. Champagnat, par les Petits Frères de Marie authentiques. Tout un programme se condense donc dans ces signes dont la portée symbolique échappe peut-être à plus d'un esprit distrait.

En effet quel est le but de l'existence d'un Petit Frère de Marie?

Mieux connaître, mieux aimer, mieux servir Jésus, Marie, Joseph; afin de mieux les faire connaître, aimer, et servir par le plus grand nombre d'âmes possible: Voilà le double idéal de sanctification personnelle et de rayonnement apostolique!

Connaître ! Aimer ! Servir ! Si nous en croyons la bonne et saine psychologie ainsi que l'expérience fournie par la vie des Saints, ces trois termes doivent constituer une trilogie indissoluble.

 

1° – Connaître. — Le bon sens élémentaire nous dit que l'on cherche un objet, on l'estime, on l'aime dans la mesure où l'on connaît ses qualités. Et quand les sentiments d'affection ou d'amour qui en dérivent sont réels et profonds ils deviennent un culte, une dévotion, c'est-à-dire en fin de compte un don de soi, car c'est bien là le sens vrai des mots : dévotion, dévouement.

La connaissance de Jésus, de Notre-Dame et de Saint Joseph ne s'acquiert que par l'étude des Saintes Ecritures interprétées par l'Eglise, c. à. d. par les Pères, les Docteurs, les théologiens, guidés par le magistère infaillible des Souverains Pontifes.

Il y a une christologie ou science des mystères du Fils de Dieu incarné pour ramener à Dieu la pauvre humanité pécheresse, et le champ des recherches est incommensurable. Il y a une théologie mariale et une théologie joséphiste qui précisent les bases dogmatiques de nos relations avec la T. S. Vierge et son glorieux Epoux, patron de l'Eglise universel.

On a dit que les dogmes sont générateurs de la piété et que si celle-ci ne se nourrit pas de moelle doctrinale elle risque de s'anémier… Mais il y a une connaissance, un enseignement dogmatique qui peut perdre contact avec la vie spirituelle et rester stérile… Il y a une manière d'étudier les questions par une certaine curiosité, dans le but d'en parler avec habileté, justesse ou profondeur ; avec l'intention avouée de Les défendre contre des contradicteurs. C'était un peu l'habitude des docteurs de la loi et des pharisiens du temps de Notre-Seigneur, mais ils n'en vivaient pas mieux. C'était le tort des philosophes à l'époque de St. Paul, puisque le grand Apôtre leur reproche d'avoir connu la vérité sans la mettre dans leur. vie.

Hélas! l'histoire de l'Eglise ct de la spiritualité démontre assez que l'on peut être philosophe et théologien, que l'ou peut discuter de hautes questions religieuses et n'être pas pour autant homme de Dieu. Dans une sphère plus modeste qui se rapproche de la nôtre, il n'est pas impossible de voir des orateurs, des prédicateurs, des conférenciers ou apologistes, des catéchistes doctes et habiles dans la connaissance et l'exposition des sciences religieuses et ne sachant pas mettre leur conduite d'accord avec leur doctrine.

 

2° – Aimer. — Malheur, disait Bossuet, à la connaissance qui ne se tourne pas à aimer ! C'est aimer ! C'est alors contre la lumière. Ce péché-là est très grave, parce qu'on méprise l'appel du bon Dieu, et cet appel méconnu, a remarqué le P. Lagrange à propos des Juifs, retombe lourdement sur les têtes rebelles.

Nos études religieuses doivent nous faire explorer, autant que nos forces nous le permettent, ces sublimes objets : Jésus, Marie, Joseph ; nous instruire de leur personne, de leur rôle dans l'Incarnation, de leurs grandeurs, de leurs privilèges. Mais ces études, il faut les entreprendre et les poursuivre en esprit d'oraison et d'humilité et avec le désir sincère, la volonté loyale et résolue de reproduire ces modèles en notre vie. Et si le désir du bien est ainsi logique jusqu'à l'efficacité, il nous aidera dans nos efforts pour arriver au vrai. Alors, il pourra se produire ce que nous admirons dans l'âme des saints : l'amour de Jésus, de Marie et de Joseph, entretenu par la prière humble et constante, donnera pour ainsi dire des yeux à l'intelligence et la rendra plus pénétrante. Ce fut le secret de ces multitudes d'âmes frustes au point de vue strictement scientifique et néanmoins merveilleusement éclairées dans les mystères divins.

Normalement la connaissance doit inviter à l'amour. Si par l'étude et l'oraison, Jésus, Marie, Joseph deviennent le centre de nos pensées, ils seront aussi lei centre de nos affections; car, le cœur et la volonté seront mus vers des objets si dignes d'être aimés et vénérés.

Il y a un amour purement affectif qui consiste à se complaire dans la louange et l'honneur dus à l'objet aimé parce qu'il en est digne. Ainsi nous devons aimer à chanter les louanges de N. S., de Notre-Daine et du bon St. Joseph ; à parler avec enthousiasme de leurs grandeurs et de leur gloire. Ce sera l'éternelle occupation du paradis… Mais sur la terre, cet amour ne suffit pas. Jésus, Marie, Joseph, centre de nos pensées et de nos affections doivent l'être de toutes nos actions. Jésus, Marie, Joseph devant nos yeux, dans notre cœur et dans nos mains, donc, dans toute notre vie !

 

3° – Servir ou se donner. — Par là, nous arrivons au don de soi, à la consécration totale, à la vraie dévotion. En effet, si la connaissance et l'amour ne sont pas pure illusion ou fantaisie, ils aboutissent à la reproduction du modèle connu et aimé, à l'imitation aussi parfaite que possible des vertus admirées et louées.

 La dévotion solide, substantielle, disent les maîtres de la vie spirituelle, après St. Thomas d'Aquin, est dans la disposition vigoureuse de la volonté à faire ce que Dieu demande, sans tenir compte des impressions de la sensibilité.

L'humanité sainte de Notre-Seigneur Jésus-Christ n'a jamais eu, sur la terre, d'autre but, d'autre tendance foncière que de faire la volonté de son Père. Notre-Dame et St. Joseph, eux aussi, n'avaient qu'une intention, un idéal: copier, vivre Jésus ! Faire ce que veulent Marie et Joseph, c'est imiter, reproduire comme eux le Divin Modèle.

Donc, notre dévotion à Jésus, Marie, Joseph, si elle est vraie, doit se simplifier et n'avoir qu'un idéal à poursuivre sans trêve: 'Faire en tout, partout et toujours la sainte volonté de Dieu !…

 

Conclusion. — Quand nous disons ou traçons en tête de nos lettres et écrits:

Vivent Jésus, Marie, Joseph!

qu'est-ce donc que cela doit signifier? Est-ce une formule creuse et routinière que l'on écrit ou répète en la vidant de toute pensée? Pour rester dans la vérité, elle doit traduire le souhait ardent de voir J. M. J. vivre en nous et autour de nous. Elle doit être l'ex- .pression de la triple dévotion classique dans l'Institut des Petits Frères de Marie, du triple amour et de la triple connaissance qui s'y maintiennent et y rayonnent. C'est tout l'idéal de notre vie religieuse et apostolique qui se condense là comme en un comprimé d'ordre surnaturel!

Nous imiterons notre V. Fondateur et ses vrais disciples. Nous étudierons, nous aimerons, nous servirons Jésus, Marie, Joseph. Nous vivrons leurs pensées, leurs sentiments, leurs vertus. Alors nous n'hésiterons pas à mettre ces noms bénis comme un cachet d'appartenance sur tous les détails de notre vie. Depuis les origines, (1824), par l'invocation: « J. M. J. ayez pitié de nous » à la prière de l'heure et par l'aspiration: V. J. M. J., les Frères pieux consacrent leur activité à la Sainte Famille.

Aimons à redire les oraisons jaculatoires indulgenciées où reviennent ces saints noms: J. M. J. (7 ans d'ind. S. P. A. 18-III-1932),

J. M. J. je vous donne mon cœur, mon esprit et ma vie. J. M. J. assistez-moi dans ma dernière agonie ! J. M. J. que mon âme, en paix, expire en votre compagnie! (7 ans d'ind. pour chacune des formules, avec ind. plén. mensuelle si elle est pieusement dite chaque jour. S. P. A. 12-Y-1936).

Enfin cette aspiration indulgenciée pour nous, par indult spécial:

J. M. J. faites que je vive et que je meure en bon Petit Frère de Marie! (300 g. d'ind.).

 

V. J. M. J. !

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