Lamiral Pévet à Mételin
Le Marin
03/Sep/2010
Collège Saint-Louis de France1. — Le collège Saint-Louis de France, à Metelin, fut fondé par nos Frères en 1901, à la demande de S. E. M. Constans, ambassadeur de France à Constantinople.
On était en plein conflit franco-turc, aussi l'établissement eut-il des débuts pénibles. Les trois premiers mois, sous prétexte que le collège n'était pas autorisé par le gouvernement turc, les portes en furent gardées militairement par la police ottomane, afin d'empêcher les élèves d'y venir et il fut défendu aux parents, sous des peines sévères, d'y envoyer leurs enfants. Ce ne fut qu'au prix d'un courage presque héroïque qu'un petit nombre réussirent à forcer la consigne.
Mais l'ambassade de France, à la demande de laquelle le collège avait été fondé, ne pouvait le laisser périr victime de ces vexations arbitraires ; c'est pourquoi, le 3 novembre de la même année, à la sollicitation de M. Constans, une escadre française de neuf vaisseaux, sous le commandement de l'amiral Gaillard, vint faire une démonstration sur les côtes de l'île. Le drapeau tricolore fut arboré sur le collège pour le protéger, et, le 1ier janvier suivant, nous recevions la notification officielle que le collège était approuvé par le gouvernement turc.
Ce ne fut point la fin des vexations, qui continuèrent à lui venir d'un peu partout et particulièrement du clergé grec schismatique ; mais c'était du moins la reconnaissance de son droit de- cité. Depuis il a progressé lentement, mais d'une manière à peu près constante ; de sorte qu'aujourd'hui, malgré la rude concurrence d'un collège grec des mieux organisés, plus de 60 élèves appartenant aux meilleures familles viennent lui demander l'instruction et l'éducation qui doivent les armer pour la lutte de la vie.
A plusieurs reprises, le collège a reçu d'autres visites du personnel de l'escadre française, notamment celle de l'amiral Gourdon, le 15 juin 1904, et un peu plus tard, en 1906, celle du commandant Cros. Le 14 décembre dernier, enfin ce fut le tour de l'amiral Pivot et de son état-major. Voici en quels termes le Stamboul, journal de Constantinople, rendait compte de celte visite, d'après son correspondant particulier de Metelin
« Vers 10 heures, l'amiral, son état-major et M. le consul se rendirent en landau, escortés de gardes à cheval, au collège Saint-Louis de France.
Entièrement pavoisé aux couleurs nationales, le collège' annonçait un grand jour de fête, et là tout le monde s'apprêta à recevoir grandiosement les représentants de la France. La foule, toujours si sympathique à ces vaillants marins, s'était portée nombreuse vers l'école pour 'voir arriver le cortège en. grand uniforme, et participer elle aussi à cette fête. A leur arrivée à la grande salle des fêtes, artistement décorée, ils furent chaleureusement acclamés, et la Marseillaise, enlevée avec en- train, communiqua ce doux frisson qui fait vibrer les cœurs et électriser les foules. Après l'hymne national, l'élève M. Ernest Mourat, dans un vibrant compliment haché d'applaudissements, souhaita la bienvenue à ces vaillants officiers. Ce discours plein de patriotisme fut vivement goûté par toute l'assistance.
Dans une séance toute de famille, l'amiral Pivot put con, stater avec joie les beaux résultats du dévouement des Frères Maristes. Parmi les nombreux acteurs qui ont paru en scène, je citerai au hasard Noty Pappadopoulo, qui eut les plus vifs applaudissements pour son monologue comique déclamé avec beaucoup de tact ; Pierre Gobache, qui dans une belle poésie toute d'actualité, l'Escadre, débitée avec art, fit passer un agréable moment aux visiteurs. Mais le clou de la fête fut le chœur Vive la France de C. Auge, exécuté à trois parties par tous les élèves. Aussi l'amiral, en termes très touchants, remercia-t-il les Frères et les élèves de cette belle manifestation. Il déclara être surpris de voir même de tout petits élèves si bien s'exprimer en français.
Dans un éloquent discours coupé d’applaudissements, montra sa joie de se voir si bien fêté, et, comme récompense .de l'honneur rendu à la France, il invita tout le collège à bord du Jules–Ferry portant son guidon d'amiral. La mer fut si houleuse, pendant ces deux jours, que les Frères Maristes seuls purent se rendre à la gracieuse invitation 'de M. l'amiral.
Quant à nous, nous avons beaucoup regretté de n'avoir pu affronter ces effrayantes lames qui depuis trois jours déferlent jusque sur nos quais ; cependant combien était grande notre envie de visiter ces superbes navires, surtout l'Ernest-Renan avec ses six cheminées. Ce navire a dû quitter notre rade 48 heures avant les autres, afin d'aller faire du charbon à Syra. Nous souhaitons bon voyage à ces lévriers de la mer et désirons que les Cavalliotes aient une mer plus favorable que la nôtre ». Le Marin.
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1 Ces détails sont empruntés à une relation qu'a bien voulu nous envoyer le C. F. Marie Florentien, directeur actuel de l'établissement. Nous regrettons de n'en pouvoir donner qu'une analyse.