Les objectifs de léducation secondaire catholique aux Etats-Unis
18/Oct/2010
Au cours de l'année scolaire 1947-1948, le Bulletin of Studies a publié une série d'articles sur les objectifs de l'éducation secondaire catholique aux Etats-Unis. Ces notes paraîtront très opportunes, si l'on tient compte de deux faits. Le premier est que nos Frères de cette province sont demandés pour travailler dans les High Schools ou écoles secondaires ; le second est que l'organisation de Marian College, à Poughkeepsie, permet une préparation immédiate des maîtres qui auront à donner, dans la suite, cet enseignement. Puisque dans le plus grand nombre de nos provinces, aujourd’hui, nous dirigeons des établissements secondaires, il semble intéressant et utile de reproduire ces objectifs comme thème à réflexion et à comparaison.
Remarques préliminaires
1° Fin dernière de l'éducation catholique. — Les objectifs derniers de l'éducation sont les objectifs suprêmes de la vie. En conséquence, pour le catholique, « l'éducation consiste essentiellement dans la formation de l'homme, lui enseignant ce qu'il doit être et comment il doit se comporter, ici-bas, afin d'atteindre la fin sublime pour laquelle il a été créé ». (Pie XI, Education chrétienne de la jeunesse).
2° Sa fin prochaine. — Le pape Pie XI nous dit aussi ce que l'homme doit s'efforcer de devenir ici-bas : rien moins qu'un véritable et parfait chrétien ! « La fin propre et immédiate de l'éducation chrétienne est de coopérer à l'action de la grâce divine dans la formation du véritable et parfait chrétien. » (Op. cit.)
3° Sujet de l'éducation catholique. — Pie XI décrit le fonds premier de l'éducation qui doit être développée dans le vrai et parfait chrétien : « Le sujet de l'éducation chrétienne, c'est l'homme tout entier : un esprit joint à un corps dans l'unité de nature, avec toutes ses facultés naturelles et surnaturelles, tel que nous le font connaître la droite raison et la Révélation ; toutefois, c'est l'homme déchu de son état originel, mais racheté par le Christ et rétabli dans sa condition surnaturelle de fils adoptif de Dieu, sans l'être pourtant dans les privilèges préternaturels d'immortalité de son corps, d'intégrité et d'équilibre de ses inclinations. » (Op. cit.)
4° Unique moyen de l'éducation catholique. — La tâche à accomplir a de quoi rendre hésitant, mais la grâce est puissante. « Par-dessus tout, dit l'encyclique, il importe d'éclairer l'intelligence et de fortifier la volonté au moyen des vérités surnaturelles et avec le secours de la grâce, sans laquelle il est impossible de dominer les mauvaises inclinations et d'atteindre la perfection requise pour l'action éducatrice de l'Église, de cette Église que le Christ a dotée en toute perfection et plénitude de sa divine doctrine et des sacrements, instruments efficaces de la grâce. » (Op. cit.)
5° Produit de l'éducation catholique. — « Le fruit de l'éducation catholique est le véritable chrétien, c'est-à-dire l'homme surnaturel qui pense, juge, agit, avec constance et esprit de suite, suivant la droite raison éclairée par la lumière surnaturelle des exemples et de la doctrine du Christ. » (Op. cit.)
6° But de l'éducation catholique. — De crainte que le concept de vrai chrétien ne soit pris trop étroitement, le Pape insiste : « L'éducation chrétienne embrasse la vie humaine sous toutes ses formes : sensible et spirituelle, intellectuelle et morale, individuelle, domestique et sociale, non certes pour la diminuer en quoi que ce soit, mais pour l'élever, la régler, la perfectionner d'après les exemples et la doctrine du Christ. » (Op. Cit.)
7° Ces principes et l'éducation secondaire. — Les principes, cités ci-dessus, sont, il est clair, l'âme de la formation scolaire catholique à tous les degrés : élémentaire, secondaire, collégial, universitaire, comme ils sont aussi l'esprit vivifiant des milieux non scolaires d'éducation catholique tels que la famille ou la paroisse.
L'exposé des objectifs qui suit cherche à les appliquer à l'éducation scolaire au degré secondaire, bien que tel ou tel objectif soit applicable aussi bien au degré élémentaire qu'au degré collégial.
8° Organisation des objectifs. — Les objectifs de l'éducation catholique aux États-Unis sont de guider, de nourrir et de stimuler l'esprit et le cœur de l'adolescent pour former des catholiques : intelligents, vigoureux spirituellement, cultivés, bien portants, préparés à leur vocation, d'une mentalité sociale américaine.
Des sept grands objectifs mentionnés, les quatre premiers se rapportent au sujet de l'éducation secondaire catholique considérée comme individu, les trois derniers l'envisagent comme membre d'un groupe social.
Détail de ces objectifs.
I. Former des catholiques intelligents. —1) Qui aient acquis le bagage commun des connaissances profanes qu'on est en droit d'attendre d'élèves des écoles secondaires, et qui aient appris à employer et interpréter les sources communes d'information.
2) Qui aient une compréhension assez profonde de la doctrine et de la pratique catholiques et puissent donner raison de leur foi.
3) Qui comprennent que le catholicisme, comme méthode de vie basée sur les vérités éternelles, doit influencer leur attitude et leur conduite, en tout problème de vie de caractère personnel ou social.
4) Qui reconnaissent qu'il y a des principes éternels et qu'il n'y a pas incompatibilité entre le caractère éternellement vrai de tels principes et leur application à une civilisation changeante.
5) Qui aient développé la soif du savoir et qui déploient une grande initiative et énergie dans sa poursuite : qualités qui se révéleront par l'aptitude à prolonger ultérieurement leur formation scolaire, si l'occasion s'en présente, ou à la continuer personnellement, si cette éducation scolaire s'achève avec leurs classes secondaires.
6) Qui estiment les choses de l'esprit plus que les biens matériels et le confort personnel, et qui aient, en conséquence, développé l'habitude de lire ce qui en vaut la peine dans la littérature catholique et profane.
7) Qui s'intéressent, d'une façon modeste, à des travaux intellectuels en vue d'obtention de bourses scolaires.
8) Qui puissent reconnaître un problème, quand il s'offre à eux ; le formuler d'une façon précise et, à la lumière d'une évidence valable, présenter un plan raisonnable de solution.
9) Qui soient intellectuellement humbles, honnêtes, objectifs, et néanmoins pleins de discernement dans leurs jugements, nullement dupes des préjugés, des slogans ou de la propagande.
10) Qui aient profité, selon leur capacité, d'une formation donnée à propos et hors de propos, dans les fondamentales vertus de l'esprit comme l'attention, l'exactitude, la logique, la clarté, la sincérité et la persévérance.
II. Former des catholiques d'une spiritualité vigoureuse. — I) Qui vivent, personnifient en quelque sorte la vérité, spécialement la vérité morale et religieuse par l'application qu'ils en font à leur propre conduite.
2) Qui entretiennent vivante la pensée de Dieu comme source et sanction de toutes les obligations morales ; et qui, par conséquent, aient le sens de leur responsabilité personnelle, premièrement vis-à-vis de Dieu, secondement d'eux-mêmes et des autres, soit supérieurs, égaux ou inférieurs, et qui aient une appréciation correcte de l'origine de l'autorité et de son corrélatif, le principe de l'obéissance.
3) Qui, habituellement, agissent selon les principes chrétiens plutôt que par instinct, sentiment ou passion (ou d'après des considérations de simple convenance purement humanitaires ou de servile complaisance pour la mode) et qui, cependant, s'efforcent d'user de ces puissants instruments de culture personnelle comme l'indiquent la raison et la foi.
4) Qui, aussi, comprennent et suivent prudemment la voie chrétienne du renoncement au sujet de ces tendances passionnelles.
5) Qui affrontent, avec une force confiante et chrétienne, les multiples dangers qui menacent la vie du corps et de l'âme et font bon accueil aux inévitables épreuves qui trempent le caractère de l'homme et prouvent sa valeur durant sa formation.
6) Qui s'efforcent d'avancer dans toutes les vertus naturelles et surnaturelles, sans exclure telles vertus chrétiennes improprement dites « passives », comme la douceur et l'humilité.
7) Qui ont appris à trouver dans les vies du Christ, de Notre-Dame et des Saints et dans les livres de doctrine ascétique, l'inspiration qui les conduit vers une vie catholique supérieure à la médiocre.
8) Qui reconnaissent et remplissent leur obligation chrétienne d'aider les autres à atteindre un semblable progrès personnel, moral et religieux, soit par un contact personnel, soit par une action catholique vigoureuse dans la famille, la paroisse, l'école et autres groupes sociaux.
9) Qui ont appris à exprimer leur dévotion à la divine personne du Christ, à ses principes et idéaux par leur dévotion à la personne, aux principes et aux idéaux du Corps Mystique du Christ — l'Église — sous la conduite de son vicaire sur la terre, aspirant, si leurs talents les y autorisent, à une direction courageuse et dynamique dans le magnifique champ de l'Action Catholique.
10) Qui voient leur absolu besoin d'aide surnaturelle ; la cherchent par la prière, les sacrements et autres bonnes ouvres, et collaborent généreusement avec elle.
III. Former des catholiques cultivés. —1) Qui reconnaissent la force ennoblissante d'une intelligente appréciation de la beauté, soit cette beauté trouvée dans la nature, dans les œuvres d'art humain, les grands caractères d'hommes, la majestueuse liturgie de l'Église, soit l'idéale beauté du Christ, toutes reflets de l'infinie beauté de Dieu.
2) Dont le goût a été cultivé par l'instruction (avec attention particulière donnée au riche héritage de l'art chrétien) et par une ambiance scolaire qui soit elle-même éducative de la nature esthétique de l'homme.
3) Qui se gardent de tout rapetissement de l'intellectuel ou de toute exagération du physique et du sensible dans les choses belles.
4) Qui contribuent, selon leur talent, à la création de la vraie beauté dans tous les arts et particulièrement dans la littérature.
5) Qui ont appris à choisir et à supporter seulement ce qui est bon et sain dans l'art, la musique, la littérature, le théâtre et autres formes de divertissement.
6) Qui, eu égard à Notre-Dame, participent au maintien des hautes traditions de la chevalerie chrétienne : soit comme hommes, en montrant un très grand respect pour la femme, soit comme femmes, en méritant et demandant de tout homme ce respect chevaleresque.
7) Qui expriment leur estime pour l'art aussi bien que pour le « second grand commandement » par une diligente attention aux mœurs polies, aux habits soignés, aux paroles distinguées, et par la fuite de tout ce qui est vulgaire, grossier et méprisable.
8) Qui apprécient le rôle et la valeur de l'imagination en fonction de ses rapports avec la pensée, la volonté et les sentiments et l'ont cultivée par un exercice approprié.
9) Qui, conscients du caractère irrationnel de l'imagination, la contrôlent, principalement par la surveillance des avenues qui y conduisent : les sens.
IV. Former des catholiques soucieux d'une saine hygiène corporelle. — I) Qui aient un grand respect chrétien pour le corps comme l'associé de l'âme immortelle, destiné partager son bonheur au ciel.
2) Qui, en conséquence, acquièrent les connaissances nécessaires et prennent les précautions convenables pour protéger eux-mêmes et les autres contre les accidents et la maladie.
3) Qui, pareillement, maintiennent le corps, instrument de l'âme, physiquement en forme, par le nombre et le genre d'exercices appropriés, mais refusent de céder à l'athlétisme » et au culte moderne du corps.
4) Qui, même par égard pour le corps, se refusent l'indulgence facile du païen pour la satisfaction des exigences corporelles.
5) Qui, de plus, se souvenant de la chute et de la guerre des membres qui en est la conséquence, pratiquent un positif ascétisme chrétien, refusant quelquefois au corps même des libertés permises, afin que la domination nécessaire de l'esprit sur la matière et de la grâce sur la nature puisse toujours être maintenue pour le bien suprême de l'âme aussi bien que du corps.
V. Préparés à leur future vocation. —1) Qui, se préparant pour leur rôle probable de pères et de Mères catholiques, aient développé un réel amour de la vie de famille et un respect chrétien et une compréhension des responsabilités familiales.
2) Qui aient cultivé des vertus essentielles comme l'esprit de travail, d'économie, de cordiale coopération et de dévouement désintéressé et affectueux au bonheur des autres.
3) Qui, au cours de leurs études secondaires, ont pensé sérieusement à leur futur genre de vie et prié dans ce but (sans exclure la vocation religieuse ou sacerdotale) et ont pris à cet égard les conseils appropriés.
4) Qui soient convenablement préparés soit à obtenir de suite une occupation rémunératrice, soit à profiter d'une instruction plus étendue et d'une formation qui les conduisent à. une occupation rémunératrice dans l'avenir.
5) Qui aient acquis cet ensemble de connaissances et ces talents fondamentaux indispensables ou hautement appréciables dans chaque vocation.
6) Qui comprennent que l'universelle obligation de travailler les atteint quelle que soit leur situation ou condition de vie.
7) Qui apprécient la dignité chrétienne de tout ouvrier et chaque forme de travail honnête et voient, au moins, la beauté morale de tout travail bien fait.
8) Qui soient consciencieux dans l'exécution de n'importe quel travail qu'ils doivent faire et pénétrés de l'obligation du travailleur de donner une œuvre bien faite en retour d'un salaire équitable.
9) Qui aient une saine notion de la récompense qu'ils peuvent équitablement demander ou accepter pour le travail fait.
10) Qui écartent l'idée d'amasser de grandes richesses à tout prix, comme le motif dominant de l'occupation de leur vie.
11) Qui comprennent que leur travail affecte favorablement ou malheureusement la société dont ils sont membres et qui, particulièrement dans le choix ou acceptation de leur profession, mesurent avec soin les effets de cet emploi sur leur propre vie morale et celle des autres.
VI. Qui aient une mentalité sociale. — 1) Qui aient au moins une connaissance élémentaire de ces quatre points
a) La multitude et la complexité de leurs relations sociales, et l'importance de ces relations pour le bien-être et la prospérité individuels.
b) Les conditions sociales de leurs propres communautés et des groupes plus étendus de la société, et les problèmes sociaux que ces connaissances révèlent.
c) Les principes de base de la doctrine sociale chrétienne exposés dans les Encycliques des Papes et les mandements des évêques américains.
d) Les méthodes effectives pour assurer la reconnaissance et l'application de ces doctrines sociales chrétiennes.
2) Qui soient conscients de la solidarité de la société humaine et de l'effet de leurs actions dans la vie des autres pour le mieux ou le pire.
3) Qui se souviennent de l'augmentation de force donnée cette solidarité par l'incorporation au Corps Mystique du Christ, l'Église.
4) Qui se souviennent, de même, des responsabilités envers la paroisse, le diocèse, et l'Église universelle que crée cette appartenance.
5) Qui sentent leurs responsabilités envers Dieu, non moins pour leur conduite sociale que personnelle.
6) Qui reconnaissent le besoin d'un culte envers Dieu, social aussi bien qu'individuel.
7) Qui sont scrupuleusement justes dans leur respect des droits des autres soit individuels, soit collectifs.
8) Qui aiment leur prochain comme eux-mêmes, et ainsi sont sensibles aux appels de la Charité tant pour secourir que pour prévenir la détresse, particulièrement dans le cas des exploités et des infortunés.
9) Qui soient adversaires de l'aigreur, de l'envie, de l'esprit vindicatif qui dressent classe contre classe, race contre race, nation contre nation dans un antagonisme antisocial et antichrétien.
10) Qui reconnaissent l'égalité foncière de tous les hommes, exercent envers tous, sans égard à la position, à la race, ou à la nation, une sincère et chrétienne courtoisie.
11) Qui applaudissent « ceux qui partagent et sacrifient, plutôt que ceux qui acquièrent et retiennent », et sont prêts eux-mêmes à sacrifier temps, argent, confort, commodité, récréation et préjudice, afin de promouvoir le bien commun, et en vue de découvrir et d'éliminer ou, au moins, de réduire les causes d'injustice et de souffrance.
VII. Qui soient des catholiques américains. — 1) Qui soutiennent que la forme américaine du gouvernement, comme tout autre, existe au profit des citoyens et non les citoyens à l'avantage de l'Etat.
2) Qui apprécient le fait que la démocratie américaine est appuyée sur le solide principe moral que l'homme a reçu de Dieu des droits inaliénables que l'État ne peut donner ni supprimer.
3) Qui connaissent et apprécient ces droits et soient déterminés à les préserver contre toute attaque, distinguant cependant entre la liberté et la licence dans l'exercice de ces droits donnés par Dieu.
4) Qui respectent, comme un don de Dieu, l'autorité conférée aux officiers du gouvernement légitimement établi.
5) Qui reconnaissent le fait que ces officiers peuvent, pour une raison suffisante et pour le bien commun, limiter l'exercice des droits naturels de l'homme, mais non pas les abroger complètement d'une façon permanente.
6) Qui, par leur conduite, manifestent qu'ils comprennent que la bonne marche de la démocratie américaine dépend de l'intégrité morale de chaque américain.
7) Qui soient empressés et prépares à accomplir leurs devoirs d'électeur et à élire aux charges publiques des hommes compétents et consciencieux et aux principes moraux élevés.
8) Qui soient prêts à contribuer, en temps voulu, à la formation d'une sage politique publique et à la solution des problèmes publics.
9) Qui veuillent accepter une fonction publique, s'ils y sont élus, comme une charge sacrée dont ils sont moralement responsables devant Dieu.
10) Qui voient le besoin, particulièrement en une démocratie, d'un esprit toujours prêt à coopérer, qui est opposé, à la fois, à l'agressivité dominatrice et à l'égoïsme hautain, ou à la timidité ou à la suffisance personnelle.