Les Petits Frères de Marie et les Missions

23/Oct/2010

Ayant eu à préparer, pour une revue, un article sur l'Institut et les Missions, nous avons cru intéresser nos lecteurs en le reproduisant dans le Bulletin. Ces données ne sont pas nouvelles, car elles ont déjà paru dans nos revues de famille, mais elles ont l'avantage d'être groupées et de donner une vue d'ensemble.

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Mil huit cent trente six! La jeune Société de Marie vient de recevoir de Grégoire XVI, avec son approbation, la mission d'évangéliser la Polynésie. Un premier contingent de Pères a été désigné. Le Père Champagnat, dont le zèle est toujours ardent malgré la fatigue qui commence à se faire sentir, s'offre au Père Colin, pour en faire partie lui aussi. Ce dernier lui répond : « Vous faites plus de bien en France que vous n'en pourriez faire en Océanie. Votre mission à vous n'est pas d'aller en personne évangéliser ces peuples, mais de leur préparer des apôtres pleins de zèle. »

C'est ainsi que ne pouvant aller lui-même en mission, le Bienheureux Champagnat s'en dédommagea, si l'on peut dire, en envoyant des Frères formés à l'Hermitage, pour aider les Pères dans leur travail apostolique. En effet, à ce premier départ qui comprend quatre Pères dont saint Pierre Chanel, se joignent trois Frères de l'Hermitage parmi lesquels F. Marie-Nizier qui sera le compagnon du premier martyr de l'Océanie.

Ce Frère Marie-Nizier avait vingt ans. Qu'on juge de ses dispositions par cette lettre qu'il envoie au Père Champagnat au moment de quitter le Havre, le 24 décembre 1836: «Que je m'estime heureux, mon cher Père, d'avoir été choisi, quoique j'en sois très indigne, parmi les Frères de Marie, pour être des premiers de ceux qui portent la lumière de l'Evangile à des peuples sauvages. Oh ! que Dieu en soit béni ! C'est lui qui m'a donné la vocation et me la fait suivre. Je suis bien content de partir, et je puis dire bien sincèrement que je ne céderais pas ma place pour un trône. Je ne crains pas, car Marie, notre bonne Mère, sera mon guide dans toutes mes actions et mon refuge' dans mes peines… »

Jusqu'en 1840, le Bienheureux Champagnat envoya encore une dizaine de Frères travailler dans ces missions lointaines. Son successeur, le Vénéré Frère François, continua dans la même voie, si bien qu'à la fin de son généralat, en 1860, pas moins de 33 Frères, formés à l'Hermitage, étaient partis en Océanie pour travailler avec les Pères Maristes.

Ces Frères étaient en général des hommes à tout faire : défricheurs, bâtisseurs, marins à l'occasion, catéchistes… mais avant tout, ils étaient missionnaires. Ils se mettaient complètement à la disposition des Pères, confondant leur vie avec la leur, n'ayant en vue que le bien spirituel et matériel de la mission. Partis sans espoir de retour, la plupart moururent dans le champ de leur labeur.

 

La Mission de Nouvelle-Calédonie. — Parmi ces apôtres au zèle infatigable envoyés en Océanie par le Père Champagnat et son successeur, plusieurs allèrent en Nouvelle-Calédonie, tels le Frère Michel à l'île des Pins en 1853, et le Frère Germanique, à l'école de Nouméa ou Port-de-France en 1859.

Dans ces missions, les Frères Maristes étaient au service des Pères, mais ils n'avaient encore la charge d'aucune école. Ils n'avaient pas de mission à eux. Ce n'est qu'en 1873 qu'ils commenceront leur travail d'enseignement en Nouvelle-Calédonie. Appelés par l'Administration Coloniale et le Département de la Marine, les Frères se virent confiés une clientèle scolaire très variée, allant jusqu'aux enfants des détenus politiques et aux indigènes des tribus de la brousse. Ils y tirent une œuvre magnifique. Il faudrait citer ici chacun des 56 Frères qui dorment leur dernier sommeil dans cette grande île ou ses dépendances. La Mission compta jusqu'à 43 Frères et dirigea les établissements suivants :

Bourail, école pour fils de détenus ;

Saint-Louis, école paroissiale ;

Vao, dans l'île des Pins, école indigène ;

Canala, école paroissiale ;

Nathalo, dans l'île Lifou, école indigène ;

Neméara, ferme-école qui recueillit jusqu'à 130 fils de détenus ;

Port Villa, dans les Nouvelles-Hébrides, école paroissiale ;

Nouméa, école Saint-Louis et Collège du Sacré-Cœur ;

Paita, école communale, pensionnat Saint-Léon et orphelinat Sainte-Marie ;

Vahoué, école agricole ;

Pouébo, école indigène.

Plusieurs de ces établissements furent fermés comme conséquence de la laïcisation. Progressivement, il a fallu abandonner des œuvres intéressantes faute de personnel.

Les Frères au nombre de 27 dirigent encore quatre établissements : le Collège du Sacré-Cœur à Nouméa ; l'école des indigènes à l'île des Pins ; l'orphelinat Sainte-Marie à Paita ; et une petite maison de formation pour indigènes, à Port Laguerre. Le nombre des élèves s'élève à 820.

 

Australie et Nouvelle-Zélande. — En 1871, quatre Frères s'embarquaient à Londres pour aller fonder leur première école à Sydney, dans la paroisse des Pères Maristes. Quatre ans plus tard, un autre groupe de Frères se rendait en Nouvelle-Zélande où, près de quarante ans plus tôt, des Frères Maristes s'étaient dévoués à l'apostolat avec les Pères Maristes. Plusieurs autres départs allaient suivre permettant ainsi la fondation d'un bon nombre d'établissements scolaires dans cette partie du monde, notamment la fondation d'écoles dans les îles Fidji et Samoa, dès 1888. Si, aujourd'hui, les territoires d'Australie et de Nouvelle-Zélande forment trois provinces prospères, on peut bien dire que la cause éloignée remonte à l'envoi des trois premiers Frères missionnaires par le Père Champagnat en 1836. Dans la suite, les autres n'eurent qu'à suivre leur sillage.

Bien que toujours dans la liste de la Congrégation de la Propagande, il y a longtemps que l'Australie et la Nouvelle-Zélande ne sont plus terres de mission. A leur tour ces contrées sont devenues missionnaires. C'est ainsi que pour ce qui concerne notre Institut, il y a de nombreuses années que la Nouvelle-Zélande a pris en charge les missions des îles Fidji et Samoa, où elle dirige des œuvres prospères. Quant à l'Australie, elle a fondé en 1938 une mission dans les îles Salomon. Au cours de la guerre, les quatre Frères disparurent lors de l'occupation japonaise. Reprise après la guerre et à la charge de la province de Sydney, la mission comprend trois écoles dans les Salomon du Nord et du Sud dans lesquelles se dévouent sept Frères Australiens. Une dizaine de jeunes Salomonais se préparent actuellement dans les maisons de formation d'Australie à devenir des religieux enseignants.

 

Mission de Chine. — La mission de Chine mérite une mention spéciale. Fondée en 1891, et alimentée pendant longtemps par la province de Saint-Genis-Laval, elle n'avait pas tardé à accueillir des sujets Chinois. Ses œuvres étaient prospères. Elle était devenue une province autonome de plus de 200 religieux dont une centaine de Chinois et elle dirigeait une quinzaine d'écoles florissantes surtout dans les secteurs de Pékin et de Shanghai, quand survint la persécution communiste dans ce pays. Petit à petit les maisons furent saisies, les écoles prises en charge par le Gouvernement populaire, et les Frères Européens, forcés de quitter la Chine les uns après les autres. Une cinquantaine de Frères Chinois et une trentaine de sujets en formation purent aussi franchir le rideau de bambou dans les débuts, et mettre en sécurité leur vocation et même leur vie. Ce sont les uns et les autres qui ont reformé ce que nous nommons le secteur de la Chine extérieure, ainsi appelé parce qu'il est formé des Frères qui ont pu sortir de Chine et que leur nouveau champ d'apostolat s'exerce parmi les Chinois hors de Chine. Des écoles de cette sorte leur ayant été offertes à Hong-Kong, en Malaisie et ailleurs, les Frères Européens et Chinois, unis dans le malheur, s'y rendirent courageusement. Ainsi depuis 1948, avec les débris de cette malheureuse province, l'Institut a pu fonder successivement deux écoles à Hong-Kong, une à Singapore, quatre en Malaisie, une à Pénang, deux à Sumatra, une en Nouvelle-Bretagne, et une au Japon, cette dernière par les Frères Européens. Depuis 1954, les derniers Frères Européens sont sortis de Chine et les quelques propriétés que nous y conservions ont été confisquées. Les 60 Frères Chinois qui n'ont pu quitter leur patrie sont dispersés un peu partout, dans des écoles du Gouvernement, des Séminaires, des hôpitaux, des usines, gagnant leur vie comme ils peuvent et n'ayant que peu de rapports les uns avec les autres, mais s'obstinant à demeurer Petits Frères de Marie et à témoigner de l'Église, à leur manière, au milieu des épreuves. Dix sont en prison, surtout pour avoir participé à l'organisation de la Légion de Marie.

 

Les Philippines. — La plus jeune mission des Frères Maristes en Océanie est celle des Philippines dont s'est chargée la province des Etats-Unis en 1948. Bien que récente, elle assure déjà dans la province de Cotabato, île de Mindanao, avec les Pères Oblats de Marie Immaculée, la direction de quatre écoles secondaires groupant environ 1.500 élèves. Dix-huit Frères Américains dirigent ces écoles avec l'aide d'un bon nombre de professeurs séculiers. Onze jeunes Philippins venant de nos écoles se trouvent actuellement dans les maisons de formation des États-Unis.

 

Ceylan. — Un mot de la mission de Ceylan avant de quitter cette partie du monde. Fondée en 1911, elle comprend actuellement quatre grands collèges à Negombo, Banda-rawela, Tudella, Wennapuwa, totalisant 2.700 élèves, presque tous de l'enseignement secondaire. Les Frères, au nombre de 27, dont la moitié de Cingalais, doivent se faire aider par une centaine de professeurs civils. La formation sur place de recrues cingalaises permettra un développement normal des œuvres.

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