Les ?uvres postscolaires

04/Sep/2010

Discours prononcé au Congrès de Montréal, le 10 septembre dernier, par M. l'abbé Perrier, membre de la Commission Scolaire et inspecteur des Écoles de cette ville.

Le Congrès Eucharistique de Montréal ne fut pas seulement une série d'inoubliables manifestations religieuses accomplies avec une incomparable magnificence par des multitudes remplies d'enthousiasme et de foi, sous la présidence des membres les plus éminents de la hiérarchie catholique et du Légat du Saint-Père : il fat encore et surtout un centre de fécondes réunions, où furent étudiés avec une grande compétence les problèmes les plus importants de la vie chrétienne à notre époque, principalement ceux qui ont trait au mystère de l'Eucharistie.

Chaque jour, en plus de l'assemblée générale qui se tenait à l'église Notre-Darne, transformée pour l'occasion en salle de conférences, et où se faisaient entendre les orateurs les plus distingués, il y avait des sections spéciales pour les prêtres, les dames, les jeunes gens, etc., qui se tenaient dans d'autres locaux, et où s'accomplissait avec moins de solennité un travail plus important peut-être.

Parmi ces sections spéciales, il y a lieu de mentionner tout particulièrement celle des prêtres, qui tenait ses assemblées dans l'église des Pères du Saint-Sacrement. C'est là que furent échangées les idées les plus lumineuses, discutées les questions les plus pratiques, votées les résolutions les plus fécondes, et semés les germes puissants d'œuvres qui, s'il plaît à Dieu, se développeront plus tard.

Nous regrettons que les limites trop étroites de notre modeste revue ne nous permettent pas de donner même une analyse des très intéressants rapports qui y furent présentés sur l'Apostolat pratique de la Communion fréquente, l'Éducation eucharistique du peuple, le Recrutement des Vocations, l'œuvre des catéchistes, l'Orientation des Œuvres paroissiales vers le Très Saint-Sacrement. Il y a eu des vues éminemment pratiques et pleines d'opportunité, dont beaucoup de nos lecteurs auraient pu tirer grand profit. Mais nous ne résistons pas au plaisir de leur mettre au moins sous les yeux, dans sa plus grande partie, le discours de M. l'abbé Perrier sur les Œuvres postscolaires, dont la nécessité se fait sentir de plus en plus.

Messieurs et bien chers confrères,

On raconte qu'à la bataille de Rezonville, les Français et les Allemands avaient les yeux tournés avec anxiété vers un point élevé que dominait un clocher : c'était le village de Thionville L'armée qui s'emparerait de cette hauteur serait sûre de la victoire, car elle pourrait y déjouer l'effort de l'ennemi.

L'observateur attentif constate dans nos sociétés contemporaines une même préoccupation. Tous les yeux sont fixés sur une position qui attire tous les regards. Le camp du bien et le camp du mal concentrent leurs efforts sur un même point : c'est l'enfance, c'est la jeunesse qui gardent le secret de nos destinées. L'ennemi veut s'en emparer : nous devons nous préparer à la lutte.

Sans doute que dans plusieurs provinces du Dominion, nos écoles sont catholiques, nos collèges sont dirigés par des maitres catholiques, nos universités s'inspirent également de la haute et sage direction de l'Église. Dans la province de Québec, en particulier, on se réjouit avec raison de voir que les droits des parents sont respectés en matière éducationnelle, et que leurs fils qui sont des baptisés, reçoivent une éducation conforme leur foi et à leur éternelle destinée. Pourtant force nous est bien d'avouer que nous avons besoin d'organiser des œuvres postscolaires pour suppléer à la scolarité trop courte quand il s'agit de l'école primaire, et pour préserver et pour développer l'œuvre commencée quand il s'agit d'enseignement secondaire et supérieur…

 

– A) nécessité des oeuvres postscolaires.

 

Il est dans toute vie humaine une heure particulièrement décisive ; c'est celle du passage de l'enfance à l'adolescence, ou celle encore du passage de la jeunesse à la maturité, celle où l'enfant va devenir homme et marcher publiquement au chemin voulu par lui, heure de crise souvent, heure d'hésitation, d'angoisses et de combats d'où toute la carrière dépend.

A ce moment-là, malgré la préparation des premières années, si sérieuse qu'elle ait été, il y a comme une ivresse de première liberté qui éblouit et aveugle les meilleurs, comme un esprit de vertige qui emporte l'âme aux extrêmes. Une lutte terrible, quelquefois très longue, s'engage alors à l'entrée de la vie entre l'infirmité humaine et la volonté du bien.

On dirait que l'ennemi des âmes jeunes les attend à ce passage pour leur livrer ses plus rudes assauts et prendre plaisir à démonter ironiquement pièce par pièce ou jeter d'un seul coup par terre, dans des ruines pleines de larmes et de honte, l'édifice de l'éducation chrétienne, comme s'il lui importait peu que l'enfance et la jeunesse fussent à Dieu, pourvu que la virilité lui reste. Les œuvres postscolaires sont le rempart, l'armure ou le refuge de cette heure angoissante, qui sonne pour tous, mais plus terrible pour les fils du peuple que pour tous les autres, parce que la plupart du temps, il y a au foyer de l'ouvrier plus de tentation et moins de défense, moins d'exemples forts et plus de péril, plus d'inexpérience et moins de ressources. Voyez en effet ce qui se passe. A quatorze ans, le travail, l'industrie, le commerce vont jeter les jeunes gens dans un milieu hostile à leur foi, à leur vertu. Vont-ils persévérer dans leurs bonnes résolutions ? Ils sont exposés à oublier leurs croyances, ils voient la corruption autour d'eux. Ne faut-il pas les éclairer, les affermir, les évangéliser ? A qui ce ministère incombe-t-il surtout ? Vous, membres de la tribu sacerdotale, serez-vous indifférents au sort de ceux à qui vous avez donné la vie chrétienne par le saint baptême ? Allez-vous les abandonner après les avoir nourris du lait de la doctrine jusqu'au jour de leur première communion ? Ouvrez des patronages. Remplissez-les d'attraits variés. Créez des œuvres de jeunesse.

Heureux les enfants qui peuvent être ainsi accueillis dans cette nouvelle famille. Ils resteront fervents chrétiens.

Les parents se féliciteront de trouver des coopérateurs et des suppléants dans un clergé qu'ils apprennent ainsi à connaître, à apprécier. Ils se rendront aux fêtes, aux séances de l'œuvre. Un patronage peut être pour le prêtre un foyer d'influence heureuse et d'apostolat dans la famille et la paroisse.

Nos jeunes gens grandiront libres, honnêtes et purs à l'ombre de nos clochers ; nous ne les laisserons pas croupir à l'entour des temples maçonniques !

Aujourd'hui même dans notre pays, il s'agit de savoir si le prolétariat ouvrier ira communier dans la haine de Dieu aux pâques rouges ou si, dans nos églises, il continuera de prendre au banquet divin la place des convives du cénacle, avec les artisans de Galilée.

L'avenir est à ceux qui croient, à ceux qui affirment et à ceux qui agissent.

Nos clochers sont nombreux sur notre sol canadien. Eh bien, il faudrait, comme le disait Bazière en parlant de la France, qu'au pied de chacun se fondât un groupe de jeunesse catholique, ne fût-ce que pour défendre au moment venu, et ce moment est peut-être proche, l'église que domine le clocher.

Mais si nous laissons les jeunes sans secours, comment voulez-vous que nous n'ayons pas un grand nombre d'adolescents semblables à ceux dont Lacordaire disait qu'à la fleur de l'âge ils portent déjà les flétrissures du temps ? Comment voulez-vous que nous ayons une race de militants, qui soient armés de toutes pièces pour les combats de la vie ?

Les œuvres de jeunesse sont nécessaires aux enfants des classes populaires. C'est entendu. Depuis leur première communion jusqu'à l'époque de leur mariage, ils vivent la période décisive de leur existence et préparent leur vie. Ouvriers laborieux ou volontaires sans travail, citoyens honnêtes ou fauteurs de désordre, hommes religieux ou athées, que seront-ils plus tard ? Leur adolescence en décidera. Mais que l'on ne croie pas que les œuvres postscolaires ne soient pas nécessaires aux enfants des classes aisées, aux élèves de nos collèges classiques ou de nos écoles supérieures, aux étudiants jetés sur le pavé de nos grandes villes.

Les jeunes gens qui ont fini leurs études et qui font leurs premiers pas dans une carrière libérale, tous les jeunes gens doivent entrer dans quelque association pour trouver un abri et une véritable formation sociale. Ils sont nombreux les dangers inhérents à leur âge. La foi est battue en brèche même dans nos milieux catholiques. Elle est profondément vraie cette parole d'un de nos amis de France, qui avait vécu ici dans les meilleurs groupes de notre société canadienne-française, et qui disait dans toute la sincérité de son âme : « Votre peuple a des pratiques religieuses ; il parle comme s'il n'avait pas la foi ». C'est que nous souffrons de l'absence de convictions religieuses. Nos jeunes gens cultivés ont besoin d'une instruction solide et d'une éducation morale appropriée. On a fait remarquer que la science profane et la science religieuse peuvent se comparer à deux plateaux d'une balance. L'un des plateaux est en bas ; à le charger, le jeune homme studieux passe des années entières et fournit une tâche de huit, dix et douze heures par jour. C'est le plateau de la science profane. L'autre plateau, au contraire, est en haut, à peu près vide ; c'est celui de la science sacrée. En effet, à l'école primaire, cet enseignement est nécessairement incomplet. Dans l'enseignement secondaire, on s'habitue à considérer l'instruction religieuse comme des hors-d’œuvre. Qu'adviendra-t-il alors de nos jeunes gens, quand l'heure critique sonnera ? Et elle sonnera nécessairement.

« Que l'esprit d'un jeune homme, écrit M. l'abbé Fonssagrives, soit atteint par des doutes au sujet de la foi (et les doutes sont fréquents à cet âge) ou bien que son coeur ou ses sens soient troublés, il faut qu'il puisse trouver des appuis, des guides sûrs, auprès d'une âme de prêtre et d'ami qui soit entièrement à lui, auprès d'hommes plus âgés que lui qui répondront à ses doutes et lui donneront, avec d'affectueux conseils ; la salutaire leçon de l'exemple. Dans une telle .société le jeune homme connaîtra mieux le christianisme, se pénétrera davantage de son esprit et réglera sa conduite d'après les préceptes de l'Évangile. Au contact du zèle ardent de plusieurs de ses nouveaux amis il deviendra apôtre ».

Au surplus, les œuvres de jeunesse ne sont pas seulement des centres de préservation potin la foi et la vertu : elles doivent également être des œuvres de formation. Jamais, il ne faut négliger l'éducation de la liberté juvénile ; et quand on se trouve en face des chefs de demain, il faut songer à former des hommes de valeur, des hommes d'action, des hommes d'influence. Ils auront un rôle social à exercer. Qui redira, par exemple, le bien accompli par un médecin qui a conscience de ses devoirs professionnels ? En soignant les misères physiques, il n'oubliera pas les infirmités morales, et volontiers il atteindra au-delà du corps endolori la pauvre âme souffrante et affamée de vérité et de justice.

Mais pour cette action sociale il faut un apprentissage. Il est nécessaire de connaître les maux les plus urgents pour savoir où porter ses efforts, de connaître les remèdes efficaces pour éviter les tâtonnements, si fertiles en pertes de temps et en découragements.

Il importe donc d'initier les jeunes gens aux œuvres et de leur faire étudier les questions qui s'y rapportent. Cette étude s'impose surtout à ceux qui doivent être capitaines et non pas simples soldats.

M. 0llé-Laprune avait bien raison de dire : « On s'improvise docteur et l'on croit pouvoir tout décider, sans n'avoir jamais rien étudié. L'on a quelques idées générales et quelques sentiments très généreux, et l'on se croit en état de proposer des remèdes positifs aux maux sociaux. C'est une grande imprudence, une grande témérité ; et voilà pourquoi je crois que c'est un devoir pour la jeunesse sérieuse d'acquérir dans les questions sociales une certaine compétence pour en traiter »

Il faut donc des œuvres de jeunesse pour répondre à ces besoins. Je pense en ce moment au cercle du Luxembourg, à la Conférence Olivaint, à la Conférence Laennec, etc. …, où se groupent les jeunes gens qui vont à Paris suivre les cours des écoles supérieures. Ils étudient et s'initient aux œuvres sociales de tout genre. L'étude en effet ne suffirait pas. Il faut tenir les jeunes gens sur le terrain solide de la réalité et joindre la théorie à la pratique. Elle est vraiment d'or cette règle que donnait jadis Goyau : « Agir avec toute sen intelligence, étudier avec tout son coeur, voilà l'idéal. En matière d'études sociales comme d'action sociale, l'intelligence et le cour ne doivent jamais être dissociés ». Modératrice et stimulant de l'étude, l'action sera de plus en elle-même un excellent exercice.

C'est avec les jeunes de l'Université, c'est en souillant dans leurs âmes la flamme de l'apostolat, que l'on pourra répondre aux désirs de Pie X, qui veut tout restaurer dans le Christ.

Pour relever dans les couches populaires la connaissance, l'amour et partant l'imitation de Notre-Seigneur, cultivons les conférences et en particulier les conférences apologétiques. C'est ce que l'on a fait dans l'active Belgique. On a créé de multiples cercles de conférenciers populaires à Mons, Louvain, Bruxelles, Gand, Liège, Bruges, et autres centres importants : On a institué ‘’l'extension de l'enseignement universitaire’’. Que les maîtres se lèvent et se révèlent en nous donnant des disciples dignes d'eux, et qui apprennent sous leur direction à se familiariser avec ces grands thèmes, et à se faire en autodidactes intelligents et intrépides, un riche répertoire de conférences de ce genre.

Cette importance des ouvres postscolaires, les adversaires de l'idée chrétienne l'ont bien comprise. Ils ont organisé tout un ensemble d'institutions dont M. Edouard Petit rend compte chaque armée en entonnant l'hymne de la victoire. On reconnaît là-bas tout le parti que l'on peut tirer d'une pareille organisation. L'on sent bien surtout que l'Église, qui est une force conservatrice et conquérante tout à la fois, se sert de ce moyen d'apostolat pour l'affermissement de sa puissance et la prise de possession des âmes. Aussi bien nous ne sommes pas surpris de voir tomber des lèvres de Lombroso cette confession sur la valeur des oeuvres de jeunesse créées par les catholiques :

« Quoique, par principe, je sois bien loin de m'incliner devant la soutane du prêtre, il est toujours indéniable que, pour élever une jeunesse honnête et tempérante, rien n'est plus efficace que de la réunir, les jours de fête, pour l'occuper à d'honnêtes passe-temps et lui donner des enseignements moraux, précisément comme cela se pratique dans les œuvres catholiques de jeunesse ».

Ce témoignage doit nous encourager dans l’organisation de nos œuvres.

Au surplus, nous avons des ordres formels de la part du chef des Chrétiens. Léon XIII écrivait un jour au supérieur général des Frères des Écoles chrétiennes :

"L'œuvre des patronages est capitale. En instruisant les enfants des écoles, les Frères n'ont fait que la première partie de leur besogne. La seconde est aussi importante, plus importante encore. Car, sans les œuvres de persévérance, le long et pénible travail de l'école serait presque toujours compromis, parfois anéanti. Les enfants tomberaient en sortant des mains des Frères dans celles des sociétés secrètes ou publiques, qui ont pour objet la destruction de la foi et pour résultat la ruine des mœurs, ils seraient perdus en immense majorité pour l'Église et la société chrétienne : il faut, à moins d'impossibilité absolue, que dans toute maison d'école existe, comme corollaire indispensable, un patronage de jeunes gens".

Cet ordre me dispense de répondre aux amis du repos, qui croient les œuvres postscolaires inutiles en ce pays, sous prétexte que nos élèves ne sortent pas des écoles neutres. Léon XIII parle bien des écoles congréganistes. Comment ne pas comprendre que toute école, même congréganiste, est insuffisante, parce que les élèves restent trop peu de temps sous la direction de leurs professeurs, cinq ou six ans à peine et surtout, ils quittent trop jeunes, au lendemain de leur première communion, pour entrer soit dans un bureau, soit dans un apprentissage dans quelque atelier. Or à cet âge l'enfant ne peut pas avoir achevé son éducation religieuse et morale. Surviennent les mauvais conseils, les mauvais exemples et, pour leur venir en aide le respect humain qui commence par la honte du bien et finit par l'audace du mal ; et ils feront des chutes lamentables dont ils se relèveront difficilement. Il faut une voix de vérité qui leur montre la route. Il leur faut une main charitable qui panse leurs blessures. A l'œuvre donc pour organiser ces secours que tous nos jeunes doivent trouver au sortir de l'école. Catéchismes, instructions religieuses, conseils et encouragements donnés en commun ne suffiraient pas, croyons-nous, à fortifier les âmes de ces adolescents, à les maintenir dans la voie étroite du devoir, à les empêcher de butter aux cailloux de la route. Ce qu'il faut, c'est la force que l'on trouve dans l'association, dans les patronages, dans toutes ces œuvres que le vrai zèle sacerdotal est toujours prêt. à créer.

 

B) Possibilité des œuvres Postscolaires

Dans notre pays, où l'on ne sent pas encore vivement la nécessité des œuvres postscolaires, on se laisse assez facilement décourager dans cette entreprise par les difficultés que l'on rencontre dans toutes les œuvres de jeunesse ; et l'on jette alors aux quatre coins du ciel ce cri désespéré : « A quoi bon ? — Je ne réussirai pas ». Tel ne fut pas le sentiment de l'abbé Allemand, qui fut au siècle dernier le véritable fondateur des institutions qui nous occupent. Il débutait seul, sans argent, sans local, sans aides, sans collaborateurs, avec deux enfants ; et, à sa mort, il avait trois cent cinquante enfants ou jeunes gens dans son patronage. Ne somme-nous pas dans des conditions plus favorables que lui ?

Ne voyons-nous pas autour de nous certains cercles paroissiaux qui s'organisent ? Il suffit du concours du clergé et des laïques. Le clergé a la charge de l'apostolat. Mais il est une chose que nous avons trop oubliée dans le passé : c'est que nous vivons à une époque où la milice de Dieu a le droit de n'être pas seule à repousser les assauts faits à l'Eglise et à ses dogmes. Les laïcs, unis à leurs prêtres, ont de nos jours une vraie mission d'apostolat. Qui de nous ne se rappelle avoir lu ces paroles tombées un jour du haut de la chaire de Notre-Dame de Paris des lèvres d'un apôtre qui ‘’bénissait au nom du Dieu des sciences et du Père des miséricordes, les hommes dévoués à l'Eglise, d'avoir compris le secours demandé par le sacerdoce à leur courage, à leur franchise, à leurs 'convictions éclairées’’ et célébrait les ‘’fruits glorieux’’ de leurs efforts ?"

L'heure est venue pour nous de compter sur la générosité des laïcs pour nous venir en aide dans nos œuvres.

L'Association catholique de la jeunesse canadienne-française désire ardemment former des cercles d'étude dans les différentes paroisses. Favorisons leur entreprise. L'utilité de ces cercles d'étude n'est pas contestable. Ces jeunes gens deviendront les meilleurs auxiliaires de nos œuvres. Bien vite ils constitueront une élite qui entraînera à sa suite tous les jeunes de la paroisse… Pas n'est besoin de faire immédiatement une grande œuvre dont tous les journaux seront remplis. Pas n'est besoin de procéder toujours d'une manière uniforme. Autre est l'œuvre de jeunesse d'une petite paroisse, autre est le patronage de tel grand centre. Ici, on pourra d'abord organiser la société de Saint-Vincent de Paul en vue d'une œuvre sociale. Ailleurs la gymnastique et les sports auront d'excellents résultats. « La régénération, disait un jour M. l'abbé Anizan, viendra de mille petites œuvres. fondées, soutenues et fécondées par le dévouement, la générosité et surtout l'humilité d'hommes qui ne seront glorieux que dans l'éternité. Semons donc par toute la France (disons, nous, par tout le Canada). Semons à la campagne, comme à la ville, nos œuvres sans nous préoccuper de l'éclat qu'elles jettent dans le monde. Travaillons à leur solide fondation, à leur surnaturelle organisation ; fécondons-les de nos sueurs et de nos peines, abandonnant à Dieu leur avenir et leurs fruits. Ce sont là les pierres d'attente que Dieu exige pour le grand et bel édifice de l'avenir… Agissons sur un, deux, dix, vingt enfants Surtout groupons ceux que nous pouvons, enfants ou hommes faits, cultivons-les comme des plantes choisies, enseignons-leur l'apostolat »

La vie et le mouvement sont requis dans les œuvres de jeunesse. Les jeunes ont besoin d'agir, et si nous ne voulons pas les laisser aller aux Y. M. C. A. (Young Men's Christian Associations), et à d'autres cercles organisés ou inspirés par la franc-maçonnerie, nous ne devons pas faire de nos cercles ou de nos patronages une œuvre cadenassée, où l'on s'endort, mais une œuvre ouverte où la vie déborde.

Voici comment l'abbé Grandjean posait la question au congrès de Saint-Etienne en 1907 :

« Pour rendre une œuvre féconde et prospère, il faut qu'un directeur expérimenté sache doser quatre éléments constitutifs, dont aucun ne doit exclure l'autre, à savoir la piété, l'enseignement, l'action et l'entrain ; et devrais-je passer pour un moderne à l'excès, je mets l'entrain au premier rang comme importance, car il est bien évident que pour bien diriger les jeunes gens dans la piété, leur donner un enseignement religieux et social, les. lancer dans l'action catholique, il faut d'abord les avoir et on ne les a jamais dans une œuvre somnolente »

Doser ces quatre éléments dans une œuvre postscolaire doit être l'ambition d'un fondateur. Un bon gymnaste peut très bien être fidèle à sa communion du mois, et je crois autant à sa vertu et à sa chasteté qu'à la vertu et à la chasteté ‘’d'un saint tranquille’’.

Toutefois, rappelons-nous que les œuvres postscolaires doivent mettre à leur base la piété. Et parmi les exercices de piété, elles doivent mettre au premier rang la dévotion au Saint-Sacrement de l'autel sous toutes ses formes. On doit surtout inscrire en lettres d'or, à la première ligne des règlements, le précepte de la messe du dimanche, comme condition de la vitalité surnaturelle, et recommander instamment la communion au moins mensuelle. Que tout dans nos œuvres tende à décider nos membres à se nourrir fréquemment de l'aliment divin de la sainte Eucharistie. Ce qui fait la honte de notre siècle, c'est le manque de caractère de nos pusillanimes, c'est l'absence de volonté ferme. L'Eucharistie apportera remède à ces faiblesses et donnera la force héroïque des martyrs et des apôtres de la primitive Eglise. Si les enfants de nos patronages et membres de nos cercles faisaient souvent la sainte communion, nous pourrions espérer, avec l'apôtre saint Paul, que la chair de Jésus-Christ se mêlant à leur chair, le sang de Jésus-Christ se mêlant à leur sang, ils finiraient par avoir quelque chose des idées et du cœur même de Jésus-Christ.

Ce qu'il faut encore et surtout à nos jeunes, c'est le pain qui fait les forts, c'est le vin qui fait germer les vierges.

Que l'on s'approche, donc du banquet eucharistique au moins le premier dimanche de chaque mois. Ainsi on formera des catholiques pratiquants ; mais on aura soin de dire à ces chrétiens qu'ils doivent être des chrétiens dans tous leurs actes de citoyens. N'a-t-on pas vu, ici-même, dans notre bonne ville de Montréal, des gens qui font leurs pâques et qui votent pour un député franc-maçon ?

Ce n'est pas ainsi que nous voulons préparer la jeunesse pour les luttes de demain. Nous voulons lui apprendre à se dompter elle-même et à se sacrifier pour la Patrie et pour l'Eglise. Nous voulons que chacun de nos jeunes redise ces paroles du poète :

 

Nous sentirons jaillir de notre humble poitrine

Le flot qui doit couler sans s'épuiser jamais,

Le flot du dévouement, le flot du sacrifice,

La chrétienne fierté d'aller, drapeaux au vent,

Contre l'erreur, le mal, la peur ou l'injustice,

Croix au cœur, plume en main et toujours : En avant !

 

Travaillons avec courage, suivons les bonnes méthodes dans le travail, persévérons dans l'effort et la méthode ; et avec le secours de Dieu nous surmonterons tous les obstacles et toutes les difficultés. L'espérance, fille du ciel, nous fait déjà entrevoir la réalisation des résolutions viriles et énergiques qui sortiront de ce Congrès. C'est sous ses auspices que nous formulons les vœux suivants :

Le Congrès désire voir les œuvres postscolaires s’établir en ce pays, et souhaite que l'on mette à exécution cet ordre de Léon XIII au Supérieur général des Frères des Ecoles Chrétiennes : « Il faut, à moins d'impossibilité absolue, que dans toute maison d'école existe, comme corollaire indispensable, un patronage de jeunes gens ».

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S'il fallait un épilogue à ces éloquentes paroles d'où ressort avec une si lumineuse évidence l'importance des œuvres postscolaires pour la conservation de la foi, de la piété et des bonnes mœurs parmi les jeunes gens de toutes les classes, nous le trouverions dans ce qu'écrivait naguère dans le Manuel général de l'Instruction primaire M. Ferdinand Buisson, un des adversaires les plus déclarés de l'Ecole chrétienne et des plus ardents protagonistes de l'Ecole sans Dieu.

Après avoir livré aux réflexions des instituteurs laïcs, et à leurs amis trop pressés d’aboutir à l’étranglement de l'enseignement libre, toute une série de graves avertissements sur les résultats que pourrait avoir pour eux l'établissement du monopole, il ajoute :

"L’Eglise (de France) porte actuellement un fardeau écrasant : un million d'élèves à instruire, quinze ou vingt mille maîtres à rétribuer. Le monopole voté, la lourde charge passe des épaules de l'Église à celles de l'Etat.

Que va faire l'Eglise de ces millions devenus disponibles ? Des voix autorisées nous l'ont dit. N'ayant plus à se perdre dans l'infiniment petit de cette tâche ingrate d'apprendre à lire à tant de milliers de petits enfants, elle laissera nos instituteurs vaquer à ce soin, et elle se réservera l'œuvre incomparablement plus fructueuse de recueillir les élèves au sortir de leurs mains1. Elle leur ouvrira sur une échelle cent fois plus large qu'aujourd'hui — et aujourd'hui déjà. c'est une puissance — ses patronages, ses associations amicales, ses mutualités, ses écoles du dimanche et du jeudi, ses cercles d'études et de récréation pour les adolescents, surtout ses œuvres de préparation militaire, si attrayantes par les services qu'elles rendent et par ceux qu'elles font entrevoir au régiment, ses sociétés de gymnastique, de sport, de tir, de musique…, ses cours professionnels, si habilement diversifiés et qui le seront de plus en plus. « Une de ces institutions, dit Edouard Petit qui s'y connaît, est plus à craindre que dix écoles libres „. Quel merveilleux champ de travail pour un parti à qui ne manqueront ni l'argent, ni le personnel, ni les dévouements ! »

Il est heureux d'être instruit par l'ennemi. Il faudra bien nous garder, tant qu'il nous restera quelque moyen d'y mettre obstacle, de laisser à des maîtres sectaires la tâche — si ingrate qu'elle puisse être — d'apprendre à lire aux petits enfants, nous souvenant que, selon l'expression du vieux proverbe, le vase neuf perd difficilement l'odeur de la première liqueur qu'il a contenue ; mais la crainte qu'inspire aux adversaires de l'enseignement, chrétien la fondation de nouvelles couvres de jeunesse, doit être pour nous un avertissement de contribuer â leur multiplication dans toute la mesure où cela nous est possible, sans sortir de l'esprit de nos Constitutions.

Hélas ! Après toutes les spoliations et les bannissements arbitraires dont, un peu partout, elle a été victime à tant de reprises, il sera difficile que l'Eglise ait, pour cela autant d'argent, et de personnel que lui en augure obligeamment M. Buisson. Tâchons du moins qu'en ce qui nous concerne elle ne manque jamais de ‘’dévouements’’.

1 C'est malheureusement ce que la franc-maçonnerie fait depuis longtemps à l'égard d'un trop grand nombre des élèves de nos écoles catholiques. (Note de la Rédaction).

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