Les vocations – BrĂ©sil

20/Sep/2010

Pendant quelques années, une des grandes douleurs de la province du Brésil Central, comme d'ailleurs de plus d'une de ses sœurs de l'Amérique latine, fut le trop petit nombre de vocations. Dès le début, ses établissements, par la bénédiction de Dieu, atteignirent pour la plupart une prospérité qui tenait du miracle et les demandes de fondation étaient nombreuses, pressantes; mais par malheur le noviciat ne se recrutait que faiblement surtout en fait de vocations brésiliennes. En dix ans, il n'y eut que dix-huit jeunes Frères brésiliens qui prirent l'habit; et, en marchant de ce pas, il fallait perdre l'espérance non seulement de se développer mais même de se maintenir.

On avait bien pris le moyen employé par le V. Fondateur : on avait prié, on avait fait neuvaine sur neuvaine, mais il semblait que le ciel restât sourd. Il ne voulait heureusement qu'éprouver la foi des demandeurs et montrer une fois de plus que pour atteindre sûrement sa fin, la prière doit être persévérante.

D'année en année, à partir de 1914, juvénistes et postulants affluèrent graduellement plus nombreux jusqu'à rendre la situation actuelle tout à fait rassurante. D'après des nouvelles récemment arrivées, il y a actuellement à la maison de Mendes une cinquantaine de juvénistes, 30 postulants, dont 27 ont dû prendre le saint habit ces jours-ci, et une quinzaine de scolastiques. Toute cette jeunesse va bien, grâce à Dieu, et donne d'autant plus d'espérances qu'elle s'est recrutée en bonne partie parmi l'élite des élèves de nos écoles.

C'est là un fait encourageant1 non seulement parce que, en lui-même, il permet d'envisager avec moins de crainte l'avenir de nos œuvres dans la contrée, mais parce qu'il semble saper par la hase une opinion trop généralement accréditée, à savoir que, dans l'Amérique du Sud, les vraies et solides vocations religieuses sont extrêmement clairsemées. La vérité ne serait-elle pas plutôt que, là comme ailleurs, une foule de vraies et excellentes vocations demeurent ignorées et partant stériles faute d'être discernées, cultivées et favorisées?

Il y a peu d'années un vénérable évêque de l'Amérique du Nord disait à ses diocésains, dans une belle lettre pastorale: "Est-ce vraiment un fait, comme certains le prétendent, que les vocations à l'état de religieux éducateur font défaut parmi nous? Je ne puis, pour moi, me résoudre à le croire. Quoi! serait-il possible que d'un grand pays où fleurissent, comme chez-nous, l'activité et la vie catholique Dieu eût retiré son Esprit Saint et manqué d'infuser dans les âmes la vocation de religieux enseignant, alors que le besoin en est si évident et si intense ; alors que l'avenir de l'Eglise dans le pays dépend véritablement du nombre suffisant de Frères et Sœurs pour élever la jeunesse? Non, je le répète, non : je répugne pour mon compte à le croire. Il y a des vocations; il y en a beaucoup; il y en a parce qu'il doit y en avoir".

Le même raisonnement ne convient-il pas tout aussi bien au Brésil de toutes les latitudes et à tous les autres pays de l'Amérique latine? Là aussi, peut-on affirmer sans crainte, il y a certainement des vocations; il y en a beaucoup, il y en a parce qu'il doit y en avoir. Et qu'on n'objecte pas la difficulté que rencontrent à leur recrutement les séminaires ecclésiastiques. Sans parler que beaucoup de vocations sacerdotales comme de vocations religieuses se perdent faute d'avoir été discernées au moment favorable, il y a pour les premières, comme le fait justement remarquer un de nos bons Frères de là-bas, plus d'un obstacle matériel qui n'existe pas ou se trouve considérablement diminué pour les secondes.

Que voulez-vous, dit-il, pour être prêtre, il ne suffit pas de vouloir, il ne suffit pas d'avoir l'intelligence et les autres dispositions spirituelles nécessaires; il faut en outre avoir de l'argent, de l'argent pour acheter des livres, pour se procurer des habits, pour subvenir à son entretien pendant de longues années d'études et pour d'autres dépenses inévitables; et c'est, partant, un idéal inaccessible pour une foule d'enfants bien doués du côté de l'esprit et du cœur, mais peu favorisés des biens de la fortune, à moins qu'ils n'aient la chance assez rare de rencontrer autour d'eux une bourse charitable qui consente à faire ces frais à leur place.

Or c'est là, Dieu merci, une difficulté dont n'ont guère à s'effrayer ceux qui, dans les mêmes conditions, se sentent du goût et des aptitudes pour entrer dans nos juvénats ou nos noviciats; les conditions pécuniaires, quand il y en a, sont si bénignes ! Et il s'ensuit que de très bonnes vocations pour nous peuvent se rencontrer là même où il n'y en a pas pour les séminaires.

"Est-il rare, au Brésil comme ailleurs, de trouver dans les familles chrétiennes de la campagne trop peu fortunées pour subvenir à l'éducation d'un ou plusieurs prêtres, des âmes d'élite dont la vie se consumera dans l'obscurité d'un travail manuel, noble et méritoire si l'on veut, mais en somme peu profitable à l'Eglise et à la Société, alors que cultivées dans le jeune âge et placées dans un champ d'action en rapport avec leur caractère et leurs facultés, elles auraient pu faire, par la bonne éducation, un bien immense à des milliers d'autres âmes?

Que leur a-t-il manqué? La rencontre au moment opportun d'une main secourable qui, secondant les desseins de la Providence sur elles, les recueillit avec amour pour les transplanter dans quelqu'un de nos juvénats ou noviciats, où elles se seraient trouvées comme dans leur élément naturel en attendant de prendre leur place dans la lutte contre l'ignorance de l'esprit, les passions désordonnées du cœur, l'inconstance de la volonté, et les. autres suites funestes du péché originel.

D'ailleurs les bonnes vocations de religieux éducateurs ne sont pas très rares non plus dans les conditions plus aisées pourvu qu'on sache les reconnaître, les préserver et les cultiver; il y faut seulement, avec du zèle, un tact délicat que tout le monde ne possède pas au même degré, mais qui peut se perfectionner par l'observation, par la pratique et surtout par la sainteté de la vie, qui exerce sur les âmes travaillées du désir de la perfection une séduction aussi puissante qu'indéfinissable.

L'expérience montre que les vocations ne manquent guère, tôt ou tard, de germer en grand nombre dans les écoles et les classes où les maîtres sont encore plus des saints que des savants et des professeurs habiles.

Conclusion: où que nous nous trouvions placés n'établissons pas facilement en principe que les vocations manquent; c'est trop souvent un expédient que le démon suggère à notre paresse pour s'excuser de ne faire aucun effort pour les découvrir. Il y en a presque sûrement, puisqu'il en faut; il y en a dans la mesure où elles sont nécessaires. Ce qui manque ordinairement, ce sont des hommes de sens, des hommes de zèle pour les découvrir, les cultiver et les préserver.

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1 Il se reproduit d'ailleurs avec des proportions variables dans plusieurs autres pays de l'Amérique latine, tels que la République Argentine, la Colombie, le Mexique, etc. …

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