L?uvre de la Propagation de la Foi et l?uvre de la Sainte Enfance au Collège Saint François-Xavier, de Shanghai
18/Sep/2010
Un tableau de ce qui se réalise actuellement en Chine pour la gloire de Dieu, disait dernièrement le R. P. Bron, S. J., dans un article placé en tête du Messager du Sacré-Cœur, demanderait un gros volume bourré de faits et de chiffres : et il en faudrait un autre pour esquisser ce qui reste à faire. En attendant que l'élaboration très désirable de ces deux volumes, destinés sans nul doute à intéresser vivement tous ceux que préoccupe la grande question de l'apostolat, que nos lecteurs nous permettent, comme exemple des milliers de faits suggestifs qui pourraient y figurer, de leur signaler le suivant, qui a un droit tout particulier à leur sympathie, puisqu'il se passe dans un de nos établissements, et dans un des milieux qui sembleraient le moins propres à lui servir de théâtre. Nous voulons parler du fonctionnement des deux œuvres de la Propagation de la Foi et de la Sainte Enfance au Collège Saint François Xavier à Shanghai, où l'on se serait certainement peu attendu à les voir s'établir et surtout prospérer, étant donné la proportion considérable de païens et de non catholiques que renferme sa population chrétienne. Voici pourtant ce que nous en écrit un des professeurs de l'Etablissement:
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"L'Œuvre de la Propagation de la Foi fut établie tout d'abord, au Collège Saint François-Xavier, dans la section chinoise, composée en grande majorité de païens, au début de l'année scolaire 1913-1914. Les préliminaires de la fondation furent des plus simples: l'approbation du Frère Provincial et du Frère Directeur, la bonne volonté de quelques enfants, la bénédiction de Dieu,… et ce fut tout.
L'un des enfants en question eut vite fait de gagner à la cause neuf de ses camarades, dont un païen, pour former avec lui le premier cercle. Il fut déterminé que chacun des membres verserait par semaine trois centièmes de dollar, ce qui fait à peu près cinq centimes. Les dix premiers associés parlèrent de l'Œuvre à leurs condisciples chrétiens et même à leurs parents, si bien qu'en peu de temps deux ou trois nouvelles dizaines purent être fondées. En moins de trois mois, presque tous les élèves chrétiens de la section chinoise et plusieurs personnes de leur parenté étaient devenus membres de la Propagation de la Foi.
Le Rd. Père Francis Ross, Directeur de la branche anglaise de l'Œuvre, à qui on en donna connaissance, se fit un plaisir d'envoyer des billets d'admission, des Annales en anglais, des renseignements, des encouragements surtout, et les progrès s'accentuèrent.
Au début de l'année 1914, l'Œuvre fut aussi implantée dans les classes supérieures de la division européenne, et un Frère fut désigné pour centraliser les aumônes et les transmettre au Trésorier de l'Œuvre, à Londres.
En vue de soutenir et de stimuler le zèle et la générosité des élèves, les Frères prennent de temps en temps les missions pour sujet de leur catéchisme, ce qui leur donne occasion de raconter quelques traits sur le courage, les travaux, les privations et les souffrances des missionnaires : ils favorisent aussi la lecture des Annales, et trois ou quatre fois par an, l'un d'eux fait aux 35 ou 40 élèves catholiques chinois du Collège une instruction spéciale sur l'Œuvre de la Propagation de la Foi, ses progrès, ses besoins, afin d'encourager les nouveaux à s'enrôler dans cette armée auxiliaire des Missions catholiques.
Bon nombre de ces enfants, et même de leurs condisciples païens, restent fidèles à l'Œuvre après leur sortie du Collège et s'emploient avec succès à lui gagner des adhérents. Deux d'entre eux lui en ont trouvé 20, un troisième plus de 30 : et ce n'est pas sans une sympathique admiration qu'une ou deux fois l'an nous les voyons revenir au collège pour apporter le produit parfois considérable de leurs collectes : car, parmi les membres ainsi recrutés, il s'en trouve beaucoup qui ne se contentent pas de donner les 3 cents réglementaires de chaque semaine ou le dollar et demi de chaque année : mais font monter leur offrande à 2, 5 et même 12 dollars. Le père d'un ancien élève chinois, un fervent catholique, a fixé la sienne, depuis trois ans à 125 dollars, et un autre ancien élève chinois, encore néophyte, ayant obtenu à deux reprises différentes une augmentation de salaire, s'empressa, à chacune d'elles, de faire une bonne aumône supplémentaire à la Propagation de la Foi.
Au Collège même, ce qui est bien plus surprenant, il s'est formé, vers la fin de l'année 1914, des cercles entiers d'élèves païens en faveur de l'Œuvre A cette époque, en effet, un Frère, après avoir parlé à ses élèves païens du but de la venue de Jésus-Christ sur la terre, du bonheur de posséder la vraie foi et d'aider le prochain à y arriver, trouva dans son zèle la hardiesse de demander à ses jeunes auditeurs une petite offrande pour l'Œuvre de la Propagation de la Foi, qui s'efforce justement d'atteindre ce dernier but. Non seulement sa proposition ne fut pas rejetée, mais ceux qui, cette première fois, avaient donné généreusement quelques pièces blanches ne tardèrent pas à faire mieux encore en s'associant pour soutenir l'Œuvre. Ces jeunes gens, qui sont tous élèves des deux premières classes chinoises, sont devenus des lecteurs assidus des Annales, auxquelles ils trouvent le plus grand intérêt.
On comprend qu'un exemple si propre à stimuler le zèle des élèves catholiques, a dû leur être plus d'une fois efficacement cité pour ne pas laisser s'attiédir leur ardeur généreuse.
Le total des offrandes recueillies au Collège Saint François-Xavier en faveur de la Propagation de la Foi, depuis les quatre ans que l'Œuvre y est établie, ne se monte pas à moins de 1.930 dollars, dont les trois quarts ont été versés par les élèves chinois. Les chefs de dizaines collectent les cotisations en général une fois par mois et les remettent très fidèlement entre les mains du Frère Trésorier.
Disons en terminant que le Collège St. François-Xavier n'est pas le seul de nos établissements de Chine où l'ouvre de la Propagation de la Foi compte des associés. Elle en a également et de bons à l'Ecole Municipale franco-chinoise de Shanghai, au Collège du Nantang, à Pékin, à l'Ecole franco-chinoise de Tient sin, et probablement dans d'autres.
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L'Œuvre de la Sainte Enfance, qui a pour but, comme on sait, de procurer le baptême aux enfants païens en danger de mort et d'acheter pour les élever chrétiennement les malheureux bébés abandonnés ou exposés à la mort par leurs parents idolâtres, fut établie au Collège Saint François-Xavier, dans les dernières classes de la division européenne, au mois de février 1914, sur un désir exprimé par le Frère Provincial et ce fut également un succès des le début. Les Frères en parlèrent avec zèle, simplicité et persévérance à leurs petits élèves qui, de grand cœur et en grand nombre, consentirent à se priver de 3 cents par mois en faveur de cette œuvre bénie. La courte prière de la Sainte Enfance fut dès lors aussi ordinairement récitée en public dans les classes enfantines.
En peu de mois, beaucoup de petits élèves avaient déjà versé la cotisation d'une année et même davantage : et quand ils eurent reçu de Londres les jolies médailles de la Sainte Enfance, leur générosité augmenta encore : de sorte que chaque jour leurs professeurs avaient à inscrire de nombreuses aumônes pour l'Œuvre.
Les Frères avaient pensé avec raison, en effet, que l'Œuvre ne réussirait que faiblement au Collège si les petits associés remettaient leurs sous à des chefs de dizaines ou anges gardiens : et, sans regarder à la peine qui en résulterait pour eux, ils s'étaient chargés eux-mêmes de recevoir les cotisations et d'en tenir la comptabilité, comme aussi de lire et d'expliquer en classe les Annales de l'Œuvre, ce qui est un moyen très efficace de soutenir et d'accroître la bonne volonté et la générosité des petits associés.
Plus d'une fois, comme pour la Propagation de la foi, il arriva que les enfants non catholiques eux-mêmes rivalisèrent de libéralité avec leurs petits camarades catholiques : et il n'est encore pas rare de voir de petits schismatiques, protestants et même juifs, donner régulièrement leur obole pour le salut des petits païens chinois.
A coup sûr, ces petits associés ne comprennent pas tous d'une façon très précise le but de la Sainte Enfance : mais ils savent qu'en donnant ces quelques sous, ils font plaisir à Notre-Seigneur : ils savent surtout que pour faire cette bonne œuvre il leur faut se priver par le fait même d'un fruit, d'un biscuit, d'une sortie en tram ou de tout autre petit plaisir : or le Saint Enfant Jésus, qui voit leur sacrifice, saura certainement les en récompenser.
De leur côté, les Frères professeurs ne manquent pas de leur dire souvent combien il est plus méritoire d'employer leurs sous à venir en aide à la Sainte Enfance que d'aller les gaspiller au cinéma ou aux pâtisseries : et ces avis et autres du même genre, qui sont un éloge pour les uns et un reproche pour les autres, portent presque toujours de bons fruits.
C'est en partie grâce à quoi, durant ces trois dernières années, les recettes de la Sainte-Enfance au Collège se sont élevées au beau chiffre de 350 dollars. Pendant le premier semestre de la présente année 1917, elles ont atteint 183 dollars, ce qui est un record. Le Frère professeur d'une classe de 70 élèves, a reçu à lui seul pendant ces six mois 70 dollars.
Ce sont ainsi, en réunissant les deux œuvres, plus de 2.200 dollars que, dans l'espace de ces quatre dernières années, le Collège Saint François-Xavier a pu verser en faveur des Missions : et pour une seule maison d'éducation, cela ne laisse pas de constituer une cotisation très appréciable. Il est évident que, si elle avait sur ce point un plus grand nombre de rivales parmi les milliers d'institutions plus ou moins similaires qui couvrent le monde catholique, le budget des œuvres apostoliques ne pourrait que s'en ressentir favorablement.
Mais il nous semble qu'à un autre point de vue, qui est celui de l'éducation chrétienne elle-même, cela présente un avantage bien plus grand encore. N'y a-t-il pas lieu d'espérer que les enfants ainsi formés des leur jeune âge à s'intéresser à la grande cause de l'apostolat chrétien, à suivre, à admirer et à seconder les travaux des missionnaires en s'imposant dans ce but quelques légers sacrifices, en apprécieront mieux plus tard le bienfait de la foi et seront portés à faire de plus généreux efforts pour en rester dignes ? Qui sait même si cette participation précoce à l'œuvre des pionniers de l'Évangile ne fera pas germer dans plus d'une jeune âme la noble ambition de s'y dévouer entièrement elle-même, et si le sou hebdomadaire de la Propagation de la Foi ou de la Sainte-Enfance ne sera pas pour un bon nombre, la grâce de Dieu aidant, la semence de la vocation d'apôtre ? Toujours sera-t-il du moins un sacrifice agréable à Dieu qui ne le laissera certainement pas sans récompense.