Manuels de catéchisme
13/Oct/2010
Le V. P. Champagnat, qui méditait depuis des années le projet de fonder notre Institut se décida à en jeter les fondements le jour où il constata qu'un enfant de onze ans, sur le point de mourir, ne savait pas un mot de catéchisme.
Nous sommes nés, pour ainsi dire, de cette réaction apostolique de son cœur navré en face d'une telle ignorance. Nous sommes donc éminemment un Institut de catéchistes. Par suite, tout ce qui touche à l'enseignement du catéchisme doit nous intéresser au plus haut point.
Or il s'est fait ces temps derniers un mouvement considérable dans cet enseignement et il serait bien fâcheux que notre petit Bulletin de famille n'en entretint pas, de temps en temps, ses lecteurs, comme il l'a déjà fait (T. VIII, p. 413 ; T. XII, p. 257 ; T. XIII, p. 13).
Un peu d'histoire. — L'enseignement du catéchisme a, pour se borner aux grandes lignes, passé par trois phases.
Du début de l'Église jusqu'au protestantisme il a été pour les enfants assez rudimentaire. On se contentait pour eux de l'enseignement familial. Tout petit chrétien baptisé apprenait comme automatiquement de ses parents, qu'il y a un, Dieu, que Jésus-Christ s'est incarné, qu'il est ressuscité à Pâques, qu'on se confesse et qu'on communie aux grandes fêtes et ainsi de suite.
C'est cet enseignement qui subsiste tel quel dans les pays chrétiens mais schismatiques d'Orient où, rien qu'en regardant. les innombrables peintures dont les églises sont pleines, le petit Grec et le petit bulgare apprennent, sans formules récitées, tout l'essentiel de la religion.
D'ailleurs, pendant longtemps, soit qu'il n'y eût à peu près pas de livres avant le XVI° siècle, soit, de plus, qu'on ne sût pas lire, il fallait se contenter de cette sorte d'enseignement, suffisant dans un milieu où les mœurs comme les idées étaient chrétiennes.
Après Luther. — Avec le protestantisme et l'imprimerie tout change. Nos dogmes traditionnels sont attaqués avec furie. Il faut non seulement les connaître, mais les défendre et pour cela les enfermer dans des formules exactes, solides, rigides, à tournure théologique. De là le catéchisme du Concile de Trente, dont les petits manuels en usage sont les abrégés.
L'âge d'or. — Ce fut un progrès merveilleux. Alors que la grammaire, l'histoire, la géographie et les autres sciences qu'on distribue de nos jours aux enfants, étaient non seulement dans l'enfance, mais absolument inconnues dans les programmes de l'enseignement primaire, là où il existait, la science du catéchisme, dotée de petits manuels précis, savants et logiquement construits, faisait figure de reine. Tous les petits chrétiens récitaient imperturbablement leur catéchisme, comme on disait. Même à ceux qui ne savaient pas lire on le transmettait fidèlement, par petites tranches, grâce aux questions et réponses toutes faites, dont on garnissait leur mémoire, au moyen d'incessantes répétitions.
Cette suprématie dura deux cents ans au moins.
Aujourd'hui. — Puis vint la concurrence. Les sciences dites profanes, entrant dans les programmes scolaires, à mesure qu'en tout pays l'enseignement était organisé, d'incessants progrès se sont faits dans leur domaine.
Les manuels d'histoire ou d'arithmétique n'ont d'abord été que des copies assez mal réussies du manuel de catéchisme. Mais la concurrence des maisons d'éditions n'a pas tardé à les perfectionner. Aujourd'hui, chacun de ces minces manuels est un petit bijou. Chapitres calculés pour la longueur d'une leçon, caractères gras des sommaires, sous-titres fréquents, avec mots en italiques pour amorcer les explications, illustration abondante à toutes les pages, souvent en couleurs; gravures, cartes, graphiques; exercices variés oraux ou écrits résumés, devoirs tout préparés, bref tous les moyens que la pédagogie a découverts sont mis en œuvre dans les manuels autres que le catéchisme.
Même différence dans l'enseignement. Tandis que trop souvent le prêtre réunit ses petits auditeurs dans la vaste église si froide l'hiver, pour leur faire réciter le catéchisme qu'il leur explique de son mieux, le maître d'école jouit d'un local spécialisé avec bancs et bureaux bien à la taille des enfants, encre et papier pour écrire, tableau noir et craie pour les explications, collections de gravures murales ou d'objets et d'appareils. Il a, suivant le développement intellectuel de l'auditoire, une série de manuels : préparatoire, élémentaire, moyen, supérieur, chacun rédigé en un langage différent, suivant l'âge des élèves. Un programme précis est indiqué pour chaque cours, des inspecteurs viennent constater les résultats des examens et des diplômes qui sanctionnent le travail scolaire.
Comparaison. — La science du catéchisme fait-elle encore figure de reine au milieu de ses sœurs ? Sans doute, elle n'a pas déchu et il y a aujourd'hui, pour ne parler que de nos classes, des Frères aussi zélés que jadis et des catéchismes aussi bien faits que du temps du P. Champagnat. Mais si cette science n'a pas déchu, ses sœurs ont grandi. L'avantage lui reste-t-il ? Hélas ! plus d'un esprit ne se gêne pas aujourd'hui pour dire ce qu'il en pense.
« Il y a une dizaine d'années, écrit M. l'abbé Habert, j'ai critiqué fort sévèrement, avec l'autorisation de l'Ordinaire, d'ailleurs, nos petits manuels appelés catéchismes. Résumés abstraits, quintessence de théologie, aspect rébarbatif, oublieux de la pédagogie qui veut qu'on aille du concret à l'abstrait et qu'on parle la langue de l'enfant, si peu éducatifs et si pauvres de piété: tels étaient mes reproches ».
Il serait facile de multiplier les citations analogues : quelques-unes vont même jusqu'à la mauvaise humeur en face des manuels des autres sciences. Mais ce n'est pas là le but de cet article. Et après avoir simplement signalé, comme beaucoup de prêtres zélés, et déploré comme eux que les manuels de catéchisme soient si er retard sur les ouvrages similaires des autres matières, venons à quelques essais faits pour améliorer l'enseignement catéchistique et créer des livres et des méthodes profitant des progrès réalisés dans toutes les branches de l'enseignement. Faute de place nous en signalerons un seul avec quelque détail, pour éviter une liste interminable aussi bien en français qu'en d'autres langues, car partout on est à l'œuvre.
Mon joli catéchisme. M. le chanoine Quinet, inspecteur de l'enseignement religieux dans le diocèse de Paris achève ces temps-ci d'éditer une série de petits livres et cahiers destinés à aider un enseignement mieux adapté aux mentalités enfantines.
Mais comme rien ne vaut un spécimen pour pouvoir juger de la méthode, glissons ici la photographie d'une page de la huitième leçon, page 40.
Elle commence, ainsi qu'on le constate, par une gravure représentant l'Enfant Jésus aidant la Ste Vierge à apporter de l'eau de la fontaine (voir p. 209). L'explication de la gravure suit. Elle amorce l'explication des autres actions de l'Enfant Jésus, aidant St Joseph ou au milieu de ses petits camarades. Tout cela fait une première page; puis vient la leçon reproduite ici et que doit réciter l'enfant: cinq lignes en langage enfantin et non en style de théologien.
A la suite est une pratique éducative, ce qu'oublient totalement les manuels actuels, puis vient une petite prière et une résolution, ce qu'ils négligent aussi. Le catéchiste doit y suppléer sans doute, mais comme rien ne le lui rappelle jamais, il arrive aussi qu'à son tour il l'oublie ou le néglige.
Il y a ainsi quinze leçons et l'ouvrage se termine par le texte des prières usuelles, dans la langue maternelle, cela va de soi.
Cahiers d'exercices. — Là ne s'achève pas la méthode. car c'est un principe reconnu excellent que les leçons, pour toutes les matières, doivent non seulement se continuer par un travail de mémoire, mais encore par un devoir écrit. Il y a donc une série de devoirs écrits, formant des cahiers, puis des livres d'exercices.
Un exemple pris dans l'un des cahiers du degré moyen vaudra mieux qu'une longue description.
Voici une partie de la page 31 du Cours moyen, troisième cahier. On y voit les six questions formant le deuxième exercice et auxquelles l'enfant doit répondre par écrit. Evidemment elles ne sont guère difficiles. Encore faut-il supposer que le catéchiste ait employé quelques minutes de sa leçon à préparer les réponses à inscrire, non par une récitation faite de mémoire, mais par des explications suffisantes que l'enfant tourner ensuite à sa façon.
Le même devoir comprend d'autres exercices. Voici le troisième :
Un camarade qui a grande confiance en vous vient vous raconter qu'il a oublié de s'accuser d'un péché dans sa confession. Et pourtant, ajoute-t-il, je m'étais bien préparé. Il vous demande ce qu'il faut faire. Répondez-lui.
Un second camarade vous dit : Depuis quelque temps déjà j'ai caché un gros péché en confession, parce que je n'ai pas osé le dire. Je ne sais pas quoi faire maintenant. Répondez-lui.
Un quatrième exercice est ainsi conçu: Ecrivez vos résolutions à propos de vos confessions.
Livre d'exercices. — Si nous laissons les cahiers pour passer au livre d'exercices, qui d'ailleurs en est à la vingtième édition, nous y trouvons toute la série des exercices auxquels nous sommes habitués en d'autres matières : Phrases à compléter, comme la suivante: Notre foi doit se traduire par des… La foi qui n'agit pas est une foi…
Mots à définir: douter, perdre la foi, etc. soit en répétant les explications données par, le maître, soit en consultant le lexique placé a la fin du livre.
Questionnaires contenant quelques-unes des sous-demandes qu'on a pu poser et résoudre oralement: Qui peut donner le baptême? Citez la parole de Notre Seigneur qui institue ce sacrement. Dites les effets du baptême sur un petit enfant, sur un païen qui se convertit.
Exercices d'élocution dont le plus grand nombre consiste à expliquer une gravure, comme par exemple celle de l'adoration des mages, qu'on aura préalablement expliquée en classe: lieu, époque, personnages, ce qu'ils font, leurs présents, la signification symbolique, la leçon à tirer, etc. …
Une lecture supplémentaire prise généralement dans un passage de l'Evangile et enfin de courtes narrations comme la suivante: Faites le récit de l'Annonciation et dites les sentiments que vous devez avoir pour la Ste Vierge.
Autres exemples. – On pourrait citer bien d'autres essais tentés un peu en tous pays pour faire profiter l'enseignement catéchistique des progrès réalisés dans toutes les branches de l'enseignement : livres mieux adaptés et mieux gradués, collections de gravures, revues catéchistiques, concours entre écoles ou paroisses. films religieux, radiodiffusion, cantiques doctrinaux.
Le Bulletin signalait jadis (T. XII p. 258) en Espagne l'un de ces Congrès périodiques où l'on s'efforce, comme en divers autres pays, d'obtenir toujours plus et mieux en fait d'instruction religieuse. Evidemment on ne peut entrer ici dans le détail. Il faudrait bien des pages.
Un bel exemple donné par l'Italie est la nomination par l'État d'un Frère des Ecoles chrétiennes comme inspecteur général de l'enseignement du catéchisme dans toutes les écoles primaires du royaume où comme l'on sait, l'enseignement du catéchisme est une des matières du programme.
De même on y publie des petits volumes admirablement illustrés et disposés sur le modèle de ceux destinés aux autres matières d'enseignement. Une des séries comprend six volumes: un pour chacune des classes élémentaires, développant de plus en plus la matière enseignée suivant la méthode concentrique comme on peut en juger par le nombre de pages: 44 pour la première classe et 118 pour la sixième.
Impossible d'entrer ici dans une énumération détaillée; il suffira de noter qu'en bien des lieux: Belgique. Canada, Etats-Unis, etc. depuis un certain nombre d'années, on fait des efforts considérables pour rendre attrayant et efficace l'enseignement du catéchisme.
Il faut constater aussi que les années d'enseignement se sont allongées. Jadis, au temps où furent créés les manuels de catéchisme on s'arrêtait à 12 ans environ quand on allait en classe. C'est ce qui se passait du temps du P. Champagnat, où on ne fréquentait guère l'école que l'hiver.
Aujourd'hui nous avons nombre de Collèges où nos élèves ont déjà des moustaches.
Il y aurait donc lieu de mentionner ici que l'enseignement religieux sous peine de rester en dessous de sa tâche doit se développer comme les autres matières On a créé en tous pays des manuels répondant à ce besoin : Histoire de l'Église, Apologétique, Action Sociale catholique, etc. Le seul Cours d'Instruction religieuse pour jeunes gens de l'abbé Boulenger, à la Librairie Vitte, a écoulé en quelques années des centaines de mille d'exemplaires. Mais nous sortons ici du domaine du catéchisme proprement dit.
Notre Institut, évidemment n'est pas resté en retard et il est facile de constater, par la photo insérée dans notre Guide des Ecoles (4ème édition, 1932, p. 176) que nos leçons de catéchisme ont pris, elles aussi, une allure plus active et plus perfectionnée que jadis.
L'essentiel est de vouloir, car de nos jours les moyens ne manquent pas pour porter cet enseignement au degré de perfectionnement des autres- Pour ces derniers, on dépense parfois, du moins dans nos grands collèges, des sommes considérables en collections scientifiques et appareils coûteux: musées, cartes géographiques, tableaux, etc. …
Voici pour finir, la traduction d'un travail d'élève fait en Italie dans les écoles primaires à propos da Concours annuel dont les mille meilleures copies, ré-liées en un magnifique album sont présentées à Notre Saint- Père le Pape.
La question de catéchisme était : Qu'est-ce que le Pape? Et voici la réponse d'un enfant de douze ans.
« J'habite Viareggio, au bord de la mer. Pour moi, le Pape c'est le chef, le timonier de la grande barque qui s'appelle l'Église catholique. Le Pape, c'est le successeur de St. Pierre, le Vicaire de Jésus-Christ. Pierre était vraiment batelier sur la mer de Galilée, quand Jésus-Christ l'appela à sa suite pour en faire le chef de son Eglise. Il quitta sa barque qu'il conduisait habilement pour la pêche et c'était pour devenir le guide, le conducteur de tous les fidèles.
Le pape, successeur de St. Pierre, est chargé de conduire la grande barque de l'Église. Il doit être vigilant pour ne jamais heurter les écueils qui s'appellent l'erreur et le vice. Il n'y a pas à craindre que la barque confiée au Pape par Jésus-Christ aille se briser contre les écueils 'et fasse naufrage. Jésus-Christ a promis d'assister toujours son Vicaire, afin qu'il ne se trompe jamais dans la foi. Il l'éclaire par les lumières du St. Esprit, il le guide parmi les dangers, il lui tend la main comme à St. Pierre pour le préserver de tout naufrage. Ainsi quand on est dans la barque pilotée par le Pape, on peut être sûr d'arriver au port du ciel.
Encore jeune prêtre et désirant atteindre au plus tôt Milan, Pie XI voulut traverser le lac Majeur en pleine bourrasque. Pour rassurer le batelier qui hésitait, il lui dit : « Sois sans crainte, la barque où je mets le pied ne sombre pas. »
Maintenant qu'il est le Nautonier infaillible de l'Église, il peut dire avec plus de raison encore: « L'embarcation dont je suis le pilote est sûre de ne jamais sombrer » Jésus qui est avec lui toujours lui en donne l'assurance.
Moi aussi, je veux me laisser guider, conseiller, commander par le Pape. Ainsi je n'aurai rien à redoute des ennemis de mon âme ».
On est loin de la petite réponse du catéchisme diocésain que nous récitions, nous autres, à douze ans. Mais qui voudra soutenir que c'était l'idéal au-delà duquel il ne fallait souhaiter aucun progrès?