Noces dargent du juv. Saint François Xavier

09/Oct/2010

Le numéro 96 du Bulletin convoquait à Grugliasco tous les Anciens du Juvénat Saint François Xavier pour venir y fêter son vingt-cinquième anniversaire, le 7 octobre.

Comme la plupart d'entre eux ne sont pas parvenus à profiter de l'invitation, résultat d'ailleurs bien prévu, à cause des distances, il faut se contenter de leur envoyer le compte-rendu des fêtes qui se sont déroulées à Grugliasco, à cette occasion.

Tout d'abord un magnifique programme avait été réparti sur trois jours entiers et le beau temps s'étant mis de la partie, il n'y a eu aucun accroc.

Guirlandes de verdure et guirlandes de papier, préparées dès les jours précédents, par les mains habiles des Juvénistes, mettaient un air de fête dans tout le quartier du Juvénat. La façade donnant sur la cour est d'ailleurs représentée ici par une photo prise sous une lumière favorable, qui lui donne du relief. Ce qu'on ne voit pas c'est la statue de Saint François Xavier, qui trônait dans une embrasure de fenêtre, transformée en niche, et qui fut illuminée les trois soirs du triduum.

 

Premier Jour. — Le premier jour, qui était le 7 octobre, dimanche du Rosaire, comportait la partie religieuse, et notamment une belle messe en musique, qui fut exécutée à la perfection. Déjà la communion du matin, où tous les cœurs avaient remercié le bon Dieu des faveurs dont le Juvénat a fait bénéficier tout l'Institut, avait été accompagnée de beaux cantiques.

Les Vêpres en faux-bourdons et le salut furent le digne couronnement de la journée pieuse et fervente.

A dîner, le vaste hangar des ateliers, transformé en réfectoire, vit prendre place tout le juvénat d'abord et tous les scolastiques, ainsi que les membres de la communauté et, pour présider, le C. F. Augustin-Joseph A. G. Fondateur et premier Directeur du juvénat, que le R. F. Supérieur déléguait pour le représenter.

Il faudrait bien de la place pour insérer ici le délicat compliment que lut le C. F. Gervais, à la fin du repas et même pour insérer tout entière la réponse du C. F. Augustin-Joseph.

En voici le passage principal qui a pour tous les lecteurs l'avantage de retracer les débuts de l'œuvre.

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« Je dois d'abord vous exprimer ma confusion d'être appelé à prendre part à cette fête et même de la présider, en vertu d'une délégation du R. F. Supérieur Général. Je n'ai qu'un maigre titre à cet honneur, celui de Fondateur du Juvénat S. F. Xavier.

 Le Chapitre de 1907 avait décidé la création de ce juvénat, qui était depuis longtemps un rêve caressé par le R. F. Stratonique. Mais c'est seulement deux ans plus tard que ce projet devait être réalisé, pour l'excellente raison que le personnel manquait, comme hélas : il manque encore un peu partout. Je fus donc désigné pour cette fondation, sans doute parce qu'on n'avait pas mieux à ce moment, et aussi parce que je me trouvais relativement disponible, par un concours de circonstances qu'il serait trop long d'énumérer.

Effrayé à la pensée des difficultés d'une pareille entreprise, j'étais cependant séduit par la perspective de faire, parmi une jeunesse d'élite, une œuvre d'éducation religieuse intense et de formation apostolique. Du reste, je fus puissamment encouragé par le T. R. F. Stratonique, cet infatigable semeur de confiance, ce magnifique entraîneur d'hommes, cet optimiste incorrigible, comme l'appelait le T. R. P. Raffin. Je fus aussi merveilleusement secondé par le C. F. Zénaïs-Marie, que je n'hésite pas à qualifier de professeur et d'éducateur accompli, et par le C. F. Théodat que j'ai le bonheur de saluer ici, comme surveillant hors ligne. Il l'avait, été d'ailleurs d'hommes devenus célèbres dans notre Institut : le C. F. Louis-Marie, économe général et bien d'autres.

Je dois avouer que sa présence ici me rassure un peu ; car j'étais presque effrayé de me trouver seul pour représenter les débuts si laborieux de notre chère œuvre. Je me ferais aussi scrupule de ne pas signaler la présence au Second Noviciat et ici en ce moment du C. F. Georges-Léon (Seringer Hermann) qui fut un des premiers et excellents sujets fournis par Arlon, un des premiers missionnaires sortis de Saint François Xavier et par suite un des premiers artisans de sa réputation désormais mondiale…

Je salue avec un égal plaisir le C. F. Antonio-Ramon, un des derniers auxquels j'ai eu á donner mes soins. Qu'il me soit permis enfin de saluer très affectueusement les CC. FF. Raymond-Célestin et Marie-Laurien ici présents avec le C. F. Armand-Léon, qui tous nous ont conduit tant et de si bons juvénistes.

Par la suite, et à mesure des besoins de l'œuvre, d'autres auxiliaires au zèle desquels je me plais à rendre hommage, nous furent adjoints ; et surtout après la construction d'un vaste local et des aménagements laborieux dans la cour de récréation, elle fut mise en marche à une assez bonne allure. Tout alla normalement jusqu'en 1914.

La grande guerre ne pouvait manquer de troubler profondément la chère œuvre. Ce fut d'abord l'exode d'un certain nombre de Frères appelés sous les drapeaux, puis plusieurs durent quitter l'Italie et enfin le nombre se réduisit à quarante. Il fallut, pour en finir, demander à Rome l'érection d'un noviciat provisoire et c'est ici qu'eut lieu la vêture et l'année de probation.

Après le Chapitre de 1920, tous furent dispersés aux quatre coins du monde. Il sembla alors que le Juvénat S. F. Xavier avait vécu, car la guerre avait tari toute possibilité de recrutement.

Mais comme l'Eglise, éternelle persécutée, éternelle recommenceuse, le R. F. Diogène reprit l'œuvre par la base, avec le courage tranquille que tous lui connaissent. Les artisans de cette résurrection furent le C. F. Dieudonné, de pieuse mémoire et ensuite le C, F. Directeur actuel, le C. F. Gervais.

Celui-ci, par ses initiatives heureuses, ses ingénieuses innovations, et surtout son pieux et joyeux entrain a obtenu les résultats magnifiques dont nous sommes les témoins émerveillés. Ils s'achèvent par la sérieuse formation du scolasticat sous la forte et intelligente direction du C. F. Raymond-Célestin.

De tout cela il résulte que le pourcentage de persévérance va croissant chaque année parmi la belle jeunesse formée ici. Mais il est encore un fruit de cette belle œuvre que je m'en voudrais de ne pas signaler, je veux dire le grand nombre de professeurs, anciens élèves de la maison qui enseignent soit au Juvénat, soit au Scolasticat. Bientôt l'œuvre pourra se suffire à elle-même et sa bonne marche à l'avenir est assurée.

Vingt-cinq ans, c'est quelque chose dans la vie d'un homme ; car généralement cela représente la moitié de l'existence. Mais pour les œuvres de Dieu, qui est éternel et immuable, cela fait figure d'un instant bien court. Néanmoins il est bon, il est salutaire, il est encourageant de jeter de temps en temps un coup d'œil en arrière pour se rendre compte du chemin parcouru, des difficultés rencontrées, des obstacles surmontés, et surtout des miracles de protection accomplis par la bénie Vierge Marie, notre « Ressource Ordinaire » et par notre illustre patron saint François Xavier, Il est bon, en un mot de compter ou mieux de peser les innombrables bienfaits de Dieu pour l'en remercier et lui en faire remonter toute la gloire…

Après avoir rappelé à votre souvenir ému tous ceux ; bienfaiteurs, directeurs, recruteurs, professeurs, scolastiques et juvénistes qui ont été appelés à la récompense durant ces vingt-cinq ans, je porte la santé :

Du Révérend Frère Diogène, notre très aimé Supérieur Général, protecteur si dévoué de la belle œuvre de S. F. Xavier ;

de l'Œuvre elle-même : Juvénat et Scolasticat ; de tous ses Directeurs, professeurs, surveillants, économes, tailleurs, lingers, cuisiniers, jardiniers, etc. … du passé, du présent et de l'avenir ;

des Directeurs et Maîtres des Novices de San Maurizio et de Santa Maria qui procurent à nos chers jeunes gens l'avantage d'un fervent noviciat ;

des Directeurs des juvénats ou autres qui nous envoient d'excellents sujets

de tous nos chers anciens qui bataillent pour la cause de Dieu sur toutes les plages du monde ;

de tous ceux enfin qui, à un titre quelconque, ont contribué ou contribueront à l'extension, au bon fonctionneraient et à la prospérité de cette belle œuvre…

ad multos annos !"

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*    *

La soirée, entre les Vêpres et le salut, fut charmée par un petit concert, donné par la fanfare des juvénistes, sous les arbres de la cour.

 

Le lundi. — Le lendemain lundi, une partie de la matinée fut occupée par un match de football. Les anciens de Grugliasco connaissent tous le vaste stade public, clos de palissades en bois, où nos juvénistes peuvent aller jouer au ballon à l'abri des regards. Leurs adversaires étaient cette fois les scolastiques. La lutte fut longue et acharnée mais le résultat fut satisfaisant pour les deux camps qui n'arrivèrent pas à s'enfoncer réciproquement ou si peu que rien.

 La soirée donna lieu à une petite séance récréative et musicale. Dans les ateliers, un théâtre avait été dressé. Son portique et sa toile tout fraîchement sortis de l'habile pinceau du Frère Abile, le photographe auquel le Bulletin doit tant, était un enchantement pour les yeux.

La séance dura trois heures, alternant connue il convient du grave au doux et du plaisant au sévère.

On y rappela en vers, il est vrai un peu fantaisistes, les débuts difficiles de la fondation :

C'était on octobre frileux

Et le ciel pleurnichait pluvieux,

Quand, de cinq cents lieues à la ronde,

Arriva tout un petit monde,

Accourant à la queue-leu- leu.

C'était des oiseaux du bon Dieu

Qui nous venaient à tire d'aile

Pour remplir la cage nouvelle.

Mais ils se trouvaient bien surpris,

Les trente ou quarante petits

Qui débarquaient à Grugliasco !

Et non moins surpris fut l'écho

Qui dut répéter à la fois

Les accents de toutes leurs voix.

Anglais, Français et Castillans,

Allemands, Basques et Flamands.

Mêlaient leurs entretiens joyeux,

Sans pouvoir se comprendre entre eux !

Il n'y avait pas que la question des langues qui embarrassait. Tout était à faire, même la maison où est actuellement le Juvénat.

On avait comme cour, des jardins

Obstrués d'un bois de sapins.

Bref, il fallut trois mois d'efforts pour donner une forme à tout ce qui n'en avait guère, depuis les prit grammes jusqu'aux leçons et aux locaux, depuis l'uniforme jusqu'aux rangs et aux emplois.

Ce fut à la chapelle que l'on commença à trouver dans la vieille maison sans enfants, le changement le plus sensible.

La chapelle, faute de mieux,

Du timbre grave et caverneux

D'un chœur par l’âge ralenti,

Avait jusque là retenti.

Mais un essaim de rossignols,

Modulant dièses et bémols,

Lançait maintenant, ô surprises,

Les volutes des vocalises

Jusqu'aux abords du paradis.

Les cœurs pieux étaient ravis.

 

Tout allant de mieux en mieux, le nouveau juvénat, en dépit de son nom de Juvénat international, qui ne sonnait pas très bien, prit cette allure à la fois pieuse, réglée, laborieuse et apostolique qu'il n'a plus quittée depuis.

Aussi, pour la nuit de Noël,

Dans ses sabots, tomba du ciel

Un nom sonore et merveilleux,

A la fois vaillant et pieux,

Ce nom si vite mérité,

Ce nom depuis si bien porté,

Ce nom connu du monde entier :

Juvénat Saint François Xavier.

 

Mais le morceau principal était un petit drame du P. Delaporte, la Vocation de Saint Louis de Gonzague, laissant son sceptre et sa couronne, son épée et la gloire qui lui semblait promise, pour suivre l'appel divin. Et l'on ne pouvait s'empêcher de penser que chacun des assistants, grands et petits, avait un jour, sinon en aussi beaux vers, mais du moins en prose, été le héros d'une scène analogue.

Le Souvenez-vous dans les neiges du P. Champagnat, l'histoire de la brouette du Frère Sylvestre et divers autres morceaux nous rappelèrent qu'on était en famille.

 

Le mardi. La journée du mardi commença par un service funèbre pour les défunts de l'œuvre Saint François Xavier. Ils sont déjà une quinzaine. Toute la Maison-Mère pria et communia à leurs intentions.

La matinée fut ensuite employée à une exposition de devoirs scolaires, notamment les cahiers de vacances que les juvénistes envoient à leurs parents. Beaucoup sont de petits chefs-d’œuvre. La photo ci-jointe, mieux qu'une description écrite en est une preuve. Encore ne peut-elle montrer que quelques cahiers et une seule page d'entre eux sans même le frais coloris des pinceaux. Certains feraient rêver des artistes de profession qui, à l'âge des juvénistes, n'en faisaient probablement pas autant.

L'exposition fut suivie d'une petite foire, où les bons points gagnés pendant les vacances permirent, aux juvénistes d'acheter, qui une statuette, qui des images, qui une boite de couleurs ou encore des articles plus vulgaires, mais non moins utiles : jarretières, bretelles, canifs et carnets de notes.

La soirée se passa en jeux de toutes sortes, où, les vainqueurs emportaient quelques bonbons. Honni soit qui mal y pense  ! D'ailleurs ils étaient bien gagnés. Il fallait voir avec quel sérieux et quelle patience les pêcheurs à la ligne, armés d'un long bâton, au bout duquel une ficelle longue et fine faisait trembler un petit anneau de laiton, s'essayaient à le passer au goulot d'une bouteille. Mon Dieu  ! que de vains efforts avant le succès, que toute l'assemblée des spectateurs applaudissait.

Un mât de cocagne, dûment savonné, donna lieu à des essais d'un autre genre. Que de bonnes volontés, restèrent en route ! Que de figures, aux muscles tirés par l'effort, se levèrent, arrivées aux trois quarts de l'ascension, vers le sommet déjà proche où pendaient les enjeux tentateurs. Les yeux désespérés s'arrêtaient un instant sur la proie si voisine, une dernière tentative faisait monter d'un demi-mètre encore. Et puis, hélas ! il fallait se laisser glisser en bas, vaincu par le poids du corps.

Un moraliste ferait là de belles réflexions sur cette symbolique ascension vers le ciel, où tout le monde n'arrive pas, parce que le corps tire en bas pendant que l'âme pousse en haut.

Un des vainqueurs fut un tout petit juvéniste de Gassino, dont tout le juvénat était venu en congé partager la joie de leurs condisciples. Il grimpa, leste comme un chat, jusqu'au sommet, en moins de temps qu'il n'en faut pour l'écrire.

1Les plus heureux de ceux qui participèrent aux fêtes furent certainement le C. F. Augustin-Joseph et le C. F. Théodat, les ouvriers de la première heure, qui en supportèrent les difficultés et en voient aujourd'hui les splendides résultats.

Honneur à eux, et bonne chance à ceux qui continuent le sillon si heureusement commencé !

Bref, au total, les trois jours furent une délicieuse oasis sur la route du juvénat, déjà longue de vint-cinq ans et que nos arrière-neveux verront s'allonger sans finn dans la suite des temps, pour la prospérité de, notre Institut et le maintien de son esprit apostolique.

Daigne le grand Saint François Xavier protéger toujours la belle Œuvre qui s'est mise sous son patronage et lui donner des accroissements nouveaux !

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1 Le montage ci-dessus (certainement du F. Abile) a déjà paru au N° 96 du mois d’avril 1934, 27° année, page 77 du Volume XIV.

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