Le dernier numéro du Bulletin n'a fait qu'une rapide allusion aux noces d'or du C. F. Lucinio Maria, A. G., et de dix de ses confrères de noviciat, encore en activité, les uns en Espagne, les autres dans diverses nations d'Amérique. Leur groupe de noviciat a été remarquable au point de vue de la persévérance : dix-huit autres de leurs confrères sont allés au ciel recevoir la récompense, quatre d'entre eux auréolés de la palme du martyre.

Pourtant leur temps de formation fut marqué par des épreuves qui en auraient découragé plus d'un. Leur postulat se termina tragiquement. Ils durent fuir devant les violences des révolutionnaires qui menaçaient la maison de noviciat, à San Andrés, près de Barcelone.

Dans une localité industrielle, ils furent reçus à coups de balles par les ouvriers soulevés. Chacun s'enfuit à toutes jambes, à travers champs. Providentiellement ils se retrouvèrent tous réunis dans la ville de Centellas où la population compatissante leur fournit tout le nécessaire. De là, ils partirent pour Vich où la vêture put se faire dans le calme. Le noviciat cependant se fit à Manrèse, vieille cité toute pleine du souvenir de saint Ignace. Ils occupèrent là un ancien collège des Jésuites, immense bâtisse où ils trouvèrent abondamment incommodités et privations. L'année ne s'était pas encore terminée qu'ils durent encore déloger pour aller fonder le noviciat d'Avellanas. Cette fois ce fut du définitif. Mais l'on sait tout ce qu'une fondation nouvelle comporte de privations et de sacrifices.

Il était juste de fêter dignement les survivants d'un groupe si méritant. Le 9 septembre dernier, les sept Frères, résidant en Espagne, furent heureux de se réunir autour du C. F. Assistant, dans la maison d'Avellanas, témoin de leurs juvéniles ardeurs.

Ce fut un beau jour de fête. Au commencement de la Grand-Messe, les jubilaires, agenouillés devant l'autel, curent la joie de renouveler leurs saints engagements, devant toute la communauté qui les avait accueillis au chant des antiennes et des psaumes. Voici le dialogue suggestif qui s'engagea alors entre le célébrant et les jubilaires :

— Mes Chers Frères. Que désirez-vous ? dit le prêtre.

— Mon Père. Nous désirons célébrer les noces d'or de notre prise d'habit et renouveler les vœux de notre profession religieuse, répondent les Frères.

— Je suis heureux de vos saintes dispositions et, au nom de l'Eglise, j'accepte volontiers la rénovation de vos saints vœux.

Les Frères, alors, prononcent individuellement la formule rituelle :« En présence de la Très Sainte Trinité et de toute la cour céleste, je renouvelle les vœux de Pauvreté, de Chasteté et d'Obéissance que j'ai eu le bonheur de faire à perpétuité. Vierge Sainte, ma bonne et tendre Mère, faites que j'y sois fidèle jusqu'à la mort.»

Alors le Père continue :

— Ainsi vous tenez à persévérer dans votre sainte vocation ?

— Oui, mon Père, répondent les Frères. Nous voulons mourir dans notre sainte Congrégation, revêtus de l'habit mariste que nous fûmes heureux de recevoir il y a cinquante ans.

— Mais pensez-vous pouvoir mériter cette grande faveur par vos propres forces ?

— Non, mon Père. Nous comptons sur la grâce de Dieu et sur la protection spéciale de la Très Sainte Vierge, Reine et Mère de notre Institut.

— Très bien, Frères bien-aimés. Que Dieu et sa Sainte Mère réalisent vos saints désirs. De tout cœur, je vous félicite et vous bénis, au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit.

Les Frères se retirent tout émus. L'officiant prononce alors une allocution familière, parlant de la vie religieuse mariste, de notre apostolat auprès des enfants, de nos œuvres si éprouvées parfois par les persécutions des méchants.

La journée se termina par une séance de famille. Juvénistes et novices y allèrent de leurs chants et de leurs débits. Un des jubilaires parla aux jeunes de la beauté de notre vocation et le C. F. Assistant rappela à tous le devoir de la fidélité à notre saint état. Tout finit dans la joie par le chant du morceau : Venerabilis barba capucinorum.

(Extrait de la revue Levante.)