Nos Frères mobilisés
15/Oct/2010
Depuis de longs mois, nos Frères mobilisés sont dans des milieux bien différents de celui que leur ménage normalement la vie religieuse. En évoquant l'image banale du poisson hors de l'eau, disons qu'ils éprouvent l'irrésistible besoin de retrouver le milieu familial. De là des correspondances multipliées avec les supérieurs et les confrères. Oh ! ces lettres de soldats !… que de choses ravissantes elles renferment !… Certes, les tentations sont terriblement dangereuses. Mais ils savent manier d'autres armes que celles qui crachent la mitraille. Et d'abord la prière. Prières vocales et méditation, oraisons jaculatoires, chapelet, office de la Sainte Vierge, visites au Saint-Sacrement, sainte messe et communion, chemin de croix, heure sainte, lectures spirituelles, étude religieuse, tout est mis en œuvre, selon les possibilités et les circonstances, pour s'assurer avec la protection de la Vierge Immaculée, de saint Joseph et des saints amis du ciel, le secours de la grâce de Dieu et le minimum indispensable de vie intérieure.
Ensuite, les souffrances imposées par les devoirs militaires et courageusement acceptées ne suffisent pas aux âmes généreuses et héroïques ; elles ajoutent les mortifications et les .sacrifices supplémentaires pour que la volonté ne s'énerve pas dans un laisser-aller moral redoutable de conséquences.
Avec l'apport de la prière et du sacrifice, il y a l'apostolat de l'exemple et de l'action directe… Ici, quelle gerbe riche de beaux gestes pourrait être déjà cueillie !… Voici un de nos mobilisés qui remplace le curé absent dans une paroisse, fait le catéchisme aux enfants, un sermon aux adultes, préside les prières à l'église, etc. … Un autre est à la tête d'un cercle d'études cité comme modèle. Un troisième, au foyer du soldat, fait œuvre d'assainissement. Cet autre, par son entrain et son enthousiasme contagieux gagne de pauvres gens qui n'ont vu les religieux qu'à travers une couche imperméable de préjugés idiots ou forcenés et un fils de franc-maçon lui crie, galvanisé : « Si jamais je dois me faire curé, c'est dans ton ordre que je rentrerai !… »
Quand vient le jour des bienheureuses permissions de détente, c'est comme un lâcher de pigeons voyageurs vers la demeure paternelle. C'est une consolation et un devoir très doux, pour les supérieurs de recevoir en pères de famille leurs enfants, de les faire manger avec eux, de les questionner longuement sur leur santé, leur affectation, les difficultés rencontrées et, s'ils sont montés en première ligne, les dangers auxquels ils ont échappé, etc. … Les plus jeunes qui prient pour leurs grands frères se groupent volontiers autour d'eux pour emplir leurs oreilles et leur imagination avides de récits émouvants… Après avoir refait le plein d'essence spirituelle, c'est avec des regrets qu'ils s'éloignent, en gardant au fond de l'âme la nostalgie du retour… Ils savent mieux à présent que des cœurs affectueux et un souvenir quotidiennement attisé les accompagnent dans leurs cantonnements…
Pour maintenir le contact des âmes, les supérieurs rédigent des lettres qui s'en vont périodiquement redire aux absents les choses de chez nous et les menus faits de la province. Comme on distribue des comprimés d'aspirine ou des doses de vaccin pour protéger les santés menacées, comme on expédie des colis où des mains expertes glissent d'utiles et agréables substances, de hautes et nobles pensées sont servies qui, assimilées par la méditation, combattront de plus dangereux microbes pour la foi et les mœurs. Des directives appropriées aux nécessités actuelles signalent les écueils à éviter, les précautions à prendre pour ne pas perdre de vue l'idéal de la vocation, au milieu des assauts répétés de toutes les concupiscences et dans l'atmosphère d'un monde pour qui Notre-Seigneur n'a point prié (saint Jean, xvii, 9), et qui n'a pas changé depuis que saint Jean l'a déclaré plongé tout entier dans le mal (l, Jean, V, 19).
Tous les enfants du Vénérable Champagnat ont prié et prient toujours pour leurs Frères éprouvés du Mexique, de Chine, d'Allemagne ; ils ont prié pour ceux d'Espagne aux prises avec d'atroces bourreaux. Maintenant que le fléau de la guerre est déchaîné et que de nombreux confrères en subissent les effroyables contrecoups, la charité, qui voit les événements dans la lumière surnaturelle du Corps Mystique du Christ, dicte à tous le devoir de l'aumône d'une prière fraternelle…