Nos Missions Canadiennes de Rhodésie et du Nyassa

17/Oct/2010

Le Bulletin de l'Institut s'empresse d'offrir à ses lecteurs les notes suivantes tirées de la relation du voyage du C. F. Paul-Stratonic, A. G.

 

De retour à Saint-Genis, après le Chapitre Général, le Révérend Frère Supérieur Général décida de déléguer le C. F. Paul-Stratonic, Assistant. Général, pour la visite des missions de la Rhodésie et du Nyassa qui relèvent des Provinces d'Iberville et de Lévis. La lenteur actuelle des transports maritimes avait fait hésiter longuement devant cette décision, car tout semblait présager une absence d'au moins six mois pour voir deux établissements. Heureusement, la multiplication des lignes d'aviation commerciale dans ces régions obviait à cette difficulté. Voilà comment le C. F. Assistant, parti de Paris le 8 mai, rentrait à la Maison-Mère, le 27 juin.

Successivement, il utilisa les services des compagnies Panair do Brasil, Pan American World Airways, Sabena, et Central African Airways à Paris; Lisbonne, Léopoldville et Bulawayo. Des grands appareils à quatre hélices et 48 passagers, il passa au D.C.-3 « à deux hélices et 21 passagers ; au Dove à une hélice et huit passagers ; et même pendant une partie du trajet au Nyassa, au Piper Club à une hélice et un passager.» La belle saison aérienne lui permit de contempler le panorama, assez monotone dans l'ensemble, ne comprenant guère que le dessus des nuages qui ressemble à une mer paisible, ou la verdure interminable de la forêt équatoriale. Cependant, un plus joli spectacle s'offrit au regard entre Elisabethville et Léopoldville lorsque l'avion de la ligne belge déboucha très bas au-dessus d'un plateau formé d'immenses plaines herbeuses où paissaient de nombreux troupeaux d'éléphants, de buffles et d'antilopes à l'état sauvage. Ge fut un coup d'œil magnifique quand l'appareil Constellation de la Pan American approcha de Dakar vers les neuf heures du soir, tandis que les phares du port et les lumières de la ville brillaient comme des étoiles dans la nuit claire. Intéressante aussi fut la dernière escale ; l'avion longea le Portugal au cours d'une journée exquise survolant des collines arides semées, çà et là, de petits villages et de maigres cultures. Puis après quelques minutes de vol au-dessus du Golfe de Gascogne, la riche plaine cultivée du sud-ouest de la France fit contraste avec ses nombreux villages aux toits de tuiles rouges. Grâce à Dieu et à la protection de la Très Sainte Vierge, la première expérience du C. F. Assistant en avion fut des plus heureuses.

Un arrêt obligatoire, pour attendre le départ de l'avion belge, lui valut le plaisir d'être l'hôte de nos Frères de Léopoldville pendant trois jours. Ceux-ci sont installés dans une fort belle résidence construite par les Pères Jésuites qui les emploient dans leur Collège pour les blancs. Les Frères rivalisèrent d'amabilité pour rendre agréable le séjour du C. F. Assistant et le renseigner sur le pays et les œuvres. Ils furent secondés par un vieux Frère missionnaire, ayant 32 ans de service au Congo Belge, et qui attendait le départ du bateau pour la Belgique. A tous ces confrères, le C. F. Assistant est heureux d'adresser ses salutations et remerciements fraternels. Il a pu constater que l'hospitalité est fort en honneur dans les pays missionnaires, soit qu'il se trouvât chez les Frères Maristes de différents endroits, soit parmi les Pères Salésiens d'Elisabethville, les Jésuites de Salisbury, les Pères Montfortains de Lembi ou les Pères Blancs de Nyassa. A tous, il doit un souvenir ému de reconnaissance et de religieuse admiration.

 

Kutama. — C'est le nom de la mission de la province d'Iberville en Rhodésie du Sud. Ce nom dans la langue indigène (le shona) signifie nomade, désignation qui exprime assez bien le besoin qu'éprouve le noir de cette région de changer souvent d'habitation. Il le fait moins maintenant car le gouvernement l'a établi dans des territoires appelés réserves, où le blanc. n'a pas le droit de s'installer. La réserve de Kutama comprend plusieurs villages dont un petit nombre compte des catholiques. Les protestants méthodistes wesleyens y sont très actifs, mais ils n'offrent malheureusement qu'un christianisme dilué afin de pouvoir étaler des chiffres imposants à leur « Board of Missions ». La comparaison des deux formes de christianisme est alors faite par les noirs qui trouvent la religion protestante plus accommodante avec leurs mœurs. La mission catholique est située sur une étendue de 100 acres que les Pères Jésuites ont achetés aux noirs avec la permission du gouvernement. On y trouve une belle église en blocs de béton, un joli presbytère en briques jaunes, don d'une bienfaitrice, trois résidences pour les Frères, deux excellentes constructions d'école, ainsi qu'un atelier pour les classes industrielles, plusieurs grands dortoirs, et de nombreuses maisonnettes en briques ou cases en pisé qui servent soit de classes. soit d'habitation pour les instituteurs et les domestiques indigènes. A proximité de la mission, se trouve un hôpital indigène dirigé par deux infirmières africaines qualifiées. Il comprend une maison d'habitation pour les infirmières et leurs aides, un dispensaire, et de nombreuses cases où viennent s'établir les malades avec leur famille, si la maladie est d'assez longue durée.

Tout ce monde fraye ensemble en bonne harmonie sous la houlette d'un Père Jésuite, qui, à part le village immédiat, dessert plusieurs postes plus ou moins éloignés. Cependant, dans le domaine scolaire, nos frères sont complètement indépendants, tout en se maintenant dans les cadres des programmes officiels du gouvernement. Venus cinq en 1938, sous la direction de C. F. Louis Patrice, ils sont maintenant au nombre de douze, aidés par une bonne douzaine d'auxiliaires indigènes, pour la plupart élèves de leur propre école normale. Ils débutèrent dans l'enseignement indigène en des locaux de fortune : cases aux murs en pisé et toit de chaume, ayant un ou deux appartements. Les salaires payés par le gouvernement de la Rhodésie du Sud aux instituteurs qualifiés, même dans les écoles de mission, leur permirent de faire quelques économies, consacrées à l'érection de locaux plus appropriés aux besoins d'un établissement d'éducation.

Leur programme de construction n'est pas achevé ; mais ils ont grand espoir de le mener à bonne fin en cinq ans.

Il s'agit d'abriter convenablement, mais à la mode africaine, quatre cents pensionnaires qui suivent les cours de l'école centrale, ou primaire, d'une durée de six ans ; de l'école secondaire pendant trois ans, et de l'école normale pendant deux ans. La clientèle ne manque pas, si ou en juge par les demandes d'admission déjà reçues pour l'année prochaine : soit plus de mille pour environ une centaine de places disponibles. Cependant la pension exigée est de six livres sterling par année pour les grands élèves, somme considérable pour ces noirs qui vivent au jour le jour. Comme ils sont devenus avides d'instruction, ils savent travailler et s'ingénier pour trouver la somme requise. A part cette école, les Frères dirigent une école d'application de six classes qui est en même temps l'école du village. L'enseignement y est donné par deux instituteurs indigènes en permanence, et par les élèves de l'école normale à tour de rôle. Un de nos Frères est responsable devant le gouvernement des écoles de villages un peu plus éloignés appelées « Out Schools ». Il organise la construction de l'école, engage et paie les instituteurs, et surveille l'enseignement. De cette façon, notre influence s'étend sur un millier d'élèves, dont un bon nombre sont chrétiens, et presque tous les autres sont catéchumènes.

Monseigneur le Vicaire Apostolique de Salisbury a mis à la disposition des Frères une immense ferme de plusieurs kilomètres carrés. Le manque de personnel et la mauvaise qualité du terrain ont empêché jusqu'ici son utilisation totale, mais un de nos missionnaires, agronome diplômé, en plus de ses cours d'agriculture, a réussi à y constituer un magnifique troupeau d'environ 250 bêtes à cornes, dont environ 50 laitières ; celles qui ne servent pas aux travaux sont réservées à la boucherie. Ce troupeau, en plus d'être un bon appoint pour la caisse et le ravitaillement, fournit une leçon de choses éloquente aux indigènes qui, en fait d'élevage, sont d'une ignorance surprenante.

 

Mtendere, Nyassa… — Après un séjour d'environ trois semaines en Rhodésie du Sud, le C. F. Assistant se rendit au Nyassa pour y visiter l'école de mission ouverte, en octobre dernier, par les Frères de la province de Lévis. Ils y avaient été appelés par Mgr Julien, des Pères Blancs, Vicaire Apostolique de Likuni. Les Pères Blancs sont au Nyassa depuis plus de cinquante ans. Ils y ont développé une chrétienté remarquable, formée par des nombreux centres de mission, chacun comprenant une résidence d'au moins trois Pères Blancs, une école de filles et une clinique dirigées par des religieuses et une école de garçons généralement aux mains d'instituteurs indigènes. Les Pères parcourent les villages environnants et y font le catéchisme, secondés par des catéchistes dont ils louent beaucoup le zèle et le désintéressement.

Nos frères sont les premiers frères enseignants dans le Vicariat, et l'école qu'on leur a confiée est appelée « Station School ». Elle comporte les trois classes supérieures de l'école primaire. Elle compte déjà cent trente élèves, tous pensionnaires et pauvres. Il y a beaucoup à faire pour dégrossir ces natures primitives, dont la docilité est remarquable. L'habitude qu’ils ont de mettre le genou à terre, par exemple, quand ils veulent parler aux Pères ou aux Frères étonne un étranger. Chose remarquable, cette docilité s'allie avec une indépendance farouche qui les porte à quitter l'école s'ils sont mécontents sur certains points. Cela demande aux nouveaux missionnaires une étude psychologique attentive afin de pouvoir diriger sagement ces braves enfants qui ont tant à gagner par leur séjour dans une école catholique.

Le bâtiment scolaire a été érigé par les soins des Pères Blancs qui assurent ici toutes les constructions. Il est en briques rouges, et couvert en tuiles. Il consiste en un rez-de-chaussée avec un portique sur un côté, soutenu par de gracieuses colonnades en briques. Il comprend six classes, deux grandes salles, et sept autres chambres. Il sert en ce moment comme école, résidence des Frères, et dortoirs pour les élèves ; mais un grand dortoir indépendant ainsi qu'une belle habitation pour les Frères sont déjà commencés. A environ cinquante mètres de l'école, se dresse la cuisine des élèves et leur salle à manger, construction ressemblant fort à l'école sauf le portique. Tous ces bâtiments sont situés sur une petite colline qui domine l'église et le presbytère installés à quelque mille mètres au bas de la colline. D'autres constructions sont prévues pour la mission mais elles surgiront dans la mesura des disponibilités.

Bien qu'en pleine brousse, les routes traversant, la mission et le terrain de l'école sont témoins d'un va et vient constant d'indigènes se rendant au marché de tabac pour y disposer de leur récolte, ou de village en village à la recherche de travail ou de marchandise. Les noirs sont de grands voyageurs et n'hésitent pas à entreprendre des courses de trente à quarante kilomètres à pied, pour une raison ou pour une autre.

Les Frères ont là aussi tin immense terrain d'une fertilité extraordinaire qui rappelle la fertilité fabuleuse des plaines de l'Ouest Canadien, mais ils ne pourront le faire rapporter que beaucoup plus tard, quand du renfort en personnel leur sera venu du Canada, et que l'école sera pleinement organisée. Toutefois, ils ont déjà commencé un jardin potager et un verger qui feraient envie aux jardiniers de profession.

Ce qu'ils n'ont pas négligé, c'est, l'étude de la langue indigène qui leur sera absolument nécessaire, mais leur œuvre d'éducation se poursuit en ce moment par le véhicule de la langue anglaise. Les résultats déjà obtenus dans ce court espace de temps sont très encourageants.

 

Religion. — Ce qui intéresse particulièrement les lecteurs du Bulletin est avant tout de savoir où en est le développement de la foi dans ce milieu que nous sommes venus évangéliser. Une courte visite ne peut nécessairement permettre qu'un jugement approximatif, mais là, comme ailleurs, on peut juger l'arbre par ses fruits. N'est-il pas concluant le fait que dans le territoire comptant seulement un vicariat, il y a quarante ans, il y en ait six aujourd'hui. Si le passé est garant de l'avenir, on peut entretenir le ferme espoir qu'avec des moyens d'éducation et de propagande plus développés l'éveil de la foi, chez les païens, sera encore plus abondant et plus étendu.

La vie liturgique de ces peuplades frappe également. L'assistance à l'église est pieuse, recueillie et active, et les sacrements sont très fréquentés. Tout le monde prie, tout le monde chante, soit le chant liturgique, soit des cantiques en la douce langue indigène. Rien de plus beau que d'entendre une pleine église d'hommes, femmes et enfants, chanter les louangés du Bon Dieu et de la Sainte Vierge avec des voix douces et souples, qui s'harmonisent en deux, trois ou quatre parties; sans effort et comme naturellement. La longueur des cérémonies ne les rebute pas. Qui dira toutes les grâces que Dieu doit répandre sur ces cœurs simples, dont il a loué le bonheur dans l'Évangile, parce qu'ils croient et savent s'attacher à Lui ?

Toutefois, le champ à défricher est encore plus vaste que la partie déjà évangélisée, et le grand besoin est celui d'ouvriers dans la vigne du Seigneur, dans le secteur Mariste comme dans tous les autres. Les Frères ont fait des efforts louables pour trouver des candidats pour notre Institut parmi leurs élèves, et on peut compter quelques juvénistes à Kutama. Pour mener à bien cet aspect de leur apostolat, plus difficile là-bas que dans les pays civilisés, ils ont besoin de l'appui de nombreuses et ferventes prières qu'ils sollicitent instamment des lecteurs du Bulletin.

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