Pédagogie chrétienne

19/Mar/2010

Apostasie des masses et éducateurs chrétiens. — Depuis longtemps déjà les Souverains Pontifes et après eux de nombreux écrivains venus de tous les horizons de la pensée ont signalé une grave conséquence de l'organisation sociale moderne : l'apostasie progressive des masses. Des observateurs attentifs étudient ce phénomène dans ses manifestations et en cherchent les causes1.

Ils constatent que cette « apostasie des temps nouveaux » s'identifie avec une crise qui s'étend à tous les pays du globe, atteint toutes les formes de foi religieuse et coïncide avec les révolutions politiques et industrielles des XIX° et XX° siècles. La conversion du monde leur paraît « dépendre aujourd’hui plus qu'autrefois d'une action religieuse, d'une action sociale et d'une action politique convergentes ».

Pour ne mentionner que l'action religieuse, elle devra s'efforcer d'être intelligente c'est-à-dire attentive aux besoins de l'époque et de s'y adapter. D'autres recherchent les causes de l'abandon des pratiques religieuses de la part de jeunes gens qui ont suivi l'enseignement du catéchisme. Tout en rendant responsables de cette désertion les circonstances extérieures qui dépassent les forces des catéchistes et des éducateurs, telles que l'indifférence de la famille ou ses déficiences certaines en matière d'éducation, les conditions morales de la vie des jeunes travailleurs, surtout dans les villes, l'atmosphère matérialiste partout respirée, etc. …, ces mêmes enquêteurs se demandent en face du problème angoissant qui étreint le cœur d'un véritable apôtre de la jeunesse, si les éducateurs chrétiens n'ont pas leur part de responsabilité dans « l'apostasie des temps nouveaux ».

« Leur enseignement religieux est-il bien au point ? Est-il adapté aux besoins actuels des âmes des enfants ? Que valent les manuels, les livres de catéchisme ? Impeccables sans doute au point de vue doctrinal, donnent-ils suffisamment la pensée vivante et ardente de Notre-Seigneur ? Présentent-ils la personne de Jésus d'une façon assez prenante ? Et les catéchistes eux-mêmes que valent-ils ? Sont-ils au courant de l'effort immense qui, à travers le monde entier, depuis plus d'un siècle, cherche à rejoindre l'âme de l'enfant et à la mieux comprendre, pour mieux l'éveiller et mieux la former ? N'avons-nous pas à modifier et à renouveler nos façons de faire ? Les enfants aiment ce qui est clair et ce qui les intéresse. Sommes-nous clairs et intéressants ? Ou sommes-nous, trop souvent, obscurs et ennuyeux?… Tout est là. »

Voilà l'examen auquel invite les catéchistes, le cardinal Petit de Julleville, archevêque de Rouen, et président de la Commission nationale du catéchisme, en présentant l'ouvrage Pédagogie chrétienne2, du chanoine Boyer, spécialisé dans les questions d'instruction catéchistique.

Le Bulletin recommande volontiers ce volume d'information qui permet d'accomplir, en sa compagnie, un vaste tour d'horizon pédagogique.

 

Distinctions préliminaires. — Dans l'introduction, l'auteur établit quelques utiles précisions sur l'objet de la pédagogie. D'abord, comme au seuil des manuels sur cette matière, vient la distinction entre une science théorique de l'éducation que l'on peut posséder sans être éducateur pour autant et un art fait d'intuition, de flair, de coup d'œil, de tact et de procédés individuels, qui peut se rencontrer dans des éducateurs-nés n'ayant pas la science théorique.

Il faut convenir que, pour la majorité des éducateurs ne possédant pas à un degré exceptionnel l'intuition et l'instinct du praticien génial, la connaissance de la théorie est susceptible d'enrichir singulièrement la pratique.

Sur les rapports de la pédagogie et de la philosophie, des remarques s'imposent. La science dite pédagogique n'est ni première, ni indépendante. Elle dépend d'autres disciplines intellectuelles. Elle a recours aux données de la psychologie pour la connaissance du sujet. Pour construire ses méthodes, elle obéit à la logique. La sociologie la renseigne sur le milieu où elle travaille ; l'histoire lui fait profiter de l'expérience des siècles. La formation des maîtres et des élèves pose le problème moral dans son ampleur. Mais l'essentiel en pédagogie, c'est que tous les comportements du maître vis-à-vis du disciple, que toute sa manière d'être, de penser, d'agir, s'inspirent d'une conception de l'univers et de l'homme, de sa destinée, de la valeur de ses actes, de ses fins, en un mot d'un idéal de vie: C'est donc la métaphysique qui recherche la fin dernière de l'activité humaine, et l'histoire établit avec évidence que toute théorie pédagogique ressortit à une philosophie de la vie.

« Il n'y a pas de pédagogie neutre, dit Jacques Maritain : ou bien elle n'est pas neutre ; ou bien elle n'est pas pédagogie. Tout pédagogue adore un dieu : Spencer, la nature ; Comte, l'humanité ; Rousseau, la liberté ; Freud, le sexuel ; Durkheim et Dewey, la société ; Wundt, la culture; Emerson, l'individu… Ou bien tout se réduit à s'adapter à l'enfant et à laisser faire en tout la nature, c'est-à-dire au néant de pédagogie3. »

 

Pédagogie et théologie. — Le chanoine Boyer ajoute que Maritain est loin d'énumérer toutes les idoles du panthéon pédagogique et qu'il importe de trouver le vrai Dieu. Pour les chrétiens c'est chose facile. La lumière sur l'idéal de vie, but de l'éducateur, ne nous vient pas seulement de la raison philosophique, mais de l'Évangile et des explications qu'en fournit la théologie.

« Si, dit encore Jacques Maritain, la conception de l'homme et de la culture humaine et de leurs fins est le centre même de toute pédagogie, il faut dire — car l'homme n'est pas seulement un être de nature. il est appelé à une fin surnaturelle et se trouve de fait dans l'état de nature déchue et de nature réparée — il faut dire hardiment qu'il n'est de science pédagogique vraiment complète… que rattachée et subordonnée à la théologie… Comme science pratique intégrale de la formation de l'être humain, elle est une discipline théologique4. »

Un autre auteur met au premier rang des éléments qui concernent la pédagogie des données d'ordre philosophique (par exemple. Dieu Créateur du monde et fin ultime de l'homme, loi morale naturelle, obligations sociales et civiques) et théologique (par exemple, la vocation de l'homme à une destinée surnaturelle la loi divine, le péché originel, la grâce) ou, si l'on préfère, une philosophie et une théologie de l'éducation5.

Les principes fondamentaux sur lesquels doit reposer toute éducation sont magnifiquement rappelés dans l'Encyclique de Pie XI sur l'éducation de la jeunesse (31 décembre 1929).

 

Pédagogie et catéchisme. — De toute évidence la pédagogie religieuse, la pédagogie catéchistique notamment, devra, à la lumière de la théologie, répondre aux questions qui se posent en son domaine. Tout en mettant à profit les découvertes de la psychologie scientifique ou de la technologie, elle ne peut sans péril demeurer à la remorque de la pédagogie moderne qui procède de principes qui ne sont pas les siens.

 

PREMIÈRE PARTIE : PROBLÈMES

 

L'ouvrage comprend deux parties. Une première aborde en autant de chapitres les problèmes ordinaires des traités de pédagogie : problème de la fin, de l'objet, du sujet, de l'adaptation, du milieu et du maître.

La première question qui se pose à l'éducateur est celle de la fin ou du but à poursuivre. Le programme à adopter, la méthode à suivre, l'attitude à l'égard de l'enfant dépendent de cette primordiale réponse. Toute l'œuvre éducatrice est nécessairement et intimement liée à la fin dernière qu'on lui assigne.

Cependant sur ce point de capitale importance, les réponses sont diverses et parfois opposées. Pour certains tenants d. la pédagogie nouvelle, la fin de l'éducation, c'est l'épanouissement des aptitudes individuelles. La pédagogie est fondée sur les besoins ou l'intérêt de l'enfant.

Au rebours de la pédagogie qui voit avant tout l'enfant, ses aptitudes, ses besoins, son individualité, il en est une qui sacrifie l'enfant à la société. C'est le sociologisme que les régimes totalitaires, à leur tour, de quelque nom qu'on les désigne : fascisme, nazisme, bolchevisme, poussent à ses ultimes conséquences. Dans un État totalitaire, la doctrine politique domine la pédagogie et la pénètre entièrement. L'État est la valeur suprême, il se substitue à Dieu…

La solution chrétienne veut procurer l'épanouissement de l'individu et la prospérité sociale, mais pas au détriment de l'un ou de l'autre. Toute l'ambition des chrétiens ne se limite pas à la terre. L'individu et la société ne sont pas fins dernières. L'enfant ne doit pas être élevé pour lui-même égoïstement, ni pour la société quelle qu'elle soit, mais pour Dieu. « La fin propre et immédiate de l'éducation chrétienne, enseigne Pie XI, est de coopérer à l'action de la grâce divine dans la formation du véritable et parfait chrétien, c'est-à-dire à la formation du Christ lui-même dans les hommes régénérés par le baptême. »

Le chapitre consacré au problème de l'objet de l'éducation, qui est d'ailleurs étroitement lié à celui de la fin, examine d'abord la solution qui voit dans l'éducation le moyen de permettre à l'enfant la conquête d'une situation et estime que l'instruction suffit. D'où les méfaits des programmes indigestes, « pléthoriques ».

L'école nouvelle entend partir des besoins de l'enfant et de ses intérêts. Il ne s'agit pas d'acquérir des connaissances inscrites dans un programme, mais d'éveiller l'esprit de l'enfant, de le rendre lui-même plus actif, plus « débrouillard».

Pour les marxistes, il n'est pas question de gaver les intelligences afin de former une caste intellectuelle bourgeoise, ni de tenir compte de l'intérêt individuel qui n'existe pas en face de l'intérêt collectif. L'objet de l'éducation, pour le communisme, n'est pas ce qui permet le développement le plus complet de la personne humaine, mais ce qui est susceptible d'enrichir matériellement la collectivité. La production n'est plus un moyen, c'est une fin- C'est un matérialisme radicalement révolutionnaire qui bouleverse l'ordre des valeurs.

Contrairement à ces systèmes exclusifs, l'école chrétienne doit donner un enseignement objectif, se préoccuper de l'intérêt du sujet ; et, par la vérité enseignée et assimilée, viser à la transformation et à l'élévation de la vie. Et l'auteur, après un développement de ces divers points, remarque que ce n'est pas seulement l'enseignement profane qui doit viser la vie, mais que l'enseignement religieux doit y être ordonné plus que tout autre. Si des écoles chrétiennes se sont révélées incapables de former des chrétiens, s'y est-on suffisamment soucié que la doctrine enseignée inspirât toute la vie scolaire, pour atteindre ensuite toutes les vies individuelles

Le chanoine Boyer note que si le problème de l'objet a manqué d'une solution adéquate à l'école chrétienne, celle qui lui fut donnée au catéchisme est encore plus déficiente. L'enseignement a manqué d'intérêt et de vie. Il cite à ce propos une page du Frère Léon dans Formation religieuse et méthodes actives. Le chapitre s'achève sur des recommandations réitérées des Papes concernant l'objet essentiel du catéchisme : « obtenir l'amendement de la vie » (Pie X), « enseigner à vivre la vie chrétienne » (Pie XI).

Le problème du sujet de l'éducation est résolu en tenant compte de ce qu'ont de légitime les données de la jeune science appelée « pédologie ». Selon les normes tracées par l'Encyclique sur l'Éducation, celle-ci doit toucher simultanément l'enfant, l'individu, le baptisé.

Le chapitre sur l'adaptation, examine longuement les phases du développement de l'enfant dont l'éducation chrétienne, aussi bien que l'enseignement profane, devra suivre le rythme physiologique et psychologique.

Les divers milieux: familial, scolaire, social, national. créent une ambiance au sein de laquelle se meut l'enfant. L'art de l'éducateur consiste à utiliser les bonnes influences, à neutraliser, dans la mesure du possible, les autres, afin d'amener au maximum l'épanouissement de l'être de chacun dans le sens de sa vocation providentielle et en correspondance harmonieuse avec l'action éducatrice de l'Église.

Dans le chapitre qui clôt cette première partie de l'ouvrage, après avoir cité cette sentence de Pie XI « c'est moins la bonne organisation que les bons maitres qui font les bonnes écoles », l'auteur étudie les qualités requises du bon maitre. Il examine les opinions diverses et expose la doctrine catholique qui demande à l'éducateur de faire rayonner en sa personne la vie du Maître unique, Notre-Seigneur Jésus-Christ.

 

DEUXIÈME PARTIE : LES MÉTHODES

Après cette première étude des problèmes qui se posent devant la pédagogie contemporaine, l'auteur en arrive à celui de la méthode. « L'adoption d'une méthode, dit-il, est conditionnée non seulement par la fin que l'on poursuit, l'objet de l'enseignement, l'idée que l'on se fait du sujet ou le milieu au sein duquel il vit, mais par les qualités d'être du maître. La meilleure des méthodes peut aboutir dans le concret, au plus lamentable échec, si celui qui l'adopte n'a pas l'intelligence, l'intuition psychologique ou l'allant nécessaire à son utilisation. Il ne suffit pas qu'une méthode soit bonne en elle-même pour être efficace, il faut que celui qui la choisit ait les dons indispensables pour la faire sienne. » Ce serait le cas de répéter ici la formule devenue banale : « Tant vaut l'homme, tant vaut la méthode ! »

 

Méthodes préscolaires d'enseignement profane. — Puis M. Boyer entreprend, avec une bienveillante largeur de vue, une analyse critique, très objective, des méthodes ou systèmes préconisés pour l'enseignement profane dans la période préscolaire et scolaire. Se référant à la vaste enquête, publiée par le Bureau international d'éducation de Genève, sur l'organisation de l'éducation préscolaire, il résume et apprécie les méthodes de Frœbel, de Montessori, de Decroly, d'Agazzi, de Manjon et de l'école maternelle française.

 

Méthodes scolaires d'enseignement profane. Après quoi, l'auteur, sans vouloir écrire l'histoire de la pédagogie, se propose de renseigner sur les méthodes les plus suggestives d'enseignement du xix° siècle, « en les groupant d'après leur pays d'origine dont elles portent parfois si profondément la marque ». Et il cite à ce propos ces paroles de De Hovre : A quelqu'un qui prétend passer pour homme cultivé, on demande en Amérique : Que pouvez-vous ? en Allemagne : Que savez-vous ? — en France : Quels diplômes avez-vous ? — en Angleterre : Qui êtes-vous ?6.

Des systèmes pédagogiques allemands, il cite celui d'Herbart pour sa longue influence ; l'Arbeitschule (école du travail) de G. Kerschensteiner qui est une réaction anti-herbartienne; le plan d'Iéna qui substitue la division par groupes d'élèves d'âge différent à la division par classe d'âge et la méthode hitlérienne dont on connaît le tragique aboutissement.

Parmi les méthodes en vogue aux États-Unis, l'auteur signale celle dite des projets qui vulgarise les idées de John Dewey. On peut comparer l'influence exercée sur la pédagogie par ce philosophe à celle de Rousseau. La project-method est une réaction radicale contre l'école traditionnelle. Le plan de Dalton et le système de Winnetka sont des expériences pédagogiques qui méritent l'attention des éducateurs.

En Angleterre, les méthodes nouvelles qui tendent au développement de la personne ont reçu bon accueil. C'est d'Angleterre qu'est parti le mouvement du scoutisme dont le succès est devenu mondial.

« Pays de la logique abstraite, de l'intellectualisme pur… la France est, en pédagogie, le pays de la routine. » Après ce coup de massue, l'auteur constate que l'ensemble de l'organisme scolaire, malgré la propagande et les objurgations de l'école nouvelle, demeure fidèle aux méthodes dites traditionnelles. L'École Libre a eu le grand mérite, au milieu de difficultés inouïes et de sacrifices héroïques, de maintenir l'idée de la primauté des fins de l'éducation.

L'auteur parle d'expériences réalisées en Italie par l'école sereine et l'école fasciste. En. Suisse, l'école est démocratique. C'est Pierre Bovet, professeur à l'Université de Genève qui a appelé « école active » l'école qui fait de l'activité de l'élève la base de l'enseignement. Un autre pédagogue émérite, Mgr Eugène Devaud, de Fribourg, s'est dépensé à promouvoir « l'école active selon l'ordre chrétien ».

 

Méthodes étrangères d'enseignement religieux. Les expériences psychologiques, les procédés, les techniques des méthodes d'enseignement profane, réagissent fatalement sur les méthodes spécifiquement catéchistiques. Il est sage de s'en rendre compte. Ne pouvant allonger démesurément une analyse dont la lecture est forcément aride, on indiquera très succinctement les méthodes résumées dans l'ouvrage.

En Allemagne, l'enseignement catéchistique exploita les conclusions psychologiques d'Herbart dans la méthode dite de Munich, en raison de son origine. Les principes de l'école active de Kersehensteiner furent sagement utilisés par la pédagogie chrétienne. Le plan de Fulda dispose les branches de la science religieuse : histoire sainte, histoire de l'Église, catéchisme, liturgie, prières, chants et leçons de choses pour l'épanouissement d'une vraie vie chrétienne.

Aux États-Unis, les abbés Yorke et Shields, ont tenté des réformes notables d'enseignement religieux. De nombreux ouvrages de pédagogie, ont contribué à vulgariser les méthodes, les procédés et les techniques.

En Angleterre, qui ne fait pas de révolution, dit le chanoine Boyer, c'est la revue le « Sower » (Semeur) de l'abbé Drinkwater qui provoqua un aménagement plus psychologique des méthodes catéchistiques.

Pour l'Australie, l'auteur relève la thèse de l'abbé John T. Mc Maison qui examine les différentes méthodes puis traite en détail du « principe des projets appliqué à l'enseignement religieux »… Il est influencé par les pédagogues américains. Mc Mahon estime que ce qu'il y a de plus urgent, c'est d'apprendre aux enfants à penser leur religion. Il fut le promoteur dans le diocèse de Perth d'un cours d'enseignement religieux par correspondance, adopté par l'épiscopat australien.

Pour la Belgique, il est fait état de la « Méthode eucharistique » décrite par son auteur, l'abbé Poppe, dans un opuscule que le cardinal Mercier qualifie de « chef d'œuvre ». C'est moins une méthode d'enseignement qu'une méthode d'éducation. Elle met en relief son caractère surnaturel et son moyen pédagogique principal. L'abbé Poppe estime qu'il existe une pédagogie spécifiquement catholique. « Nous consultons Pavot, Flerster et Jammes et non sans motif, écrit il ; ils nous apprennent de très bonnes choses. Mais souvenons-nous qu'ils ne sont pas catholiques, ils n'ont pas notre esprit. Les saints sont nos vrais modèles en matière d'éducation chrétienne. Saint Joseph Calasanz, saint Jean- Baptiste de la Salle, le saint Curé d'Ars, le Père Chevrier, Don Bosco, voilà nos guides. Ils ont comme par instinct saisi le rôle de la grâce et de la hiérarchie dans l'œuvre de la formation. Nous oublions bien souvent nos propres pédagogues7. »

L'humble prêtre belge a largement contribué au succès de la Croisade eucharistique. La méthode des Sœurs de Vorselaar, des Sœurs de Notre-Dame de Namur, du chanoine Dupont et la méthode liturgique montrent qu'en Belgique l'enseignement catéchistique préoccupe les éducateurs chrétiens.

Au Canada, l'abbé Roy, dans sa thèse sur la méthode pédagogique de l'enseignement du catéchisme, envisageant le problème au point de vue philosophique, préconise la méthode inductive intégrale. L'auteur cependant est l'adversaire des méthodes dites actives. « Si l'idée d'une méthode inductive intégrale avec manuel adopté est à retenir, conclut le chanoine Boyer, elle ne se réalisera dans le concret pour le bien des petits catéchisés, que si elle tient compte de la théologie et de la psychologie expérimentale. »

L'Espagne peut se glorifier de posséder, dans le chanoine Andrés Manjon, un apôtre et un éducateur de génie. Il a conçu et organisé l'école chrétienne, trente ans avant l'Encyclique de Pie XI sur l'éducation, sur des principes en conformité absolue avec l'enseignement pontifical. Par ses Écoles de l' « Ave Maria » et ses ouvrages pédagogiques. il est un initiateur et un réalisateur des méthodes nouvelles. S'il est une méthode inductive et active intégrale, c'est la sienne. Toutes les branches de l'enseignement scolaire doivent être utilisées pour la pénétration de la pensée religieuse et chrétienne.

On donne un aperçu des méthodes de l'abbé Damien Bilbao Ugarizza, de l'abbé Daniel Llorente et de M. Juan Tusquets. Remarquables aussi sont l'école catéchistique de Bilbao et le programme extrêmement suggestif établis par un Groupe sacerdotal d'étude et d'action pour la formation des catéchistes volontaires.

En Italie, par suite des mesures prises par les ministres de l'Instruction publique, c'est un enseignement cyclique qui a été suivi. De nombreuses collections ont été composées pour l'adapter aux différentes classes. La méthode intuitive, largement répandue en Italie, ne doit pas perdre de vue la lumineuse parole de Pie XI : « Le catéchisme doit enseigner à vivre la vie chrétienne ».

 

Méthodes françaises d'enseignement religieux. Comme il n'a signalé que les méthodes étrangères les plus caractéristiques d'enseignement religieux, l'auteur procède de même pour les méthodes françaises. Il analyse la célèbre méthode de Saint-Sulpice qui a eu une influence énorme sur la production catéchistique. Les Frères des Écoles Chrétiennes, ont exposé la leur dans le Manuel du Catéchiste trop connu parmi nous pour qu'on y insiste.

Pour la formation chrétienne des tout-petits, il est question d'ouvrages et des méthodes de Mlle d'Aubigny, de Mlle Gahéry, d'une lettre célèbre de Mgr Landrieux, évêque de Dijon, qui demande de ne pas brûler les étapes et de parler longuement à l'enfant de Notre-Seigneur avant de lui remettre un livre de catéchisme.

Les abbés Charles, Quinet, Sullerot ont composé des ouvrages pour mettre l'enseignement religieux en harmonie avec les besoins actuels des enfants.

Mme Fargues, très au fait de la pédagogie profane et nouvelle, ne suit pas les sentiers battus dans son livre : L'éducation religieuse des petits enfants et a fait paraître une série d'essais méthodologiques.

La méthode Derkenne est présentée comme un amalgame d'idées excellentes mais insuffisamment assimilées.

D'autres essais méthodologiques ont été tentés qui témoignent du désir apostolique de faire l'éducation religieuse de l'enfant.

 

CONCLUSION

Après cette vaste enquête il faut conclure qu'il n'est plus possible, en beaucoup de pays, de faire le catéchisme comme au temps où la famille, l'école, le milieu collaboraient à l'éducation chrétienne de l'enfant. Les masses populaires échappent à l'influence de l'Église, c'est une des constatations les plus affligeantes d'aujourd'hui. Pour les ramener à la vie chrétienne, il faut tâcher de conquérir d'abord l'enfance et la jeunesse.

La Pédagogie chrétienne du chanoine Boyer donne une large vue d'ensemble sur les efforts tentés pour mettre les progrès de la pédagogie moderne au service de la formation et de l'éducation chrétiennes de l'enfant.

Pour que le catéchise soit à même de réaliser cette œuvre qui s'avère indispensable, il faut :

1° Qu'il ne soit pas seulement œuvre d'instruction religieuse, mais d'éducation.

2° Que cette œuvre soit poursuivie tout le temps de la scolarité.

3° Que le catéchisme devienne pour les enfants un milieu de vie ordonné, agréable, prenant l'âme tout entière.

4° Que les éducateurs soient préparés à cette tâche.

5° Que les méthodes employées soient établies en fonction de la pédagogie moderne, et par conséquent adaptées aux enfants de notre temps.

* *

Les dernières circulaires des Supérieurs avant le Chapitre Général et le compte rendu des travaux de cette assemblée attirent l'attention de tous les membres de l'Institut sur la question capitale de la formation et de l'éducation chrétiennes qui est le but secondaire de notre sublime vocation d'éveilleurs d'âmes. Les familles, la société, l'Église, plus que jamais, comptent sur les éducateurs chrétiens. Toute notre raison d'être n'est-elle pas de conduire les âmes à Jésus par Marie ?

A nous de raviver notre zèle et de rechercher, dans un ardent amour de Notre-Seigneur et de Notre-Dame et par des études approfondies et des efforts soutenus, les moyens les mieux adaptés pour réussir cette divine entreprise, qui est de faire vivre nos élèves d'une vie chrétienne authentique et autant que possible en état de grâce. Pie XII fait de ce dernier point une condition de l'éducation chrétienne.

_____________________________

1 L'apostasie des temps nouveaux, A. Desqueyrat, « Travaux de l'Action populaire », octobre 1946.

2 Chanoine André BOYER, Pédagogie chrétienne, P. Lethilleux, Paris.

3 Jacques Maritain, Préface à l'Essai de philosophie pédagogique par Fr. de Hovre, p. IX.

4 (1) Jacques Maritain, Préface à l'Essai de philosophie pédagogique, Vilar Fr. De Hovre, p. X.

5 Buyse, Questions actuelles de pédagogie (Paris, Éd. du Cerf), p. 153.

6 De Hovre, Philosophie pédagogique, p. 258.

7 POPPE, La direction spirituelle des enfants. Averbode, Bonne Presse.

 

RETOUR

Le XIV° Chapitre Général...

SUIVANT

Visite de Son Éminence le Cardinal Archevêq...