Petite histoire de lInstitut

15/Oct/2010

DEUXIÈME PARTIE

L'INSTITUT SE DÉVELOPPE CONSIDÉRABLEMENT DANS TOUTE LA FRANCE (1840-1883).


CHAPITRE V. — LE RÉV. FRÈRE FRANCOIS
UNION AVEC DEUX AUTRES CONGRÉGATIONS

 

Le Rév. Frère François. — La Vie du Père Champagnat nous raconte avec une note d'attendrissement la première rencontre du Vénérable Fondateur avec son successeur futur, alors un tout petit enfant, amené à son catéchisme.

Le jeune Gabriel Rivat profite bien des leçons du zélé vicaire de La Valla, puisque nous le voyons bientôt admis au noviciat, et y recevoir l'habit religieux avec le nom de Frère François, le 8 septembre 1819, l'âge de 11 ans. Le Père Champagnat entoure de soins l'âme précoce de son disciple. Il le garde ensuite presque constamment auprès de lui, soit à La Valla, soit à l'Hermitage. Une de ses lettres le nomme son bras droit. Il s'en sert en effet, comme d'un suppléant, dans bien des circonstances, devinant en lui son successeur.

Effectivement, lors de la maladie qui emporte le pieux Fondateur, un vote presque unanime des Frères place le Frère François à la tête de l'Institut, le 12 octobre 1839. Il reçoit le titre de Directeur Général, le Rév. Père Colin restant le Supérieur des Pères, des Frères et des Sœurs de la Société de Marie. Pratiquement, toutefois, grâce à la largeur d'esprit du Père Colin, toute l'administration des Frères est entre les mains du Frère François.

Le nouveau Supérieur de l'Institut n'a que 31 ans. Il est fort instruit pour l'époque. Il a déjà l'habitude des affaires et il s'applique si bien à l'imitation parfaite du Vénérable Fondateur que rien ne marque la transition de l'un à l'autre. Il a d'ailleurs, pour l'aider, deux hommes remarquables : les Frères Louis-Marie et Jean-Baptiste, qui resteront près de lui pendant tout son généralat.

 

Mort du Père Champagnat. — Le premier événement qui marque les débuts du nouveau Supérieur est la mort, prévue depuis plusieurs mois, du Vénérable Fondateur. Elle arrive le samedi, 6 juin 1840. L'esprit religieux des Frères et la réputation de sagesse du Rév. Frère François évitent toute commotion et les prophètes de malheur, qui ne manquent pas, en sont pour leurs frais. L'Institut compte alors 280 Frères, soit à l'Hermitage, soit dans 47 établissements où ils donnent l'instruction et l'éducation chrétienne à 7.000 enfants. C'est l'œuvre magnifique de vingt-deux années de dévouement et d'un immense travail, où le Père Champagnat a usé ses forces.

 

Union avec deux autres Congrégations. — Le besoin de maîtres chrétiens se fait sentir si impérieusement en France, après la Révolution, qu'il suscite la fondation de nombreux Instituts analogues au nôtre. Tels sont ceux fondés par M. Bochard, par M. Bouchon et par M. Douillet, dont nous trouvons la mention dans la Vie du Père Champagnat. La plupart n'auront d'ailleurs qu'une vie éphémère ou languissante.

C'est ce qui arrive à deux Congrégations qui se trouvent à cette époque en relation avec la nôtre. Leurs fondateurs, Grands Vicaires, l'un du diocèse de Valence et l'autre de Viviers, sont, de par leurs fonctions, dans l'impossibilité de se consacrer entièrement à ces œuvres naissantes. Elles manquent donc de ce dévouement total et continuel que le Père Champagnat prodigue à ses Frères. Elles passent de main en main, subissent plusieurs remaniements successifs et, faute d'esprit de suite, elles végètent.

 

Les Frères de Saint Paul-Trois-Châteaux. — La Congrégation de l'Instruction Chrétienne est fondée en 1823 par M. Fière, vicaire général de Valence. Il obtient immédiatement, pendant un séjour à Paris, une Ordonnance royale de Louis XVIII, le 11 juin 1823 et reçoit, le 11 septembre suivant, son premier sujet, notre Frère Paul-Marie, le Frère Paul des Biographies. Celui-ci reste seul jusqu'au 15 novembre 1823. Alors un groupe de 11 jeunes gens, réunis par M. Gillibert, curé de Chabrillant, viennent le rejoindre. Peu après, 6 autres arrivent encore. Comme formation, M. Fière leur procure des leçons des Frères des Écoles Chrétiennes et d'autres maîtres. Puis, embarrassé de leur nombre, il les confie à M. Brun, curé de Peyrins et enfin, le 15 octobre 1824, il les installe dans une ancienne abbaye, sous la conduite de M. Mazelier, à Saint Paul-Trois-Châteaux. Le 27 février 1825 a lieu la première prise d'habit de trois postulants. Ensuite on les envoie prendre des leçons à Avignon et à Montélimar. Pendant ce temps, il y a à peu près autant de sorties que d'entrées, car nous retrouvons l'inébranlable Frère Paul avec seulement 7 compagnons en 1828.

Dans la douzaine d'années qui suivent, la petite communauté ne grandit que péniblement. En 1842 elle arrive à 40 membres, avec une douzaine d'écoles. La situation pécuniaire est peu rassurante.

C'est alors que vient à M. Mazelier l'idée de réunir ses Frères aux nôtres, fatigué des soucis que sa petite Congrégation lui donne et vu sa nouvelle position de curé de Saint-Paul-Trois-Châteaux, qui absorbe une bonne partie de son activité. Les deux Congrégations, par les services qu'elles se rendent, sont déjà bien rapprochées.

Après des pourparlers, rendus difficiles par suite des exigences de l'évêché de Valence, on conclut que les deux Congrégations s'uniront en une seule, ménageant tous les intérêts du diocèse et portant le nom composite de Frères de Marie de l'Instruction Chrétienne. Pratiquement, la plus petite des Congrégations se fond dans la plus grande, d'un effectif presque dix fois supérieur. Il en résulte pourtant deux Provinces et une administration un peu décentralisée, en même temps qu'une vitalité nouvelle, pour la région de Saint-Paul-Trois-Châteaux.

 

Les Frères de Viviers. — C'est bien loin avant la Révolution qu'il faut remonter pour trouver la première origine des Frères de Viviers. Un médecin, nommé Delille, ayant construit jadis, en actions de grâces, l'Oratoire de Notre-Dame de Bon-Secours, un ancien Frère des Écoles Chrétiennes, nominé Baver, que les événements ont chassé de son couvent, vient, en 1810, s'y établir, avec deux pieux laïques. Tous trois se dévouent au service du pèlerinage, sous la direction du chapelain, l'abbé Blanchard. Ils fondent ensuite une école pour se procurer des ressources. Puis un certain abbé Boisson s'intéresse à leur œuvre et finalement essaye d'y ouvrir un noviciat. La communauté nouvelle prenant corps, il rédige des Constitutions, obtient l'approbation épiscopale et, dès 1825, reçoit de Charles X la reconnaissance légale.

Toutefois, après un certain temps, tout va à la dérive, le pèlerinage ayant absorbé la plus grande partie de l'activité et l'abbé Blanchard étant mort. En 1830, il reste six Frères. L'œuvre se trouve aux mains de M. Vernet, fondateur des Sœurs de la Présentation. Ce dernier, un peu chimérique, semble-t-il, veut une Congrégation s'occupant de tous les corps de métier de la campagne : laboureurs, maçons, boulangers, etc. Après sept ans, il passe l'œuvre à un autre, l'abbé Rivière et enfin, c'est Mgr Guibert qui doit s'en occuper. Ce digne évêque, de guerre lasse, sans doute, fait appel au concours du Rév. Frère François, à qui il propose une union qu'il négocie lui-même. L'exemple des Frères de Saint-Paul facilite l'affaire et le 15 avril 1844 est signé le contrat définitif. Les nouveaux arrivants sont au nombre de 40, plus une vingtaine de postulants. Ils dirigent 14 écoles et tout se passe comme pour Saint-Paul.

L'Institut, comme un fleuve qui reçoit deux affluents, accroît ainsi le chiffre de personnel et d'établissements. Le Rév. Frère François peut écrire quelques mois plus tard aux Frère d'Océanie que l'Institut a 610 Frères, Novices ou Postulants. Il dirige plus de 100 écoles. C'est un merveilleux résultat.

 

CHAPITRE VI. — RÈGLES, CONSTITUTIONS, GUIDE DES ÉCOLES

 

Premières Règles. — Le Père Champagnat, en homme pratique, établit, dès le début, un règlement pour sa petite communauté et une méthode d'enseignement pour ses écoles. Mais il se borne à l'essentiel ; et, sagement, il pense que le temps apportera avec lui des compléments et des modifications. Il ne fait donc rien imprimer pendant de longues années.

On trouve dans ses écrits un commencement de traduction de la Règle des Jésuites, arrêtée après quelques pages, sans doute comme ne nous convenant pas. On découvre aussi, notés, comme au passage, dans divers cahiers, de nombreux points de règle, ébauchés à la suite de quelque remarque qu'il a faite ou d'un besoin local ou d'un petit incident de la communauté. On voit qu'il réfléchit, on sait qu'il prie à cette intention et qu'il prend conseil de divers côtés.

Petit à petit se constitue un cahier, qu'on recopie à la main et que possède chaque établissement. Le seul manuscrit qui nous reste est de 1830. Il compte onze pages. On y voit ce qui regarde l'horaire des exercices de communauté, les conditions de fondation d'un établissement, etc. …, mêlés avec les commandements religieux et les moyens de perfection. De cet embryon sortiront, avec le temps, plusieurs volumes et, dès 1837, la première Règle imprimée.

 

La Règle de 1837. — C'est à cette époque, en effet, que le pieux Fondateur qui depuis quelque temps a fait, avec ses principaux Frères, une révision de tous ses règlements, consent à publier une Règle. Encore commence-t-il par cette humble déclaration : « Cette Règle laisse beaucoup à désirer… nous nous proposons de la mettre dans un meilleur ordre.»

Ce tout petit livre, dont on peut voir le frontispice dans le Bulletin de janvier 1939, p. 287, contient 58 pages de règles proprement dites. Elles sont suivies de la méthode d'oraison, du compte de conscience et de la Lettre de saint Ignace de Loyola sur l'obéissance. Le volume se termine par une série de prières, suivie du Cérémonial de la Prise d'habit : c'est l'embryon primitif qui se développe. L'Institut vit ainsi, avec ce minimum de règlements écrits, pendant une quinzaine d'années.

 

L'œuvre du Chapitre en 1852. — La mort du Vénérable Fondateur, l'élection de son successeur, la prévision de Chapitres régulièrement tenus, ainsi que d'autres besoins qui surgissent, montrent la nécessité d'une organisation plus complète.

C'est l'œuvre du plus important de tous nos Chapitres, celui de 1852. Il sépare les divers éléments réunis dans la Règle primitive et fait de chacun d'eux un corps de doctrine. Le Frère Jean-Baptiste prépare les textes voulus et, en trois sessions, qui occupent les vacances de 1852, 53 et 54, le Chapitre examine et mot au point la rédaction définitive. Il en résulte trois petits volumes : les Règles communes, parues les premières, le Guide des Écoles, destiné à fixer nos méthodes d'enseignement et enfin les Règles du Gouvernement, nécessaires pour la bonne administration d'une nombreuse Congrégation.

L'œuvre est si bien réussie qu'elle suffira à près d'un siècle d'existence, sans modification essentielle. Seule, la rédaction des Constitutions actuelles par le Saint-Siège introduira, ou plutôt hâtera, une certaine décentralisation administrative, d'ailleurs devenue nécessaire. De même, la nécessité des programmes et des horaires divers, imposés en beaucoup de pays par les gouvernements, rendra caduques certaines dispositions du Guide des Écoles et on les supprimera dans l'édition de 1923.

 

Manuel de Piété. — A son tour, la partie constituée par des prières, dans la Règle de 1837, se développe et, en 1855, paraît un livre touffu comprenant, en substance, ce qui formera dans la suite, les Principes de Perfection et le Directoire de la solide Piété. Ce dernier ouvrage s'édite à part en 1863 et contribue à donner à tous les Frères une formation sérieuse à la prière mentale et vocale. Les livres dont on vient de parler comptent un certain nombre de rééditions, cinq ou six environ jusqu'à notre époque, suivant les besoins, et sont traduits en diverses langues.

 

Vie du Père Champagnat. — Le Cher Frère Jean-Baptiste procure, en 1857, à l'Institut l'immense bonheur de pouvoir lire la Vie de notre Fondateur. Elle forme deux volumes in-12 de 325 et 414 pages, le premier consacré à la vie proprement dite et le second aux vertus. Il y travaille durant une quinzaine d'années. Sa merveilleuse mémoire, son séjour dans l'Institut presque depuis l'origine, le soin qu'il a pris de se documenter sur tout ce dont il n'est pas témoin direct et surtout son incomparable talent de conteur, donnent à cet ouvrage, si précieux pour nous, un intérêt capital. Il n'y a pas beaucoup de Congrégations anciennes ayant eu, comme nous, le bonheur de trouver un historien si remarquable de leur Fondateur et de leurs origines. « On peut dire maintenant, écrit le Rév. Frère François, annonçant l'ouvrage, que le Père Champagnat revit au milieu de nous, que nous le voyons agir et que nous l'entendons parler. » Le Frère Jean-Baptiste peint son héros avec la vénération d'un fils pour son père et le respect qu'on a pour les saints.

 

Autres ouvrages. Pour grouper ici tout ce qui regarde les ouvrages spirituels dont l'Institut continue à se nourrir, il faut encore citer le volume des Avis, Leçons, Sentences; il constitue comme une troisième partie de la Vie du Fondateur, rapportant ses Instructions aux Frères. Il est vrai que le Frère Jean-Baptiste y ajoute lui-même d'abondants commentaires.

Peu après, paraissent les Biographies de quelques Frères, dues à la même plume. Plusieurs de ces notices, sur nos aînés les plus édifiants, rappellent encore des leçons données par le Père Champagnat dans l'intimité des entretiens familiers. Cette série s'est continuée dans l'Institut et ces Notices, consacrées à rappeler les beaux exemples de nos défunts, donnent aujourd'hui plusieurs volumes, sans compter celles restées éparses dans les Circulaires ou les Bulletins.

 

Les Circulaires des Supérieurs. — Dans le même ordre d'idées, il faut dire un mot des Circulaires. C'est le Père Champagnat qui les inaugure en 1829, au moment ou nos aînés occupent déjà quinze établissements. A la même date, s'organisent les divers registres, alors minces cahiers, où sont notées les vêtures et les listes diverses utiles à un groupement devenu considérable. La première Circulaire n'a qu'une page. Elle débute par ces mots : « Dieu nous a aimés de toute éternité, il nous a choisis et séparés du monde. La Sainte Vierge nous a plantés dans son jardin ; elle a soin que rien ne nous manque. »

La rareté des Circulaires de cette époque, leur concision et l'absence de directives générales, comme en renferment celles du Frère François et de ses successeurs, s'expliquent aisément. Le Père Champagnat visite fréquemment, même au prix de fatigues inouïes, les maisons encore peu nombreuses et relativement proches de l'Hermitage. Les conférences et exhortations de la retraite sont entendues par tous les Frères de l'Institut. Plus tard, le nombre croissant des Frères et des retraites annuelles nécessitera l'envoi à tous des conseils donnés à quelques-uns.

D'abord, on copie ces circulaires à la main, au noviciat. Mais, en 1838, on réalise un progrès notable : on commence à les lithographier. Cela dure cinq ans, après quoi on les imprime. Toutefois, la lithographie restera fort en usage, jusqu'en 1903, pour toutes sortes de petits travaux. On transporte les pierres lithographiques de l'Hermitage à Saint-Genis et même à Grugliasco, dans la suite, mais elles y restent inutilisées.

En 1841, la Circulaire de janvier atteint 10 pages. Bientôt, ce seront de belles instructions, mêlées de nouvelles de l'Institut, des missions et des divers événements qui nous intéressent. En 1917, lors du centenaire de la fondation de notre Congrégation, la réédition des lettres des Supérieurs Généraux forme 13 volumes. C'est un plaisir, en parcourant cette vaste collection, de constater le ton toujours paternel des Supérieurs exhortant les membres de l'Institut à devenir de saints religieux et les mettant au courant de la marche de nos œuvres dans les diverses provinces.

 

Le Bon Supérieur. — Une mention spéciale est due au volume édité sous le nom de Bon Supérieur, par le Frère Jean-Baptiste, en 1869. Il débute par le fameux songe du Père Champagnat sur les Frères moitié religieux, moitie soldats. Tout le livre est l'écho des leçons données aux Frères Directeurs par le Vénérable Fondateur, qui apporta toujours un très grand soin à les former. Ce livre produit un bien immense, dans notre Institut, et en d'autres qui le découvrent et l'apprécient.

 

Vue d'ensemble. — C'est ainsi que, principalement, de 1852 1870 vers la fin du généralat du Révérend Frère François et au début de celui du Révérend Frère Louis-Marie se constitue cet ensemble d'ouvrages propres à notre Institut. Ils contribuent à notre formation religieuse, puisque leur étude commence dans les noviciats et qu'elle se poursuit, dans les communautés, par une lecture spirituelle périodique. Pourquoi ne pas noter ici que peu de Congrégations possèdent un tel ensemble d'ouvrages si bien adaptés à leur vie et à leurs fonctions et, par suite, forment un trésor de famille où se conservent l'esprit primitif et les enseignements du Fondateur.

 

Esprit de l'Institut. — S'il faut définir l'esprit de l'Institut tel qu'il ressort de nos livres d, famille, tel qu'on l'inculque depuis les débuts et tel qu'il se continuera, il faut l'espérer, chez nos plus lointains successeurs, on dira qu'il est :

1° Un esprit de foi vif et profond pour tout ce qui touche à l'état religieux, à nos saintes obligations, à la présence de Dieu, à nos exercices de piété, au culte de la crèche, du calvaire et de l'autel et pour tout dire d'un mot, à la sainteté de notre vocation.

2° Un esprit d'humilité, de simplicité et de modestie, nous inspirant, à l'exemple de la Sainte Vierge et de saint Joseph, l'estime de nos fonctions sans éclat et la soumission à tous ceux qui sont chargés de nous diriger.

3° Un délicieux esprit de famille qui nous attache à notre Institut, répand la charité dans nos rapports avec nos Frères de tous les pays et nous inspire un grand dévouement à tous les intérêts communs.

4° Enfin, un esprit de zèle ardent pour l'éducation chrétienne de l'enfance et l'enseignement du catéchisme.

 

CHAPITRE VII. — L'AUTORISATION LÉGALE BEAUCAMPS

 

La loi Falloux. — La Révolution de 1789 supprime la liberté d'enseignement. Napoléon est trop autoritaire pour la rétablir. La Restauration l'inscrit dans la Charte, mais en pratique, ne la donne jamais. Il faut une longue lutte qui immortalise Montalembert, « maître d'école et pair de France », dans le fameux procès de l'École libre, pour conquérir cette liberté, qui, en somme, malgré bien des accrocs, dure encore en France. Le point culminant de la bataille est le vote de la célèbre loi Falloux, en 1850. Elle spécifie que les instituteurs seront nommés dans chaque commune sur simple présentation de leurs Supérieurs, s'il s'agit d'Associations religieuses reconnues.

 

L'autorisation légale. — Cette loi précieuse ne produisant ses avantages que pour les Associations autorisées, il faut alors, à tout prix, tenter un nouvel effort pour obtenir la reconnaissance légale de notre Institut. « A force de démarches, dit le Rév. Frère François lui-même, dans une Circulaire, d'éminents personnages s'intéressent à notre Congrégation. Son ancienneté, le nombre de ses sujets et de ses élèves, les recommandations des évêques et du Conseil Général de la Loire… nous ont gagné la bienveillance générale. »

Comme, en principe, il y va du droit, contesté au Gouvernement, de donner l'autorisation par un simple décret, la question prend une importance singulière. M. de Crousheilles, ministre de l'Instruction publique, en fait son affaire personnelle. Le 12 juin, il gagne sa cause devant le Conseil d'État ; le 17, nos statuts sont approuvés et le 20, le Président de la République, le futur Napoléon III, signe le décret. Ainsi, les affaires sont menées rondement. L'heure étant venue, quelle revanche la divine Providence donne enfin aux longues et crucifiantes démarches du Père Champagnat.

 

Joie dans l'Institut. — Il faut lire dans les circulaires de l'époque la joie des Frères à l'annonce de l'événement si longtemps attendu. Le Rév. Frère François, entre autres motifs, voit la consécration définitive de notre nom. « Marie est notre Mère, dit-il, nous sommes assurés de porter désormais son nom glorieux et de combattre toujours sous sa protection maternelle. » Et il indique les prières d'actions de grâces pour une faveur alors inestimable, entre autres cent messes, dites à la maison-mère, et cent communions pour chaque Frère. Une statue de la Sainte Vierge, qui existe encore à l'Hermitage, marquera notre reconnaissance à perpétuité.

L'incertitude de l'avenir semble désormais disparue. Il est certain que cette autorisation devient pour nous le point de départ d'une nouvelle période de prospérité et que l'Institut ne peut ni trop s'en réjouir ni trop en remercier Dieu. En effet, tant que dure le bénéfice de cette loi, dans son entier, c'est-à-dire jusqu'aux laïcisations de 1881, l'Institut fonde près de 400 écoles, dont la plupart officielles. Elles ont ainsi un traitement assuré et les Frères qui y enseignent sont dispensés du service militaire.

 

Mme la comtesse de la Granville. — Parmi les innombrables bienfaiteurs de l'Institut, il n'y en a aucun qui surpasse en générosité les largesses de la comtesse de la Granville, précisément à l'époque du généralat du Rév. Frère François.

Cette noble chrétienne dépense toute sa fortune, fort grande, en bonnes œuvres. Ayant l'idée de fonder pour les enfants de Beaucamps, où elle habite, une école dirigée par des religieux, elle entre en relations avec le Rév. Frère François qui les lui fournit en 1842. Charmée de la modestie et du bon esprit des Frères, elle pense que ce sera une bonne œuvre de favoriser leurs développements. En quelques années, elle fait construire les bâtiments nécessaires à un pensionnat et à un noviciat. Après son entrevue avec le Rév. Frère François, qui est allé à Beaucamps, sa générosité ne connaît plus de bornes. Terrains, chapelle, bourses d'études pour des novices, tous les dons se complètent l'un l'autre, pour promouvoir l'ouvre de ceux qu'elle appelle ses Frères et qu'elle aime vraiment comme ses enfants.

Le Rév. Frère Louis-Marie, en 1865, à la mort de la pieuse châtelaine, écrit à son éloge : « Il y a vingt-trois ans, Mme la Comtesse appelait trois Frères pour la petite école paroissiale de Beaucamps. A sa mort, Dieu avait tellement béni son zèle, son éminente vertu et son inépuisable charité, qu'elle laissait cette magnifique maison provinciale avec un externat, un pensionnat de 160 élèves, un noviciat, 330 Frères en dépendant et un total de 13.000 élèves dans 54 établissements ».

On peut ajouter que les provinces devenues florissantes de Grande-Bretagne, Belgique, Allemagne, Brésil Méridional doivent l'importance qu'elles ont acquise, aux largesses de la charitable bienfaitrice, faites à ce moment décisif.

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