Pour mieux connaitre le Bx. M. Champagnat

07/May/2010

LA FORMATION ECCLESIASTIQUE DE MARCELLIN CHAMPAGNAT (suite)

IV – Monsieur Cottet.

« Mais les deux professeurs les plus en vue étaient deux jeunes prêtres, à qui il avait fallu confier, même avant leur ordination, les chaires de dogme et de morale. Anciens élèves de Saint-Sulpice, rappelés d'urgence par le cardinal Fesch pour la réorganisation de son Grand Séminaire, Messieurs Jean Cholleton et Cattet exerçaient déjà une sérieuse influence autant par leur profonde piété que par la solidité et l'éclat de leur enseignement ». Ainsi s'exprime Mgr. Laveille, à la page 40 de sa vie de notre Fondateur.

Malgré ce qui est dit de cette influence des deux jeunes professeurs, nous ne savons rien de spécial sur celle, plus personnelle, qu'aurait pu avoir Monsieur Cattet sur l'abbé Champagnat.

A bon droit nous pouvons la supposer moins intime que celle de Messieurs Gardette et Cholleton, puisque dans les rapports postérieurs nous sentons Monsieur Cattet plutôt en opposition avec Monsieur Champagnat. Tous nous connaissons les faits de la vie du Fondateur qui nous montrent que le Père Champagnat eut à souffrir des divergences qui existaient entre le Vicaire Général et le vicaire de La Valla.

C'étaient deux esprits non en harmonie. On le voit lors de la visite faîte eu 1825 par Monsieur Cattet, Vicaire Général. Il était prévenu par les dénonciations de l'abbé Courveille souffrant de ne pas avoir le titre de supérieur (Vie. Tome I, p. 171 et suivantes; dans la 3e édition p. 179 et suivantes). Les rapports de Monsieur Courveille étaient tendancieux; Monsieur Cattet, trop vite, y accorda foi, trouva à redire à tout et voulut exercer de pénibles pressions sur notre Fondateur. On devine un manque de sympathie et d'accord.

D'ailleurs, une telle mésaventure n'arriva pas qu'à l'abbé Champagnat; d'autres furent traités de la même manière. Citons un cas: le Père Coindre, fondateur des Frères du Sacré-Cœur, qui subit le même sort, presqu'à la même époque, il écrit: «Le génie remuant de Monsieur Cattet nous apprend la conduite que nous avons à tenir. Il est des hommes qui veulent tout défaire pour refaire à leur manière. Méfions-nous d'un pareil système…» (Lettre du 3 mai 1826), cité par Mgr. Cristiani: « Au service de l'enfance. Claudine Thévenet. Ed. France-Empire 1961, p. 82.

Et Monseigneur Cristiani de dépeindre allègrement l'actif Vicaire Général: «Monsieur Cattet était un homme très entreprenant, très actif, ayant ses idées à lui et les imposant de tout son pouvoir à tous ceux qui tombaient sous son autorité. Nous dirions de lui, de nos jours, que c'était un prélat très " dynamique "… Nous avons d'autre part la preuve que dans l'exercice de ses fonctions au sein des Congrégations dont il était le supérieur ecclésiastique, Monsieur Cattet se mêlait un peu de tout et, selon le mot témoin du temps, "tranchait quelquefois des questions de détails, qui ne pouvaient être prévues dans un règlement général". On le regardait en somme comme "très cassant" et quand il cessera d'être Vicaire Général, en 1841, on se réjouira qu'il ne soit plus supérieur » (Ouvrage cité, pp. 81 et 83).

Donc notre humble Fondateur n'a guère pu subir l'influence du fougueux Vicaire Général: ils étaient trop dissemblables par nature.

Mais quand nous apprenons que des reproches contre Monsieur Champagnat, parviennent à l'archevêché, ne les admettons pas trop vite. En effet ne seraient-ils pas dus, et plus d'une fois, à Monsieur Cattet qui n'admettait point qu'on résistât et qui ne ménageait pas son ancien élève?

V – Monsieur Mioland.

Sur ce dernier des quatre principaux professeurs de «Saint-Irénée», nous ne savons presque rien du moins pour ce qui est de son influence directe sur l'abbé Champagnat. Quant à sa vie en général, un livre sérieux nous la retrace: «Vie de Monseigneur Mioland», par l'abbé Desgeorge. Josserand, éditeur. Lyon 1873.

« Monsieur l'abbé Mioland, professeur d'Ecriture Sainte et maître des cérémonies, se faisait aimer par son dévouement plus encore que par la grâce de ses manières, en attendant qu'il occupât successivement deux des postes les plus élevés de l'Eglise de France. Il devait être élevé sur les sièges d'Amiens et de Toulouse » (Mgr. Laveille p. 39-40).

A Saint-Irénée, il forma ses disciples au culte et aux cérémonies liturgiques; il le fit avec conscience, tact et succès. Cet aimable directeur spirituel gagnait ses élèves par sa douceur, son bon caractère et sa piété. Toute sa vie, Monsieur Mioland resta ainsi; le culte divin et sa bonté sont des traits saillants de sa vie.

Le goût que l'abbé Champagnat avait pour les belles cérémonies liturgiques, pour celles de la Semaine Sainte entre autres, pour le plain chant, pour la décoration des chapelles, le respect de tout ce qui touchait à la liturgie, ne serait-ce point, en bonne partie, de Monsieur Mioland qu'il les tenait? Il n'est pas invraisemblable de le supposer.

Et notre Fondateur a pu garder aussi le souvenir de ce maître plus effacé que les précédents et dont on a pu écrire : « Il serait difficile de rencontrer un cœur sacerdotal plus docile que le sien. Dès le principe, on vient de le dire, il montra par la promptitude de son obéissance quel était son respect pour une décision du Souverain Pontife; et dans sa longue et édifiante carrière, on ne trouverait pas un jour où se soit démentie cette piété filiale envers le Vicaire de Jésus-Christ » (Vie par l'abbé Desgeorge, p. 133). Ceci s'accorde bien avec ce que nous savons du Père Champagnat; il y a donc au moins similitude d'attitude, si l'on ne veut pas admettre une influence voilée de silence.

VI – Monsieur Ménaïde.

Sur l'abbé Ménaïde, pour l'instant du moins, les renseignements nous manquent. Monseigneur Laveille le présente ainsi : « Monsieur l'abbé Ménaïde, un prêtre modeste, dont la science théologique égalait le ferme jugement, exerçait les fonctions d'économe » (Vie du Père Champagnat p. 40). Ce professeur resta dans le clergé paroissial; il se fit remarquer par son dévouement et sa piété mariale. Notons simplement que ces deux caractéristiques se retrouvent chez notre Bx. Fondateur.

En passant en revue ces hommes qui assurèrent la relève du Grand Séminaire à un moment pénible et difficile, nous avons pu nous faire quelque idée de l'atmosphère spirituelle dans laquelle grandit et se forma Marcellin Champagnat. Cette atmosphère a ses petits côtés, c'est certain; elle a sa grandeur aussi. En tout cas, elle donna des fruits bons et durables. Par exemple, en peu d'années, le clergé qui avait été disséminé par la Révolution et dont le recrutement avait été arrêté pendant toute une génération, passa à plus de 1 000 prêtres pour le seul diocèse de Lyon. Et des œuvres religieuses de tous genres partirent de Lyon pour essaimer un peu partout. C'est dans ce dynamisme et cette ambiance qu'il nous faut revoir notre Fondateur (cf. Mgr. Michaud. Chronique sociale, juin 1958, p. 243).

VII – Monsieur Duplay.

Pour terminer cette esquisse sur la formation de notre Bienheureux Fondateur, il est utile de présenter la figure de son ami intime, Monsieur Duplay. Leurs traits communs nous feront mieux saisir les idées maîtresses du Bx. Champagnat.

Formé en même temps que Marcellin Champagnat, et exactement comme lui, Jean-Louis Duplay, qui succédera à Monsieur Gardette comme supérieur de « Saint-Irénée », présentera bien des points de ressemblance avec le vicaire de La Valla; ils auront aussi les mêmes idées maîtresses. Citons : bien faire toutes choses, conformité à la volonté de Dieu,

théocentrisme, confiance, vie mariale, rosaire, dévotion au Saint-Sacrement, régularité; soulignons plus spécialement leur grand souci du catéchisme : « Monsieur Duplay rappelait avec force aux jeunes prêtres l'importance qu'ils devaient attacher à la première formation des enfants dans le catéchisme; il les engageait à se livrer avec ardeur à ce ministère, le plus humble et le plus utile de tous » (Vie par l'abbé Chausse, Tome II, p. 157). Et tous ces hommes issus du même moule, sont remarquables par la trempe de leur volonté; c'est un détail intéressant, puisque le Père Fondateur a tant insisté sur ce point.

Cette force de volonté, Monsieur Duplay va nous la décrire chez notre Bx. Fondateur. Voici une lettre écrite après la mort du Père Champagnat; on ne peut regretter qu'une chose, c'est qu'elle n'ait été utilisée par aucun rie ses biographes :

« La nouvelle de la mort du Père Champagnat m'a surpris. La vie et la conversation de ce vénérable prêtre m'édifiaient. On pouvait le croire nécessaire. Au moins ses leçons et ses exemples ne seront pas perdus; nous les retrouverons dans les Frères qu'il a établis. Le Père Champagnat a eu ses épreuves; je les ai connues. Il n'en continuait pas moins son œuvre avec le même courage, allant d'un cœur libre à travers toutes les vicissitudes; c'est que dans ses efforts, il visait au-dessus de l'intérêt personnel, il songeait que c'était pour Dieu et Dieu seul qu'il travaillait. Un des grands mérites de ce prêtre, c'est sa patience dans la peine et son silence dans l'amertume » (Vie de l'abbé Duplay, pp. 280-281).

Conclusion

Comme Saint Jean-Baptiste de la Salle, Saint Grignion de Montfort, comme Monsieur Démia, initiateur dans la région lyonnaise de l'enseigne ment populaire organisé, notre Fondateur a puisé beaucoup dans une source commune qui est Saint-Sulpice, mais avec ce que ce nom comporte comme synthèse puisqu'il est un aspect de la Contre-Réforme et non une particularité d'un pays ou d'une ville.

En plus de cette influence il faut tenir compte de la réaction qui marqua le XIXe siècle.

« Il nous faut maintenant noter rapidement les influences essentielles qui ont fait la " spiritualité lyonnaise " venue jusqu'à nous. Cela a été assurément une œuvre collective. On la résumera en disant qu'elle a été fortement marquée par les dures leçons des guerres civiles du XVIe siècle et plus tard de la révolution antireligieuse. L'œuvre n'a pas été une réaction aveugle, mais elle a été une réaction » (Mgr. Michaud. Chronique sociale, juin 1958, p. 241).

Et l'auteur d'ajouter que le renouveau prodigieux qui eut lieu au début du XIXe siècle «est le sommet de la spiritualité lyonnaise». «Il a marqué la ville pour jamais. La " Cité mariale " rejoint l'âge antique, dans la même foi rayonnante, par les meilleurs de ses enfants

».

Parmi ces enfants se place, précisément, notre Bx. Fondateur. Son œuvre est l'un des éléments nombreux qui ont contribué à la restauration religieuse à partir de 1815.

Aussi notre origine peut-elle être résumée avec justesse par le P. André Rayez dans « Maria » tome III, p. 303, et ce sera notre mot de la fin : « Le nombre de congrégations religieuses qui, au XIXe siècle, se sont placées officiellement sous le patronage de la Vierge est considérable. En chacune d'elles, on retrouve, plus ou moins accusées, les mêmes caractéristiques : appartenance à Marie par un attachement profond et une imitation filiale, désir de réparer les oublis dus à l'atmosphère jansénisante et "philosophique" du XVIIIe siècle et les outrages lancés contre la Vierge pendant la Révolution, zèle à propager le culte mariai, conviction de plus en plus ferme que la Vierge occupe une place éminente dans le dogme chrétien. La dévotion au Cœur de Marie résume et couronne cet attrait vers la Mère de Dieu.

F. Marcel Colin

BIBLIOGRAPHIE

  1. Chausse: Vie de M. l'abbé Jean-Louis Duplay, 2. vol. Surtout Tome I, p. 75 à 105; Tome II, p. 295-302. Editeurs: Delhomme et Briguet, Lyon 1887.

  2. Colombel Gabourd: Vie de Saint Charles Borromée, Librairie Briday, 1885.

  3. Cristiani: Au service de l'enfance, Claudine Thévenet. Editions France-Empire, 1961 t. Cristiani : Le Père Louis Querbes, Fayard, 1958.

  1. Desgeorge: Vie de Monseigneur Mioland, Josserand Lyon, 1873.

  2. Jeantin: Le Très Révérend Père Colin, 6 vol. Vitte 1895-1898.

  3. Latreille: Histoire du catholicisme en France, Tome III. La période contemporaine, Spes 1962.

  4. Lathoud David: Marie-Pauline Jaricot, 2 volumes. Bonne Presse, 1937.

  5. Leistenschneider : Un petit séminaire de Lyon. L'Argentière. Vitte, 1905.

  6. Lestra: Le Père Querbes et les Clercs de St. Viateur. Vitte, 1942.

  7. Origines Maristes. Tome I (Via Alessandro Poerio – Roma).

  8. Soulcié: La formation des clercs au Séminaire Saint-Irénée de Lyon de 1659-1955. Thèse de doctorat 2 vol. dactyl. Lyon, 1955.

  9. Vie de Monsieur Olier. 2e édition, 2 volumes. Poussielgue-Rusand, Paris, 1853.

  10. Nouvelle Revue Théologique, mai-juin 1960. Tome 82, p. 494 à 512 et p. 607 à 632. Broutin: Le mouvement catéchistique au XIXe siècle.

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