Pour mieux connaître le Bx. Père Fondateur

F. G. Michel

18/May/2010

1816

Il y a 150 ans, un grain de sénevé tombait en terre, et il en était de lui, comme du Royaume des Cieux.

1816: c'est l'année des décisions énergiques, des mises-en-œuvre qui suivent immédiatement les plans.

« Dès le premier jour qu'il fut à La Valla » dit le F. Jean-Baptiste du Père Champagnat, « il avait jeté les yeux sur un jeune homme pour en faire le premier sujet de la congrégation qu'il voulait fonder » (Vie, par le F. J.-B., Ed. 1931, p. 85).

Essayons de découvrir les origines de ce jeune homme qui est, comme on sait, Jean-Marie Granjon.

En cherchant dans les registres de La Valla on trouve un premier renseignement sur Jean-Marie Granjon, à propos du décès d'un homonyme.

« L'an 1819 et le 29 décembre à 4h. du soir par devant nous J.-B. Berne, maire et officier de l'Etat-Civil de la commune de La Valla, canton de Saint-Chamond, arrondissement de Saint-Etienne, département de la Loire, sont comparus: Jean-Marie Granjon, âgé de 27 ans, instituteur demeurant au Bourg et commune dudit La Valla, et Jérôme Sejoubard, âgé de 28 ans, drapier audit lieu du Bourg dite commune de La Valla, lesquels nous ont déclaré qu'aujourd'hui à 8 heures du matin dans le domicile de Jean Renaud de Luzernaud, Antoine Granjon était décédé, âgé de 16 ans, fils de Paul-Gabriel Granjon, et de Jeanne-Marie Granjon, à leur décès cultivateurs au lieu de la Terrasse, commune de Doizieu. Ledit Antoine Granjon était originaire de la commune de Doizieu. Lesquels après la lecture faite du présent acte ont signé avec nous de ce requis et sommés».

Suivent de belles signatures de Jean-Marie Granjon et de Jérôme Sejoubard, et la signature plus lourde de J.-B. Berne.

Si l'on en croit cet acte, Jean-Marie Granjon serait né en 1792. Mais l'officier d'Etat-Civil a dû faire confiance à Jean-Marie pour mettre son âge. Le problème est donc de savoir si Jean-Marie connaît son, âge. Si les Granjon sont originaires de Doizieu ou de La Terrasse, ces villages ont beau être proches de La Valla, la recherche d'une date de naissance n'est peut-être pas une curiosité commune à cette époque.

Cette curiosité, en tout cas, le Père Coste, S.M., l'a eue il y a deux ans, et il a trouvé à Doizieu, l'acte de naissance de Jean-Marie Granjon:

« Aujourd'hui trois nivôse, troisième année repne à onze heures du matin, par devant moy Benoit Duculty officier municipal et officier public de la commune de Doizieu, est comparu Jean-François Granjon, culteur domicilié au lieu de la Terrasse commune dud Doizieu assisté de Jean-Marie Germât charron âgé de trente six ans et de Jean-Bte Benny cloutier âgé de cinquante quatre ans, tous deux domiciliés au bourg dud Doizieu lequel dit Jean-François Granjon m'a déclaré qu'hier à dix heures du soir dans son domicile aud lieu de La Terrasse Claudine LAVAL son épouse en légitime mariage était acouchée d'un garçon qu'il m'a présenté et auquel il a donné le prénom de Jean-Marie; après cette déclaration que lesd Jean-Marie Germât et Jean-Bte Benny m'ont attesté conforme à la vérité et la présentation qui m'a été faite de l'enfant dénommé, j'ai rédigé le présent acte que l'ay signé seul, après que lesd Granjon, Germât, et Benny m'ont déclaré ne savoir le faire.

Fait en lad. maison commune de Doizieu le jour et l'an que dessus.
 

Comme le 2 nivôse an 3 est le 22 décembre 1794, Jean-Marie Granjon a 25 ans depuis 7 jours lors du décès de son homonyme en 1819.

L'erreur du registre de La Valla est sans doute à imputer au calendrier républicain. Quelles difficultés inextricables il devait susciter au Fiançais moyen! — sans comparaison sans doute avec les nouveaux francs pour nos contemporains. Comme l'acte de mariage de Jean-Marie en 1833 nous révèle que ses parents sont morts alors qu'il était très jeune, sa mère en l'an 4 et son père en l'an 8, on comprend qu'il n'y ait pas eu grand monde pour lui apprendre sa date de naissance. Comme, pardessus le marché, il fait très vraisemblablement partie des « Marie-Louise » (conscrits de 1814 et 1815 qui ont été appelés par anticipation en janvier ou en octobre 1813), il a pu y avoir là pour lui un motif de plus d'être induit en erreur.

A l'arrivée du Père Champagnat à La Valla, Jean-Marie Granjon a donc 21 ans. Avant les guerres de l'Empire, il a sans doute dû connaître de très bonne heure la vie de berger, puis celle de domestique chez les uns et les autres. Après un an d'interruption, l'exaltation ou la désillusion des champs de bataille de France ou, d'Europe, il a dû revenir chez ses anciens patrons, sans doute des fermiers qui n'auront pas beaucoup besoin de lui quand les gros travaux de l'été et du début de l'automne seront terminés.

Si l'on suit le Frère Jean-Baptiste, on imagine volontiers le Père Champagnat trouvant Jean-Marie sur sa route le jour de son arrivée à La Valla; mais si l'on suit le Père Bourdin S.M. (qui a vécu à l'Hermitage plusieurs années et a pris des notes au cours de conversations familières avec le Père Champagnat : (cf. Coste: Origines maristes II, doc. 754), il faut dater leur première rencontre du dimanche 6 octobre 1816. En style télégraphique, il a noté: « 1ier dim(anche) d'octobre f(rère) J(ea)n Marie — bien sage — à l'église ah! si — vint chercher pour un malade à la rive — là il fit connaissance ».

Evidemment rien n'empêche de mettre d'accord les deux récits. Si le Père Champagnat est arrivé à La Valla venant de Saint-Chamond, et que Jean-Marie ait été domestique à La Rive ou dans un hameau proche, il a très bien pu rencontrer le Père Champagnat sur la route, le saluer de dessus une charrette de gerbes ou du bord d'un champ, sans faire connaissance. Lors de la rencontre du 6 octobre, il a pu rappeler au Père Champagnat: «Nous nous étions vus le jour de votre arrivée. C'est moi qui vous ai salué sur la charrette de gerbes ».

Tentons un nouveau concordisme pour la date d'arrivée à La Valla. « Un samedi » dit le Frère Jean-Baptiste, « le 12 août » dit le Frère Avit, « le 13 août », dit Mgr Laveille.

L'ordination a eu lieu le 22 juillet, la nomination et les pouvoirs sont donnés aux nouveaux prêtres le 12 août: voilà deux certitudes. Mais rien n'empêche de penser que, entre le 22 juillet et le 12 août, le Père Champagnat soit allé à Marlhes et à La Valla, car rien n'empêche de penser qu'il a connu son poste officieusement avant de le connaître officiellement.

Si le Frère Avit a écrit: «le 12 août», c'est qu'il a eu connaissance directement ou indirectement des Archives de l'Archevêché qui donnent le 12 août comme date de nomination des nouveaux prêtres. Si Mgr Laveille donne le 13 août, c'est qu'il pense à un crochet par Marlhes. En effet, il nous parle du Père Champagnat apercevant: «du haut d'un mamelon, la massive tour dressée alors près du chevet de l'église de La Valla » ce qui serait bien impossible s'il arrivait par Saint-Chamond.

Mais n'est-il pas finalement logique d'imaginer un emploi du temps du genre suivant:

— 22 juillet: ordination (Origines maristes: I, p. 216-218);

— 23 juillet: engagement des Premiers Maristes (id., 219-223);

— un des jours suivants: voyage Lyon-Marlhes1.

— Marcellin reste une quinzaine de jours chez lui. Il sait déjà, ou il apprend pendant ce temps, que sa première paroisse sera La Valla2. Lui qui s'est consacré à Marie le 23 juillet et qui a bien l'intention de réaliser le «Tout à Jésus par Marie», il se dit: «J'irai faire un pèlerinage à ma nouvelle paroisse, et j'irai un samedi ». Peut-être d'ailleurs sait-il ou apprend-il que dans cette paroisse il y a une chapelle à N.-D. de Pitié, et que, sous la Révolution, elle a permis aux fidèles de prolonger quelque temps une certaine vie liturgique pendant que l'église paroissiale était vouée au culte de la déesse Raison.

— Ce samedi a bien des chances d'être le 10 août. Partant de Marlhes de bon matin, le Père Champagnat arrive (par Saint-Genest, La République, Tarentaise, La Barbanche, Laval, Maisonnette), pour prendre avec son curé le repas de midi, et descend à Saint-Chamond rejoindre la diligence, à moins qu'il ne fasse le trajet à pied.

— Le 11 août est, sans doute, un dimanche qui regroupe au Grand Séminaire tous les nouveaux prêtres.

— Le 12 août chacun va retirer ses lettres d'ordination, paie les droits y afférant et repart.

Faut-il penser à un nouveau crochet par Marlhes? C'est peu probable. Le Père Champagnat doit quitter la diligence à Saint-Chamond et monter à La Valla à pied. Il nous est loisible de penser que ce voyage a lieu soit le 12 août, soit le 13 août.

 

 

 

Quoi qu'il en soit, nous nous retrouvons avec F. Jean-Baptiste pour faire débuter le ministère du Père Champagnat le jour de l'Assomption. On devait demander aux jeunes prêtres de commencer leur ministère le jour où leur curé avait tout particulièrement besoin d'eux pour les confessions. C'est dire d'ailleurs que si le ministère de la prédication a commencé le 15 août, les confessions ont bien dû commencer le 14.

Après cette longue digression, retrouvons vite J.-M. Granjon. Le 6 octobre il a pris contact avec le Père Champagnat. « Quelques temps après, dit le Frère Jean-Baptiste, il l'engagea à venir demeurer dans le village de La Valla, afin qu'il pût le voir plus souvent et lui donner des leçons plus suivies ».

Fin octobre aura lieu l'événement décisif. Il s'agit du décès de J.-B. Montagne :

« L'an mille huit cent seize et le vingt-neuf octobre à dix heures du matin, par-devant nous, Jean-Baptiste Berne, maire et officier de l'Etat-Civil de la commune de La Valla, canton de Saint-Chamond, département de la Loire, sont comparus françois montagne, Menuisier au lieu des Palais, commune de La Valla, âgé de cinquante-sept ans, et Jean-Baptiste Montagne, journalier audit lieu, âgé de cinquante-deux ans, lesquels nous ont déclaré que Jean-Baptiste Montagne, fils audit françois Montagne et de Clémence Porta, était décédé en leur domicile, hier à sept heures du soir au dit lieu des palais, âgé de dix-sept ans. D'après cette déclaration et la présentation du cadavre, nous avons rédigé le présent acte que les dits déclarans nont pas signer pour ne le savoir faire de ce requis ».

Berne M.

Aucun autre des décès survenus entre l'arrivée du Père Champagnat à La Valla et la fin de l'année ne peut convenir. L'« enfant de 12 ans » du récit du Frère Jean-Baptiste est donc un adolescent de 17 ans. Douze ans c'est le souvenir du Père Champagnat. Vu dans son lit, pâle, mourant, le jeune homme dont le jargon médical moderne dirait aujourd'hui qu'il avait un inquiétant retard statural et pondéral, était sans doute un cas commun de malnutrition, peut-être de déficience aussi bien physique que psychique, et cela pourrait expliquer son extraordinaire ignorance, car comment expliquer autrement que, dans une famille où l'on est tout de même chrétiens, puisqu'on demande un prêtre, un enfant ignore jusqu'à l'existence de Dieu?

En tout cas, l'âge de 17 ans est pratiquement juste, comme le prouve l'acte de naissance:

« Aujourd'hui vingt floréal an huit de la République française, dix heures du matin, par devant moi Jean Grivola agent municipal de la commune de La Valla, canton de Saint-Chamond département de la Loire est comparu François Montagne menuisier au lieu des Palais, susditte commune de La Valla, acompagner de Jean-Baptiste Montagne et de Etiennette Porta dudit lieu lequel François Montagne ma déclaré que Clémence Porta sa femme en légitime mariage, a acouché d'un enfant mâle auquel il a donné le prénom de Jean-Baptiste… ».

signé Grivolla

Comme le 20 floréal an 8 est le 10 mai 1800, au moment de sa mort, J.-B. Montagne a donc 16 ans et demi. Le Père Champagnat n'aura pas le loisir de contrôler son âge, car l'enterrement religieux ne sera pas fait par lui. Il aura lieu à Tarentaise, et la rédaction de l'acte sera faite par le nouveau curé : Préher.

« L'an mil huit cent seize et le trente octobre, le corps de J.-B. Montagne, fils légitime de François Montagne et de Clémence Porta, du lieu des Palais, paroisse de Tarentaise, décédé avant-hier à l'âge d'environ seize ans et demi, a été inhumé par moi soussigné dans le cimetière de cette paroisse en présence de François et de Jean-Baptiste Montagne et d'Antoine Ravot, tous les trois dudit lieu des Palais, qui ont signé de ce enquis ».

Montagne Montagne

Ravot Préher curé dess(ervant)

On peut se demander pourquoi c'est le Père Champagnat qui est allé administrer l'enfant aux Palais, alors qu'il était éloigné de deux heures de marche, et qu'un curé se trouvait à Tarentaise à un quart d'heure.

Il faut d'abord remarquer que le hameau dit des Palais comptait deux groupes de maisons séparées par un chemin : « Les Palais » du Bessat et « Les Palais » de Tarentaise. La maison Montagne est sur le côté du Bessat, donc appartenait à la paroisse de La Val la. D'autre part encore le curé de Tarentaise était mort au mois d'avril précédent, et le nouveau desservant, Préher, hésitait peut-être à accepter une cure où l'on voit signer comme vicaire — y avait-il besoin d'un vicaire? — l'abbé Sayve, qui sera l'intrigant de 1824 {Vie, éd. 1931, p. 151).

En tous cas, on peut penser que le nouveau curé, qui, dans l'acte de décès dit que Montagne est de la paroisse de Tarentaise, n'est pas encore bien au courant des frontières curieuses de cette paroisse.

Quant à la présentation du cadavre, il s'agit d'un texte à interpréter par le code civil art. 77: c'est l'officier d'Etat-Civil qui se transporte au domicile du défunt pour s'assurer du décès.

Mais revenons au Père Champagnat. Il a donc passé deux heures auprès de l'enfant Montagne, est ensuite allé voir un autre malade, et lorsqu'il est repassé, Jean-Baptiste Montagne était mort. On sait assez que cette préparation à la mort de quelqu'un qui ignorait tout de la religion a été déterminante dans sa décision de fonder sans retard l'Institut.

Lorsqu'il redescend de Tarentaise le 28 octobre, il fait grand’ nuit, car il est près de 8 heures du soir. Faut-il se représenter ce retour par une nuit de radieux clair de lune, et entendre des Magnificat et des Te Deum, puisqu'il arrivait facilement au Père Champagnat de chanter le long de la route? Faut-il voir au contraire! une nuit d'encre, et un retour plus banal en cherchant péniblement un chemin pas tellement bien tracé et plus ou moins embourbé par les pluies d'automne?

Le Frère Jean-Baptiste nous parle de joie et de frayeur mêlées. Toujours est-il que la pensée de fonder l'Institut poursuit le Père Champagnat avec tant de force qu'il va trouver Jean-Marie Granjon. Est-ce le soir même? (cela supposerait 10 heures du soir environ) ou le lendemain? Il ne semble pas possible de donner une réponse à cette question assez oiseuse.

* * *

Le Père Champagnat ne sait pas en ce lundi soir que, la veille, 27 octobre, J.-B. Audras est allé se présenter aux Frères des Ecoles Chrétiennes de Saint-Chamond. C'est le samedi suivant, jour des Morts, 2 novembre, que J.-B. Audras viendra se remettre entre les mains du Père Champagnat.

Le futur Frère Louis est né le 1ier messidor, an 10, c'est-à-dire le 20 juin 1802, donc aux premières vêpres de la fête de Saint Louis de Gonzague, ce qui expliquerait sa dévotion particulière à ce saint et le choix de son nom de Frère. Où le Frère Jean-Baptiste est-il allé chercher la date de naissance du 8 octobre 1801? C'est un mystère.

« Du 2 messidor an. 10 de la République française. Acte de naissance de Jean-Baptiste Odras3, né hier au soir (+) au lieu de Peorey susditte commune de La Valla, fils à Jean-Marie Odras et à Jeanne-Marie Poyetton cultivateurs audit lieu du Peorey le sexe de l'enfant a été reconnu être masculin en présence de Jean-Baptiste Pichon cultivateur au lieu de Monteuil commune de Rutiange4 4 même département et d'Elizabeth Poyetton épouse dudit Jean-Baptiste Pichon de même demeurente audit lieu de Monteuil susditte commune du Rutiange tous deux oncle et tante maternel et majeurs sur la réquisition de moi faite par le père de l'enfant susdénommé lequel ainsi que les témoins nont put signer pour ne le savoir faire de ce requis.

Constaté par moi Guillaume Tissot, maire de la commune de La Valla faisant les fonctions d'officier public de l'Eta-Civil».

Tissot maire.

 

12 août-2 novembre: il a fallu deux mois et demi pour prendre une décision qui va engager, et pour des siècles, le salut de millions d'hommes qui connaîtront le Christ par les successeurs de J.-M. Granjon et de J.-B. Audras.

F. G. Michel
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1 II serait intéressant de se représenter comment voyageait le Père Champagnat. En 1810, la diligence St.-Etienne-Lyon met 14 à 15 heures. On pari de bon matin et on arrive à la nuit. De gros progrès auront lieu dans le service des voyageurs mais surtout à partir de 1818. En 1830. il y a 5 services par jour avec départs à 5 h. du matin. 11 heures du malin et aussi 9 heures du soir. A partir de 1827, les berlines « Stéphanoises » arrivent à faire le trajet en 7 heures, vitesse folle, source d'accidents. En 1828, pour l'ensemble de la France: 4 217 diligences renversées, 856 décès, 7 221 blessés, 602 chevaux tués.

Mais en 1816, il faut sûrement penser à une irrégularité et à une lenteur de transport de l'ordre de celle de 1810. Le tourisme n'est pas encore à l'ordre du jour. Il faut un passeport pour aller de Saint-Etienne à Lyon. Ce sont sûrement des formalités de ce genre qui ralentissent le transport, car le trajet St.-Etienne-Lyon est divisé en 6 postes et demie, et une poste représente un trajet d une heure.

Quant au prix, il est calculé par postes et par chevaux, plus un supplément pour le postillon. En été, c'est de l'ordre de 12 f. En hiver, comme il faut 3 chevaux au lieu de 2, de l'ordre de 17 f. Chaque voyageur a droit à 25 kilos de colis. Ces chiffres doivent nous faire réfléchir, et nous faire comprendre la phrase du Frère Jean-Baptiste: «II voyageait presque toujours à pied, et s'il était forcé de prendre les voitures publiques, il se contentait des dernières places» (Vie, p. 417).

Douze francs est en effet une somme importante. On peut estimer que les centaines de paysans qui travaillaient l'hiver à faire des clous, arrivaient à se faire des journées de 1 franc ou au maximum de 1 franc cinquante. Or d'autre part, sur le trajet Saint-Etienne-Lyon il ne semble pas qu'il y ait eu plusieurs tarifs (Pour Lyon-Paris, il y a des tarifs dégressifs: 55 francs à l'intérieur, 50 dans le cabriolet, 45 dans la galerie, 35 sur l'impériale). Mais il faut peut-être penser à l'utilisation des «voitures de roulage», c'est-à-dire de marchandises. Par connaissance, on arrive peut-être bien au moins à faire transporter sa malle, à condition sans doute, de ne pas être pressé. Il y a aussi pour Rive-de-Gier-Lyon une «carriole» qui, à partir de 1816, est remise à neuf. Sans doute est-ce un moyen moins dispendieux.

Même à Paris, où pourtant l'ingéniosité de Pascal, depuis 1662, a mis au point un système d'omnibus utilisables même par les gens peu fortunés, le Père Champagnat marche à pied: «Il est vrai, dit-il, que ces voitures ne sont pas chères; néanmoins plusieurs petites sommes finissent par en faire une grande… ».

Qu'on se souvienne du voyage de Charlieu que signale le F. Jean-Baptiste (Vie, p. 169). A l'aller, le P. Champagnat prend la voiture de Saint-Etienne à Roanne. Mais le retour Charlieu-l'Hermitage (environ 100 km.) se fait à pied en deux étapes: Charlieu-Balbigny: de 4 heures du matin à ? heures (heure du souper); Balbigny-L'Hermitage: de 4 heures du matin à 7 heures du soir.

Sans doute peut-on dire que le Père Champagnat, jeune vicaire n'a peut-être pas encore le même sens de la pauvreté qu'il aura plus tard. Mais par contre il a une santé plus robuste. Et quant à l'argent, il doit dans deux cas en être également démuni.

2 La date réelle de la nomination est le 12 août 1816. Celle du premier août est la date officielle destinée à faciliter le décompte du traitement à partir du début du mois. La mention « 2 mois » de « l'état du clergé 7 » indique très probablement que M. Champagnat avait droit à deux mois de traitement (premier août au 30 septembre) avant que commence avec le premier octobre son premier trimestre complet (quatrième trimestre 1816). La paie des vicaires était en effet répartie pour chaque année en quatre trimestres.

Le 12 août devait être la date portée sur la première feuille de pouvoirs du P. Champagnat, laquelle n'est pas conservée. Il est possible que, le conseil ayant décidé, la nomination ait eu lieu un jour ou deux avant. Quant à la date à laquelle le P. Champagnat a connu cette nomination, on ne peut se prononcer. (Note du P. Coste).

3 3 II n'y a pas lieu de s'étonner de l'orthographe ODRAS; c'est assez conforme à la prononciation locale, et il semble bien que le maire se soit basé sur cette prononciation.

4 4 Rutiange s'appelle aujourd'hui: Thélis-la-Combe.

 

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