Nos Frères furent appelés en Chine en 1891 par Mgr Sarthou, vicaire apostolique du Tchéli Septentrional, pour diriger, à Pékin, l'école franco-chinoise du Nantang, dite de l'Immaculée Conception. Partis de Marseille le 8 mars, ils purent s'installer dans la résidence qui leur était destinée et commencer leurs fonctions dans les premiers jours du mois de mai.

Mais, à peine étaient-ils arrivés que les plans de Monseigneur s'agrandirent, et, sur ses pressantes instances, les Frères durent prendre également la direction du Collège Saint-Louis, à Tientsin, école tout européenne où dominait l'élément anglais.

Dieu bénit leur dévouement et, sous leur conduite, les deux écoles continuèrent à prospérer et à donner pleine satisfaction aux familles ; mais il semblait que notre action dût se borner pendant longtemps à la culture de ce champ réduit; rien ne faisait prévoir la possibilité d'aucune autre fondation, lorsque, vers la fin de 1892, la Mission de Pékin manifesta le désir de nous confier encore l'orphelinat de Chala-Eul, en dehors de la ville. Son offre fut acceptée par les Supérieurs, et au printemps de 1893 cinq nouveaux Frères quittaient Saint-Genis pour aller renforcer la colonie de Chine, qui compterait désormais trois communautés.

Cette même année, les RR. PP. Jésuites nous appelaient comme auxiliaires dans leur collège Saint François Xavier, à Changhaï. Leur intention était même de confier aux Frères la direction complète de l'établissement; mais la prudence des Supérieurs jugea qu'il valait mieux attendre, et ce fut seulement deux ans après, en 1895, que le collège passa entièrement à notre charge.

Pour nos deux établissements de Pékin, cette année de 1895 fut une année d'épreuves. Le printemps fut froid, humide, et cela amena une cruelle épidémie de typhus. Huit Frères, qui en furent atteints, se trouvèrent en peu de jours aux portes du tombeau. Par une protection spéciale de la Providence, et grâce aux soins admirables dont ils furent l'objet, sept échappèrent à la mort ; mais celui qui, après Dieu, les avait sauvés, le bon Frère Marie-Candide, visiteur, tomba victime de son héroïque dévouement, le cinq du mois de mai.

En 1898, furent fondés deux nouveaux établissements: Outchang et Hankeou; mais bientôt vint la terrible année 1900, avec l'insurrection des Boxeurs, le siège du Peitang et des Légations, la destruction de nos établissements du Nantang et de Chala Eul, le massacre du Fr. Marie-Adon et du postulant Paul Yen avec un grand nombre de leurs orphelins, le bombardement de Tientsin, la mort des Frères Jules-André et Joseph-Félicité. Tout semblait perdu ; et, au mois de septembre, le collège de Changhaï fut le seul à ouvrir ses cours. Pékin était en ruines, Tientsin supprimé, Outchang et Hankeou attendaient des jours plus calmes.

Peu à peu, cependant, l’ordre se rétablit et la confiance revint. Au mois de novembre le collège de Pékin, réinstallé provisoirement dans une maison mandarinale, put de nouveau ouvrir ses portes. Hankeou et Outchang avaient fait de même peu de temps auparavant. Bientôt même on dut songer à faire des fondations, qui depuis lors se sont multipliées. Ce sont: Souifou, Canton et _Nanning en 1901. Tchunking et Soutcheou en 1902; Tchefou, Tchentoufou, Ningpo, Ki-Ngan et Nantchang en 1903; Kouéiin et Kiang en 1904; Weihoui-fou en 1905.

L'année 1906 fut attristée par l'horrible massacre, à NanTchang, des cinq Frères : Léon, Louis-Maurice, Prosper-Victor, Marius, et Joseph Amphien, qui formaient la communauté de l'établissement. Mais il reste vrai, depuis Tertullien, que le sang des martyrs est une semence de prospérité pour les œuvres qu'ils soutenaient, et la province de Chine commence à en faire l'heureuse expérience.

Erigée canoniquement au mois de mars dernier, elle a aujourd'hui son noviciat, son juvénat et son scolasticat bien organisés: ses établissements sont au nombre de 17 avec 2120 élèves, et ses sujets, au nombre de 156, comprennent: 8 Frères stables; 80 profès de vœux perpétuels; 36 profès de vœux temporaires; 14 postulants et 26 juvénistes.