Province des Etats-Unis

11/Mar/2010

Après avoir visité nos maisons de Nouvelle-Calédonie et du Canada, le C. F. François de Borgia, Assistant Général, procédait à la visite de celles des Etats-Unis. Cette visite devait durer du 15 août au 2 décembre 1933.

Le Bulletin de l'Institut a déjà donné un compte-rendu assez détaillé des visites du C. F. Assistant Général à nos Frères missionnaires d'Océanie ainsi qu'à nos Frères du Canada. Aujourd'hui il entretiendra ses lecteurs de nos œuvres aux Etats-Unis.

Si l'année 1935 marque les noces d'or de la province du Canada, il n'est pas moins vrai qu'en 1936 la province sœur des Etats-Unis célébrera un quart de siècle d'existence autonome.

Pendant vingt-six ans tous nos établissements d'Amérique du Nord, des bords du lac St Jean à la région montréalaise, aussi bien que les unités éparpillées le long de l'Hudson et du Merrimack ne formaient qu'un seul district. n coup d'œil sur la carte de l'Amérique du Nord permettra de se rendre compte des longues distances qui séparent ces diverses sections. De plus, elles différaient non seulement de gouvernement et de traditions, mais aussi de langue et de programmes d'études.

Une séparation s'imposait donc. Préparée par la fondation, en 1906, d'un juvénat, puis d'un noviciat à Poughkeepsie, localité distante de 75 milles de New- York, elle fut consommée en 1911, quand le C. F. Ptoléméus, auparavant à la tête de nos maisons du Rio Grande, fut nommé Provincial des Etats-Unis.

La nouvelle division de l'Institut comptait 15 stables, 96 profès perpétuels, 44 profès temporaires, 11 novices, soit 166 Frères et une soixantaine de postulants ou juvénistes. Aujourd'hui la province est constituée par 207 Frères et plus de cent sujets en formation.

A beaucoup la marche ascendante de la Province peut paraître plutôt lente, mais, étant donnés le nombre assez considérable de religieux rapatriés et les difficultés du recrutement au pays du confort, il y a lieu de bénir la Providence pour le bien accompli par les disciples du Vénérable Champagnat dans la grande république américaine.

 

Organisation scolaire. — Disons tout d'abord quelques mots sur l'organisation scolaire. L'enseignement n'est pas contrôlé par l'Etat. N'importe qui peut ouvrir une école. Si son prestige lui amène des élèves, tant mieux! Cependant la tendance de l'heure présente est d'établir un certain contrôle, mais jusqu'à ce jour, tous les Etats, à part trois, laissent encore toute latitude.

L'enseignement se divise comme partout en primaire, secondaire et supérieur. Le premier comprend 8 années et s'achève pour les élèves qui ont alors environ 14 ans, par l'obtention d'un diplôme approprié, quel- chose comme le certificat d'études en France.

A son tour l'enseignement secondaire comprend quatre années dites de « High School », (cours supérieur) et quatre autres années dites de « Collège » qui conduisent au baccalauréat ès-sciences (B. S.) ou ès-lettres (B. A.).

Dans la Province en dehors de. nos maisons de formation, cinq écoles suivent intégralement les programmes officiels des « High School ». En outre 4 de ces. dernières ont aussi les classes élémentaires. Six ont seulement le cours élémentaire.

 

Manchester. — Le premier poste fondé par nos Frères aux Etats-Unis est celui de Manchester. Cette importante agglomération manufacturière, pittoresquement située dans la vallée du Merrimack est à juste titre considérée comme une des plus belles de la Nouvelle Angleterre, qui est la région nord-est de la grande république, et celle s'enorgueillit du titre de « Queen City » Ville Reine.

Elle possède une population franco-américaine formée par les descendants des nombreux émigrés canadiens, ce qui en fait un centre de langue française très important, Alors qu'en 1844, les premiers catholiques de la ville ne recevaient que tous les trois mois la vi- site d'un prêtre missionnaires aujourd'hui elle compte quinze paroisses dont sept de langue française, comprenant près de la moitié de la population, soit 30.000 sur 75.000 habitants.

Manchester, autrefois appelée Derryfield changea son nom en 1810, parce qu'on espérait en faire un centre manufacturier, semblable à celui qu'est la ville de même nom en Angleterre. Le village comptait alors 615 habitants.

L'industrie de la filature du coton qui devait être pour la cité naissante une source de prospérité, commença. en 1805 près des chutes Amoskeag. Ce fut d'abord une petite usine bien modeste niais qui dans la suite devint une des plus importantes du monde entier puisqu'elle employa dans les années. de prospérité jusqu'à 30.000 ouvriers. Parmi d'autres nombreuses industries, il faut aussi mentionner les manufactures de chaussures qui emploient 8.000 personnes, et la compagnie S. A. Felton qui fabrique 50.000 façons de brosses.

C'est dans la partie ouest, sur la colline au nom bien marial de Notre Dame que se trouve l'école qui nous intéresse.

Alors qu'il était en France, l'abbé Hévey obtint du Révérend Frère Supérieur Général, que des Frères viendraient s'occuper des garçons de sa paroisse, Ste Marie.

Au mois d'août suivant, en l'année 1890, six Frères étaient salués avec joie par la population et six classes furent ouvertes avec plus de 400 élèves. En 1911, l'école actuelle, avec tous les aménagements modernes et comprenant 16 classes était construite par les soins de M. le Curé Davignon. En souvenir du regretté Mgr. Hévey, protonotaire apostolique, le nouveau centre scolaire fut dénommé Ecole Hévey. Actuellement les 16 classes sont occupées par une jeunesse laborieuse et docile formant un ensemble de 660 élèves.

Les cours donnés à l'école Hévey sont les huit années du cours élémentaire bilingue. Chaque allés, une quarantaine d'élèves reçoivent le certificat qui leur permet d'entrer dans la « High School ».

L'école possède une chorale de 60 membres qui fait l'envie des paroisses environnantes et contribue grandement à rehausser l'éclat des offices religieux, des séances récréatives et des fêtes civiques.

Une bibliothèque avec plusieurs milliers de volumes choisis, fonctionne à merveille et permet aux élèves studieux et amis de la lecture de satisfaire ce louable penchant tout en évitant les multiples dangers des bibliothèques publiques.

Le 3 décembre 1909, les Frères organisaient une société de « Cadets du Sacré Cœur », recrutée parmi les meilleurs élèves de l'école. Cette pieuse association, par l'exemple et la piété de ses jeunes membres, contribue efficacement à la diffusion de cette admirable dévotion parmi les enfants de la paroisse et prépare des effectifs, bien formés pour la Ligue du Sacré Cœur. Celle-ci est composée d'hommes et de jeunes gens. Un très grand nombre de cadets communient souvent. Il faut ajouter que cette excellente pratique est singulièrement favorisée par les prêtres de la paroisse qui entendent les confessions des enfants tous les quinze jours et sont encore à leur disposition tous les samedis.

Les anciens élèves, réunis en Amicale depuis 1923 forment un groupement de plus de 500 membres, amis dévoués sur lesquels les Frères peuvent compter en toute occasion. Nombreuses déjà sont les preuves de, leur attachement à leur « Alma Mater »: cadeau de 2.000 dollars lors de la construction du juvénat de Tyngsboro, don de près d'un millier de dollars pour l'amélioration du mobilier et du luminaire de la résidence des Frères, la bibliothèque scolaire, l'aménagement du sous.sol, le décoration de la salle de réunion de l'école… etc. …

A ces tangibles preuves que le labeur des Frères est apprécié par les anciens nous sommas heureux d'ajouter l'appel que le Président de l'Association adressait à ses collègues: « Anciens élèves des Frères, nous sommes fiers de le proclamer, en notre nom et celui de la nombreuse phalange qui se réclame du même honneur. Notre amour pour nos maitres d'autrefois n'a pas cessé d'augmenter et de se fortifier. Leur zèle nous l'admirons et l'apprécions davantage et nous nous inclinons profondément devant le désintéressement sublime de ces nobles cœurs qui s'oubliant eux-mêmes ne pensent qu'à se sacrifier pour la jeunesse et pour Dieu. Le passé ne peut revenir: Oh mais comme il est doux d'en revivre les heures trop fugitives, comme il fait bon revoir ces frères bien-aimés, à l'égard de qui, débiteurs insolvables, nous avons contracté une dette immense. Fidèles à notre devise: «Nous nous souvenons!» et nous nous souviendrons toujours.

Un autre indice de la vivacité de la formation chrétienne donnée à l'école Hévey se trouve dans le grand nombre de vocations sacerdotales ou religieuses qu'elle a fournies à l'Eglise, parmi lesquelles notre Institut ne compte pas moins de 32 unités, non compris les sujets en formation.

Les anciens restés dans le monde font bonne figure dans la société. Un nombre considérable occupent de très honorables positions, L'Amicale a même vu un de ses fondateurs et membres à vie, S. Arthur Moreau occuper la place principale parmi les édiles de la cité.

 

St Ann's Academy. — Notre premier pensionnat dans l'immense Babylone américaine commença, on peut le dire en toute vérité, d'une façon bien modeste. A l'origine il ne fut même qu'une partie minime de l'école St. Jean Baptiste, fondée en septembre 1892, à la demande de M. l'abbé Fredric Tétreau, établissement que nous avons dû abandonner aux vacances de 1934.

Le jour de l'ouverture, cette classe spéciale fondée pour les enfants des parents aisés, soucieux de donner à leurs fils une éducation un peu plus soignée ne comptait que 10 élèves. Le minuscule embryon se développa si vite que. deux ans s'étaient à peine écoulés que l'Institut faisait l'acquisition de l'immeuble où avaient évolué côte à côte école paroissiale et pensionnat. C'était au numéro 153, Est, de la 70e rue, cœur même de New York.

Pendant cinq ans, on se borna aux cours élémentaires, mais en 1897, à la demande des familles, pleinement satisfaites de notre système d'éducation qui sait si bien s'adapter aux exigences de tous les pays, un crut devoir ouvrir la première année du cours secondaire. Le premier pas en avant accompli, la marche ascendante de l'institution alla si bon train que bientôt la ruche devint trop exiguë. Il fallait bâtir de plus amples locaux. En. 1899, la Congrégation érigea donc au coin de la 77e rue et de la a Lexington Avenue. » un bâtiment parfaitement adapté pour une maison d'éducation.

Pendant une période de 12 ans, sous la vive impulsion de l'intrépide pionnier des œuvres maristes à New York, le regretté frère Zéphiriny, puis avec l'expérience et le dévouement de ses successeurs, l'école progressa toujours, si bien qu'en 1912, le nombre de 250 élèves avait été dépassé. En outre, la récente affiliation de l'établissement à l'université de l'État de New York faisait prévoir une augmentation sensible parmi la clientèle scolaire. Force fut donc de bâtir encore.

En 1912, une annexe au premier bâtiment fut construite et, en 1915, fut achetée une remise convertie aussitôt en salle de jeux. Le résultat de toutes ces acquisitions est une collection de bâtiments assez hétéroclite mais répondant aux besoins d'une école qui comptait 600 élèves, en 1925, apogée atteint par St Ann's Academy. Ces dernières années, ses classes élémentaires ont vu leur effectif diminuer mais en revanche il y a affluence dans les cours secondaires qu'on a dû porter au nombre de neuf et qui, chaque année, envoient entre quarante et cinquante diplômés aux écoles supérieures ou commerciales.

De tels succès sont sans doute le fruit de l'atmosphère de piété sans contrainte, en honneur dans l'école. Toutes les semaines, le chapelain entend les confessions des enfants et les pensionnaires assistent à la messe trois fois par semaine. En outre, chaque jeudi, ils entendent un sermon adapté à leurs besoins, suivi de la bénédiction du St Sacrement. Vers la fin de l'année scolaire, la plupart des élèves sont invités à suivre les exercices d'un triduum de vocations qui sans doute a porté ses fruits, puisque dans un terrain jugé plutôt défavorable, on peut compter une quinzaine de vocations sacerdotales ou religieuses parmi lesquelles figurent 6 de nos Frères.

Un autre puissant facteur de vie spirituelle est fourni par la société du Très Saint Nom de Jésus, recrutée parmi les élèves des cours supérieurs. Son but est de combattre le respect humain et de promouvoir en soi et autour de soi le respect dû au Saint Nom.

L'école publie une revue mensuelle : the Beehive (la Ruche). Ses articles de fond stimulent les lecteurs vers un idéal des plus élevés et ses comptes-rendus des faits et gestes des diverses classes, sociétés ou équipes, au style toujours alerte et humoristique en font un puissant moyen de fomenter l'esprit de corps parmi les étudiants, d'aiguillonner quelques caractères apathiques et d'intensifier l'attachement de tous pour leur « alma mater ». La rédaction, du « Beehive» est entièrement confiée aux élèves.

Un cercle dramatique créé pour cultiver la bonne diction paraît en scène au moins deux fois par an. Il est efficacement secondé par l'orchestre qui jouit d'une excellente renommée, même dans le public de la métropole.

Venant à leur place tous les sports en vogue dans le pays ont été introduits dans l'école — basketball, baseball, handball, natation, course à pied. Plus d'une fois déjà ces diverses équipes ont conquis les premières places parmi les nombreuses écoles catholiques de la ville. Toujours pour assurer souplesse, agilité et élégance au corps, tous les élèves prennent part à des leçons de gymnastique données par un professionnel laïc.

 

Lowell. — Lowell comme Manchester, Haverhill et Lawrence où nos Frères dirigent d'importantes écoles est bâti le long de la rivière Merrimack dont les eaux au cours rapide et puissant, scientifiquement canalisées ont contribue plus qu'aucun autre facteur au merveilleux développement industriel de toute la Nouvelle Angleterre. Ce centre ouvrier doit son nom à François Cabot Lowell qui non seulement perfectionna l'outillage des filatures de coton mais aussi employa toute son influence politique pour obtenir des lois commerciales destinées à protéger les tissus indigènes.

Grâce aux multiples industries qui s'y établirent tissage du coton et de la laine, chaussures, manufactures d'outils — le village s'est développé rapidement si bien qu'aujourd'hui sa population cosmopolite s'élève à 116.000 habitants. Côte-à-côte avec les Irlandais, Portugais, Grecs et Polonais, les 25.000 Canadiens-Français méritent une mention toute spéciale.

Les premiers émigrants arrivèrent en 1885 et aussitôt ces robustes chrétiens érigèrent une église qui fut confiée au vénéré Père M. Garin, O. M. I. Une des premières préoccupations de cet apôtre zélé, dont la mémoire est en si haute vénération à Lowell, fut d'ouvrir des écoles.

Lors d'une visite à St Pierre de Montréal, où nos Frères ouvrirent une école l'année après leur arrivée au Canada, le saint religieux entendit le Révérend Père Lefebvre, O. M. I., supérieur, louer hautement le travail des nouveaux maîtres. Sans hésitation, on entra en pourparlers. Le résultat fut qu'en 1892 huit 'ères prenaient la direction du « Collège St Joseph », appellation qu'on lui donna pour le distinguer de l'école de même nom confiée aux sœurs de la Croix.

Le bâtiment tout à fait « ad hoc » répondait parfaitement aux exigences de l'hygiène et de la pédagogie modernes. Encore aujourd'hui il fait bonne figure auprès de constructions bien plus récentes. A l'ouverture es classes plus de 450 enfants se présentèrent. D'année u année les inscriptions montèrent et le nombre de lasses augmenta en proportion. Vers 1910 la population écolière dépassait 1.200 enfants, ce qui faisait alors du « Collège St. Joseph », l'école la plus nombreuse de l’Institut.

Aujourd'hui, la. paroisse a été morcelée en quatre autres centres, et par suite il y a eu une diminution notable. Cependant les inscriptions atteignent encore 600. Le nombre des frères qui s'était élevé à 21 est descendu a 12.

Pendant quelque temps les cours de « High School » furent établis mais la crise financière obligea les Révérends Pères Oblats de suspendre ces études supérieures des élèves finissants sont donc contraints de fréquenter les écoles laïques, où ils sont les bienvenus car le très grand nombre y ont soutenu l'honneur de leurs premières écoles et la réputation de leurs maîtres.

Deux sociétés dirigées par les Révérends Pères Chapelains, les « Anges Gardiens » et les « Archanges du Sacré-Cœur, groupent à peu près la totalité des élèves favorisent grandement la piété, la bonne conduite et réception fréquente des sacrements. C'est sans doute ce qui explique les nombres de 25 prêtres et de 20 Frères maristes que le « Collège » compte parmi ses anciens. En 1912 fut fondée la florissante « Amicale », prototype de toutes nos associations similaires en Nouvelle Angleterre. Elle est aujourd'hui très vivace et aide puissamment les Frères à promouvoir les nobles causes Dur le plus grand bien des âmes. Le jour de l'inauguration, une Messe solennelle fut chantée par trois anciens élèves et un quatrième, du haut de la chaire, tissa parler son cœur pour dire la gloire de l'enseignement chrétien.

(à suivre).

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