Retraite annuelle
09/Sep/2010
Marcel était élève depuis 4 ans dans Une de nos Ecoles de la région de Constantinople. Il avait 10 ou 11 ans lorsque ses parents l'avaient confié aux Frères à titre d'interne.
A cet âge, l'enfant aime plus le jeu que l'étude, et il n'est pas rare que la discipline lui pèse parce qu'elle contrarie ses petits caprices. C'était tout particulièrement le cas de Marcel, dont la complexion un peu délicate, d'ailleurs, n'était guère de nature à favoriser la réaction contre la paresse, l'étourderie et les autres légers travers qui commençaient à se dessiner dans son caractère.
Sans être mauvaise, la première année ne fut pas très satisfaisante, la seconde le fut encore moins, et l'entourage qu'il se créait faisait naître à son endroit de sérieuses inquiétudes.
Il avait fait sa première communion et il commençait à grandir, mais beaucoup plus en âge et en taille qu'en science et en piété.
La troisième année fut désastreuse. Aux défauts que nous avons déjà signalés vinrent se joindre ceux qu'amène assez généralement, chez ceux qui n'y veillent pas„ la crise de l'adolescence. Il était devenu fier, frondeur, et volontiers il eût affiché des allures d'impiété. Il avait soin de choisir ses amis parmi les moindres de ses camarades, et c'est d'eux qu'il attendait des approbations et des éloges, sa conduite ni son travail ne lui en attirant plus depuis longtemps de la part de ses Maîtres. Bref, il fallut en venir au moyen extrême et l'exclure au moins temporairement de l'école.
Il fut donc rendu à ses parents ; mais il était trop jeune, trop ignorant et trop peu formé à tous les points de vue pour occuper une place. Son père le sentait et il en était désolé. Il prit donc le parti, en faisant des promesses pour lui, de le l'amener à l'Ecole, afin d'essayer encore, pendant une quatrième année, la puissance de l'Education chrétienne.
Les premiers jours ne firent pas augurer un grand changement ; mais bientôt arriva la retraite.
C'est là que le bon Dieu l'attendait.
Le prédicateur de cette retraite était un bon Père Jésuite, qui dès le début captiva ses jeunes auditeurs. Marcel fut saisi comme tous les autres et peut-être plus encore. Il n'assista pas seulement d'une manière édifiante aux saints exercices, il s'y livra tout entier. Ses Maîtres ne furent pas peu surpris, et très heureusement, de le voir sérieux comme ils ne l'avaient jamais vu. La retraite ne dura que trois jours, mais ils suffirent à transformer le vaurien d'hier en un tout autre jeune homme.
Dès lors il devint un élève pieux, travailleur, docile, bon camarade, irréprochable en tout. Il ne se contenta même pas d'être converti, il voulut être apôtre. Un de ses camarades qui l'avait imité jusque là dans sa mauvaise conduite devint l'objet de ses soins attentifs, de ses bons procédés, de ses bons conseils, et bientôt on les vit tous deux assidus à la Communion presque quotidienne.
A la fin du mois, Marcel avait régulièrement son Tableau d'honneur avec la note Très Bien et ses succès étonnaient tout le monde, ou plutôt ils n'étonnaient que ceux qui ne connaissent pas l'énergie d'une bonne conscience, les élans d'une âme qui ne craint que le péché. Le pédant d'autrefois était devenu un aimable jeune homme, l'insoumis un modèle de docilité, et le fauteur de mauvais esprit un zélateur discret de la piété, de la discipline et de toutes les bonnes initiatives.
Il y avait plus d'un an que s'était opéré dans Marcel le changement si heureux que nous venons de noter et le bon jeune homme persévérait toujours dans son excellente conduite lorsqu’il fut pris d'un rhume qui ne parut pas d'abord avoir plus de gravité que la généralité des indispositions de ce genre. Bientôt cependant la fièvre se déclara et l'enfant dut s'aliter. C'était un samedi. Le lendemain, comme il ne se trouvait pas mieux, on lui porta la sainte communion dans son lit. Rien pourtant ne semblait s'être bien aggravé dans son état ; mais quelques heures plus tard la fièvre monta jusqu'à 40° et plus.
Comme à peu près tous les dimanches, son père vint le voir, et, sur le conseil du médecin, il se résolut à l'emmener. Ils partirent donc en prenant toutes précautions que commandait l'état de l'enfant ; néanmoins, en peu de jours le mal empira de telle sorte que le médecin déclara qu'il n'y avait plus à se faire illusion sur le dénouement.
On fit cependant tous les remèdes, sur lesquels on crut pouvoir fonder encore quelque espérance ; mais ce fut en vain. La mort approchait visiblement. Déjà Marcel avait reçu les derniers sacrements avec une grande piété.
— Maman, est-ce que j'en ai encore pour longtemps ? — demanda-t-il tout à coup.
— C'est fini, mon enfant, — répondit la mère au milieu de ses larmes.
— Oh tant mieux, —– reprend l'enfant, dont le visage s'éclaire d'un rayon de joie. — Je vais mourir : que je suis heureux ! Ne pleure pas, maman ; je vais au ciel on je prierai pour toi, pour papa, et pour toute la famille.
Quelques minutes après, il rendait son dernier soupir, laissant ses parents humainement désolés ; mais bien consolés dans leur foi par la pensée qu'ils auraient au ciel un ange qui les attendrait en se faisant leur avocat auprès de Dieu.
Au collège, quand on recueillit ses effets, on trouva un cahier on il avait écrit ses notes de retraite, et parmi ces notes, se trouvaient les suivantes :
« Le seul mal, c'est le péché. Mon Dieu, faites-moi mourir plutôt que d'en commettre un seul !
L'enfer existe, il est éternel : je ne veux pas y tomber ; je veux aller au paradis. Bonne Mère, obtenez-moi cette grâce ! Coûte que conte je veux me sauver. »
On ne s'étonne plus en lisant cela de la transformation dont on avait pu être surpris. N'y a-t-il pas en germe, dans ce peu de mots, tout un idéal de vie chrétienne, et ne suffit-il pas, pour devenir un saint, de tirer les conséquences logiques de ces simples, principes ?
Marcel l'avait fortement résolu, sous l'action de la grâce, et il était en train de faire dans cette voie d'admirables progrès ! Qu'importe si Dieu, content de sa bonne volonté, l'a arrêté, pour ainsi dire, des les premiers pas ? Il aura été de ceux qui en peu de temps ont parcouru une longue carrière.
Sa photographie-souvenir porte ces mots si chrétiens : Souvenez-vous dans vos prières de Marcel F***, né à Constantinople le 26 juillet 1896 et retourné à Dieu à l'âge de 14 ans.
Parmi ses camarades, son souvenir est resté comme un parfum d'édification, et peut-être par l'effet de son intercession céleste, l'année s'est passée dans un esprit délicieux, au grand avantage de tous.
Oh ! quelle grâce, pout ceux qui y prennent part, et pour la maison qu'ils habitent, qu'une retraite faite sérieusement et avec lés dispositions que Dieu demande !