Rhodésie – Ouverture de lEcole Normale et Secondaire à Kutama
13/Apr/2010
Plus d'un millier de personnes groupées en ordre dans le parterre de l'Ecole Normale et Secondaire Saint-François-Xavier se tinrent instinctivement au « garde à vous » quand soudain, déchirant l'air de ses notes perçantes, la fanfare du Collège entonna l'hymne « God save our gracious Queen ». Comme les sons stridents des cinquante instruments se divisaient ensuite pour se fondre en une reposante harmonie, tous les yeux étaient tournés en message de bienvenue vers S. Exc. le Gouverneur de la Rhodésie du Sud, Vice-Admiral et Lady Peveril William-Powlett.
C'était le samedi 4 octobre, à 3 heures P. M. et l'occasion était l'ouverture officielle, par Son Excellence, de l'Ecole Normale et Secondaire de Kutama. Comme le Gouverneur et son épouse distinguée avançaient lentement entre les rangs serrés de la garde d'honneur formée par les six cents élèves noirs dans leur uniforme simple mais attrayant, vers la façade aux arches multiples du corps de bâtiment principal, la fanfare renouvela ses harmonies avec « Anchors Aweigh » le chant de la Marine.
A l'estrade d'honneur, au sommet du perron de l'école, aux marches de 14 mètres de longueur, le représentant de la Reine et Mme William-Powlett furent reçus par Sa Grandeur Mgr F. W. Markall, archevêque de Salisbury, l'Hon. le Ministre de l'Education et Mme R. M. Cleveland, le Secrétaire des Affaires indigènes, M. S. Morris, le Directeur du Département de l'Education Africaine, M. H. C. Finkle, le Commissaire Civil du District et Mme R. C. Wood, M. le Député et Mme Blair Ewing ; C. Frère Antoine-Célestin, Supérieur du District des Frères Maristes en Rhodésie, F. Jude-Joseph, Supérieur de la Communauté de Kutama, F. Auguste-Désiré, Principal et F. Bartholemy, représentant les Frères Maristes de la Province de l'Union Sud-Africaine.
Sur les vérandas des deux ailes latérales de l'école, parmi environ deux cents Européens et encore plus d'indigènes, on remarquait l'ex-Directeur du Développement Indigène, M. et Mme A. G. Yardley, l'ex-Commissaire provincial et Mme H. A. Cripwell, le Commissaire Civil de Salisbury, M. B. B. Fitz-Patrick. Les Révérends Pères Jésuites étaient représentés par le Père E. Hancko, Chapelain du Collège, le Père Mckeown, Recteur du Grand Séminaire Africain, le Père Callaghan, Principal de Monte Cassino, le Père T. Swift de Martindale, le Père Connor de la Rhodésie du Nord ; les Révérendes Sœurs Dominicaines par des Religieuses du Couvent de Salisbury et de Martindale ; les Révérendes Sœurs du Précieux-Sang par les Religieuses de l'Ecole Normale de Monte Cassino ; les Révérendes Sœurs de la Petite Compagnie de Marie par des Religieuses de l'Hôpital Sainte-Anne ; le Département de l'Education Indigène par son Directeur et aussi par M. et M'"e W. T. Miller, M. et Mme J. T. Kidson, M. et Mme A. P. Knottenbelt, M. et Mme Patterson. 41 Frères Maristes étaient présents parmi lesquels 20 représentaient l'Ecole Secondaire de Que Que, les trois Collèges de Frères Maristes de Johannesburg, l'Ecole Normale de Mtendere (Nyassaland) et les Ecoles Secondaires de Zomba (Nyassaland), Chassa et Broken Hill de la Rhodésie du Nord.
Le Rév. Père P. Zuellig, S. M. B., représentait l'Ecole Secondaire de Goko mere, M. McHarg, l'Ecole Secondaire de Harare (Salisbury) et lieutenant-colonel Rive, Howard lnstitute. Parmi les nombreux anciens élèves des Frères Maristes éduqués surtout dans l'Union, il v avait le Président de l'Association, M. M. T. Griffith et Mme Griffith, M. S. F. Aitken-Cade, M. P., M. et Mme Murphy, M. Kennedy, M. et M""' M. Watson, etc., Rév. Thomas Marumbga, Chapelain du Juvénat, le Principal de Marshall-Hartley ; M. Lawrence Yambe, Editeur en chef de journaux africains et plus de 60 instituteurs étaient les visiteurs les plus distingués parmi les Africains.
Le choix désigna le F. Bartholemy pour résumer les sentiments de tous et les exprimer en mots de bienvenue à leurs Excellences au nom des Frères Maristes, du personnel enseignant indigène et de tous les élèves de l'Ecole. Traçant un court aperçu historique de la Congrégation, il démontra comment le Bienheureux Fondateur voulait s'enrôler comme missionnaire dans les îles méridionales du Pacifique, mais empêché de réaliser son idéal, envoya lui-même, de son vivant, quelques-uns de ses disciples dans ces contrées éloignées. Les premiers Frères Maristes qui abordèrent en Afrique descendaient au Cap de Bonne-Espérance en 1867. En Afrique seulement, ils sont aujourd'hui au Maroc, à Madagascar, au Congo Belge, dans les trois Provinces de la Fédération et du Nyassaland, au Mozambique, en Angola, en Nigeria et en Afrique Equatoriale Française.
A Kutama, où les Pères Jésuites commencèrent leurs travaux missionnaires en 1914, ouvrirent l'Ecole Normale en 1927 et où le Père O'Hea mérite une mention bien spéciale pour ses dix ans et plus comme Principal de l'Ecole Normale, les Frères Maristes arrivèrent pour assurer un personnel plus nombreux et plus stable en janvier 1939. « Après le bon Dieu », continue le F. Bartholemy, « et les labeurs des premiers missionnaires, c'est à l'aimable compréhension du Gouvernement de la Rhodésie, dont nous saluons la plus haute autorité ici aujourd'hui, que le Collège et autres institutions similaires doivent une grande dette de reconnaissance. Son aide et sa sympathie ne se sont pas limitées à des mots seulement car, par exemple, pendant le court espace de cinq ans, l'argent voté pour l'éducation africaine a doublé et atteint maintenant deux millions de livres par année et il y a de plus un fonds spécial de développement de deux millions et demi. Ces sommes représentent certainement une grande proportion de l'économie de la région et se comparent favorablement avec les autres contrées de l'Afrique. Ce montant financier, avec l'intention exprimée par le Gouvernement de pourvoir à l'éducation technique et de construire d'autres écoles primaires et écoles normales, démontrent éloquemment que ceux qui ont la responsabilité de gouverner cette contrée ont certainement l'intention d'élever le niveau culturel des Africains ».
Son Excellence le Gouverneur, parlant ensuite, fit une courte synthèse du travail d'éducation fait à Kutama pendant les trente et une années d'existence du Collège. « Il est encourageant, dit-il, de savoir qu'à Kutama seulement pendant cette période sont sortis plus de sept cents instituteurs diplômés et que plusieurs centaines d'autres étudiants ont passé leur huitième année ici. Mon gouvernement, ajoute-t-il, apprécie très hautement le travail de dévouement qui s'y est fait et s'y fait encore, mais aussi le fait que ce Collège, chers Frères, a été construit surtout avec vos propres ressources. Ces constructions attrayantes témoignent éloquemment de vos labeurs, mais ne nous disent que la moitié de l'histoire. Je sais aussi qu'en vous efforçant de faire remporter des succès académiques à vos élèves vous attachez encore plus d'importance à leur donner une bonne formation religieuse imprégnée de maîtrise de soi, d'honnêteté, de propreté et de fierté dans les traditions de l'école ; en un mot, de préparer les élèves à prendre leur place dans cette contrée au service de Dieu, de leur Reine et de leurs concitoyens. »
S'adressant aux élèves plus spécialement, Son Excellence poursuivit : « Et je vous affirme que cette emphase mise sur la formation du caractère est de la plus grande importance. Faites attention à cette formation et retenez cette leçon de bien vivre car alors vous aurez appris la vraie valeur de l'éducation. » Encourageant les élèves à développer l'esprit de service : « J'ai parlé de service, dit-il, ce n'est pas seulement un mot heureux ou plaisant ou un idéal de l'imagination : c'est une force puissante et ce Collège est lui-même un monument à l'application pratique de l'esprit de service ; c'est un monument aux travaux dévoués d'hommes qui, doués d'esprit avide, auraient pu amasser en abondance les biens naturels de ce monde mais ont préféré servir leur prochain. »
Le Gouverneur remercie ensuite les « Beit Trustees » (société de bienfaisance rhodésienne) pour la contribution financière substantielle qu'ils ont faite pour l'érection de celle école ; puis il coupa ensuite le ruban symbolique qui reliait ensemble les trois vastes portes dans les arches centrales et déclara l'école officiellement ouverte.
Importance d'une éducation équilibrée et de l’effort combiné de l'Etat et de l'Eglise.
Après un mot cordial de remerciements adressé à Son Excellence et à tous ceux qui ont rehaussé cette cérémonie par leur présence— la plupart avaient fait plus de 100 km. en machine pour cette occasion — Sa Grandeur Mgr Markall souligna l'importance d'un système d'éducation bien équilibrée. La formation du caractère et de la personnalité d'une part et le développement de l'intelligence et des autres facultés d'autre part sont les facteurs d'une éducation équilibrée. Sa Grandeur assura ensuite Son Excellence que l'Eglise était prête à donner une éducation complète aux Africains. Elle loua les efforts combinés de l'Eglise et de l'Etat dans la tâche d'apporter l'éducation à des milliers d'Africains. « Cet effort combiné de l'Etat et de l'Eglise a été un des facteurs du progrès réalisé ici depuis 1914 ; il a complété admirablement les sacrifices qui ont été faits par tant de parents qui se sont efforcés d'envoyer leurs enfants pour recevoir l'éducation alors possible.
Sa Grandeur, ancien Chapelain du Collège pendant cinq ans, parla ensuite avec effusion d'un certain matin, il y a quinze ans, que le Père Groeber, S. M. B., l'architecte de la construction, présenta plans et devis qu'il avait complétés pendant la nuit. «Après ces quelques quinze ans, il est possible maintenant, de la tour de cet édifice, de contempler ce plan presque réalisé. »
Son Excellence, en sa qualité de premier Scout de la Rhodésie, délivra ensuite à Elias Ndoro et Edward Chitate, deux élèves de Kutama, leur certificat de « Scout de la Reine ». C'était la première fois dans les annales du Scoutisme en Rhodésie, que des Scouts africains obtenaient, cette distinction convoitée.
Puis, le long des gazons frais tondus et des haies bien émondées de pins et de cyprès aux rafraîchissantes couleurs ou de Spina Christi ou de bougainvillées aux teintes écarlates ou mauves, à l'ombre des allées flanquées de bauhinias et de jacarandas symétriquement espacés et en pleine effloraison de rose, de violet et de pourpre, alternant avec les lauriers émaillés de blanc et de rouge et les vigoureux thévétias aux formes arrondies, toute l'assistance trouve bon de s'acheminer lentement pour se disperser ensuite autour du terrain des sports. A l'accompagnement rythmé de la fanfare, une courte mais impressionnante séance d'exercices physiques est donnée par l'école entière. Quelques minutes plus tard, les visiteurs retournent à la bibliothèque de l'école pour déguster le thé et les rafraîchissements gracieusement préparés par Mme E. Jackson et sa fille ainsi que par les dévouées Sœurs Dominicaines du Couvent de Salisbury.
Dans l'école, aux portes maintenant grandes ouvertes, les nombreux visiteurs prennent plaisir à « faire connaissance » avec les classes aux teintes attrayantes et toutes les autres salles, tout en se remémorant leurs propres journées d'écoliers. Même la tour au-dessus du troisième étage n'est pas jugée trop difficile d'accès pour ceux, nombreux, qui désirent embrasser d'une vue d'ensemble le plan général de l'alignement des allées, des haies verdoyantes, des arbres et arbustes décoratifs, des jardins scolaires et des longues séries de constructions que dorent maintenant les derniers rayons du soleil. Enfin, non sans regret, ils s'arrachent, pour ainsi dire, de cette contemplation, pour répéter un bonjour et un merci à leurs hôtes et emporter dans leur foyer le souvenir d'une journée agréable et utile.