San Antonio, Maison Provinciale pour le Mexique
16/Sep/2010
Reconnaissance. — Quand, en septembre 1914, nous passâmes le Rio Bravo pour sauver les débris du "nid de Jacona’’, saccagé par la Révolution, plus d'un cœur sentit un étrange serrement. Laisser la Patrie, laisser le beau Mexique, avec ses sites enchanteurs, pour les immenses et désertes plaines du Texas, tour à tour torrides et glaciales, se sentir comme perdus dans une contrée dont l'aspect, la religion, la langue sont si différents de ce qui jusqu'alors enchantait notre vie, c'était assurément une situation désolante… Mais nous comptions sans les merveilleuses ressources de notre sainte Religion catholique. Voici que des la frontière un prêtre espagnol, le P. Coma, nous obtient une réduction de demi-place sur les chemins de fer texans. A Port Lavaca, un prêtre français nous attend à la gare ; sa charité sacerdotale et "lyonnaise" pourvoit à tous nos besoins. Non seulement il se fait notre interprète, mais aussi notre procureur, puis notre collecteur. Grâce à lui, un nouveau bienfaiteur, le R. P. Eck, s'intéresse à notre situation, et des caisses de linge arrivent opportunément pour nous prémunir contre les premiers froids de l'hiver.
Le Bulletin de l'lnstitut a déjà raconté comment la Providence multiplia pour nous les bienfaiteurs et les amis. Il a nommé le P. Pallanche ; le P. Heck ; le R. P. Constantineau et les Oblats ; Mgr. Shaw et son Vicaire général le P. Hume ; le R. P. Kelley et Extension Society, à qui nous devons d'être si bien installés, maintenant, aux côtés de la grande et belle et "catholique’’ ville de San Antonio.
San Antonio compte environ 120.000 âmes. Les temples protestants y sont par douzaines, mais l'Eglise Catholique y montre fièrement sa supériorité et son immense influence sociale. Au centre se dressent : la cathédrale de San Fernando avec son école gratuite dirigée par les FF. Marianites ; et un immense et magnifique hôpital desservi par des Sœurs et qui sert en même temps de résidence épiscopale. Plus au centre encore les Frères Marianites dirigent un bel externat de plus de 500 élèves payants. Tandis que, près de leur aristocratique église américaine, les PP. Oblats ont, eux aussi, bâti une vaste et magnifique école où les Sœurs de la Providence soignent plus de 500 élèves, garçons et filles. Aux alentours, de remarquables édifices dominent les légères constructions américaines : c'est, au loin, le grand collège St. Louis, internat des FF. Marianites. Plus près, la Maison-Mère et le grand Pensionnat des Sœurs de la Providence ; puis le séminaire des PP. Oblats, 16 couvent des Ursulines, le pensionnat des Teresianas. De l'autre côté, l'église, écoles, et résidence des RR. PP. Rédemptoristes : le double couvent des Sœurs du Bon Pasteur ; la Maison-Mère et pensionnat des Dames du Verbe Incarné, J'oubliais de nommer l'orphelinat de "Saint Pierre"’ crée par l'évêché ; l'église N. D. du Perpétuel Secours pour les Texans de l'extérieur de la Ville ; l'église allemande au centre, et une foule d'autres œuvres que l'Extension Society protège et favorise comme elle .a protégé et favorisé les Petits Frères de Marie réfugiés. Si pendant un an nous n'avons pas eu à payer les 90 dollars (450 francs) par mois de loyer pour notre maison, c'est parce que l'Extension Society et l'évêché ont assumé pour nous cette charge. Si nous avons trouvé la maison avec un bel autel, des chasubles, calices, ciboires et toute une installation en rapport avec les besoins d'une communauté religieuse c'est à l'Extension Society, dont Mgr. Kelley et le P. Ledvina sont présidents, et au R. P. Hume, le bras droit de Mgr Shaw, que nous le devons. Ces vénérables Prélats et Prêtres qui ont tant d'œuvres sur les bras ont eu encore dans leur cœur une place pour les Petits Frères de Marie expulsés… Ils nous ont secourus non seulement avec leur argent, mais avant tout par leur réconfortante bonté… Les RR. PR Oblats de Marie dont l'influence est très grande aux Etats-Unis, nous ont ouvert ces cœurs. Eux-mêmes nous ont entourés des plus délicates attentions. En juin, par exemple, ils nous payèrent le voyage à leur séminaire, où toute la communauté, scolastiques et novices compris, eut le trop grand honneur de se voir mêlée à la communauté des BR. PP. Oblats, au souper offert à Mgr Shaw, qui devait porter le Très Saint Sacrement à la traditionnelle procession nocturne de la Fête-Dieu, dans la propriété des Pères.
Quelques jours avant, le R. P. Hume avait voulu que notre "Jeunesse" sût ce que c'est qu'un "picnic" ; et, sur les bords du "San Antonio River" à l'ombre des grands frênes, contemporains des premiers missionnaires du Texas, il lui offrit, avec autant de délicatesse que de bonté, la splendeur d'un dîner et d'un lunch à l'américaine !
Il y a un mois à peine, un camion automobile nous arrivait, chargé d'immenses caisses… C'était le cadeau de nouvel an que l'Extension Society envoyait aux Marist Brothers of Mexico… Un piano, avec pianola, avec plus de 120 morceaux choisis et un joli meuble vitré pour les retirer… Puis des lettres pleines de bonté de Mgr Kelley, le vengeur de la cause mexicaine devant les Etats-Unis, du R. P. Ledvina, du R. P. Martel qui sous le couvert de l'anonymat nous a destiné ce superbe cadeau. Déjà en octobre, nous avions reçu 200 dollars, de l'Extension Society, afin de pouvoir nous procurer 2 bonnes vaches laitières pour les besoins de la Communauté.
Nous voudrions que les colonnes de notre cher Bulletin fussent plus grandes et sa galerie des portraits plus spacieuse pour que toute la Congrégation connût les faveurs et contemplât l'image de ces généreux protecteurs. La reconnaissance est un devoir, et c'est pour ne pas y faillir que nous demandons à tous les membres de l'Institut, d'appeler les bénédictions divines sur ceux dont les multiples faveurs et la constante bonté ont si charitablement adouci les misères de notre exil.
Je n'ai nommé qu'en passant les bons Frères de Marie. Or ces fils si distingués du Vénéré Père Chaminade, nés comme nous en 1817, ont voulu que la communauté de noms et l'identité de but s'affirmassent par tous les services et toutes les amabilités possibles. Pendant les vacances de 1914, ils donnèrent asile à quatre Frères de Monterrey, qui, entourés de soins et de prévenances s'y perfectionnèrent dans la connaissance de la langue anglaise. Les deux supérieurs (RR. PP. A. Frische et J. C. Ei) ont été en bien des circonstances notre Providence. Grâces à eux, des médecins spécialistes ont gratuitement donné leurs soins à plusieurs de nos Frères. Les Petits Frères de Marie ont pu frapper en toute confiance chez leurs aînés d'Amérique : ils ont toujours trouvé les bras et les cœurs ouverts. Voyez, par exemple, de quelle exquise manière ils ont voulu que nous inaugurions la nouvelle année : Ce jour-là toute la communauté a été invitée à se transporter à St. Mary's Collège ; et là, "Frères" et "Petits Frères" de Marie n'ont fait qu'une famille. Pendant les quelques heures passées parmi eux ils nous donnèrent l'exemple d'une grande simplicité et d'un admirable esprit religieux. Ils jouèrent au "basket-ball"puis ils nous offrirent une longue et belle séance récréative qui fut pour nous une riche leçon d'anglais, de déclamation et… d'esprit de famille.
Un peu plus tard, on se réunit dans leur grande Bibliothèque du Patronage, dont les livres sont à notre disposition depuis notre arrivée à San Antonio. Là, il y eut un goûter qui nous ménagea d'agréables surprises… On parla français, espagnol, anglais et même… latin ! car, sur un signe du bon P. Supérieur, on termina par leur traditionnel chant de réunion : Ecce quant bonum et quam, jucundum habitare fratres in unum, etc. …
Nous voilà de bien "heureux exilés" n'est-ce pas ? Nous ne savons plus comment rendre grâces à Celle que, chaque soir. et chaque matin, nous saluons des doux. noms de Mère de Miséricorde, notre Vie, notre Douceur, notre Espérance !
C'est Elle, la Première Supérieure, qui prévoit toutes chose et pourvoit à nos besoins avec une bonté et un amour dont nous vous prions de nous aider a nous rendre dignes et à la remercier.
Les Frères De San Antonio.