Séville, Collège « S. Fernando »
14/Oct/2010
Tandis que les provinces de l'Espagne martyrisées par l'abominable et atroce tyrannie rouge reviennent à la vie nationale et catholique et en attendant de mieux connaître l'héroïsme de nos Frères massacrés ou traqués par la Bête révolutionnaire, nous offrons avec bonheur aux lecteurs du Bulletin la relation suivante sur notre Collège de Séville.
Vue d'ensemble. — Située sur la rive gauche du Guadalquivir (de l'arabe : Oued-el-Kebir, le grand fleuve), on ne sait trop quels en sont les fondateurs ; les Phéniciens y établissent une colonie qu'ils nomment Hispalis. Plus tard les Romains dominent la Bétique, et s'établissent dans la ville devenue « Colonia Julia Romula ». Les habitants jouissent des droits de citoyens.
Quand l'empire romain tombe, l'Andalousie, conquise par les Vandales garde leur nom (Vandalousie). Puis les Wisigoths se répandent dans toute la Péninsule. A cette époque, saint Léandre et saint Isidore, évêque de Séville, brillent comme des étoiles de première grandeur.
Les Arabes font de Séville une de leurs principales villes. Elle reste sous le joug du Croissant pendant 534 ans. Le saint roi Ferdinand III, roi de Castille (cousin par sa mère de saint Louis roi de France), la reconquiert pour les chrétiens. Elle devient alors un foyer d'illustration éclipsant même celui de Tolède. Séville est l'objet de compétitions seigneuriales, notamment des familles Medina Sidonia et de los Arcos. Leurs rivalités, parfois très vives, provoquent l'intervention du pouvoir royal.
Sous les rois catholiques Ferdinand V et Isabelle, Séville est le centre de l'activité de Christophe Colomb qui finit par gagner leur protection et mène son entreprise à bonne fin. Ayant obtenu leur consentement et les subsides nécessaires. il part du petit port de Palos de Moguer avec trois frêles caravelles. A Séville s'organise la première « Casa de Contratación », ou tribunal de commerce dont parle l'histoire. Elle dicte ses lois en toutes les affaires concernant les Indes Occidentales ; cela augmente l'importance de la ville qui conserve comme un joyau historique la fameuse Torre del Oro (tour de l'or) où se gardait le précieux métal provenant d'Amérique. Séville est alors le port de communication avec le Nouveau-Monde.
Aux XVI° et XVII° siècles, la capitale andalouse attire les gens de science et de lettres et une pléiade d'artistes tels que Murillo, Velasquez, Zurbaran, Montañés et une foule d'autres.
De nos jours, l'Exposition lbero-Americaine (1929) est l'acte le plus retentissant de son histoire. Les splendeurs du Congrès Marial tenu à cette occasion, justifie le nom de « terre de la Sainte Vierge » que les Andalous donnent à leur pays. On dirait que le culte de Marie est comme naturel à ce peuple si enthousiaste et si sensible à la poésie…
Quand Franco déclenche, en Afrique, le mouvement actuel de régénération de l'Espagne, Séville sous les ordres du vaillant Général Queipo de Llano le seconde admirablement, dès le 18 juillet 1936. Cette ville, cœur de l'Andalousie, devient le centre de l'activité militaire du Sud de l'Espagne.
La ville toujours souriante est un jardin perpétuel où les fleurs se succèdent et s'épanouissent toute l'année sous les rayons d'un soleil radieux qui brille dans un ciel sans nuages. Le charme est tel que le sentiment populaire s'exprime par le dicton : « Quien no ha visto Sevilla, no ha visto maravilla. Qui n'a pas vu Séville n'a pas vu de merveille. »
Fondation. — Les Frères Maristes prennent part, en 1929, à l'exposition lbero-Américaine par leurs ouvrages classiques et ils assistent au Congrès Marial qui a lieu à cette occasion. Le C. Frère Laurentino, alors Provincial, trouve l'opportunité d'y manifester ce que fait la Congrégation pour propager la dévotion à Marie. Dans son zèle, il promet à la Sainte Vierge, invoquée sous le titre de Na Sa de los Reyes (Notre-Dame des Rois), de fonder un collège dont le but sera de propager la dévotion à cette bonne Mère.
La divine Providence, comme du temps du Vén. Père Champagnat, fait tout chez nous et se sert des projets de ses ennemis pour arriver à son but. La semence de la fondation est jetée en pleine floraison républicaine et sectaire, alors que l'ennemi des Congrégations semble triompher par la nouvelle Constitution, le Décret de dissolution de la Compagnie de Jésus et la fermeture des écoles tenues par les Religieux. Le Frère Laurentino croit que le moment de tenir sa promesse est arrivé.
Le 16 juillet 1933, fête de Notre-Dame du Carmel, sous le voile du silence et de l'habit civil, le Frère Carlos-Roberto reçoit la délicate mission d'ouvrir une école à Séville. Et le 18 juillet, date à jamais mémorable dans les annales de l'Espagne catholique, la fondation s'effectue sous le haut patronage du Cardinal Eustache Hundían y Esteban (de sainte mémoire) à qui la Congrégation doit éternelle reconnaissance pour sa bienveillante protection dans cette fondation et en d'autres.
Les débuts. En plus des difficultés habituelles inhérentes à toute fondation, il faut tromper la surveillance soupçonneuse des ennemis de la religion, alors au pouvoir. Le manque de local acceptable et la pénurie de personnel augmentent les obstacles. Mais la Providence, qui guide tout, renouvelle les prodiges de Lavalla et de l'Hermitage et tout finit par s'aplanir. Le Collège obtient l'approbation des Autorités le jour même de l'Assomption : Notre Ressource Ordinaire manifeste ainsi son patronage.
L'inauguration ne se fait pas attendre. Les Frères Carlos-Roberto (directeur), Marcos (économe), Garcia, Adelardo et Blas-Evaristo, professeurs, constituent la Communauté. On admet des élèves internes, des demi-pensionnaires et des externes. Le local ne permet qu'un nombre réduit d'élèves. Il est situé rue Valencia (aujourd'hui San Eloy), N° 9. Le Collège ne s'annonce que par quelques visites aux écoles de Sœurs du quartier pour qu'elles en parlent aux familles vraiment catholiques. A la fin de la première année, nous arrivons à quatre-vingts élèves, le grain de sénevé grandit.
Changement de local. — Après bien des démarches et des prières, nous nous établissons dans le local actuel, ancien palais de la Marquise d'Esquivel. il est situé sur la rue « Jesús del Gran Poder » au N° 45. Cette rue est très fréquentée, surtout le vendredi, à cause d'un crucifix très vénéré dans l'église paroissiale de Saint-Laurent, située dans le voisinage.
Ce local, ancien hôtel Bristol, logeait pendant l'Exposition lbero-Américaine de nombreux visiteurs de tous les pays, surtout de l'Amérique du Sud. Il occupe une superficie de 1.700 m2. C'est un des meilleurs collèges de la ville, bien que ce ne soit pas l'idéal. On s'ingénie pour loger les élèves. Faute de place, on limite à trente-huit le nombre d'internes qui viennent de partout. Les élèves d'enseignement primaire et secondaire affluent nombreux ; il faut les refuser par centaines. Voilà pourquoi on parle déjà de la construction d'un grand internat pour tant de braves enfants d'Andalousie et d'Estrémadure qui désirent recevoir l'éducation des Frères Maristes.
Enseignement et résultat. Au début, le Collège n'admettait que des élèves d'enseignement primaire et de première année du secondaire, afin de n'avoir que des élèves de choix. Aujourd'hui, fonctionnent cinq classes pour l'enseignement primaire et six années du baccalauréat. Parmi ces dernières. quelques-unes sont dédoublées à cause du nombre d'élèves trop grand pour un seul professeur. Comme l'on voit, notre enseignement est tenu en haute estime. Les épreuves de fin d'année pour changement de classe ont lieu à l' « Instituto Nacional ». D'habitude les examens sont très satisfaisants puisque 85% des élèves méritent la note très bien ; 10% passable et le reste seulement doit répéter le cours.
Les développements de l'œuvre sont remarquables. En 1933-34, on compte pour 5 maîtres : 55 étudiants d'enseignement primaire, 23 de secondaire dont 5 internes et 10 demi-pensionnaires. L'année scolaire 1937-38 accuse : 20 professeurs, 288 primaires, 255 secondaires, 39 internes et 80 demi-pensionnaires. Cette année 1938-39, dès le mois de septembre, nous refusions les élèves, toutes les classes étant au comble.
Reprise de l'habit religieux. — Grâce à la protection divine et aux efforts des vaillantes armées nationales, l'Espagne revient à la vie catholique traditionnelle et reprend son cours normal. Aussi, quand les Supérieurs décident la reprise de l'habit religieux, l'émotion causée par le rappel de tant de souvenirs à la fois joyeux et tristes, est profonde. C'est en ces occasions que l'on comprend ce que l'habit représente pour le vrai religieux et qu'il est une sauvegarde pour la vie spirituelle de même que pour la vie matérielle. Le monde paraît nous estimer et respecter plus que jamais. Notre Vénérable Fondateur avait raison de dire que l'habit séculier ne peut pas plus nous défendre qu'une toile d'araignée. Si le communisme avait triomphé, nous aurions été à Séville victimes des assassins, comme l'ont été dans l'Espagne rouge tant de prêtres, de religieux et de dignes catholiques qui ont souffert les plus cruels et les plus sauvages tourments.
Hommage rendu au Vénérable Père Champagnat. — C'est le désir d'honorer notre Ven. Père Fondateur qui nous a donné l'idée d'écrire ces lignes. Le 3 novembre, une fête s'est déroulée, avec l'entrain et l'enthousiasme andalous accompagnés de l'humilité, de la simplicité et de la modestie maristes.
Pendant plusieurs jours, les élèves sont préparés par des instructions sur le Vén. Père Champagnat, sur son œuvre et ses développements dans le monde entier. Le jour fixé, notre groupe de plus de 500 élèves entend la sainte messe ; puis tous chantent l'hymne du Collège et l'on découvre un magnifique tableau de 1 m. 50 en céramique sévillane (p. 398). C'est un chef-d’œuvre du professeur du Collège Don Enrique Orce. Il représente le Vénérable entouré d'enfants de différentes races, en plein air dans la campagne sévillane. Notre-Dame préside à cette scène.
Une ovation d'applaudissements souligne cette manifestation. Elle exprime à la fois l'admiration et l'enthousiasme religieux de cet immense bouquet de cœurs sévillans. La même explosion se répète quand on explique ce que représente chacun des enfants du tableau si bien dessinés, gravés et photographiés, et surtout quand on voit apparaître l'artiste réfugié dans un coin du local, envahi par ce petit monde joyeux et souriant.
Un élève des plus avancés du baccalauréat, prémices de la fondation, dit quelques mots à l'assemblée ; puis le Frère Directeur donne le sens et le but de cet hommage filial en l'honneur du Vénérable. Il fait remarquer que la fin de l'Institut est de faire connaître et aimer Jésus-Christ, de répandre le culte de notre bonne Mère ct de sauver les âmes des enfants. Il remercie ensuite, au nom de la Congrégation ceux qui ont assisté à cette belle fête de famille pour rendre hommage au Vénérable Champagnat. On distribue à chaque enfant une belle image portant la prière pour obtenir la béatification du Vénéré Fondateur, que toute l'assemblée répète en chœur fervemment.
Cette matinée religieuse se clôt par le chant de l'hymne national. Un congé accordé aux élèves met le comble à la joie de ces charmants sévillans qui partent avec le désir de renouveler la fête le 6 juin prochain.
Pour finir la journée, la plus belle du Collège depuis sa fondation, on envoie des télégrammes aux Supérieurs de la Province comme preuve de filiale adhésion et d'affectueux souvenir pour ceux qui ont déjà abandonné cette terre d'exil et contribué à cette œuvre si visiblement bénie par la Providence.