Société des An. El. de Lowe!
Nos défunts
09/Sep/2010
Le R. PÈRE DUNAND
Dans notre dernier numéro, en faisant part à nos lecteurs de la mort du regretté Père Dunand, le dévoué et sympathique aumônier de Notre-Dame de l'Hermitage, nous n'avons pu que le recommander à leurs pieux suffrages. C'était la sans doute l'essentiel et le plus pressant. Nous croirions cependant manquer a notre devoir et nous tromperions sûrement l'attente de nos bons 'anciens, si nous ne faisions pas quelque chose de plus en payant à sa mémoire, au nom de la Congrégation, un modeste tribut de reconnaissance pour tout le bien qu'il leur a fait.
Né en Savoie, d'une famille patriarcale qui a donné au service des autels trois de ses fils dont un est encore à la tête d'un des vicariats apostoliques du Se-Tchuen, en Chine, il entra dans la Société de Marie en 1865, et, après une vingtaine d'années passées dans l’enseignement, il fut appliqué pendant une période a peu près égale au ministère des Missions paroissiales, où il fit beaucoup de bien.
A l'Hermitage, la tempête de 1903 avait tout dévasté; juvénistes, postulants et novices étaient partis pour l'exil, on leur aumônier, le R. P. Boucher, les avait suivis. Il ne restait plus que les vétérans et infirmes, que l'Administration n'avait pas cru pouvoir mettre à la rue sans s'exposer au reproche d'une cruauté trop visible.
C'est alors qu'y arriva le P. Dunand. « Je suis envoyé, dit-il, pour jusqu'à la fin de l'orage; pour quelques semaines, pour quelques mois peut-être. En tout cas je ferai de mon mieux ». Ce devait être pour près de dix ans, que les Frères et lui eussent désiré de voir se prolonger bien longtemps encore, si la volonté de Dieu n'en eût pas disposé autrement.
Habitué depuis de longues années à la vie active de missionnaire, il dut s'imposer de durs sacrifices pour se réduire à la vie sédentaire et isolée, à laquelle il se dévouait corps et âme; mais il était persuadé que la solitude devient d'autant plus aisée et plus douce qu'on la quitte plus rarement, et il limita ses sorties au strict nécessaire.
A l'exact accomplissement de ses fonctions d'aumônier et à la soigneuse préparation de ses instructions à la Communauté, qu'il savait rendre intéressantes et solides, il ajoutait un autre genre d'apostolat cher a son cœur d'ancien missionnaire: la confession des nombreuses personnes employées dans les usines des environs. Pénitents et pénitentes, dont les loisirs étaient fort limités, pouvaient venir à toute heure, assurés de le trouver à son poste, et ils ne se faisaient pas faute d'en user. On peut dire qu’à ce point de vue, il a rendu un grand service dans la région.
. En dehors de ces heures assidument consacrées à l'accomplissement de sa charge ou aux œuvres de zèle, le meilleur de son temps était employé à ses exercices de piété, auxquels il se montrait rigoureusement fidèle même au cours de ses plus fortes souffrances. Que .de fois ne l'a-t-on pas vu monter péniblement au saint autel, à l'heure exacte de 5 heures et demie, alors qu'il aurait eu tant de raisons de se reposer! On le voyait aussi régulièrement, chaque jour, faire le Chemin de la Croix, réciter le Rosaire, visiter plusieurs fois le Saint Sacrement auquel il avait une particulière dévotion.
Ainsi s'écoulait paisiblement la vie du bon Père, quand lui survint, il y a un peu plus d'un an et demi, une chute de voiture où il aurait dû naturellement trouver la mort. Il croyait lui-même n'y avoir échappé que grâce à l'intervention céleste de quelques Frères dont les corps reposent au cimetière, et en qui il avait grande confiance. Certes est-il que sa santé en éprouva une irrémédiable secousse. A partir de ce moment, elle ne cessa de décliner et son existence De fut plus guère qu'un long purgatoire, qu'il endura d'ailleurs avec un courage et un esprit de foi admirables jusqu'au 17 juillet dernier, lendemain de N. D. du Mont Carmel et 70° anniversaire de sa naissance, où il rendit saintement son âme à Dieu, muni de tous les secours de sainte Eglise, assisté du B. P. Glass, qui était venu le suppléer.
Selon le désir qu'il en avait maintes fois exprimé, sa dépouille mortelle fut déposée, en attendant la résurrection, au pied de la croix principale du cimetière de la maison, non loin de la place oh reposa celle du Vénérable Champagnat; et au milieu de celles de tant de bons Frères qu'il avait aimés, bénis, assistés à. leur dernière heure, et dont les âmes ont dû faire, au ciel un reconnaissant accueil à la sienne. A l’Hermitage, sa mémoire restera en bénédiction. – R. I. P.
† Frère SALUTAIRE, profès des vœux perpétuels. — Benjamin Meykercke naquit à Millam (Nord), le 5 juillet 1834 mourut a Beaucamps le 30 septembre 1912.
Il appartenait à une de ces familles patriarcales et chrétiennes dont la race s'est heureusement conservée dans les belles plaines de la Flandre. A défaut d'autres biens, il reçut de ses parents un riche héritage de foi, de piété et de crainte de Dieu. De solides et profondes convictions fortifièrent sa vertu et le déterminèrent, à l'âge de 25 ans, à. quitter le monde pour embrasser la vie religieuse. Ses goûts simples, son allure humble et modeste qui contrastait avec sa haute taille semblaient l'avoir prédisposé à. notre congrégation. Il entra au noviciat de Beaucamps où il ne tarda pas à devenir le modèle de ses condisciples par son rare bon sens, par son amour du travail, par sa ferveur et sa prière et par son entière docilité.
Son noviciat terminé, il fut employé dans les écoles de Lille, Roncq, Braine-le-Comte, Beaucamps, Halluin, et Vieux-Condé. Mais c'est à Caëstre, où il demeura seize ans, et à Morbecque, où il passa les dix dernières années de sa carrière d'enseignement qu'il a laissé les souvenirs les plus durables: "C'était un ouvrier modeste, dit un curé, un saint religieux, un homme de Dieu. Il avait le talent de marquer de son empreinte les âmes dont il s'occupait. Son dévouement était infatigable; il était surtout habile a préparer les enfants au grand acte de la première communion’’. Le frère Salulaire, en effet, enseignait avec succès la lecture, l'écriture, la grammaire et le calcul; mais sa grande préoccupation, son principal travail était d'inspirer à son jeune auditoire l'amour de la prière, d'enseigner le catéchisme et de disposer le cœur de ses élèves à devenir le digne tabernacle de Jésus-Hostie. A ses premiers communiants, il suggérait des oraisons jaculatoires, il proposait des neuvaines, surtout il les engageait à assister tous les jours à la sainte messe ; ses notes et ses listes, pieusement conservées, prouvent qu'il obtenait les plus heureux résultats.
Le frère Salutaire gardait strictement la clôture; jamais il ne rendait de visites, aussi était-il l'objet du respect général et de la vénération des populations.
C'est à ces œuvres de zèle et à ce travail de sa perfection que le trouva la persécution de 1903. Il la subit sans plainte, ni ressentiment.
Il accepta avec bombeur le modeste emploi de portier à Pommerœul qu'il remplit à la satisfaction générale pendant huit ans. Il occupait ses loisirs à la prière et au raccommodage des bas et du linge. Son bon sourire, son accueil aimable, l'édification de ses manières ne servirent pas peu à établir la réputation des frères de France dans cette localité de l'hospitalière Belgique.
Il fut sincèrement regretté, non seulement de la communauté, mais de tous ceux qui l'avaient connu lorsque, ses forces l'abandonnant, il se retira définitivement à Beaucamps. Pendant cette dernière année de sa vie, il fut plus que jamais un modèle de bienveillance, de piété, de charité et de soumission. Il demandait chaque semaine jusqu'aux moindres permissions d'usage; il faisait de fréquentes et longues visites au Saint-Sacrement. « Je prie beaucoup, disait-il ; mais que valent mes prières? Peu de chose, rien du tout. Sa pauvreté était complète; à sa mort, son trousseau se réduisait à ses vêtements de chaque jour. Il était bien la vivante reproduction des premiers disciples du V. Fondateur, plein d'abnégation, de mépris pour lui-même et de déférence pair ses confrères. Le 30 septembre, après avoir fait la sainte communion, comme tous les jours d'ailleurs, il fut frappé à table d'une attaque d'apoplexie, et deux heures plus tard, entouré de ses frères en prières, il rendit sa belle âme à son Créateur. Précieuse mort, digne couronnement d'une sainte vie. R. I. P.
† Frère ARISTARQUE, profès des vœux perpétuels. — Le Frère Aristarque, né à Marlhes en 1842, était le benjamin d'une chrétienne famille de 12 enfants, dont trois entrèrent dans la Congrégation. Il n'avait que treize ans lorsqu'il se présenta à l'Hermitage, demandant à partager le bonheur de ses deux aînés, frère Arèse et frère Raymond, déjà dans l'Institut depuis plusieurs années, Trouvé trop jeune pour être admis, il fut ajourné, ce qui lui causa un grand chagrin.
Quand il eut atteint l'âge requis, il se présenta de nouveau, et cette fois il eut la consolation de se voir accueillir.
Ayant assisté, pendant son noviciat, à une cérémonie de départ de quelques Frères pour les Missions de l'Océanie, il conçut le vif désir d'aller, lui aussi, travailler au salut des infidèles: son vœu fut exaucé.
En 1874; il fut choisi, avec son frère, le Frère Raymond, pour faire partie d'un départ pour la Nouvelle-Calédonie.
Les deux nouveaux Missionnaires furent employés, d'abord, à St-Louis, vaste établissement des Pères Maristes, où se trouve établie une importante école d'indigènes ayant pour but de former des catéchistes.
Doué d'un tempérament robuste et d'une prodigieuse activité jointe à une humeur très complaisante, le Frère Aristarque se dévoua au travail avec une ardeur qu'il fallait plutôt modérer que stimuler. En peu de temps, il avait conquis le cœur de ses élèves et l'estime autant que l'admiration des Révérends Pères directeurs de l'établissement.
Un jour cependant, deux ou trois de ces jeunes canaques, natures encore demi-sauvages, se révoltèrent contre leur dévoué maître et levèrent sur lui leurs casse-têtes. L'énergie et la prudence du Frère le fit se tirer sans préjudice de cette situation critique. Quand les autres élèves apprirent la conduite de leurs méchants camarades, ils se hâtèrent d'aller faire amende honorable au Frère, qui se montrait si bon pour eux; puis, faisant comparaître les fauteurs devant un tribunal improvisé, ils leur infligèrent une sérieuse correction et les obligèrent à la réparation à l'égard du Frère. Pendant les 10 années qu'il travailla à cette œuvre, le Frère Aristarque rendit les plus signalés services et se fit grandement apprécier.
Il fut ensuite appelé à continuer ses travaux à Pouébo, dans un milieu également indigène, où le dévouement est d'autant plus méritoire qu'il est plus complètement privé de satisfactions humaines. Il se prodigua 12 ans dans ce poste de vraie mission, pratiquant un pénible labeur dans une vie pleine de sacrifices.
Le champ de son zèle, pendant les seize dernières années de son apostolat, a été la Mission de Vao, â l'île des Pins.
Là encore, c'est parmi les enfants noirs qu'il a déployé et mis à profit son ardente activité.
Comme St-Louis et Pouébo, la mission de Vao recueille et entretient une centaine de jeunes indigènes provenant de diverses tribus et dont l'éducation est confiée aux Frères.
Outre les cours de classe, c'est tout un train de ferme à conduire, dans ce poste; car, en retour des soins et de l'entretien qu'ils reçoivent gratuitement, ces enfants doivent exécuter, au profit de la Mission, et sous la direction des Frères, des travaux de culture et autres qui aident à les nourrir.
Il serait difficile d'exprimer avec quelle paternelle sollicitude, quel admirable dévouement le bon frère Aristarque organisait tout, présidait à tout, payant largement de sa personne, dans ce dur labeur.
Mais l'épuisement et la fatigue eurent enfin raison de cet inlassable courage.
Atteint brusquement d'une maladie grave qui réclamait le secours du médecin, on se hâta de l'envoyer à Nouméa par un bateau qui se trouvait providentiellement de passage.
Les soins médicaux réussirent à lui procurer quelque soulagement; mais c'étaient les organes vitaux qui étaient affectés; le mal reprit bientôt son cours et après trois mois de souffrances aiguës, le malade était réduit à la dernière extrémité.
Le médecin ne voyant plus rien à faire conseilla d'envoyer le malade à Païta où il n'aurait qu'à attendre patiemment la mort qui ne pouvait pas tarder de venir.
Ainsi fut fait.
Mais aussitôt les deux communautés de Nouméa et Païta commencèrent une neuvaine au Vénérable Père Champagnat.
Le quatrième jour de la neuvaine, le malade paraissait être arrivé à son dernier moment et il fut administré. Le surlendemain, il se sentit mieux ; chaque jour suivant le mieux alla s'accentuant, de telle sorte qu'à la fin de la neuvaine, le malade était tout à fait remis et les caractères du mal avaient disparu.
A la suite de la retraite, qui se fit deux mois après, le Frère avait repris assez de vigueur pour permettre de lui confier un petit emploi à l'Institution St-Léon.
Quand le bruit de cette guérison extraordinaire fut connu l'Ile des Pins, les Pères Missionnaires, les Frères, les enfants de l'école et leurs parents multiplièrent tour à tour leurs instances pour que celui qu'ils affectionnaient et vénéraient au plus haut point leur fût rendu.
Vers le commencement de juillet dernier, l'état du bon Frère paraissant ne devoir donner rien à craindre, pour l'avenir, satisfaction fut accordée aux habitants de l'Ile des Pins. Il y retourna, plein de joie, après une absence d'environ un an. Inutile de dire avec quel enthousiasme il fut accueilli.
Mais le bon Dieu a dû trouver que ce vaillant serviteur avait assez travaillé et qu'il était temps de le mettre en possession de la récompense. Après une quinzaine de jours, le courageux missionnaire sentit ses forces l'abandonner peu à peu, puis la faiblesse l'envahir au point qu'il dut rendre les armes et se mettre au lit. C'était le repos final.
Le 3 août suivant il s'endormait paisiblement dans le Seigneur, ayant reçu tous les secours de l'Eglise et conservé sa connaissance jusqu'au dernier moment. – R. I. P.
† Frère ADONIS, Profès des vœux perpétuels. – Né Jean François Frédéric Desrieux, à Quintenas (Ardèche), en 1874, il fréquenta de bonne heure l'école dirigée par nos Frères dans cette localité, et il s'y fit remarquer par sa piété, sa candeur et une grande délicatesse de conscience, en même temps que par une ouverture d'esprit plus qu'ordinaire.
Dès ses plus jeunes années, à ce qu'il a raconté lui-même, il eut une particulière inclination pour l'enseignement. Il enviait le sort de son professeur, et il n'était jamais plus heureux que lorsqu'on le désignait pour faire lire une division. « Quel serait mon bonheur, se disait-il quelquefois dans ses rêves d'enfant, si je pouvais un jour, moi aussi, être à la tête d'une classe, y enseigner à lire, à écrire, à calculer ; la discipliner, l'ordonner et la faire mouvoir à mon gré! » Mais, modeste et même timide, il se trouvait, en réfléchissant, trop peu de qualités pour une si belle fonction, de sorte qu'il n'osa jamais parler à personne de son désir.
Lors de sa première communion, à laquelle il s'était préparé avec d'autant plus de soin et de ferveur que, dès cette époque, la pensée de l'enfer et du danger d'y être précipité par une mort en état de péché grave avait fait sur lui une impression .profonde, il sentit vivement le désir de se consacrer tout entier à Notre-Seigneur dans la vie religieuse ; mais la même pensée de son trop peu de dispositions pour l'étude l'empêcha de s'y arrêter. Heureusement l'œil attentif du Frère Pallade, alors directeur de l'école, l'avait deviné. Il appela donc un jour son pieux élève et lui demanda s'il ne se sentirait pas des dispositions pour entrer soit au juvénat soit au séminaire. « J'irais volontiers au juvénat, répondit l'enfant, si vous croyez que je puisse faire un bon Frère ».
Encouragé et rassuré par les paroles du Frère Directeur, Frédéric s’ouvrit de son désir à ses parents ; mais, contre son attente, il fut mal accueilli. Obligé d'attendre, il redoubla du moins de ferveur dans ses pratiques de dévotion envers la Sainte Vierge qu'il avait toujours tendrement aimée, et le Frère Pallade, qui s'intéressait beaucoup à sa vocation, réussit enfin, après plus de deux ans de démarches réitérées, à obtenir de ses parents le consentement qu'ils avaient d'abord nettement refusé.
Le 2 février 1889, Frédéric, âgé de 14 ans et demi, put donc entrer au juvénat de Saint-Genis-Laval, où il ne passa que quelques mois, très profitables d'ailleurs, sous la direction du bon Frère Marie Candide, qui n'avait pas tardé à le prendre en grande estime, à cause de sa piété fervente et soutenue, de son heureux caractère, de sa docilité et de son profond attachement à sa vocation.
Ces qualités, si caractéristiques chez lui, s'accrurent encore et prirent un caractère plus raisonné pendant son noviciat, qu'il fit à Notre-Dame de l'Hermitage sous la direction expérimentée du C. Frère Azarias, et pendant son séjour au scolasticat, on il vint passer deux ans, après une année comme chargé du temporel à St-Just en Chevalet.
Il réussit bien comme professeur à St-Martin en Coailleux et à Roche-la-Molière, on il fut ensuite successivement envoyé; mais il allait avoir à passer par une rude épreuve. La loi militaire de 1889 avait disposé que les religieux et les séminaristes, jusque là exempts du service actif, y seraient assujettis comme tout le monde,- et au mois de novembre 1895, c'était le tour pour le pauvre jeune Frère de dépouiller l'habit religieux, auquel il tenait de toute l'affection de son cœur, et d'aller, revêtu de l'uniforme de soldat, passer à la caserne trois années pleines de périls pour la vertu, et sujet par conséquent de bien naturelles répugnances et de bien vives appréhensions pour un religieux désireux comme lui de se maintenir avant tout dans l'esprit de son état et de conserver l'innocence de son âme.
Mais il s'arma de courage, mit filialement sa confiance en Dieu et en Marie, et entretint avec ses Supérieurs des relations fréquentes et étroites. Loin de laisser par respect humain aucune de ses pratiques de piété, il s'y montra d'autant plus fidèle qu'il sentait en avoir un plus grand besoin; Dieu, qui ne manque jamais d'aller au-devant de ceux qui le cherchent d'un cœur sincère et résolu, lui fit rencontrer un directeur spirituel tel qu'il le lui fallait, et d'une épreuve on tant d'autres vertus ont si malheureusement sombré, on peut dire que la sienne non seulement n'eut rien à souffrir, mais qu'elle en sortit plus forte; plus virile, plus aguerrie et partant plus solide. Il nous est passé sous les yeux un grand nombre de lettres plus ou moins intimes qu'il écrivait à cette époque, et il est vraiment admirable d'y voir tout ce que peut faire pour Dieu, jusque dans les circonstances les plus défavorables, une âme de bonne volonté.
Il n'en soupirait pas moins avec ardeur après le moment on il pourrait sortir de cette espèce de purgatoire pour reprendre, le cours de sa vie religieuse qu'il regardait comme son vrai paradis ici-bas; et il ne cessa jamais depuis de mettre au nombre de ses plus beaux jours celui où il eut ce bonheur, d'autant plus que, par une attention de la Providence, il fut placé au juvénat de Lavalla, où il se trouvait comme dans son élément.
Sauf une année qu'il passa au Cours Supérieur, à Saint-Genis-Laval, en 1900-1901, c'est au milieu de ces chers Benjamins de l'Institut, soit à Lavalla même, soit à l'Hermitage., soit ensuite à Santa Maria, près de Turin, que depuis lors il a passé sa vie, et qu'il a fait un grand bien par ses leçons, ses soins, ses conseils et surtout par ses exemples. Qui pourrait dire le nombre de ceux que, de l'une ou l'autre de ces manières, il a maintenus, encourages ou affermis dans leur vocation, et qui, à quelque degré, lui devront leur persévérance?
Au mois d'août 1909, après avoir fait le vœu de Stabilité, il fut nommé par le Conseil Général à la charge de Maître des Novices, à laquelle il se trouvait préparé par ses emplois antérieurs depuis plus de dix ans comme par de rares qualités personnelles. Néanmoins son humilité s'en effraya, et il fallut tout son esprit de foi, tout le pouvoir de l'obéissance, pour le lui faire accepter. Il y prévoyait des difficultés qui n’étaient point tout à fait imaginaires, bien que son impressionnabilité naturelle les lui exagérât beaucoup ; mais il n'eut pas de peine à en triompher. Sur une plus grande échelle, et d'une façon plus directe, il poursuivit donc, auprès de la pieuse jeunesse qui composait alors le noviciat de Santa Maria le rôle d'inspirateur, de soutien et de guide qu'il exerçait depuis longtemps déjà, et il le fit de manière à faire désirer à tous qu'il pût le continuer pendant longtemps; malheureusement ses jours étaient comptés.
Depuis de longs mois, il souffrait d'une maladie de poitrine, qui le minait lentement; mais, comme il était très mortifié, il n'en faisait rien paraître et continuait à faire son travail comme d'habitude, lorsqu’au mois de mars 1912, le médecin, à la fin consulté, déclara qu'un repos absolu était immédiatement nécessaire.
Sur l'invitation des Supérieurs, l'obéissant religieux se rendit à N.-D. de l'Hermitage, après s'être arrêté quelque temps St-Genis-Laval, et un mieux se manifesta d’abord, à la suite de ferventes prières adressées à son intention au Vénérable Fondateur et au vénéré Frère François par les communautés de l'Hermitage, de Santa Maria et de plusieurs autres endroits; mais cela ne dura guère. Au mois de juin dernier, il dut se mettre définitivement au lit, et, au bout de quelques semaines de grandes souffrances supportées avec une patience qui édifia profondément tous ceux qui l'entouraient, il mourut de la mort des saints, le 22 juillet, après avoir reçu, peu de temps auparavant, dans de grands sentiments de foi et de piété, les derniers sacrements de la sainte Eglise. Il était âgé de 38 ans, dont il avait passé pieusement 22 dans la vie religieuse. – R. I. P.
N-B. — Nous avons également appris la mort des Chers Frères Paternien, Priam, Joseph-Armance, Vivence, Alexander, Jovinus, Hermès, Easée, Tobias, Dario, et du postulant Louis Parod. Nous les recommandons aux pieux suffrages des lecteurs du Bulletin.