Une technique de recrutement aux États-Unis
25/Mar/2010
(Au cours de la 75ième session du Second Noviciat, une causerie .sur le recrutement a été donnée, à Saint-Quentin-Fallavier par le Cher Frère Aidan Francis, recruteur des Frères Maristes aux États-Unis. Les lecteurs du Bulletin seront heureux d'en avoir le texte in-extenso et d'apprécier le vif intérêt quelle a provoqué.)
Après avoir fait remarquer que l'année scolaire commence vers le 9 septembre, que les vacances d'été commencent vers le 20 juin et que les nouveaux venus entrent dans nos maisons de formation entre le 24 août et le 9 septembre, je voudrais vous entretenir sur la méthode de recrutement que j'ai employée depuis bientôt neuf ans et qui a donné des résultats encourageants.
Il est bon de savoir, qu'aux Etats-Unis le recrutement se fait exclusivement dans nos écoles. Les jeunes gens sont admis au Juvénat ou Noviciat entre 14 et 19 ans et seulement après qu'ils ont achevé au moins leur première année d'école secondaire. Chaque année, le recruteur visite 11 écoles secondaires. De la sorte, il prend contact avec 6.000 élèves, dont 2.300 sont nouveaux. Le reste des élèves a déjà été mis au courant de la question les années précédentes. C'est ainsi que nous avons eu le bonheur d'enregistrer 85 admissions, l'année écoulée, soit pour le noviciat, soit pour le juvénat.
Préparation par la prière. — Pour répondre à l'ordre de N.-S.: « Priez donc le Maître de la moisson d'envoyer des ouvriers à sa moisson », le travail du recruteur est soutenu par une croisade de prières. Voici les prières qui se font pour demander de bonnes vocations :
1. Chaque jour, les Frères et les élèves de nos écoles offrent à cette intention la troisième dizaine du chapelet ;
2. Tous les Frères font chaque mois une neuvaine au Vénérable Fondateur à la même intention ;
3. Au Noviciat, on termine toutes les prières par l'invocation : Notre-Dame des Vocations, priez pour nous :
4. Les Frères retraités et ceux qui sont malades offrent, d'une façon toute spéciale, leur prières et leurs sacrifices pour le succès du recrutement ;
5. Grâce à une offrande de 2 à 5 dollars, les religieux ou religieuses cloîtrés, comme les Trappistes, les Carmélites et les Clarisses offrent à Dieu leurs prières à la même intention :
6. Chaque élève de nos écoles reçoit une image pieuse ayant au verso la prière pour la vocation. Cette prière est récitée en commun dans certaines classes et en particulier par beaucoup d'élèves ;
7. Les prières du recruteur pour le succès de son apostolat sont renforcées par de très généreux bouquets spirituels qu'il reçoit chaque année de la part des scolastiques, novices, postulants et juvénistes à l'occasion de sa fête ;
8. Les professeurs des tout-petits, dans le cours primaire, font régulièrement prier leurs enfants pour demander de bonnes vocations dans les classes supérieures. On ne manque pas de leur distribuer des récompenses pour soutenir leur ferveur, et de leur raconter de petites histoires qu'ils aiment plus que les bonbons ;
9. Dans plusieurs familles des membres de l'Institut, le chapelet quotidien et d'autres prières sont dites régulièrement pour obtenir de bonnes vocations ;
10. Chaque année plusieurs Messes sont offertes pour la même fin.
Préparation de l'âme de l'enfant. Ce qui mérite en second lieu notre considération, c'est la préparation de l'enfant à l'invitation d'embrasser la vie religieuse. Il est d'une importance capitale qu'il soit en état de grâce afin que le Saint-Esprit puisse exercer plus pleinement de l'influence sur son esprit et sa volonté. Pour y arriver, le plus grand moyen c'est la fréquente réception des sacrements de Pénitence et d'Eucharistie.
a) Beaucoup d'enfants ont des difficultés pour se conserver purs: Ils succombent de temps en temps, et alors ils trouvent dur de confesser leurs fautes. Assez souvent, ils sentent le besoin de faire une confession générale pour avoir la paix de la conscience. On doit leur faire comprendre qu'une confession générale n'est pas si difficile à faire, parce que :
1° Ils peuvent omettre d'accuser les péchés véniels et confesser seulement les fautes graves ;
2° II n'est pas nécessaire d'établir avec exactitude mathématique le nombre de ses péchés, mais de dire approximativement combien de fois par jour, par semaine, par mois ils sont tombés ;
3° Ils n'ont pas à entrer dans les détails en accusant leurs péchés, mais à se servir de termes généraux. C'est au prêtre qui confesse à demander plus de détails, s'il le juge nécessaire. Il est aussi utile d'apprendre aux enfants comment faire un acte de contrition parfaite pour regagner l'état de grâce même avant la confession. Ainsi ils resteront moins longtemps en état de péché mortel et auront plus de courage à se confesse à cause d'une augmentation de grâce dans leur âme.
b) Ensuite on doit apprendre aux enfants commentée garder des tentations. Il faut les mettre en garde contre les mauvaises compagnies et les mauvais livres ou revues. Cette précaution semble être bien naturelle ; cependant que d'infants la méconnaissent.
Dans ces sortes de tentations, surtout si elles persistent : outre le recours à Marie : O Marie conçue sans péché, etc. …, il y a de petits trucs que l'on peut leur enseigner, comme par exemple : épeler à rebours le nom de quelques villes, deux ou trois. Beaucoup d'enfants trouvent cette méthode très efficace. En cas de besoin, conseiller de garder le chapelet sur eux en se couchant et réciter des Ave Maria, jusqu'à ce que le sommeil les gagne. Ils ne doivent jamais quitter la Médaille Miraculeuse. Dans quelques-unes de nos écoles presque tous les enfants portent cette médaille.
c) On doit faire tout son possible pour que les enfants s'approchent de la Sainte Table au moins une fois par semaine. De tous les enfants qui sont entrés dans l'Institut durant les neuf dernières années, plus de 90 % faisaient la communion hebdomadaire. L'expérience m'a conduit à ne pas avoir beaucoup de confiance dans la vocation des enfants qui communient moins souvent.
Pour aider les enfants à s'approcher de la Sainte Table Chaque semaine, voici ce qui est à conseiller :
1° Leur rappeler tous les vendredis après-midi d'aller se Confesser afin de communier le lendemain ou le dimanche :
2° Avec le concours des prêtres de la localité, donner aux enfants toutes facilités de se confesser pendant ou après les heures de classe ;
3° Créer dans l'école une association dont le principal objectif sera la Communion hebdomadaire ; par exemple la Congrégation de la Sainte Vierge ou les Chevaliers du Saint-Sacrement ;
4° Insister souvent sur la nécessité de la Communion fréquente pour garder la vie de la grâce à leur âge.
Vous me permettrez de parler maintenant de l'activité proprement dite du recruteur. Son programme se définit ainsi: une visite à chaque classe, trois entrevues avec les élèves intéressés, une visite à la famille et deux lettres, l'une adressée à l'enfant au mois d'août, et l'autre en septembre adressée aux parents.
1° Visite des classes. — Ces visites commencent au début d'octobre, lorsque les classes ont pris leur train habituel depuis environ un mois. Le recruteur adresse la parole aux élèves dans leur classe respective et jamais dans la salle de réunion. En général, le professeur quitte la classe. La causerie commence par l'introduction suivante : « Le travail que nous allons entreprendre dépend entièrement de la grâce de Dieu, récitons un Ave Maria, pour obtenir cette grâce. » Après quoi vient l'entrée en matière qui commence en ces termes : « Plaçons les quelques mots que j'ai à vous dire sous le patronage de la Sainte Vierge, afin que, de cette instruction, il résulte quelque avantage pour vos âmes. »
La causerie comprend l'histoire du jeune homme riche de l'Évangile, le commentaire de la question de Saint Pierre à Notre-Seigneur. « Quelle sera notre récompense, à nous qui avons tout quitté ? » et l'histoire de la vocation de Saint Matthieu. Ceci dit, un leur explique les conditions nécessaires pour embrasser la vocation religieuse, — santé, intelligence, bonne conduite, et désir de suivre le Christ plus parfaitement. Alors on leur explique un peu la vie au juvénat ou au noviciat selon l'âge des auditeurs, on décrit les lieux, on leur détaille le règlement quotidien, le programme d'études, en touchant la question des visites des parents, de la correspondance et des vacances en famille (trois semaines en été). On ajoute à, cela un bref aperçu sur le trousseau exigé, la pension mensuelle, les étapes de notre formation jusqu'à la profession perpétuelle, et on termine par un mot sur nos missions.
Après la causerie, chaque élève remplit une fiche en donnant son nom, son adresse, son âge, et la classe à laquelle il appartient ; en indiquant en même temps le genre de vocation qu'il aimerait suivre, s'il a quelque penchant à se faire Frère Mariste, puis son numéro de téléphone et le nom de son professeur. Chaque enfant reçoit aussi une pieuse image de la Sainte Vierge, contenant au verso une prière pour le choix d'un état de vie, avec le nom du recruteur, son adresse et le numéro du téléphone. Le format pratique de l'image permet aux enfants de la garder dans le portefeuille, ce qu'on leur conseille d'ailleurs de faire. Les fiches sont immédiatement ramassées, et la visite prend fin.
A un moment opportun de la journée, habituellement à table, c'est là qu'on est sûr de les avoir tous à la fois, les professeurs reçoivent les fiches de leurs élèves qui ont exprimé quelque intérêt à, la vocation de Frère. Chaque professeur marque la fiche avec une des lettres : A, B, ou C dans le coin, en haut à droite. A: excellent élève à tous points de vue ; B : élève satisfaisant ; C : élève à ne pas admettre au juvénat ou noviciat.
2° Entrevues. — Le lendemain ou le surlendemain, tous ceux qui ont eu A, ou B, sont convoqués l'un après l'autre à une entrevue pendant que les autres sont en classe. L'endroit désigné pour l'entrevue varie avec les possibilités des différentes écoles. C'est le parloir, la bibliothèque, la sacristie, le bureau de l'orientateur ou du directeur, le réfectoire des Frères, la salle des conférences, la salle des réunions, ou bien une classe libre. La place choisie doit être le plus près possible du groupe convoqué pour éviter la perte de temps.
Quand le recruteur a fini avec un élève, il lui dit le nom du suivant qu'il doit appeler. De la sorte, il n'est pas obligé de demander à chacun son nom ; cela lui permet d'appeler chacun par son nom de baptême dès la première rencontre. Les entrevues continuent sans interruption de 9 h. à 2 h. 30 moins la demi-heure réservée pour le dîner. On a l'occasion de causer avec une moyenne de 2.500 enfants par an.
Voici maintenant le procédé à suivre pour la marche de l'entrevue. Quand l'enfant entre on lui remet une Médaille Miraculeuse déjà, bénite et attachée à une ficelle en nylon. Il la passe à son cou immédiatement. Les enfants sont très touchés de cette petite faveur.
Chaque enfant est questionné :
1° sur le degré d'intérêt qu'il porte à la vie religieuse ;
2° Si ses parents consentent. Si non, quelles sont les objections ;
3° Sur sa santé, surtout en ce qui regarde les yeux, les oreilles et le cœur ;
4° Sur ses études, quel intérêt il leur porte, quels sont ses succès ;
5° Sur sa famille, si son père et sa mère sont vivants, le nombre d'enfants, et l'occupation de son père ;
6° Si l'enfant a quelque question ou remarque à faire.
Quand le temps le permet, on leur montre des photos du Juvénat ou du Noviciat. En guise de conclusion, on engage les enfants à communier chaque semaine, soit le dimanche, soit un autre jour de la semaine, à réciter trois Ave Maria avant de se coucher, et à prendre l'habitude de dire chaque jour la prière pour la vocation écrite sur l'image remise en classe à chacun. On leur assure que le recruteur les verra encore dans un mois ou deux pour décider une visite à faire aux parents au cas où ils auraient toujours l'intention d'entrer dans la vie religieuse. Les informations obtenues pendant l'entrevue sont consignées dans la fiche que l'enfant lui-même a déjà remplie en classe.
3° Visite des familles. — Un mois ou deux après la première entrevue, la seconde a lieu. Si l'enfant persiste dans ses bonnes dispositions, alors on s'arrange pour voir les parents ; ces visites ont lieu habituellement les jours de classe dans la soirée, et le dimanche ou le samedi dans l'après-midi, et dans le cas seulement où les parents ont donné leur consentement à l'entrée de leur fils en religion. La station d'autocar ou d'autobus est le lieu de rendez-vous donné à l'enfant. Tout en cheminant ensemble le recruteur s'enquiert des nouvelles objections que les parents pourraient faire, et aussi du nom et de l'âge des autres enfants de la famille. Ces derniers sont ordinairement présents pour souhaiter la bienvenue au Frère et sont très contents de s'entendre appeler par leur petit nom ; assez souvent on leur fait don d'une Médaille Miraculeuse, toujours bénite, toujours avec ficelle. Tout de suite ont est en famille, même avec le chien que l'on appelle aussi par son nom.
Les sujets traités avec les parents durant la visite sont :
1° La santé de l'enfant ;
2° Les étapes de la formation d'un Frère ;
3° Les périodes de vacances, les visites des parents au Juvénat ou Noviciat, la correspondance ;
4° Des photos des maisons de formation sont exhibées ;
5° Uns liste du trousseau est remise ;
6° On parle de la question de pension ;
7° Des réponses sont faites aux questions posées ;
8° On fixe une date approximative pour l'entrée de l'enfant au Juvénat ;
9° On promet d'envoyer une lettre au mois d'août, pour donner les derniers détails concernant le départ.
Au commencement de juin, le dernier mois de l'année scolaire, le recruteur voit pour la troisième fois tous ceux qui ont décidé d'entrer au Juvénat ou Noviciat au mois de septembre. Autant que possible, toutes les familles ont été visitées avant ce temps. Les arrangements sont plus difficiles à faire durant les vacances. Outre le fait que beaucoup d'enfants s'en vont à la campagne immédiatement après la fermeture des classes, il y a un inconvénient psychologique, è savoir que l'enfant subissant le charme des vacances avec la perspective de vie au grand air et de liberté se trouve moins bien disposé à traiter de questions sérieuses ; (comparez avec les marchands d'habits chauds en été). Le but de ce troisième contact est de savoir ceux qui n'ont pas changé leur idée de se faire Frère ; de prendre note des nouvelles adresses s'il y a changement de résidence ; et de leur conseiller de s'inscrire pour le trimestre suivant dans leur école au cas où ils décideraient de no pas entrer chez les Frères après les vacances d'été.
4° Les lettres. — Vers le 12 août, c'est-à-dire deux semaines avant l'admission des aspirants au Juvénat ou au noviciat, chaque candidat reçoit une lettre ; cette lettre contient une information sur la date, l'heure et le lieu du départ, des suggestions pour expédier leur malle, et ils sont en même temps renseignés sur la somme d'argent nécessaire pour le voyage. Jointe à la lettre se trouve une carte postale à l'adresse du recruteur ; les récipiendaires sont priés de la retourner immédiatement en signe d'acquiescement aux arrangements contenus dans la lettre.
Les enfants entrent au Juvénat par groupes de quatre à six à la fois, du 24 août au 9 septembre date à laquelle commence la nouvelle année scolaire. Ils voyagent en auto ou en train. Un Frère accompagne chaque groupe. Les volontaires ne manquent pas en général pour ce service. Comme le Noviciat est à une distance beaucoup plus grande, tous ceux qui vont au Noviciat voyagent en un seul groupe dans un autobus appartenant aux Frères.
Vers le 15 septembre le recruteur envoie une lettre aux parents leur demandant de bien vouloir arrêter ce qu'ils peuvent payer mensuellement pour leur enfant. La pension régulière est de 30 dollars par mois, non compris les faux frais. Des réductions sont accordées suivant les circonstances. Les réponses sont remises aux maîtres des juvénistes ou novices ; et le recruteur prépare ses plans pour le premier octobre de la nouvelle année.
Parmi les moyens de coopérer que le professeur peut adopter pour aider au recrutement, le plus efficace est l'établissement d'un petit club dont les membres sont recrutés dans sa propre classe ou dans deux ou trois classe de même âge ou rang. Le club est placé sous le patronage de la Sainte Vierge et a pour objectif la communion hebdomadaire et une vie spirituelle plus sérieuse, au moyen de la pureté d'intention, du chapelet,' des visites au Saint-Sacrement, de la lecture spirituelle et d'une dévotion plus parfaite à la Sainte Vierge. Tous ceux qui expriment quelque intérêt à la vocation religieuse seront encouragés à s'affilier au groupe. Dans une école, huit membres d'un club qui en comptait douze entrèrent au Juvénat dans une seule année. Il est important que le club soit connu comme un groupement pour la communion hebdomadaire et non comme un club de vocations. Ceux qui sont membres peuvent ainsi garder leur intention secrète, s'ils le désirent.
Uns autre forme d'aide que les professeurs peuvent apporter au recrutement, c'est d'exposer au tableau des affiches des photos relatives à la vie des juvénistes, novices et scolastiques et aux missions des Frères. On sait bien que les missions sont toujours intéressantes pour les enfants. Il serait bon de n'en exposer à la fois que quelques-unes seulement pour permettre de varier et de piquer la curiosité pendant une longue période.
En terminant, je vous demanderai une petite intention dans vos prières pour que le Bon Dieu et la Sainte Vierge continuent à bénir le recrutement dans notre Province des États-Unis.
Ad Jesum per Mariam ad Mariam pro Jesu.