Circulaires 368

Basilio Rueda

1968-02-02

A) CE QU'ELLE NE DOIT PAS ETRE
I. UN TEMPS DE VACANCE CAPITULAIRE
II. UN TEMPS D'AGITATION. a) démagogie. b) choc des générations et des mentalités. c) révisionnisme. d) réformisme verbal
B) CE QU'ELLE DOIT ETRE
I. UN TEMPS D'ETUDE. a) Sainte Ecriture. b) Concile. c) Fondateur. d) Théologie actuelle. e) Enquête sociologique. f) Consultation de spécialistes.
II. UN TEMPS D'EXPERIENCES. a) leur rapport à l'autorité: 1, 2, 3. b) leur valeur restreinte ou généralisée. c) leur possibilité d'interprétation ou d'extension. d) la planification. e) le choix des responsables. f) suggestions et principes
C) CONCLUSION . . .
Les Indulgences. I. FONDEMENT. II. RAPPEL HISTORIQUE. a) Origine. b) Evolution
c) Justification
III. OBJECTIONS ET REPONSES. a) Doctrine minimaliste. b) Doctrine de l'Eglise.
c) Valeur positive
IV. ATTITUDES A PRENDRE.
Appendice I: Principes nouveaux
Appendice II: Indulgences de l'Année de la Foi
Appendice III: Quelques normes de la Constitution Indulgentiarum doctrina
Saint Bénilde et la Vocation enseignante
Composition du Conseil Général
Election
Défunts juin-décembre 1967

368

V.J.M.J.

 Rome, le 2 février 1968

CIRCULAIRE DU 2 JANVIER 1968

(suite) 

L'Intersession

 Laissant maintenant le Chapitre, nous passons au travail de l'Intersession.

A ce jour, un travail est prévu au niveau de la Congrégation : la rédaction d'un texte de Constitutions qui sera présenté comme avant-projet. Une commission nommée par l'Assemblée est chargée de cette mission. Vers le 20 février, elle commentera son travail pour en communiquer le résultat aux limites prévues.

C'est à stimuler ce travail qu'est consacrée cette partie de la Circulaire qui correspond donc exclusivement à l'intersession. Mais une bonne part, pour ne pas dire la totalité de la troisième partie peut et doit mutatis mutandis, orienter aussi le travail de l'Intersession[1] 

A. CE QUE NE DOIT PAS

   ETRE L'INTERSESSION. 

1. – UN TEMPS DE VACANCE CAPITULAIRE.

 Le danger est réel, surtout pour certaines Provinces qui ont déjà réalisé un intense travail de préparation à la Première Session, lorsque les résultats n'ont pas satisfait leurs aspirations ou les orientations données à ce travail.

Ce péril devient plus grave si l'on veut bien tenir compte que les délégués capitulaires, de retour dans leurs Provinces, doivent mettre à jour une multitude d'affaires en souffrance, accumulées pendant leur absence et qu'ils sont bien obligés de régler.

A cela s'ajoutent encore les occupations inhérentes à leur charge à moins que certains aient pu en être exonérés pour se consacrer au Chapitre et à leurs responsabilités dans leur Province, surtout au début de l'année scolaire.

Il est fort possible aussi que la fatigue d'un intense travail capitulaire les pousse à changer temporairement de thèmes et de préoccupations. De toutes ces raisons, il faut être averti pour réagir à temps.

Avec satisfaction, nous recevons à la Maison Généralice des nouvelles qui sont au contraire des témoignages d'une Intersession en route. Dans plusieurs Provinces, une fois satisfaite la légitime curiosité des Frères sur les diverses activités du Chapitre Général, on a organisé un travail systématique. Divers types de Chapitres Provinciaux se sont déjà donné pour but l'étude approfondie du Chapitre Général. Dans d'autres pays, des cours sont organisés en vue de créer une mentalité conciliaire ; des retraites spéciales, des rencontres et autres initiatives visent à intéresser et à mobiliser directement ou indirectement tous les Frères en vue d'une collaboration active avec le Chapitre Général Spécial.

Certes la qualité des résultats de ces expériences dépendra de la profondeur et du sérieux de la préparation, de l'ampleur de la participation et de la valeur des conclusions, soit sur le plan doctrinal, soit quant à l'esprit qui les anime.

Si un travail sérieux d'étude et de prière personnelle, des dialogues constructifs et communautaires précèdent, accompagnent et suivent, toutes ces initiatives, ces cours et ces Chapitres ne seront pas un feu d'artifice, mais un levain qui emplit progressivement toute la Province de saines et fécondes inquiétudes. Ce serait une très bonne chose si un ou deux Frères pouvaient être libérés de leur travail habituel pour se consacrer corps et âme à une étude approfondie du Chapitre. Et ce devrait même être facile, si l'on tient compte que ne fonctionnent présentement ni année de spiritualité, ni seconds-noviciats de langue française ou de langue espagnole.

Rappelons que les Capitulants ont comme principale obligation – toujours dans les limites d'une saine prudence – la préparation du Chapitre, et cela malgré la direction d'une oeuvre ou la construction d'un édifice qui, dans le meilleur des cas, constituent des biens particuliers d'une Province alors que le Chapitre Général est un bien non seulement général, mais tout à fait exceptionnel et chargé de conséquences pour l'avenir de tout l'Institut.

Je voudrais avoir éveillé très sérieusement l'attention des Capitulants sur tout ce qui précède, convaincu, comme je le suis, de leur excellent esprit et de la délicatesse de leur conscience.

 II. – UN TEMPS D'AGITATION.

 L'Intersession peut être aussi un moment d'agitation peu constructive, même si l'on a le désir réel de travailler pour le Chapitre. Les uns, elle les prédispose à accepter calmement les modifications prescrites par le Chapitre ; mais chez d'autres, elle peut faire surgir une attente telle que, faute de prompte et complète réalisation, elle déclenchera une déception qui pourra se traduire par de la passivité et même du découragement dans la vocation.

Un travail sérieux est aux antipodes d'un travail précipité. Voilà pourquoi, si on le veut fécond, il faut bien en tracer le plan, choisir l'équipe de direction, et chercher les sources d'information et de doctrine.

Parmi les choses à éviter tout particulièrement, je me permets de signaler :

 a. La démagogie. Elle peut prendre des formes diverses. En général, elle se manifeste par le manque d'objectivité, par l'emploi des moyens sensationnels ; elle désoriente, crée des problèmes et ne donne aucune solution ; elle établit un pénible décalage entre la remise en question et la collaboration créatrice, donnant une nette priorité à la première sur la seconde ; il n'est pas rare que pour guérir un mal elle en provoque un plus grand.

 b. Le choc des générations et des mentalités. Le dialogue est toujours bon ; le choc jamais, à moins d'aboutir lui-même au dialogue.

 c. Le révisionnisme. Dans sa substance, le révisionnisme est un manque de foi en ce que l'on est institutionnellement, car il n'est pas révision, mais manie non justifiée de réviser. Ne sachant pas discerner l'importance des points de vue, il dépense inutilement des énergies précieuses dans la révision des choses inutiles et laisse de côté les lâches importantes à réaliser. Il faut, sur ce point, être bien sur ses gardes avec certains qui, victimes d'une indéfinissable insatisfaction, la projettent çà et là, l'irradient autour d'eux et arrivent à l'objectiver, croyant avec la meilleure bonne foi que le problème est au dehors, alors qu'en réalité c'est un problème tout interne. Tels ne sont pas les hommes avec qui on petit conduire un travail d'Intersession.

 d. Le réformisme verbal. On peut avoir aussi une volonté seulement verbale de réformer le monde, qui évite adroitement d'en venir aux actes (je parle de ce qui est autorisé ou autorisable), surtout lorsque ceux-ci ont une incidence sur les intérêts personnels, exigent par exemple sacrifice ou éventuel risque évangélique. Les réformistes de ce genre font un peu penser à ceux dont parle Raoul Follereau qui, préoccupés de justice sociale, clament contre la faim des pauvres dans leurs discours de fin de banquets. 

B. CE QUE DOIT

  ETRE L'INTERSESSION.

 1. – UN TEMPS D'ÉTUDE.

 L'objectif est clair : répondre à l'appel que l'Eglise nous a fait par le Concile en cherchant dans nos origines et dans les signes des temps l'aggiornamento que doit faire notre Institut. Tel est le travail du Chapitre, et il est en marche depuis déjà un certain temps.

Mais cette période d'Intersession se présente à l'Institut comme un temps particulièrement précieux où tous peuvent examiner le travail fait au Chapitre et dire à ce sujet leur opinion : ce qui semble juste, ce qui semble erroné, voire en danger de s'égarer.

Ce dialogue entre Capitulants et non-Capitulants doit permettre de recueillir de saines inquiétudes, et d'incorporer des appréciations et des apports doctrinaux. Son point de départ, ce sont les documents capitulaires dans leurs diverses phases : « feuilles roses », «bleues » on « blanches ». Ces dernières sont définitives, mais cependant susceptibles de retouches. d'additions, d'améliorations si l'Assemblée l'accepte. Le reste, la presque totalité, est provisoire, comme on l'a rappelé c'est-à-dire sujet à discussion, amendements, perfectionnements directs ou indirects suivant qu'ils sont apportés par un Capitulant ou par un non-Capitulant.

Ce matériel est un matériel de base mais non pas l'unique de vos travaux. Il faut recueillir d'autres éléments qui n'y ont pas été introduits, par oubli ou faute de temps ou pour d'autres motifs.

Et tout cet ensemble doit être non seulement étudié, mais apprécié selon certains critères.

Quels sont ces critères ? A coup sûr, n'importe quel jugement n'est pas un jugement de valeur capable d'apporter une contribution positive à noIre travail d'Intersession.

Les critères d'appréciation et de réforme du travail capitulaire doivent être le résultat d'un double point de vue : la doctrine et la réalité. Plus authentique et plus profonde sera celle-là et plus objective celle-ci, plus sérieuse sera la critique qu'on pourra faire et plus elle débouchera dans un effort positif apportant une formule de dépassement n ce que l'on a pu voir d'erreurs ou d'insuffisances.

Les sources de la doctrine sont avant tout et dans l'ordre d'importance : la Sainte Ecriture, le Concile, les documents pontificaux et le Fondateur.

 a) La Sainte Ecriture.

La Sainte Ecriture est Parole vivante qui doit être lue dans l'Eglise, car, comme le remarque avec finesse et précision Romano Guardini : « Quand la Parole de Dieu a été lue en marge de l'Eglise, elle s'est convertie dans beaucoup de cas en source d'erreurs ».

 b) Le Concile.

Le Concile, lui, est la Parole privilégiée que le Seigneur a proférée par la bouche de son Eglise, Parole particulièrement choisie pour ce moment de l'Histoire que nous vivons. Mais permettez-moi d'insister : que l'on interprète le Concile de façon authentique et intégrale, et qu'on en fasse aussi une méditation et un usage phénoménologiques[2].

Rien de plus contraire à l'interprétation authentique que le choix sélectif des textes en faveur de nos idées, avec sourdine ou même silence sur d'autres qui devaient équilibrer les premiers. Le Concile a été vérité, amour, équilibre et synthèse… et non pas ce que certaines versions ont voulu en faire.

Rien de plus contraire à l'interprétation phénoménologique que de laisser dans l'ombre ou de ne pas mettre en valeur des documents spécialement pensés à notre intention, par la volonté même du Concile[3]ou d'en faire un usage inadéquat, donnant à un document une orientation et une application qui n'étaient pas les siennes.

Je pense par exemple à la grande différence qu'il y a entre le langage de « Lumen Gentium », document précieux où l'Eglise parle d'elle-même dans un langage qui suppose la foi intégrale, et le document sur l'Œcuménisme ou mieux encore le merveilleux « Gaudium et Spes » dans lequel l'Eglise dialogue avec le monde, s'adressant à tous les hommes de bonne volonté, qu'ils aient ou non la foi catholique.

Ce dernier document, très riche de conséquences pour toute notre action pastorale dans l'éducation catholique ne pourra jamais être employé, sous peine d'être faussé, autrement que dans son contexte et son orientation. Son langage et son huit ne sont pas, ceux de « Perfectæ Caritatis ».

Permettez-moi aussi de vous rappeler qu'une des sources de la doctrine se trouve dans les enseignements des Souverains Pontifes, spécialement les derniers, et parmi eux Paul VI. Je n'ignore pas que pour certains chrétiens d'aujourd'hui les paroles du Saint Père ont moins d'importance : ils ne se sentent guère portés à les étudier, moins encore à les citer ; je n'oserais pas dire qu'ils en arrivent au doute et à l'antipathie envers elles.

Plus que discutable pour un catholique, cette attitude serait encore moins compréhensible dans un membre de notre Congrégation. N'avons-nous pas hérité de notre Bienheureux Fondateur le plus grand amour pour le Pape et les Evêques, le plus grand respect et la plus grande fidélité à leurs enseignements ?

 c) Le Fondateur.

 La pensée de notre Fondateur doit être en effet un des éléments de notre doctrine. Nous sommes, par la volonté insondable de Dieu, Mes Bien Chers Frères, une grâce prophétique dans l'Eglise, nés sous Faction de l'Esprit-Saint et reconnus par la hiérarchie. Si nous sommes des instruments dociles, en nous s'incarne et se transmet le charisme qu'a reçu notre Fondateur. C'est par lui, à travers les générations de Frères que nous est arrivé son esprit.

L'Institut est d'abord une vie vécue et ensuite seulement une histoire écrite. On met d'abord en pratique sa spiritualité et ensuite seulement on peut en faire une présentation systématique. Tâche difficile, car il n'est pas simple de distinguer dans le Fondateur ce qui a été charisme et ce qui a été apport humain ; ce qui, de lui – et des Premiers Frères – est né sous l'action de l'Esprit-Saint et ce qui a été adaptation à une époque imposant ses servitudes.

La tradition n'est pas seulement l'origine, c'est tout ce qui a été vécu de façon évangélique dans l'Histoire de l'Institut, c'est l'accumulation des valeurs qui, à travers les générations, ont enrichi l'Institut. En langage technique, on traduit cela par l'expression : « le charisme est dynamique ». Il amène l'être institutionnel à atteindre, sans cesser d'être lui-même, les nouvelles époques de son Histoire, ainsi que le suggère un penseur : « Le fleuve dans lequel je me baigne est tradition et grâce ».

Mais ici se présente un autre problème : ce n'est pas tout apport historique qui va dans le sens du dépassement et de l'accroissement ; il y a des apports qui sont des régressions, des infidélités au charisme originel, des pas en dehors de la voie ; et même sans pessimisme aucun, il faut reconnaître que chaque époque de fidélité suppose un apport historique qui n'a pas son origine dans le charisme, qui, tout en étant peut-être un instrument d'adaptation au temps, constitue un poids qui s'incorpore avec son identité à ce cortège de la tradition une fois sa naissance accomplie.

Oui tout ceci est vrai : parler de tradition sans discernement, c'est employer un très beau mot, mais dont certains usages et certaines applications peuvent être franchement pernicieux.

Peut-être ici faudrait-il chercher le motif pour lequel beaucoup d'âmes de bonne volonté de none génération me verront avec peu de sympathie invoquer la tradition[4]. Cherche-t-on dans un temps de renouveau une source de léthargie et même d'infidélité au Fondateur ? Il est clair que non. Ce que nous devons nous demander, c'est comment nous pouvons, en outre d'un travail de recherche et de systématisation de notre spiritualité et de notre tradition[5]qui reste très souhaitable, utiliser comme éléments de jugement pour notre étude la vie des premières communautés maristes et surtout du Fondateur.

Une seule formule me paraît donner une réponse : dans les maisons de Dieu, seuls comprennent ceux qui ont l'esprit de Dieu[6]. Nos écrits maristes seront correctement interprétés par les seuls Frères qui aiment la Congrégation et qui vivent avec ferveur une authentique vie de consacrés.

 d) La théologie actuelle.

 Nous avons donc passé en revue les principales sources de la doctrine de notre rénovation. Nous aurions pu en ajouter une : les excellents traités et essais que théologiens de la spiritualité et de la pastorale ont écrit dans ces derniers temps sur presque tous les thèmes qu'a touchés le Chapitre. Il faut pourtant, en ce qui regarde l'autorité à leur accorder, les considérer dans une situation de nette subsidiarité par rapport aux quatre premières sources.

Un expert conciliaire, même si sa doctrine nous plaît beaucoup, n'est ni le Concile, ni le Magistère du Souverain Pontife. Il faut bien distinguer ce qui est constitué en doctrine commune ou au moins qui a un très sérieux fondement, et ce qui n'est que le début d'un courant de doctrine ou même simplement une hypothèse de recherche.

Ce n'est pas à dire que nous devions être fermés au progrès de la théologie ; au contraire, c'est plutôt avec enthousiasme que nous devons voir que l'évolution en ce domaine se fait maintenant par des voies et des méthodes scientifiques qui parfois exigent une forte dose de sens critique : la recherche en profondeur d'un plus sérieux fondement, l'épuration des systèmes doctrinaux préexistants[7]. Mais n'ayons pas la naïveté de soumettre nos structures à une révision qui obéirait à une doctrine discutable, non éprouvée, et surtout allant à l'encontre de la doctrine pontificale ou conciliaire : notre doctrine doit être sérieuse et sûre.

Ces réserves faites, je ne saurais trop vous inviter à l'étude des auteurs dont la valeur doctrinale, morale et pastorale est reconnue, et même à vous mettre au courant des publications récentes Mur divers thèmes : obéissance, consécration religieuse, célibat, dialogue avec le monde, etc. …

Les critères qui guideront notre jugement sur le matériel de la pensée de la première session doivent s'appuyer sur la réalité. Or notre réalité est celle du monde qui nous entoure. Plus objectif sera notre regard, plus sérieuse sera notre étude. Nous sommes trop habitués à remplacer la réalité par nos points de vue, notre mentalité ; de là les généralisations sans fondement, la tendance à laisser de côté certains faits, à en hypertrophier d'autres, à vouloir imposer les points de vue de certains leaders d'ambiance. Non il faut connaître la réalité physique et humaine, naturelle et culturelle, dans ses grandes lignes sociologiques.

 e) Enquête sociologique.

 C'est pourquoi le meilleur (dans l'état actuel des moyens scientifiques de connaissance) serait l'enquête sociologique, techniquement faite, surtout si les hypothèses d'investigation sont établies avec honnêteté et désintéressement et sont conduites par un sociologue qui comprend et aime la vie religieuse. D'ailleurs les données de l'enquête sont une chose, et la réponse pastorale à donner en est une autre. Si dans tel lieu l'enquête donne un fait de vie généralisé ou un fait sociologique de mentalité anti-évangélique par exemple, la réponse pastorale ne va pas consister à se résigner à ce fait en abandonnant l'Evangile, mais à voir comment, à partir de cette réalité sociologique, on peut ré-évangéliser une mentalité ou provoquer un courant de réforme.

En résumé : la sociologie pourra nous fournir la donnée scientifiquement systématisée et évaluée, mais la réponse sera fournie par la théologie. Dans le cœur de celle-ci sont toujours la révélation et la tradition, et dans nos vies, la foi.

 l) Consultation de spécialistes.

 Avec la discrétion voulue, tout en conservant généralement les documents capitulaires à l'intérieur de la Congrégation, il serait très bon de consulter sur les divers thèmes des théologiens et spécialistes sérieux et créatifs qui pourraient nous aider à critiquer, épurer, améliorer, amplifier ce matériel.

Avant d'achever cette partie dédiée à l'étude des documents, j'appelle l'attention sur les aspects oubliés ou du moins qui n'ont pas fait jusque-là l'objet d'un exposé dans le matériel capitulaire. Que les Frères, personnellement ou en communauté, découvrent ces lacunes et que, dans des carrefours ou des Chapitres provinciaux ou régionaux, on prévoie un temps pour traiter ces thèmes de manière que les Frères délégués capitulaires soient non seulement avertis de ces lacunes. mais reçoivent aussi des éléments de doctrine pour les combler.

 Il. – UN TEMPS D'EXPÉRIENCES.

 D'une certaine façon, c'est l'espace de neuf ans correspondant au gouvernement du présent régime qui est un temps d'expérimentation, en ce sens crue les décisions prises par le présent Chapitre Général Spécial, justement en fonction des pouvoirs particuliers dont il jouit, ne sont pas soumises à la révision du Saint-Siège, sauf en ce qui va contre le droit commun, Elles passent donc à une immédiate application et peuvent durer neuf ans, et même, si on le veut, se prolonger jusqu'à dix-huit ans avant de devenir des normes définitives soumises à la Congrégation des Religieux pour étude et approbation.

Cela ne veut pas dire que nous inaugurions un temps d'instabilité, d'essai permanent (qu'on se rappelle que le pouvoir spécial ne dure que le temps du Chapitre Spécial) mais que les mesures prises ne sont pas considérées comme définitives, et que le prochain Chapitre pourra les modifier sans besoin de recours au Saint-Siège.

Cependant quand je dis : temps d'expérience, je pense à cette année qui va d'une session à l'autre. Longtemps avant la fin de la première session du Chapitre, exactement le 1ier octobre 1967, on a suggéré aux commissions que, celles au moins qui étaient chargées d'une question particulièrement importante devaient proposer à l'Assemblée les expériences pilotes qu'elles désiraient suggérer aux Provinces pour être mises en pratique, afin de donner à l'Assemblée la possibilité d'en déterminer les limites et le temps.

 a. Leur rapport à l'autorité.

 A partir des décisions prises par l'Assemblée, nous pouvons donc répartir les expériences en trois groupes :

1. Celles qui n'ont pas besoin de l'approbation ni du Chapitre Général ni du Conseil Général, mais relèvent de la compétence du Frère Provincial et de son Conseil.

2. Celles qui ont été approuvées par le Chapitre Général et n'ont, par le fait même, pas besoin de l'approbation du Conseil Général. C'est aux Frères Provinciaux, à leur Conseil et aux Capitulants qu'il appartient d'en faire usage ou non, suivant qu'ils le croient convenable et d'accord avec ce qui a été établi.

3. Finalement celles dont la permission doit être sollicitée, qu'elles relèvent du Conseil Général ou de la Congrégation des Religieux par l'intermédiaire du Conseil Général.

 b. Leur valeur restreinte ou généralisée.

 D'expérience à expérience il y a d'ailleurs lieu de distinguer. Certaines ont un but local : répondre au problème pastoral d'une région ou éveiller le dynamisme et la collaboration d'une communauté, mais leur optique ne vise pas une extension à tout l'Institut. D'autres par contre ont l'ambition d'atteindre vraiment, à partir de l'échantillon d'une communauté, à un niveau plus général : Province, Région, Institut.

 c. Leur possibilité d'interprétation et d'extension.

 Pour arriver vraiment à son but, l'expérience doit être réalisée par un groupe de Frères ou dans un type de communauté qui puissent être considérés comme des « données sociologiquement valables » à cette fin. Un ensemble sociologique créé de façon trop artificielle peut avoir de grands avantages, mais présenterait une trop grande difficulté d'interprétation.

Je m'explique. Dans quelques Provinces, on avait suggéré de permettre à un groupe de Frères, restreint bien entendu, de former une communauté-pilote et de leur confier une école. Cette communauté vivrait avec une particulière ferveur, effectivement et affectivement, les conséquences de sa consécration, chercherait soigneusement à présenter son témoignage de vraie pauvreté et de joie en face du monde, se consacrerait entièrement à l'école dans une vraie entreprise de pastorale éducative et sans se laisser conditionner par des impératifs académiques. De toute évidence, une expérience de ce type serait excellente comme exemple et comme animation : ce serait une réponse de vie aux idées fausses qui nous entourent, aux ambiances qui nous embourgeoisent ; et même elle serait doublée par la valeur de signification que revêtirait le geste d'un Provincial ayant su lui-même se libérer des conditionnements habituels pour dégager quelques hommes d'une liste de placements pourtant difficile à établir et leur permettre une expérience transitoire[8]susceptible d'acquérir un exceptionnel pouvoir de ferment.

Mais il est bien clair et c'est pourquoi j'ai choisi ce cas concret – que de semblables expériences ne pourraient pas servir comme données sociologiquement valables du deuxième type d'expérience auquel j'ai fait allusion, c'est-à-dire amenant tout naturellement généralisation.

 d. La planification : assurance d'efficacité pour les expériences.

  Mettant donc de côté la communauté triée sur le volet, nous en restons à la perspective de la communauté moyenne, pour encourager les expériences ; leur rôle tendra à résoudre les problèmes des Provinces, mais, si l'on veut vraiment atteindre ce résultat, il faut que les Frères, dans les communautés s'habituent à l'austérité et au sérieux que comporte une vraie planification, à ce moment où une plus grande décentralisation à tous les niveaux les rend plus autonomes, mais aussi pIus responsables du plan, de la collaboration à y apporter et du résultat à en obtenir[9]. La liberté, en effet, n'est pas une liberté de vivre à sa guise ; elle a mission de réaliser une oeuvre commune, non seulement en exécutant, mais même en faisant des projets, dans la marge légitimement permise par les lois qui résulteront du Chapitre.

 e. Le choix des responsables des expériences.

 A cette lumière, on voit avec quel soin, tant les supérieurs que les Frères d'une communauté, doivent choisir des religieux équilibrés pour faire exécuter et coordonner les expériences à faire. Il ne conviendrait pas de confier ce rôle à des hommes, bons sans doute, mais chez qui le péché originel se manifeste par un certain manque d'équilibre. Ces expériences, commencées avec éclat, risqueraient de s'achever en problèmes de toute sorte. Je voudrais bien qu'on me comprenne : il ne s'agit pas de refuser la bonne volonté d'un confrère – toute bonne volonté doit trouver sa place – mais celle-ci n'est pas nécessairement celle de l'organisation et de l'exécution d'une expérience.

 f. Suggestions et principes.

 Voici maintenant quelques principes qui feront trouver avec plus de facilité les expériences susceptibles de conduire au renouvellement et à l'aggiornamento de l'Institut.

– Que l'on tâche de transformer quelque chose qui est bien en quelque chose qui soit mieux et plus fonctionnel.

– Que l'on fasse des enquêtes sur ce qui correspond à de saines inquiétudes et des désirs d'une authentique amélioration.

– Que l'on revoie les formules auxquelles l'évolution des temps a enlevé leur caractère fonctionnel, et qu'on en cherche de nouvelles qui, sans s'éloigner de notre esprit mariste, s'adaptent aux conditions actuelles.

– Que l'on fasse l'analyse sérieuse, avec une grande largeur de vues, de la situation complexe dans laquelle se développent la vie des Frères et leur action pastorale, pour découvrir tout ce qui, vraiment, n'est plus à jour ; et qu'on trouve le temps d'étudier quelles seraient les meilleures solutions à envisager dans le cadre même où s'exerce l'activité des Frères.

– Que l'on essaie avec une saine et sainte audace des expériences claires et sincères qui soient utiles au Chapitre Général auquel il faudra présenter les formules les plus efficaces de rénovation et d'aggiornamento dans les conditions ci-dessus signalées et dont les Capitulants en particulier et les Provinciaux sont les premiers responsables. Parmi ces conditions, j'attire l'attention sur celle qui demande que toute expérience puisse être réversible. Si l'on prévoit que l'expérience ne se réaliserait pas sans que les Frères ne trouvent ensuite une vraie difficulté à la voir annuler, alors celte expérience ne doit pas se faire.

– Que les projets d'expérience, leur exécution et leur évaluation remplissent donc les conditions voulues pour servir de données positives à la réflexion du Chapitre. Il faut laisser une vraie initiative aux communautés et aux Frères pour découvrir et prendre une conscience vitale des problèmes, s'intéresser à leur solution, chercher des formules, les expérimenter et s'engager avec sérieux dans cette expérimentation, à condition toujours que le mouvement soit facilement réversible. Sachons bien d'ailleurs qu'il n'y aura pas d'expériences chimiquement pures. Si l'une ou l'autre échoue, il n'y a pas lieu de trop s'en affliger si l'on a pris les précautions voulues.

– Comme les vœux religieux, une expérience doit avoir pour objectif une fin qui soit meilleure que son contraire[10]. On ne peut donc pas appeler expérience une autorisation donnée par un supérieur, qui crée une sorte de préjugé favorable en faveur de l'irrégularité, contre une juste loi ; moins encore faut-il appeler expérience une espèce de mécanisme habilement monté pour aboutir à l'approbation de faits accomplis illicites.

  C. CONCLUSION.

 Rappelons en terminant que, ne pas chercher de nouveaux sentiers toujours plus efficaces, c'est se condamner à la stagnation et à l'extinction. La vie est dynamique, elle cherche toujours, comme l'amour, à se surpasser. Toujours plus et mieux dans le plan divin et d'accord avec ce que nous demande l'Egiise par l'intermédiaire de Vatican II. Qu'on retourne au Chapitre avec une information loyale et prometteuse d'un réciproque enrichissement spirituel et pastoral.

 Il est peut-être nécessaire cependant que j'ajoute un dernier conseil de prudence qui vaut pour tout l'Institut : les Règles et les Constitutions antérieures sont toujours en vigueur et doivent être observées. Le fait d'être en Chapitre et en période d'intersession ne justifie pas une « mise en quarantaine », et, sauf le cas d'expériences limitées et autorisées par les Supérieurs compétents, tous, supérieurs et inférieurs[11], doivent les garder.

(Fin de la 2ième partie)  

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La 3ièmepartie répondra au plan suivant :

 A. – Point de départ pour notre tâche dans la 2ième session.

 B. – Fausses Pistes.

 C. – Propositions pour une meilleure orientation.

 D. – Comment concevoir la décentralisation ?

 E. – Prévoir les conséquences des mesures à prendre.

 F. – Grand danger : un effort limité.

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Autres Communications

 LES INDULGENCES

 On ne croit plus beaucoup aux indulgences. Si elles n'apparaissent plus avec le caractère odieux qui déclencha la révolte de Luther, la présentation qu'on en faisait encore au milieu du 20ième siècle était un peu trop de nature bancaire. Les indulgences ressemblaient à des chèques que l'autorité ecclésiastique nous laissait tirer pour alimenter notre compte dont le solde est toujours mystérieusement caché, mais dont nous appréhendons avec raison qu'il soit négatif.

Cependant si la théorie des indulgences a longtemps été mal déchiffrée, faut-il lui interdire d'apparaître aujourd'hui sous un jour moins obscur qui s'éclaire de déclarations épiscopales et surtout de la Constitution Apostolique de Paul VI : «Indulgentiarum Doctrina » du 1 janvier 1967 ?

 1. – FONDEMENT.

 Nous croyons au péché, et, comme suite logique, nous croyons qu'il doit être expié en ce monde ou en l'autre (Const. n° 2). Maintenant que les confesseurs parlent en langue vulgaire au confessionnal, nous entendons la formule d'absolution suivie de ces paroles : « Que la passion de Notre-Seigneur Jésus-Christ, les mérites de la Bienheureuse Vierge Marie et de tous les saints, tout ce que vous ferez de bien et supporterez de pénible vous viennent en aide pour la rémission de vos péchés, augmentent en vous la grâce et vous donnent la vie éternelle ».

Même si nous trouvons qu'il y a encore là en filigrane la métaphore de solde négatif et de dette, nous savons très bien que cette métaphore est aussi en toutes lettres dans le Notre Père, surtout en Saint Matthieu (6 ; 9-13). Pour mieux saisir révolution de la pensée du peuple chrétien sur cette dette, remontons donc les siècles le plus haut possible.

 II. – RAPPEL HISTORIQUE.

 a) Origine.        

Vers le milieu du 3ième siècle, l'Eglise se trouve à l'issue de la courte mais violente persécution de Dèce. Il y a eu beaucoup de renégats. Ces « lapsi » peuvent-ils être réadmis dans l'Eglise ? Oui, pense l'Eglise, car outre les mérites infinis du Christ, on a là devant les yeux, les mérites des frères qui, au cours de la même persécution sont morts martyrs ou ont enduré le martyre. L'Eglise a conscience ou prend conscience que la souffrance des uns mérite l'indulgence aux autres, le pasteur de chaque Eglise demeurant juge et maître.

 Plus tard, l'Eglise prendra aussi conscience qu'elle peut et doit aider les pécheurs à se libérer des peines de l'au-delà qu'encourent leurs fautes, par des expiations sévères ici-bas. Il y aura donc des peines tarifées, des « années » et des « quarantaines » de rigoureuse pénitence. Parfois même l'expiation sera imposée jusqu'à la fin de la vie.

Puis viendra le temps des adoucissements. On pourra remplacer la pénitence publique humiliante par des aumônes, des visites de sanctuaires, la croisade, des constructions d'églises aussi. C'est ce dernier produit de remplacement qui, comme on sait, va tourner à l'abus.

 b) Evolution.

 Mais déjà auparavant un seuil de la pensée a été franchi, que le Cardinal Doepfner a appelé un gauchissement et qu'il serait plus juste d'appeler simplement modification, ou même, comme Paul VI, un progrès (Constitution 7), car Dieu écrit droit avec des lignes courbes. Ce seuil, c'est « le passage, au 13° siècle, de la peine temporelle que l'Eglise attachait au péché, à la remise de la peine attachée au péché par Dieu ». (Doepfner, cité par Wenger : la Croix du 13 novembre 1966).

En d'autres termes, quand l'Eglise dit : « Vous irez à la croisade, et cela remplacera une pénitence de 7 ans que mérite votre faute », on traduit : « Du moment que l'Eglise me libère d'une pénitence de 7 ans, c'est que Dieu me libère d'autant dans l'autre monde ». La difficulté est que l'Eglise, ne connaissant pas la contrition du pécheur, ne peut lui dire quelle rémission Dieu lui accorde, mais seulement que telle pénitence ancienne qu'elle imposait, elle la remplace par une autre.

L'Eglise pourtant laisse cette évolution de la pensée se faire. Comme la Vierge, elle médite toutes ces choses dans son cœur, et cela aboutit à des documents du magistère qui montrent à l'évidence qu'elle se reconnaît le pouvoir de remettre, non seulement la peine qu'elle a imposée elle-même, mais la peine que le pécheur e encourue devant Dieu pour l'au-delà.

Paul VI cite dans la Constitution « Indulgentiaruiu doctrina» une encyclique de Boniface VIII qui parle de «pardon non seulement plein et abondant, mais même absolument total des péchés » Il cite aussi le bulle Unigenitus de Clément VI (pour d'autres raisons, tellement connue que son nom figure dans tous les dictionnaires) qui va dans le même sens (Const. 7).

 c) Justification.

 Il y a là une singulière prise de conscience par l'Eglise du pouvoir que le Christ lui a confié de lier et de délier, qui ne doit pas provoquer notre scandale mais notre étonnement admiratif : «La doctrine des indulgences est une fleur délicate, mais authentique de l'arbre toujours vivant de la doctrine l'Eglise. Elle est apparue au cours des siècles, dans l'Eglise assistée de l'Esprit-Saint, comme un couronnement spontané de l'approfondissement à fois doctrinal et expérimental des mystères du péché, des pardons de Dieu, du rôle ministériel de l'Eglise dans la dispensation de ses pardons » (Théologie des Indulgences : Journet. Conclusions).

Evidemment si l'Eglise promet au pécheur la remise soit partielle, soit complète de la peine due à son péché, ce n'est qu'à condition qu'il soit repentant et confessé. Elle refuse toute interprétation de remise automatique liée à un acte matériel : don, pèlerinage, croisade, etc. … que n'animerait pas la vie de la grâce et le souffle de la divine charité.

Une preuve que l'Eglise sait fort bien qu'elle ne peut connaître l'état d'âme exact du pécheur, et, par le fait même, la remise exacte que lui vaut l'indulgence accordée, c'est la multiplicité des indulgences plénières qu'elle proposait. Ignorant le jugement de Dieu, et ayant des raisons sérieuses de penser qu'il est sévère, elle met simplement aux mains des fidèles de quoi obtenir la rémission de leurs dettes.

 III. – OBJECTIONS ET REPONSES.

 Certains peuvent réagir en pensant implicitement : «J'ai besoin d'apprendre à prier, j'ai besoin d'avoir le sens du péché, j'ai besoin de me repentir, mais je n'ai pas besoin de faire certains gestes privilégiés, de dire certaines formules privilégiées qui ont, paraît-il, plus de valeur, mais sclérosent ma prière ».

Nous sommes bien d'accord qu'il ne faut pas que les formules de prière remplacent l'esprit de prière, mais êtes-vous sûr que votre préjugé contre ce qui est indulgencié est indiscutable ? Ne confondez-vous pas un peu indulgence et art saint-Sulpicien ? Peut-être y a-t-il quelque snobisme dans vos réflexes, et écouterez-vous mieux, parmi les Pères de l'Eglise, ceux qui étaient le plus « dans le vent ». Dans ce cas, feu le patriarche Maximos IV peut vous amener à un point de vue déjà plus respectueux de l'indulgence que votre attitude purement négative.

 a) Doctrine minimaliste.

Dans un discours, cité par la Documentation Catholique (n° 1465, col. 357-359), il résume le problème :

« Il est incontestable que l'Eglise peut ajouter une valeur propitiatoire supplémentaire aux actes pieux du chrétien, en vertu des mérites infinis du Christ et de la communion des saints…

« L'Eglise peut obtenir de Dieu une rémission que l'on peut appeler indulgence partielle ou totale des peines, en faveur de ses fils repentants… ».

« Quant à établir une équation exacte entre l'intercession de l'Eglise et la rémission par Dieu la peine due au péché, cela est… sans fondement théologique ».

Quoique le point de vue du patriarche soit discutable et incomplet, on peut trouver quelque parenté entre ses conclusions et quelques-unes des normes de la Constitution de Paul VI que nous verrons plus loin.

 « Il faut supprimer, dit Maximos IV :

– toute comptabilité de jours, d'années, de siècles.

– dans la notion d'indulgence partielle, tout rapport d'équation mathématique entre mérite du pénitent et apport satisfactoire de l'Eglise.

– même dans l'indulgence plénière toute idée d'assurance automatique ».

 b) Doctrine de l'Eglise.

 Commode à retenir, nerveux, cet exposé est cependant insuffisant. La Constitution de Paul VI insiste sur le caractère de l'intervention de l'Eglise qui ne se limite pas à l'intercession. Le texte dit en effet que « l'Eglise dispense avec autorité et applique le trésor de satisfaction du Christ et des saints ».

C'est aussi ce que suggère, de façon très vivante le Cardinal Journet qui parle de l'action de l'Eglise comme d'une sorte d'appel à la justice de Dieu : « (L'Eglise) suppose chez ses enfants repentants la présence de la charité théologale… l'esprit de contrition… le sens du mystère du péché, des compensations qu'il exige… C'est alors que, les sachant ainsi préparés, ainsi fondus en quelque sorte dans la grande communion des saints qui unit la terre, le ciel et le purgatoire, elle aura recours aux indulgences. Elles ne sont plus directement comme la prière, un appel aux miséricordes de Dieu contre ses justices. Par une sorte de retournement, elles en appellent aux justices que nous ont values ses miséricordes… Il y a dans l'Eglise de la terre un besoin constant de compensation. Est-ce que les enfants de la terre ne pourraient pas obtenir que soient reversées sur eux les surcompensations de l'Eglise du ciel ?… Voilà le merveilleux mystère des indulgences » (Journet : Théologie des Indulgences : conclusions).

Certains trouveront qu'il y a ici une métaphore un peu trop clairement empruntée aux barrages ou aux futures banques des organes. Mais qui vous dit que le Christ, vivant sur terre au 20°" siècle, n'aurait pas recouru à ces allégories ? Dieu est le Tout-Autre, sans doute, on ne parle même plus que de cela aujourd'hui ; mais il a tout de même fait l'homme à son image.

 r) Valeur positive.

 Toujours est-il que, avec la chute de certains crépis du juridisme, la pensée de l'Eglise apparaît mieux dans une simplicité accessible aux hommes de bonne volonté. On retrouve peu à peu l'essentiel et ici l'essentiel, c'est d'abord le sens du péché qui, remis normalement par le baptême et la pénitence., laisse dans le véritable enfant de Dieu le désir plus véhément d'une réparation, d'une participation volontaire à la souffrance du Rédempteur, non pas tant pour effacer plus ou moins la faute, que pour retrouver ou acquérir une charité plus intense ; c'est aussi la foi à la communion des saints au pouvoir de l'Eglise : le pécheur fait quelque chose pour se faire pardonner, mais au lieu de le faire tout seul, il s'incorpore à la médiation de I'Eglise.

A une époque de syndicalisme, cela devrait plus facilement se comprendre. De plus en plus un homme seul est impuissant. La lettre de demande qu'il adresse sera peut-être mieux rédigée que celle du syndicat, mais elle « ne fera pas le poids ».

Voilà donc que, grâce à la lumière de la Constitution de Paul VI, le chemin un peu obscur des indulgences débouche sur une vraie vision d'Eglise et de, Corps mystique. « Le Christ, disait naguère le Père Congar, est la source de toutes les efficacités : celle de la messe, puisqu'il est, lui, le prêtre principal s'offrant par le ministère de ses prêtres ; celle des actes du juste, membre vivant de son corps mystique ; celle des indulgences puisque l'Eglise est son épouse mystique "organisme de grâce "» (Congar : le Christ, Marie et l'Eglise : 1952, p. 12). La méditation de l'Eglise est épanouissement de la médiation du Christ, et, une des formes qu'elle prend est celle des indulgences.

 IV. – ATTITUDES A PRENDRE.

 Aussi est-il difficile d'excuser tout à fait la négligence à l'égard des indulgences. Du moment qu'elles peuvent apparaître, non plus comme une opération bancaire, mais comme une humble insertion dans la médiation de l'Eglise qui croit au péché et veut nous libérer du péché et de ses suites, en misant à fond sur les mérites du Christ. de Marie et des saints, il ne faut plus réagir en matérialistes goguenards.           

Une lecture attentive de la Constitution de Paul VI nous révélera sa richesse spirituelle, notamment sur le dogme de la communion des saints : « Il existe, dit le Souverain Pontife, entre les fidèles – ceux qui sont en possession de la patrie céleste, ceux qui ont été admis à expier au purgatoire ou ceux qui sont encore en pèlerinage sur la terre un constant lien d'amour et un abondant échange de tous biens, grâce auxquels est apaisée la justice divine, tous les péchés du Corps Mystique tout entier étant expiés, tandis que la miséricorde de Dieu est inclinée au pardon en vertu duquel les pécheurs contrits entrent plus tôt dans la jouissance complète de la famille de Dieu » (Constitution citée, n 5, dernier alinéa).

Si donc il a pu, à juste titre, sembler d'un ritualisme dépassé de faire réciter après chaque communion, des prières indulgenciées, peut-être ne serait-il pas mal de temps en temps, par exemple, à la fin d'une cérémonie pénitentielle de penser à obtenir, dans une communion des saints mieux ressentie à ce moment-là, une indulgence dont l'Eglise nous offre la possibilité. Cela est vrai autant pour nos élèves que pour nous. D'ailleurs cela n'arrivera pas très souvent, car le nouvel enchiridion qui n'est pas encore paru, mais dont on connaît l'esprit ne sera pas prodigue d'indulgences comme par le passé.

                      APPENDICE I : Principes nouveaux.

 Il ne paraît pas indispensable, dans un court article comme celui-ci, de rappeler les principes les plus connus concernant les indulgences : pouvoir de l'Eglise, application aux âmes du purgatoire, etc. … mais il sera plus utile d'attirer l'attention sur un point nouveau concernant l'indulgence partielle qui, au lieu de s'exprimer en jours, ou années, s'exprime d'une manière qui pourra paraître curieuse, mais qui affirme bien le pouvoir de l'Eglise : « Le fidèle qui, au moins avec le cœur contrit accomplit une action enrichie d'une indulgence partielle obtient, outre la rémission de peine que lui vaut l'action elle-même, une rémission de peine équivalente que lui vaut l'intervention de l'Eglise ».

Pour une raison pratique, les indulgences spéciales à l'année de la foi (29 juin 1967-29 juin 1968) seront données ici en premier lieu afin de mettre à part en un recto-verso principes et directives valables pour tous les temps. Pour la même raison, ne sera pas inclus dans ce recto-verso le principe suivant qui ne se trouve pas dans la Constitution, mais dont on sait approximativement comment il se présentera dans l'enchiridion : « Pour gagner une indulgence plénière chaque jour, il faudra une oeuvre astreignante, d'un caractère pénitentiel et onéreux plus marqué, par exemple la récitation intégrale du Rosaire devant le Saint-Sacrement ». (voir Ami du Clergé du 2 nov. 1967, p. 638).

                      APPENDICE II : Indulgences de l'Année de la Foi

 Pour l'année de la foi, on peut gagner une Indulgence :

1° Le jour de l'année que l'évêque fixera pour une récitation plus solennelle du symbole de foi (voir les directives qui seront données par les Ordinaires) au moment où il donnera la bénédiction papale en vertu des pouvoirs qui lui seront conférés par décret. (Cela vaut pour les fidèles qui seront présents à la cérémonie).

2° Pour les fidèles qui ne pourront pas être présents, un autre jour que. déterminera l'évêque dans les autres églises.

3° Un jour parmi les plus solennels sera désigné pour une profession collective de foi qui se fera soit en famille, soit dans le cadre des associations catholiques, soit dans les écoles, soit dans lés services, soit dans les hôpitaux, soit dans une assemblée quelconque réunie à cet effet. Ceux qui participent à ce renouvellement collectif de la profession de foi pourront gagner l'indulgence plénière aux conditions indiquées plus haut.

La liste qui suit montrera sans peine que l'Eglise a voulu marquer sa prédilection pour la vie religieuse, ne plus laisser les indulgences à côté de cette vie, mais les y insérer. En effet, comme pour lier davantage le détachement du péché          

que suppose le gain de l'indulgence plénière et la profession des conseils évangéliques, elle ne fixe pas, pour les indulgences spéciales aux religieux, une prière ou une visite d'église, mais simplement « l'émission ou la rénovation de la promesse d'accomplir fidèlement les engagements de la vocation » (Osservatore Romano du 9 sept. 1967).

A nous donc de savoir revivifier personnellement, en communauté, avec nos élèves, dans les quelques circonstances qui nous sont offertes, ce moyen d'expiation que l'Eglise, après l'avoir maternellement repensé, nous offre tout ensemble pour nous purifier et pour stimuler notre charité envers nos défunts encore soumis à la souffrance expiatrice.

                  APPENDICE III : Principales normes de la Constitution : « Indulgentiarurn doctrina ».

 Indulgence plénière :

 – Il n'est pas possible de gagner plus d'une indulgence plénière par jour (6).

– On pourra gagner une indulgence plénière le jour de la fête du titulaire de l'église et le 2 août (Portioncule) ou un jour plus opportun fixé par l'Ordinaire (15).

– Pour ces jours-là, en dehors des conditions ordinaires, il faut la visite de l'église et la récitation du Pater et du Credo (16).

– Les conditions ordinaires sont toujours : confession sacramentelle, communion eucharistique et prière à l'intention du pape ; mais surtout

iI faut que soit exclu tout attachement à n'importe quel péché, même véniel (7).

La prière pour le pape peut être un Notre Père et un Je vous salue Marie ou bien toute autre prière (10).

 Indulgence partielle :

 – Elle permet d'obtenir, outre la rémission de peine que vaut l'action elle-même, une rémission de peine équivalente que vaut l'intervention de l'Eglise (5).

– Elle sera désormais désignée par les mots : indulgence partielle, sans y ajouter un nombre de jours, de mois ou d'années déterminé (4).

Le fidèle qui utilise avec recueillement un objet de piété régulièrement bénit par un prêtre (crucifix, croix, chapelet, scapulaire, médaille) gagne une indulgence partielle (17).

La liste et les recueils d'indulgences des Ordres, des Congrégations religieuses, des Sociétés de vie commune sans vœux, des Instituts Séculiers, ainsi que les pieuses associations de fidèles, seront révisés le plus tôt possible (14).

 Suite à cette dernière information, nous vous communiquons donc les toutes récentes dispositions que vient de prendre la Sacrée Pénitencerie Apostolique, à l'égard des Frères Maristes :

Outre les Indulgences plénières accordées aux fidèles, il nous est possible d'en gagner à l'occasion des fêtes suivantes :

1° Noël.

2° Epiphanie.

3° Purification.

4° Saint Joseph.

5° Pâques.

6° Bx. Fondateur.

7° Assomption.

8° Immaculée-Conception.

     De plus, pour chaque maison, il y a encore 3 circonstances supplémentaires :

1° Fête du patron principal de la maison.

2° Fête des saints ou bienheureux dont on possède dans la maison une relique insigne.

3° Fin de la visite canonique.

                  Enfin pour chaque religieux :

1° A son entrée au noviciat.

2° Le jour de ses premiers vœux.

3° Le jour de sa profession perpétuelle.

4° Les 25ième, 50ième60ièmeet 75ièmeanniversaire de première profession.

5° A l'occasion d'un Chapitre Général.

 SAINT FRERE BENILDE[12]

Le 29 octobre 1967, en la fête du Christ Roi, un nouveau saint a été proclamé, un religieux laïc, un Frère enseignant, saint Bénilde des Frères des Ecoles Chrétiennes.

C'est ainsi que l'Eglise, merveilleuse éducatrice des peuples par une pédagogie bien adaptée, vivifie la ferveur des fidèles non seulement par des théories abstraites, mais par des exemples, des copies vivantes du Christ, notre grand modèle. Elle présente, de temps à autre, à notre imitation, des hommes et des femmes qui, tout en participant à nos limites et à nos faiblesses, nous montrent comment vivre pour le Christ et arriver à la gloire, en Lui. Le plus récent modèle proposé est Frère Bénilde, un Frère enseignant qui a vécu une vie tachée et simple dans une ambiance obscure et modeste.

Précisément, c'est en ces termes que Notre saint Père le Pape, Paul VI, au jour de la glorification du Frère Bénilde définissait la sainteté : « Nous pourrions dire que la sainteté est une forme de vie fortement stylisée par un jeu singulier de deux principes d'opération qui la concrétisent jusqu'à lui donner une certaine évidence :

– l'un, intérieur, par lequel la conscience, la liberté, l'initiative, la volonté morale, le tempérament personnel déploient une incessante tension, un effort tranquille, mais sans trêve, pour atteindre la « virtus », la perfection du bien agir, jusqu'au rendement maximum, parfois même héroïque, dont le sujet est capable ;

– tandis que l'autre principe, extérieur, la loi, la règle, offre à l'action vertueuse une observance concrète, une discipline, qui veut être le reflet de la volonté supérieure et sage, qui tire son inspiration et son effective bonté de l'ordre transcendant de la volonté divine ».

Ces deux principes d'opération énoncés par S. S. Paul VI sont très apparents dans le développement de la personnalité humaine et spirituelle du Frère Bénilde.

Le principe intérieur, qui a sa source dans la grâce du baptême devait agir par une admirable coopération entre les grâces actuelles de Dieu et la docile et libre adhésion du Frère Bénilde. L'appel à une vie consacrée fut l'un des grands signes de prédilection que le bon Dieu lui donna. Combien de choses auraient pu retenir l'attention de Pierre Romançon, à l'âge de douze ans, alors qu'il visitait la foire de Clermont ! Cependant, ce ne sont ni les camelots, ni les saltimbanques qui le captivèrent, mais un humble religieux. « Maman, demanda le garçon, qui est ce prêtre-là ? » – « Un Frère des Ecoles Chrétiennes », fut la réponse. La semence était tombée en bonne terre. Le petit Pierre, lui aussi, serait Frère.          ,

Frère ! mot évocateur ! C'est le mot qu'emploient les premiers chrétiens pour caractériser les liens qui les unissent : « Voyez comme ils s'aiment ! », disait-on d'eux. Frères, ils l'étaient entre eux, frères aussi du Christ et enfants fidèles de leur unique Père des Cieux, non seulement en paroles, mais surtout en action. Aujourd'hui encore, le mot « Frère » sert à indiquer une appartenance à un état de perfection, c'est-à-dire à un genre de vie complètement voué au Christ. Le Frère d'aujourd'hui, le Frère enseignant en particulier, comme le fut Frère Bénilde, veut donner le Christ aux âmes, non dans la chaire de prédication, ni dans le confessionnal de la réconciliation, ni dans la solitude du cloître, mais en allant dans le monde, en se mêlant aux jeunes, afin que ceux-ci le voient et l'entendent et qu'en le voyant et l'entendant, ils deviennent ses imitateurs comme lui doit être l'imitateur du Christ.

Donner des âmes au Christ, telle fut la grande ambition du Frère Bénilde, telle est la grande ambition de tout Frère enseignant. Il a renoncé à une paternité physique limitée au foyer familial pour rechercher la paternité spirituelle qui tire son dynamisme universel de la grâce accueillie, cultivée et communiquée à travers une fécondité qui se renouvelle à chaque contact avec les jeunes, qui donne sans s'épuiser, qui se multiplie avec l'accroissement des jeunes générations dans les classes. C'est dans cette mission que Frère Bénilde a trouvé la sainteté par un « oui » joyeux à la volonté de Dieu, renouvelant son adhésion à une vie volontairement choisie, librement embrassée et généreusement vécue. C'est précisément ce principe interne dont a parlé Paul VI et qui, dans « l'incessante tension, dans l'effort tranquille », a fait vivre au Frère Bénilde une vie toujours prête à se donner sans calcul et sans retour.

En parlant de la mission d'éducateur du Frère Bénilde, Paul VI disait encore : « Réjouissez-vous. Chers Frères des Ecoles Chrétiennes, d'être, comme il l'a été, maîtres des enfants du peuple, voués à cette si haute mission, à cet apostolat si digne, et à rien d'autre que cela, tout absorbés par cette tâche noble et délicate entre toutes ; tout persuadés que l'Ecole, l'Ecole catholique mérite votre sacrifice total, mérite que vous lui donniez avec générosité et authenticité votre ministère pédagogique et didactique ; tout confiants que l'offrande de votre vie à la cause de l'Ecole empreinte de sagesse chrétienne ne sera pas vaine… mais honorée et valorisée ».

Déjà Pie XI, le 6 janvier 1928, avait parlé du religieux laïc dédié à l'enseignement, qui exerce une profession noble, un véritable apostolat en s'adonnant à une tâche commune et quotidienne toute faite de modestie et de monotonie. C'est tout cet ensemble de choses communes que le principe intérieur de sainteté envahit comme un rayon lumineux dans la vie du Frère Bénilde. La collaboration spontanée et libre de son âme constamment attentive à la grâce réussit à créer une trame de pieuses habitudes que le Bienheureux Marcellin Champagnat appelait les « petites vertus ». « La sainteté ne consiste pas, disait encore Pie XI en proclamant l'héroïcité des vertus du Frère Bénilde, dans les choses extraordinaires, mais dans les choses communes accomplies d'une manière non commune ».

Il est un autre facteur, apparemment extérieur, qui a joué un grand rôle dans la vie du Frère Bénilde : la Règle. Elle fut pour lui un moyen de sanctification efficace, que soulignait Paul VI en disant que la loi « offre à l'action vertueuse une observance concrète qui tire son inspiration et son effective bonté de l'ordre transcendant de la volonté divine ». Le résultat paradoxal, poursuit' lé Saint Père, c'est que le « saint est le plus libre et le plus volontaire des hommes et en même temps plus docile et le plus obéissant ».

Présenter ainsi aux hommes d'aujourd'hui la ligure du Frère Bénilde comme un saint, fidèle observateur de la Règle, constitue un exemple qui prend un caractère particulier d'actualité. Avec trop de facilité, de nos jours, dans l'opposition au juridisme » (en vérité ce juridisme a quelquefois étouffé un sain développement d'énergies et d'initiatives personnelles) se cache un mouvement anarchique qui voudrait voir l'homme affranchi de tout lien, de toute norme. Et pourtant que l'homme reste un être destiné à vivre en société, il ne peut pas se passer de règlements pour son progrès, sa propre sécurité et celle de la société. Ainsi, l'école, toute école bien organisée, a ses exigences, ses horaires, sa discipline, tout un ensemble qui constitue pour elle ce que sont les rails pour les trains. De même la vie religieuse communautaire, voulue par l'Eglise pour mieux présenter le Christ aux fidèles, comporte une manière de vivre adaptée à la mission, nécessitant le renoncement à certaines manières de voir les choses, et l'acceptation de certaines règles d'orientation de cette mission. L'obéissance religieuse alors, loin de diminuer la dignité de la personne humaine, la conduit à son plein épanouissement (Cf. E. S. 46 et P. C. 14).

Frère Bénilde comprit ce jeu merveilleux de la sainteté, en accepta les règles et, à travers un exercice quotidien soutenu par la volonté et réchauffé par l'amour, remporta la victoire. Peu lui importait si le champ d'apostolat était Riom ou Moulins, Limoges, Clermont ou Aurillac, puisque partout où l'obéissance l'envoyait, il trouvait des âmes d'enfants à conserver au Christ et des confrères à servir et à édifier. Si le Frère cuisinier ou le Frère jardinier était malades ou avaient trop de travail, Frère Bénilde accourait à l'aide et passait avec le même esprit de service joyeux de la classe à la cuisine ou au jardin. Sa classe et sa communauté : tel fut le champ où se déroula sa vie ; mais dans ces cadres, si limités qu'ils. puissent paraître, il trouva le moyen de faire une oeuvre immense de dévouement marquée du sceau d'une exemplaire charité pour Dieu dans le prochain.

On peut se demander : est-ce que, sous le pressoir du « terrible quotidien », Frère Bénilde a ressenti le poids de la fatigue, le désir de l'évasion, la recherche de la nouveauté ? Sans doute. Mais chaque appel de la nature se heurtait à la muraille d'une volonté rivée à celle de Dieu. Frère Bénilde accepta tous les sacrifices pour demeurer fidèle à son devoir d'éducateur et à sa profession de religieux. Et Dieu récompensa cette fidélité par la paix et la joie promises aux hommes de bonne volonté. « Je ne puis pas exprimer les consolations, disait-il, qui comblent mon âme en formant ces jeunes cœurs à la connaissance et à l'amour de Dieu » (Vie, p. 59, Edition 1948). La joie ne fut pas le seul résultat dont Dieu récompensa son dévoué serviteur ; il reçut aussi le pouvoir d'une profonde influence sur son entourage : plus de 250 religieux et de 30 prêtres de la région de Saugues ont reconnu que c'était au Frère Bénilde qu'ils devaient d'avoir pu entendre l'appel de Dieu et d'avoir pu être fidèles à y répondre. Miracles que tout cela ? Sans doute, Dieu a donné sa grâce. Mais Frère Bénilde a aussi apporté une foi inébranlable en sa mission de religieux éducateur et cette foi lui a permis de chasser tous les rêves irréalisables de l'inconstance humaine pour trouver dans la flamme de l'amour divin la ferveur de la reprise quotidienne.

Pour nous, Maristes, Frère Bénilde n'est pas seulement le premier Frère canonisé, mais il représente quelque chose de plus. En lui, nous retrouvons les traits de l'esprit de notre Fondateur, la physionomie des Frères François, Alfano et tant d'autres. Comme eux, il se tourne tout naturellement vers la Sainte Vierge, saint Joseph et les Anges gardiens. Sur la couverture de sa Vie, imprimée à l'occasion de sa béatification, il y a aussi des violettes qui évoquent humilité, simplicité, effacement ; symbolisme que nous connaissons bien.

C'est donc, à plus d'un titre que nous pouvons nous unir à la joie des Frères des Ecoles Chrétiennes, puisque, en canonisant le frère Bénilde, l'Eglise le présente au inonde comme un modèle d'une forme de vie qui est aussi la nôtre et de vertus que, de nos jours, on semble méconnaître. mais qui demeurent la base de la vie chrétienne et de la sainteté.

 

Selon les suggestions de plusieurs Frères, il a paru nécessaire de rappeler dans la Circulaire, la composition du Conseil Général actuel :

 SUPERIEUR GENERAL, élu le 24 septembre 1967 Rév. F. Basilio RUEDA GUZMAN, né le 16 octobre 1924, à Acatlàn de Juârez (Mexique).

 VICAIRE GENERAL, élu le 9 octobre 1967 C.F. Quentin DUFFY, né le 17 juillet 1915, à Bendigo (Australie).

 CONSEILLERS GENERAUX CHARGES DE REGIONS, élus le 11 octobre 1967

 1. C.F. Hilary Mary CONROY, né le 4 janvier 1906, à Bathurst (Australie).

Grande-Bretagne, Irlande, Nigéria, Afrique du Sud, Australie, Nouvelle-Zélande, Fidji, Samoa, Nouvelle-Guinée, lies Salomon, Cameroun anglais.

2. C.F. Roland BOURASSA, né le 16 janvier 1912, à North Stuchely (Canada)

Canada, Belgique-Hollande, Congo, Rwanda, Cameroun français, Malawi, Zambie, Rhodésie.

3. C.F. Louis Martin ESSLINGER, né le 6 novembre 1913, à Petit Landau (France)

France, Allemagne, Italie, Suisse, Grèce, Liechtenstein, Madagascar, Algérie, Liban, Syrie, Nouvelle-Calédonie, Centrafrique.

4. C.F. Paul Ambrose FONTAINE, né le 28 août 1913, à Southbridge (Etat-Unis)

Etats-Unis, Chine, Ceylan, Philippines, Malaisie, Singapour, Bornéo, Sarawak, Formose, Hong-Kong, Pakistan, Japon.

5. C.F. Teôfilo MARTINEZ, né le 30 novembre 1915, à Villahute (Espagne)

Espagne, Bolivie, Maroc.

6. C.F. Alfonso WIMER, né le 7 mars 1916, à San Martin de Bolaûos (Mexique)

Mexique, Colombie, Venezuela, Equateur, Porto-Rico, Guatémala, Salvador, Costa-Rica.

7. C.F. Gonçalves Xavier MAGALHÃES, né le 15 novembre 1922, à Varginha (Brésil)

Brésil, Portugal, Angola, Mozambique.

8. C.F. José Maria IRAGUI, né le 31 mai 1922, à Barasoain (Espagne)

Argentine, Chili, Pérou et Uruguay.

 

CONSEILLERS GENERAUX CHARGES DE SERVICES, élus le 13 octobre 1967

 1. C.F. René Gilbert Jooss, né le 8 juillet 1914, à Ingersheim (France), Econome Général.

2. C.F. Gabriel MICHEL, né le 6 avril 1920, à Chazelles (France), Secrétaire Général.

3. C.F. Alessandro DI PIETRO, né le 3 août 1908, à Vivaro Romano (Italie), Procureur Général.

4. C.F. Olivier SENTENNE, né le 2 janvier 1914, à St.-Pierre (Canada), Apostolat et Missions.

5. C.F. Gabriel RODRIGUEZ, né le 26 février 1929, à Mexico (Mexique), Formation. 

ELECTION

 Le Conseil Général a élu, dans sa séance du 7 février 1968 pour un premier triennat, F. Leonard Voegtle, Provincial d'Esopus (U.S.A.).

 

La présente Circulaire sera lue en communauté à l'heure de la lecture spirituelle.

Recevez, Mes Bien Chers Frères, la nouvelle assurance du religieux attachement avec lequel je suis, en J. M. J.,

Votre très humble et tout dévoué serviteur,

F. BASILIO RUEDA, Supérieur Général 

 

LISTE DES FRERES

dont nous avons appris le décès depuis la Circulaire du 6 Juin 1967

 

Nom et âge des Défunts                        Lieux de Décès                          Date du Décès

 

F. Léon Victor (P. Bouteyre)            81S  St-Paul-3-Châteaux (France)           1 juin  1967

F. Ignatius Loyola (P. Callan)           52 S  Gisborne (N. Zélande)                       2             »          »

F. Javier Marcelino (C. J. Gonzâlez)     71 S  México (Mexique)                         7               »          »

F. Almérus (L. Chabre)                     92 S  St-Paul-3-Châteaux (France)           I 8            »          »

F. Louis Fulgence (J.Faure)             80 P  N : D. de l'Hermitage (France)         12            »          »

F Loman (G. Russell)                        47 S Ashgrove (Australie)                          15            »          »

F lsidro Luis (I. Riedel)                      63 P  Mar del Plata (Argentine)                  16            »          »

F Ignacio Joâo (H. Duso)                 72 S  Viamâo (Brésil)                                  18            »          »

F. Marie Borgia (J. Charles)            82 S Uberaba (Brésil)                                23            »          »

F. Valeriano Maria (V. de Jesûs)    80 P Viamâo (Brésil)                                  24            »          »

F. Léon Albino (A. Olazâbal)            65 S Madrid (Espagne)                              29            »          »

F. Ginés (J. Gonzâlez)                      82 P  La Cisterna (Chili)                             29            »          »

F. E[ienne Marie (A. Tempels)         74 S  Kessel-Lo (Belgique)                        5 juil.  1967

F. Louis Cyprien (R. Brunei)             71 S  Maceió (Brésil)                                  5           »          »

F. Pancracio (M. Hidalgo)                76 S Gerona (Espagne)                             10            »          »

F. Joseph Constantin (G. Dedeurwaerder)   87 S Beaucamps (France)       28            »          »

F. Kieran (P. Connolly)                      45 S Large (Ecosse)                                  3 août  1967

F. Marie Léoncius (Cl. Lacroix)       80 S Varennes-s-Allier (France)               8                  »          »

F. Pedro Ignacio (M. Martiodal        66 S Florence (Italie)                                  8              »          »

F. kenny (J. Donachev)                     70 S Large (Ecosse)                                  31            »          »

F. Graziano (Eug. Olindo)                 74 S Carmagnola (Italie)                            1 sept.   1967

F. Joachim (E. Josse)                       87 S Varennes/s/Allier (France)                3               »          »

F. Damian Gerard (C. Sierra)          30 PPoughkeepsie (États Unis)              13            »          »

F. Joaquin (J. Elizalde)                     60 SGranada Espagne)                            29            »          »

F. Delphis (A. Pelletier)                    66 SIberville (Canada)                              30            »          »

F. Paul Ferdinand (M. Royon)          79 P N.-D. de l'Hermitage (France)           4 oct.   1967

F. Joseph Augustalis (Ch. Côté)     64 P Château-Richer (Canada)                8             »          »

F. Joseph Pascal (E. Mouton)         74 P Varennes-s-Allier (France)               15            »          »

F. Juan Ramón (J. B. Moine)           63 S Lujân (Argentine)                                19            »          »

F. Félix Antonino (F. Cardona)        75 S Popayán (Colombie)                         28            »          »

F. Ambroise (F. Meyer)                    61 S Beaucamps (France)                        8 nov.   1967

F. Titio (N. Burbano)                          66 S Ipiales ( Colombie)                            20            »          »

F. Ismael Antonio (E. Zaechi)           51 S Rio de Janeiro (Brésil)                      28            »          »

F. Pascal Léon (L. Marty)                 65 S St-Genis-Laval (France)                   30            »

F. Prudencio (H. Albéniz)                 83 S Sigüenza (Espagne)                         2 déc.   1967

F. Marie Augustin (G. Badin)           87 S Amchit (Liban)                                    8         »          »

F. Mathurus (N. Devos)           95 S     Beaucamps (France)    15                      »       »

F. Eulogio (j. M. Echarri)                   75 S Mexico (Mexique)                              16            »          »

F. Joseph Frédéric (Em. Joly)         88 S N : D. de l'Hermitage (France)         19            »          »

F. Medardo (J. E. Gonzâlez)            71 S México (Mexique)                              26            »          »

F. Pedro Gabriel (P. Carocci)          74 S Lujàn (Argentine)                               28            »          »

F. Petrus Joseph (P. Liu Ta Hai)     61 S Chine intérieure                                 courant  1967

 

Soit 7.151 depuis le commencement de l'Institut.

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[1]: Comme il s'agit d'un très vaste plan, il est possible que dans les Provinces, aux différents niveaux de travail et de participation des Frères, une sélection et une limitation des thèmes soient nécessaires. Tout cela doit être déterminé.

[2]: Je me suis permis d'employer un mot qui, dans les milieux scientifiques de notre temps est déjà familier et traduit une attitude de pensée, une méthode dont le principe souverain est le respect de la donnée, imposant aux organisateurs d'une enquête de ne pas hésiter à mettre de côté toute hypothèse préalable, toute prise de position personnelle. Cette méthode se veut descriptive des essences acceptées telles qu'elles se présentent. dans les limites qui sont les leurs, et avec la finalité qui est la leur.

[3]: Pensons à «Perfectae Caritatis » ou à « Gravissimum Educationis ».

[4]: On peut affirmer la même chose du mot «adaptation» qui peut également se présenter comme un foyer d'équivoques lorsqu'on or l'emploie pas d'une façon authentique. Sous son étiquette, on peul cacher des concessions à la nature et des faiblesses.

[5]: Le Chapitre doit étudier sérieusement l'opportunité de consacrer quelques hommes spirituellement et techniquement pré-parés pour réaliser cette tâche en les libérant de toute autre préoccupation et en les dédiant à temps plein à cette préparation. Qu'on me permette de citer, en guise de stimulant, le louable exemple des Frères des Ecoles Chrétiennes qui, dans les Provinces d'Argentine, d'Espagne, du Canada, de France et d'Italie, ont composé un magnifique «essai » d'un livre d'office pour éducateurs.

[6]: Cf. 1 Co. 2, 11.- 81 –

[7]: Toujours dans les limites que donne, au théologien catholique, la liberté de l'investigation.

[8]: Ce qu'on vient de dire peut paraître étrange. Qu'on songe pourtant que le motif principal de toutes nos activités est de faire le bien aux autres. N'est-ce point là la raison d'être de nos Institutions d'enseignement et du personnel qui s'y dévoue ? Ne conviendrait-il pas de rendre ce témoignage vraiment effectif en nous libérant, si besoin est, de certaines exigences immédiates qui risquent de nous faire manquer demain l'idéal que nous poursuivons aujourd'hui ?

[9]: Qu'on songe ici à l'effort de ces confrères qui tâcheront de rendre leur communauté elle-même animatrice de sa vie de prière. N'auront-ils pas à lutter contre la passivité, la routine, peut-être même l'insouciance de plusieurs, à supporter la critique de ceux qu'impatientent tout changement ou la plus légère prolongation d'un exercice de piété ?

[10]: Ceci peut expliquer en bonne partie la difficulté des commissions à trouver des expériences vraiment dignes de ce nom pour être proposées et même prescrites par le Chapitre à tout l'Institut.

[11]: Les mots «supérieurs » et « inférieurs» ne nie plaisent pas. De toute façon, ils ne s'harmonisent guère avec l'humilité et ln fraternité évangéliques.

Si je les utilise, c'est que le vocabulaire actuel ne m'en fournit point d'autres. On a suggéré de remplacer le mot « supérieur » par celui de « responsable ». Mais tous les autres Frères ne sont-ils pas responsables ? Bien entendu, on ne discute ici que la question de terminologie et non pas le principe et le fait de l'autorité.

[12]: Pierre Romançon, né à Thuret (Puy-de-Dôme, France) le 14 juin 1805, entre chez les F.E.C. en 1820. Il passe à Saugues (Haute-Loire) les 21 dernières années de sa vie. Il meurt le 13 août 1862. Ir Procès de sa béatification commence en 1899 ; Pie XI proclame l'héroïcité des vertus en 1928. Pie XII le déclare bienheureux en 1948 et Paul VI le canonise le 29 octobre 1967.

 

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