Circulaires 374

Basilio Rueda

1968-11-30

Circulaire sur la fin du Chapitre Général.

374

Laudetur Jesus Christus

et Maria Mater Ejus 

Rome, le 30 novembre 1968 

       Mes bien chers Frères,

Ces quelques pages qui constituent la circulaire de conclusion du 16ièmeChapitre Général vous arriveront avant la 5ièmepartie de ma circulaire. Ne vous inquiétez pas de cet « anachronisme » : tels sont les aléas de l'imprimerie.

Je ne ferai pas ici allusion à cette circulaire que vous allez recevoir. Les Capitulants ont pu en lire au moins de très larges extraits dans des copies faites en temps opportun. Mon but aujourd'hui est très simple : vous annoncer la fin de notre Chapitre extraordinaire et vous offrir le résultat de ses travaux : une riche doctrine et l'espérance de fruits abondants.

Il est possible que la présente lettre soit la plus courte de celles qui ont suivi un Chapitre Général. J'ai pensé que, dans les circonstances, c'était ce qui convenait. La doctrine des documents capitulaires est riche et si abondante que je ne dois pas distraire votre attention ni prendre votre temps, mais vous laisser méditer à fond ces excellents textes.

Pour le même motif, pendant l'année 1969, je n'écrirai pas de circulaire doctrinale, mais je me limiterai à quelques pages occasionnelles pour vous communiquer des nouvelles, vous faire quelques exhortations ou vous donner des directives de circonstance.

Revenons au Chapitre. Le 21 novembre 1968, fête de la Présentation de la Sainte Vierge, nous avons offert au Seigneur, dans le temple, les divers documents, fruits de notre labeur capitulaire. Plusieurs Frères, au nom de tous les Capitulants, au cours d'une procession solennelle d'offertoire, sont allés les déposer sur l'autel. Pendant cette émouvante cérémonie, l'animateur suggérait brièvement le sens de chacun de ces travaux qui allaient présenter à tout l'Institut un nouveau style de vie personnelle et communautaire, tel que le Chapitre, après de longs efforts, l'avait imaginé, discuté, corrigé et approuvé tout au long des nombreuses assemblées plénières.

Sommes-nous vraiment devant une nouvelle façon de vivre ? Je crois que oui, Mes Frères, quoique la vie continue à être apparemment la même. Ce que l'on faisait jusqu'à présent, il faut le continuer, mais sur un autre registre.

Je crois de toute ma conviction qu'après le Chapitre, le même Institut fondé par notre Bienheureux Père et prolongé dans le temps par 7197 Frères déjà parvenus au terme de leur fidélité, est arrivé à un âge nouveau, phis adulte, plus mûr; et cet âge, avec la grâce de Dieu, il faut qu'il l'accomplisse dans son devenir historique.

Je laisserai cette fois à vos délégués capitulaires le soin de vous informer des documents : leur côté anecdotique et leur profondeur, les détails et la synthèse, en somme, de vous en faire l'exégèse. Je désire seulement vous donner cette communication précise :

A partir du 8 décembre 1968, les directives capitulaires peuvent commencer à être mises en pratique, d'accord avec les indications qui seront précisées à la fin de cette circulaire.

Cette date, je la signale comme point de départ au niveau de l'Institut pour ce post-Chapitre, mais ensuite, au niveau des Provinces, le Frère Provincial et son Conseil détermineront eux-mêmes une autre date : celle qu'ils jugeront la plus opportune pour leur Province respective.

Le 8 décembre vous donne, pour ainsi dire, le feu vert qui laisse agir les Conseils Provinciaux. A eux ensuite, de déterminer la date et les modalités pour l'application progressive dans leurs Provinces des divers documents capitulaires. Cette date sera seule valide pour chaque Province. Cependant il a semblé au Chapitre qu'au niveau de l'Institut, la fête de l'Immaculée Conception – solennité si chère à notre Père Fondateur – devenait un jour merveilleusement approprié pour le début d'une étape si importante.

Que notre Bonne Mère Immaculée bénisse cette étape si franchement nouvelle dans laquelle l'Institut va commencer à répondre collectivement à la rénovation adaptée demandée par le concile Vatican II, et si ardemment élaborée par notre 16e Chapitre Général.

Je sais que quelques Frères éprouveront la légitime curiosité et le vif désir de connaître mon commentaire sur le résultat du Chapitre. Ils voudraient savoir mon point de vue à ce sujet, mais je ne crois pas prudent de faire maintenant aucun commentaire. Vous recevrez les documents. A chacun de les méditer. De mon côté, je suivrai le conseil de Péguy : « Laisser dire aux choses ce que les choses veulent dire ».

Par contre, ce que je puis faire – et je le fais volontiers – c'est d'exprimer brièvement mon impression globale. Les documents que vous recevrez ne sont pas le résultat d'un Chapitre tel que le désirait ou proposait une région déterminée ou une délégation de l'Institut. C'est quelque chose de différent. Sans nuances, on pourrait dire : dans le Chapitre, tous les Capitulants ont perdu quelque chose. Aucun n'a pu avoir le Chapitre que sa mentalité ou sa conscience voulait. Oui, je le répète, nous avons tous perdu quelque chose; et Dieu merci! Dans le cas contraire, nous aurions eu un Chapitre à la mesure d'un homme, d'une délégation ou d'une tournure d'esprit. Cela impliquerait appauvrissement pour tous et médiocre mise en valeur du plus grand nombre. Celui d'entre vous qui aurait espéré un Chapitre en consonance exclusive avec ses goûts ou ses convenances, il est normal qu'il reste un peu déçu dans ses espérances.

Faudra-t-il en déduire pour autant que nous sommes tombés dans l'éclectisme et le compromis diplomatique ? Absolument pas. Tout au contraire, je crois que sur presque tous les points le dialogue a toujours été maintenu et que les opinions les plus diverses se sont fait jour tout au long des débats, jusqu'au moment du vote et même, dans un petit nombre d'occasions, au-delà du vote.

Je suis convaincu que, pétrissant cette glaise humaine que nous étions, nous Capitulants, avec nos imperfections, nos limites, parfois nos misères, mais aussi notre noble idéal, notre amour et notre bonne volonté, l'Esprit-Saint a guidé le mouvement du Chapitre à travers ombres et lumières, tandis que, peu à peu, se modelait chacun des documents. Le résultat final est bien, je crois, quelque chose qui nous vient de Lui : il porte son cachet, son souffle, son feu, et c'est pourquoi nous pouvons véritablement être satisfaits de ce fruit du Chapitre.

J'y ai perdu quelque chose, moi aussi. Vous connaissiez ma pensée : nombre de conférences et une volumineuse circulaire l'avaient assez manifestée. J'étais même entré dans les détails. Accidentellement, j'avais donné des exemples. Mais quelque part dans ma circulaire, j'avais indiqué que, une fois le Chapitre fini, et dans les limites de ma conscience, je n'aurais qu'une voix : celle du Chapitre; de mes opinions antérieures, il ne resterait que ce qui serait compatible avec son texte et son esprit.

Eh bien, Mes Chers Frères, ces paroles, prélude de votre contact direct avec les documents capitulaires, seront autre chose qu'un quelconque agrément par solidarité avec une assemblée, ou encore une docilité plus ou moins résignée à ses dispositions; elles sont la présentation convaincue de ce corps de doctrine et de lois : convaincue par la valeur intrinsèque des documents, par la fidélité et l'adaptation qu'ils renferment à la fois à l'Esprit et aux hommes. Les Capitulants peuvent être fiers de vous présenter un tel résultat.

Bien sûr, tous les documents capitulaires n'ont pas la même valeur. Certains sont titrés à un nombre impressionnant de carats; d'autres sont plus modestes; mais l'ensemble enrichit notablement le patrimoine de l'Institut, dont il prolonge et incarne l'esprit.

Je vais en venir aux directives concrètes, mais auparavant, deux mots pour finir cette brève présentation. Mes Bien Chers Frères, ne mythifiez pas le Chapitre; vous n'en retireriez que désillusion, car toute mythification est suivie de déception. Nous étions, nous Capitulants, des hommes et non pas des anges. Membres d'une Eglise pérégrinante greffée dans l'histoire et dans le inonde, nous portons, elle et nous tous, les ambivalences de « notre façon de vivre temporelle et eschatologique »; la loi et les synthèses ont été faites « avec des mains humaines », et « pour des hommes » en cherchant à coordonner des éléments dont l'alliage était une opération délicate : fidélité aux origines, adaptation au temps, souci de donner une loi de vie et non de mort ».

Malgré toutes les richesses que renferme la doctrine capitulaire, elle reste le fruit d'une saison et elle porte la trace de nos doigts. Ce que vous trouverez, ce n'est pas, il est vrai, le timide filet de la source à ses débuts; mais ce n'est pas non plus l'impressionnant estuaire de l'eschatologie dans sa perfection; c'est plutôt l'étape où le fleuve se fraye un passage calmement et cherche avec ténacité sa voie vers l'infini de la mer profonde. C'est une des formes moyennes du devenir de notre Institut. Le travail capitulaire n'est qu'un plan, une maquette. A vous, à nous tous, l'exécution. Le Chapitre achevé, nous ne sommes que ce que vous êtes : des participants. Nous avons tous à rendre vivant un beau projet, un idéal qui s'est profilé tout au long de ce Chapitre. Que sera la réalité qui va suivre ? Sans doute bien diverse. Je ne lais pas ici seulement allusion aux attitudes que l'on peut prévoir très variées, et qui se rencontreront à la réception des documents, ni aux jugements, variés eux aussi, par lesquels on les appréciera, mais surtout à la conduite qui va découler de ces attitudes et de ces jugements.

Autre est le Chapitre et autres les applications qu'on en fait, comme autres sont la liberté et l'amour qui viennent de Dieu ou naissent en Dieu (Dieu est liberté, Dieu est amour), et autres l'usage que nous, les hommes, faisons de notre pouvoir d'aimer et de notre liberté. Pour éviter les confusions, il faut bien nous rappeler ce qu'a voulu le Chapitre : la décentralisation, la coresponsabilité sont des moyens; des moyens en vue d'une rénovation et d'une adaptation pastorale, non pas d'un fléchissement.

Il est possible que, çà et là, on réalise peut-être seulement une caricature de ce qu'a voulu et voté l'Assemblée Capitulaire; ailleurs au contraire non seulement il y aura de la fidélité, mais l'élan de rénovation poussera à dépasser le Chapitre. Il faut s'attendre à trouver un peu de tout.

A plus ou moins grande échelle se rencontreront même des crises. Personne ne peut nier que le Concile ait été un fruit splendide de l'Esprit-Saint; et pourtant, après le Concile, nous le savons tous, des crises profondes et graves se sont produites dans le sein de l'Eglise. C'est une loi presque inévitable de la vie. Notre Chapitre, en dépit de sa grande valeur, ne sera pas au-dessus du Concile. Ne comptons donc pas faire l'économie de toutes les crises. S'il en arrive, qu'elles ne nous fassent pas perdre la tête. Que notre foi, notre optimisme et notre amour nous aident à les dominer sereinement.

Les documents particulièrement normatifs doivent êtres lus et commentés à la lumière de la partie doctrinale des « rapports ». C'est là que se trouvent la pensée vivante et les critères qui ont donné naissance aux normes, la vraie source d'inspiration et de ferveur.

Il faut donc éviter un double écueil : juger sévèrement un Chapitre qui a fait perdre à la loi en quantité et en précision, ou au contraire vouloir ne connaître et ne pratiquer que la nouvelle lettre de cette loi, sans référence à la synthèse doctrinale qui l'inspire et l'engendre. Ici plus que jamais, « la vérité nous rend libres » et « l'Esprit nous vivifie ». Si nous enlevons sa doctrine au travail du Chapitre, nous lui enlevons son âme et nous aboutissons à des lois sans vie.

Ma présentation de la bonne nouvelle capitulaire est terminée. Mais avant d'ajouter l'annexe sur les normes concrètes officielles pour la mise en marche des documents capitulaires, qu'il me soit permis, Mes Bien Chers Frères, de vous souhaiter à tous, de toute l'ardeur (le mon âme, un Avent plein de ferveur, suivi d'un saint et joyeux Noël. Je vous offre aussi mes vœux les plus sincères, afin que la nouvelle année qui approche soit pour tous très riche en fécondes réalisations capitulaires. 

F. BASILIO RUEDA, Sup. Gén.

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I – Annexe : Dates de mises en application du Chapitre.

 1. – A partir du 8 décembre, les autorités provinciales pourront prescrire la mise en marche des décisions capitulaires.

2. – Cette date qui est celle du niveau général, n'est pas nécessairement celle de chaque Province. Elle est seulement le point à partir duquel les autorités provinciales compétentes détermineront, au niveau de la Province, date, modalités et, s'il le faut, progressivité de cette mise en marche.

3. –  Dans les Provinces où le Frère Provincial est parvenu au terme de son mandat, on procédera à l'élection de son successeur, comme il a été prévu au Chapitre Général, et si la chose est possible, le Chapitre Provincial sera convoqué avant le mois de mars.

4. – Si l'élection du Frère Provincial doit avoir lieu, sans qu'il soit possible de réunir le Chapitre Provincial dans les limites indiquées ci-dessus, le nouveau Frère Provincial commencera ses fonctions avec l'ancien Conseil, et l'on procédera à l'élection du nouveau Conseil lors de la réunion du Chapitre Provincial.

5. – Là où le Chapitre Provincial peut avoir lieu, la date limite à ne pas dépasser sera le mois de septembre 1969.

6. – Il est hautement convenable, pour ne pas dire indispensable, qu'une connaissance adéquate des documents capitulaires précède le Chapitre Provincial. Celui-ci doit être, en effet, la prolongation, au niveau provincial et la concrétisation, toutes proportions et limites gardées, du Chapitre Général.

7. – Toutes les décisions capitulaires, contraires au droit commun, ne peuvent pas être mises en application immédiatement, faute d'avoir obtenu l'agrément du Saint Siège. Dix étaient demandées, sur lesquelles, cinq sont encore à l'étude et ne pourront être appliquées qu'un peu plus tard. En attendant, on se conformera, à leur sujet, aux anciennes Constitutions.

Ces décisions non accordées concernent :

–  la continuité du noviciat

–  l'autorisation d'absence du noviciat de 15 à 30 jours

–  la profession temporaire de 8 ans, avec une 9e année accordée par le Supérieur Général

–  la voix active et passive à accorder aux Frères ayant 5 ans de vœux temporaires, en vue d'être électeurs ou éligibles au Chapitre Provincial

–  l'extension au Supérieur Général et à son Conseil  de la faculté accordée au Supérieur des religions cléricales de renvoyer les profès temporaires.

Les cinq points accordés sont les suivants qui peuvent donc entrer tout de suite en application :

1) Le Conseil Général reçoit faculté de réunir les Provinces, qui par suite d'effectifs réduits en font la demande, ou de modifier la répartition de leurs maisons et de leurs sujets.

2) Le Conseil Général peut dispenser de l'obligation des « lettres testimoniales » quand une recherche diligente et insistante n'a pas permis de les obtenir.

3) Le Conseil Général peut élire maître des novices un profès perpétuel de 30 ans, qui possède les qualités religieuses et humaines nécessaires à cet emploi si délicat.

4) Le Conseil Général peut permettre l'émission des vœux temporaires hors de la maison de noviciat quand la chapelle est insuffisante pour le déroulement de la cérémonie.

5) Si les Frères demandent d'être parrains de baptême ou de confirmation, c'est au Supérieur Général qu'est laissée la faculté de régler chaque cas1

 

N.B. – La 5e partie de la circulaire terminera le volume XXIV que vous pourrez donc faire relier quand vous l'aurez reçue.

La présente circulaire sera imprimée au début de la circulaire suivante, dans le format normal, et elle fera partie du volume XXV.

 

(1) Depuis lors ces 5 facultés ont été aussi accordées et communication en a été faite dans un « document aux Provinciaux » :

DOCUMENT No 1 – A

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V.J.M.J.

Rome, le 15 janvier 1970

Les cinq demandes qui étaient à l'étude nous ont été accordées depuis.

1 – La continuité du noviciat. (Renovationis Causam, No 24)

2 – L'autorisation d'absence du noviciat de 15 à 30 jours. (R.C., No 22)

3 – La profession temporaire de 8 ans, avec une 9e année accordée par le Supérieur Général et son Conseil. (R.C., No. 37)

4 – La voix active et passive à accorder aux Frères ayant 5 ans de vœux temporaires, en vue d'être électeurs et éligibles au Chapitre Provincial. (Texte : Directoire, No 192; Indult, le 10 mars 1969)

5 – La faculté au Supérieur Général et à son Conseil d'accorder la dispense de vœux aux profès temporaires qui en font la demande. (Décret de la Sacrée Congrégation pour les Religieux, le 27 novembre 1969)

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