Circulaires 389

Basilio Rueda

1980-11-21

CHAPITRE COMPLEMENTAIRE
Le projet de vie communautaire - Année 4

Préambule: Vie communautaire et projet de vie communautaire
Introduction
I. Quelques résultats expérimentés
A. L'expérience des limites du projet de vie communautaire
B. L'expérience de son utilité
C. Un fruit intrinsèque
D. Une série d'enseignements
1. Il faut prendre du temps
2. Tenir compte des rythmes et des limites
3. Redécouvrir la valeur de ce qui est ancien
II.Découverte ou confirmation de réalités prévisibles et prévues
A. Le projet doit être voulu
B. Importance du lieu physique et du lieu psychologique
C. Importance de l'oraison et de la conversion « caritative »
D. La question des personnes problématisées
a) De bonne volonté
b) Névrotiques
c) Personnalités trop riches
E. L'aide d'une personne extérieure à la communauté
F. Loyauté et ouverture
G. Niveau de départ et d'arrivée
III. Pluralisme des conceptions du projet de vie Communautaire .
A. Les raisons
a) Ce qui est social et complexe
b) Le 17ième Chapitre n'a pas voulu imposer un schéma
B. Quelques formes possibles du projet de vie communautaire
a) Elaboration d'un coutumier et d'un horaire
b) Révision de valeurs et d'objectifs
c) Affirmation d'une priorité
d) Planification communautaire
e) Mise en application des constitutions
 

IV. Cinq grands types de projets

A. 1ièresituation

a) Exposé du problème. Deux possibilités

1) Communauté sans vraie collaboration

2) Communauté décidée à collaborer          

1. par la CO-RESPONSABILITE

2. et la PASTORALE FRATERNELLE

b) La méthode pour le résoudre

1) Intersubjectivité

2) Animation « charitable »

3) Discernement         

c) Quelques mises au point 1. 2. 3.  

B. 2ème situation

a) Projet: donner des objectifs à la communauté

b) Méthodes

C. 3ème situation

a) Projet: planification provinciale et locale

b) La réalité provinciale

1) Dans les provinces en régression

2) Dans les provinces organisées

c) Méthodes

1. Questions

2. Planifications techniques

3. Remarques

D. 4ème situation

a) Projet: recherche d'équilibre

b) 4 éléments essentiels

c) Causes de la rupture d'équilibre

d) Méthode

E. 5ème situation

b) Mise en marche trop lente

c) Rendre compte au Saint-Siège

d) Trois catégories de religieux

1. Ceux axés sur le passé mariste

2. Ceux qui veulent un renouveau non mariste

3. Ceux qui veulent un renouveau mariste

V. Quelques suggestions

A) Comment chaque communauté doit-elle choisir?         

B) Une méthode pour le 5ème projet            

Conclusion

 Annexes

I. Synthèse de l'enseignement du Seigneur sur la charité

II. Frère Pedro Finkler: Une alternative pour le « P.V.C. »

III. Frère Joaquim Panini: Le projet communautaire comme pratique de la fidélité         

IV. Questionnaire.

389

V .J .M .J.

PROJET COMMUNAUTAIRE

CHAPITRE COMPLEMENTAIRE

LE PROJET DE VIE COMMUNAUTAIRE : ANNEE 4

 PREAMBULE :

Vie communautaire et projet de vie communautaire

On demande parfois : Quelle différence y a-t-il entre vie communautaire et projet de vie communautaire ? Je l'explique par une comparaison. Dans les Grands Exercices de Saint Ignace on cherche à conduire le retraitant à la réalisation de sa vie chrétienne. La vie chrétienne c'est tout simplement une mise en pratique de l'Evangile. Mais pour réaliser cette mise en pratique, on fait appel à un plan de vie et à des résolutions.

Le plan de vie est un travail subjectif : Le retraitant essaie de bien se situer face à un idéal qu'il est arrivé à cadrer assez rigoureusement au cours de 4 semaines de réflexion, de consultations et de prière.

Cet idéal il devra ensuite le réaliser par des efforts progressifs, s'il veut vraiment développer en lui-même une vie chrétienne authentique. D'où les résolutions. La relation entre plan de vie chrétienne et exercice de vie chrétienne est du même ordre que la relation entre projet de vie communautaire et exercice de vie communautaire.

La vie communautaire est une marche. Le projet de vie communautaire est un ensemble de moyens que se propose le groupe des marcheurs. Ceux-ci prévoient les divers aspects de leur marche : l'alimentation, par la prière, la convivialité, par les efforts de charité, l'accueil pour insérer d'autres marcheurs éventuels, l'apostolat, car cette marche n'est pas du tourisme, mais un moyen de porter la bonne nouvelle en commun.

Dans le plan de vie chrétienne des Exercices de St Ignace, il y a aussi la place des résolutions. Le plan est pour des années; les résolutions sont un effort plus limité et plus concret. Il faut nécessairement les retoucher, ne serait-ce que pour tenir compte du passage de l'adolescence à la jeunesse, de la jeunesse à l'âge adulte.

Dans le projet de vie communautaire, certaines communautés vont tendre vers le niveau résolutions, si leur projet est surtout un choix de points concrets à réaliser en communauté; ou vers le niveau plan de vie, si leur projet est surtout une vue générale de ce qu'ils veulent essayer de réaliser en commun.

INTRODUCTION

Avant 1976, telle ou telle communauté avait déjà fait des essais de projets de vie communautaire. Mais la nouveauté du 17ième Chapitre allait être l'institutionnalisation de ce projet. Une décision était prise, et qui devenait normative pour toutes les communautés. Ce n'était plus au choix. Un texte capitulaire nous disait formellement :

« Face à une situation concrète : la personnalité des Frères réunis en communauté, l'implantation de celle-ci, l'engagement apostolique du groupe ou de ses divers membres…, les Frères au lieu de s'en tenir à un train de vie religieuse reçu une fois pour toutes, reprennent conscience ensemble, soit avant de commencer à vivre en communauté, soit pour approfondir une vie de communauté déjà commencée, des valeurs contenues dans les Constitutions et les priorités de la Province, et expriment par écrit les objectifs concrets qu'ils veulent poursuivre. Cela constitue le premier élément du projet de vie communautaire. Le second élément précise le choix des moyens adaptés ». (Textes du 17ième Chapitre Général, p. 109).

Il ne s'agit donc pas d'une idée de Frère Basilio Rueda. Je n'étais pour rien dans la décision du Chapitre à ce sujet, quand j'ai vu que le Chapitre Général l'avait votée. Je me suis simplement mis alors à étudier cette question pour aider les Provinces que j'allais visiter.

Il y avait eu création d'une structure, institutionnalisation du projet de vie communautaire. Un véhicule était mis à la disposition des Frères Maristes. Il fallait s’en servir.

Très vite d'ailleurs j'ai constaté que les Frères acceptaient volontiers la doctrine, mais que, au moment de mettre en marche, l'embrayage patinait et on n'avançait pas.

Dans telle Province où j'étais à ce moment-là, j'ai dû laisser la théorie et me contenter de passer de communauté en communauté, consacrant des heures à faire quelques petits exercices pour qu'on puisse au moins sentir un peu qu'on avançait.

Oh ! des techniques, il y en avait, et plusieurs Conseillers Généraux avaient pratiqué l'une ou l'autre. Et moi-même, j'expliquais à ma manière comment faire un projet communautaire, et les Frères trouvaient même que c'était facile, plus facile qu’ils auraient imaginé. Seulement les résultats étaient plutôt médiocres.

Il a donc bien fallu se poser la question au sein du Conseil Général : avec laquelle de ces méthodes allons-nous arriver quelque part ? Voici en tout cas, quelques leçons que nous avons tirées de ces trois ans d’expérience.

I. QUELQUES RESULTATS EXPERIMENTES

A. L'expérience des limites du projet de vie communautaire.

La première expérience à faire c’est peut-être que le projet de vie communautaire n'est pas la panacée. C'est seulement un moyen parmi d'autres pour arriver à quelques résultats. Dès le début, les Conseillers et moi-même nous avons insisté sur la non-mythification. Je vous l'ai dit pour tant d'autres choses : prière participée, rénovation charismatique, réchauffement de la vie communautaire : ne mythifions rien; tout cela est bon ; cherchons les meilleures voies pour en tirer le meilleur profit, mais ne créons pas des attentes irréalisables, sinon nous préparons des lendemains qui… déchantent.

B. L'expérience de son utilité.

Mais ce n’est pas parce qu'on refuse de rechercher le remède-miracle qu'on renonce à tout remède. Le projet s'est avéré bien utile là où on a fait ce qu'il fallait pour qu'il agisse, et où l'on a pensé sagement aussi qu'il fallait compter avec des facteurs comme le temps, la progression, l'habitude, la maturation.

C. Un fruit intrinsèque.

Plus encore, il faut dire qu'avant la période des fruits, le projet porte déjà un fruit qui est l'effort collectif accompli (cf. Circulaire : Projet communautaire p. 59).

Dans un mariage infécond, la stérilité n'est que relative s'il y a un vrai amour. L'enfant n'est pas venu, mais l'époux et l'épouse sont nés à une vie nouvelle, en s'arrachant chacun à son égoïsme pour accepter l'autre.

De même dans une communauté, quand j'aime les autres d'un amour de charité, je développe en moi une puissance de bienveillance. A la limite il peut se faire que l'autre refuse mon amour, donc que cet amour ne fasse pas de bien à lui, mais il m'en fait à moi ; je suis le premier bénéficiaire de mon amour d'autrui.

De même encore pour le projet communautaire, on a recherché ensemble, on n'a peut-être pas trouvé grand-chose de bien notoire à faire, mais on s'est ouvert aux autres; on a essayé chacun de prendre en charge la vie du groupe, de s'ouvrir aux idées des autres, de manifester des sentiments d'amitié, etc. … Cela n'est pas si facile, cola oblige à se purifier, à s'adapter, à redimensionner ses jugements. A vrai dire ce n'est pas cela que l'on cherchait, cela précède le résultat entrevu, mais ce sont des fruits authentiques.

D. Une série d'enseignements.

Et puis les recherches de ces trois ans nous ont fait prendre conscience d'un nombre de vérités qui n'étaient pas évidentes au départ.

1 – Il faut prendre du temps.

Il y a le temps du calendrier et de la montre, mais aussi le temps psychologique, le temps artistique, le temps social, le temps ecclésial, le temps de la grâce. Et il y a aussi un temps communautaire, très variable d'une communauté à l'autre.

2 – Tenir compte des rythmes et des limites.

A vouloir forcer le rythme, il arrive qu'on régresse, qu'on bloque quelqu'un, qu'on compromettre une année.

Dans une construction, on est bien obligé de tout savoir sur les matériaux, par exemple d'avoir un bon technicien du béton armé qui puisse calculer les résistances. Dans le matériau humain «on ne conduit pas facilement quelqu’un au-delà de ses propres lumières ». Il faut le savoir.

3 – Redécouvrir la valeur de ce qui est ancien.

L'histoire actuelle nous montre assez ce que signifie la valeur-or. Tout ce qui est ancien n'est pas valable par le seul fait d'être ancien ; il y a de l'ancien qui est seulement routinier et à juste titre démodé. Mais si des centaines de musiciens des siècles passés sont disparus sans laisser de traces, Mozart et Bach sont immortels. Ainsi en est-il des grands classiques.

Pour notre congrégation un homme aussi simple et modeste que Frère Stanislas reste un classique de la vie communautaire, parce qu'il a su apporter amour, attention, fidélité au Fondateur, et ainsi sa part dans la fondation de l'Institut a été considérable.

II. DECOUVERTE OU CONFIRMATION DE REALITES PREVISIBLES ET PREVUES

Les recherches de ces trois années ont aussi révélé ou confirmé quelques vérités.

A. Le projet doit être voulu.

Pour faire un bon projet de vie communautaire il faut être convaincu de son utilité. Si cette conviction n’existe pas, il faut au moins que, par obéissance (puisqu'il y a eu décision capitulaire) on veuille en faire très loyalement l’essai.

Si la communauté (je ne parle pas de tel ou tel de ses membres) n'a aucune volonté de s'y mettre, il y a tout lieu de croire qu'on ira à l'échec et que les meilleurs experts n'y pourront rien. Les meilleurs cuisiniers ne peuvent pas donner l'appétit à certains malades trop gravement atteints ou qui doivent d'abord recevoir un traitement revitalisant.

Donc dans un cas de ce genre, une conscientisation et une préparation de la communauté semblent un préalable nécessaire. Si, ensuite, il reste encore quelque membre de la communauté qui fait résistance à la volonté communautaire d'aboutir à un projet, il faut, après dialogue, envisager deux solutions :

– ou bien on réalise le projet par un accord majoritaire de la communauté, puisque celle-ci ne peut compter sur le consensus;

 – ou bien si la communauté est trop bloquée à l'égard des contestataires de son projet, on peut envisager pour ceux-ci un changement de communauté, car il peut exister une autre communauté plus dynamique, capable non seulement d'assimiler tant bien que mal un ou deux sujets problématiques, mais même de trouver dans leur présence un stimulant à sa charité. Il sera toujours difficile de dire comment doit être dosé l'équilibre entre d'une part accueil et charité, et, d'autre part, dépassement de l'obstacle que créent les sujets problématiques[1]

B. Importance du lieu physique et du lieu psychologique.

La préparation du projet ne doit pas se faire dans la maison où l'on est habituellement. Il faut un lieu physiquement favorable et psychologiquement adéquat, et qui assure une suffisante continuité. Si, après une réunion, on peut aller dans son bureau ou sa chambre pour y retrouver ses livres, ses occupations habituelles, cela veut dire qu'on n'a pas trouvé la continuité suffisante de temps. S'il y a des difficultés entre 2 membres, ce ne sera pas du tout mal qu'un petit drame éclate, mais ce sera mal s'il ne peut pas se résoudre, faute d'avoir trouvé le temps (cf. Projet communautaire p. 52).

C. Importance de l'oraison et de la conversion « caritative ».

Si l'on veut qu'un projet de vie communautaire ait de la solidité et de la qualité spirituelle, il n'est pas du tout indifférent que la communauté soit formée d'hommes d'oraison ou au contraire de gens superficiels et sans vie intérieure. C'est pour cela que la préparation par une bonne retraite peut être importante. Ce n'est pas à dire qu'il faudra ensuite manquer de réalisme sous prétexte de ferveur, et former des programmes irréalisables. Mais vraiment, sans esprit d'oraison, on pourra faire un projet de bonne camaraderie constructive, mais cette construction ne reposera pas sur le roc.

En particulier, l'esprit d'oraison doit amener à une conversion dans l'ordre de l'amour qui me fasse aimer profondément mes Frères, tous mes Frères. Et il est bon de commencer par une célébration pénitentielle dans ce même sens, où, après l'écoute de la parole de Dieu, chacun s'examine sur le seul point de la charité et se confesse sur ce seul point.

D. La question des personnes problématisées .

Je reviens encore sur le cas des religieux qui « font problème » et auxquels j'ai fait allusion ci-dessus et aussi dans la première partie (circulaire : Projet communautaire p. 68 etc.).

Je précise 3 cas.

a) hommes de bonne volonté.

Si leur groupe est peu nombreux et s'ils veulent faire quelques efforts, il est possible qu'ils soient source de dépassement pour les autres.

b) névrotiques.

Mais on peut avoir affaire à un vrai névrotique qui n'a pas la possibilité de se reconnaître tel et ne peut pas évoluer. Ses exigences, son mécontentement risquent de bloquer toute vie communautaire.

En un temps où l'on ne connaissait pas grand-chose de scientifique sur les questions de personnalités, nos « Avis, Leçons, Sentences » semblent un peu nous renvoyer à un cas de ce genre, en citant S. Bernard : « Si votre communauté n'a que de saints religieux, tous à bon caractère, il faut en acheter un méchant, à caractère difficile, dur, hargneux, contrariant, afin de fournir à tous vos Frères et à vous-mêmes l'occasion de vous former à la douceur, à la patience, à la charité et à toutes les belles vertus sociales ». (P. 307).

Plus d'une communauté aura peut-être la tentation (facile) de dire que cet achat lui est superflu parce qu'elle a déjà ce qu'il lui faut ! C'est pourtant une question à étudier de plus près, car si le support fraternel est une valeur, la vie communautaire en est une aussi. Un membre problématisé n'est pas à exclure du mystère de la charité communautaire, mais si on l'intègre, ce doit être au titre de la charité communautaire. Il arrive là comme un défi lancé à notre sens du dépassement; pas comme une excuse à la capitulation de la communauté. Celle-ci doit continuer sa marche en dépit du caprice plus ou moins impérieux de l'un de ses membres.

Ce qu'il faut surtout retenir de l'humour de saint Bernard, c'est que ce grand connaisseur de la vie spirituelle n'aurait sûrement pas été favorable à ces communautés de cooptation où l'on veut être entre purs. Bien sûr, si tous les marcheurs sont pleins de dynamisme prêts à toute fatigue, on peut envisager même l'ascension de l'Everest, mais bienheureuse la communauté qui n'escaladera qu'une taupinière en donnant à ses marcheurs sains ou handicapés l'impression d'avoir fait ensemble une étape vers la cohérence.

c) personnalités trop riches.

A côté de ce cas quand même rarissime, il y a celui, plus fréquent des personnalités trop riches et à peu près incapables de se soumettre à un cheminement en commun, parce qu'elles n'acceptent pas le rythme, le genre de générosité et de créativité de la communauté. Les éliminer trop vite risque d'être un appauvrissement et de maintenir la communauté à un certain niveau de médiocrité qui sera aussi un appauvrissement pour l'Eglise.

Il faut donc voir si ces personnalités trop riches peuvent accepter d'admettre le principe que le service du royaume doit se faire en communauté, avec la communauté, au nom de la communauté, et que la mission d'une communauté s'accomplit aussi avec l'aide d'une grâce communautaire. Si ces religieux acceptent ce principe, il faut les intégrer. Avec leurs frères, il faudra qu'ils comprennent que le projet communautaire est fait pour la rénovation de l'ensemble de la communauté, et non pour tel individu isolé.

E. L'aide d'une personne extérieure à la communauté.

Si donc la communauté a vraiment la volonté de faire un projet communautaire, si elle se met par la prière en état de conversion « caritative , s'il n'y a pas en son sein des éléments qui la perturbent au-delà de ses possibilités de support mutuel, eh bien qu'elle s'en aille « au désert »…

C’est-à-dire dans une maison en dehors de chez elle, où elle puisse trouver le calme et que là, elle accepte d'être guidée par quelqu'un venu d'ailleurs.

Oh ! il n'y a pas besoin que ce quelqu'un soit bardé de diplômes en psychologie et relations humaines, mais qu'il ait des aptitudes pour construire une communauté, et pas trop de principes abstraits, car dans certains cas il faudra se contenter de tellement peu, dans une première phase, que cela pourrait paraître une perte de temps à qui n'aurait pas l'expérience d'une communauté réelle.

Faut-il que ce quelqu'un ait une grande autorité morale ? Bien sûr, c’est une qualité qui n'est pas négligeable, mais le plus important est peut-être d'abord qu'il soit bien accepté par la communauté, et cela pourra venir de son rayonnement de sympathie plus que de son autorité morale.

Il n'est pas indispensable qu'il appartienne à la congrégation, mais il faut quand même qu'il ait une bonne idée de notre genre de vie religieuse et de notre formation. Par exemple quelqu'un qui serait très épris de la vie monacale et voudrait s'en inspirer pour nous aider à faire un projet de vie communautaire, ne serait sûrement pas un très bon choix.

Le groupe va donc trouver dans cette personne prise en dehors de lui un coordinateur du projet de vie communautaire, et le respecter comme tel.

F. Loyauté et ouverture.

Reste à jouer cartes sur table. Moins on sera chaotiers (sic), et plus grandes seront les possibilités de succès du projet. Evidemment il est toujours vrai que toute vérité n'est pas bonne à dire, et l'ouverture aux autres ne doit pas faire fi du bon sens et de la délicatesse. Mais quand même, il faut arriver à une suffisante transparence. Et, si, par hasard, on manquait de franchise dans les réunions plénières, pour se rattraper en petits « conventicules », ce ne serait pas le moyen d'obtenir un bon résultat.

G. Niveau de départ et d'arrivée.

Maintenant qu'on se lamente si l'on veut, d'être dans une communauté peu sensible au projet et peu disponible, mais, de toute façon, si je suis dans une telle communauté, il faut la prendre comme elle est. Ce qui compte, c'est la progression, c'est qu'on puisse à divers moments ultérieurs évaluer ce qu'on a fait et envisager une nouvelle progression.

III. PLURALISME DES CONCEPTIONS DU PROJET DE VIE COMMUNAUTAIRE

A. Les raisons.

Très vite, pendant ces 3 années, s'est manifesté tout un pluralisme de conceptions du projet de vie communautaire. J'y vois deux raisons bien simples :

a) Ce qui est social et complexe.

Même si on laisse de côté les philosophies très diverses de la vie communautaire, il faut dire que, pour les moins intellectuels, comme pour les autres, la psychologie des groupes est encore plus complexe que celle des individus.

b) Le 17ième Chapitre n'a pas voulu imposer un schéma.

Notre 17ième Chapitre Général n'a imposé aucun schéma. Il a rendu normatif le projet de vie communautaire, mais il a laissé libre d'en choisir la forme. Il s'est contenté de donner quelques exemples, parmi d'autres possibles, pour des communautés qui n'auraient eu aucune idée de cette réalité nouvelle.

B. Quelques formes possibles du projet de vie communautaire.

Je vous rappelle ces exemples de projets de vie communautaire énoncés par nos documents :

a) Elaboration d'un coutumier et d'un horaire.

Çà et là il y a des communautés qui ont interprété leur projet de vie communautaire comme l'élaboration d'un ordre détaillé, d'un repérage normatif au moyen d'un horaire et d'un coutumier qu'elles s'imposent. C'est possible, mais pas toujours désirable et pour deux raisons :

1 – D'une part, certains peuvent avoir l'impression que ce coutumier, cet horaire (même s'ils sont très sobre et très bien faits) ne sont pas normatifs mais optionnels. Avant, le coutumier existait et s'imposait. Maintenant, à cause d'une idée fausse du mot projet on a parfois l'impression que toute exigence de réalisme social est disparue : plus besoin d'horaire, plus besoin de coutumier normatif !

Où peut conduire une telle absence de rigueur ? Elle existe surtout dans les communautés qui n'ont pas de maturité. Les Constitutions, il est vrai, tracent un programme assez général. Mais les Normes d'application sont, elles, au contraire, beaucoup plus précises et c'est leur adaptation locale ou provinciale qui s'exprime dans un coutumier et un horaire.

2 – Les Constitutions et le Coutumier sont avant le projet; ils inspirent et organisent la vie générale avant le projet. Le projet peut établir des modifications au coutumier pour améliorer le «hic et nunc » de la communauté, mais à condition que ces modifications soient saines et légitimes, car le coutumier est normatif.

Tout cela pour dire que, sauf exception, il n’est pas souhaitable de confondre coutumier et projet, élaboration d'un ordre communautaire détaillé et orientation de vie communautaire. Mais certaines communautés ont fait un coutumier et rien que cela. Je le retiens donc (avec ces limitations, avantages et inconvénients) comme une forme possible de projet.

b) – Révision de valeurs et d'objectifs.

Le projet peut consister en une révision des valeurs et des objectifs qui nous dirigent, car l'habitude et la routine ont tôt fait de fausser une direction qui ne serait plus soumise à une vérification et à un contrôle réguliers.

c) – Affirmation d'une priorité.

Telle autre communauté sent le besoin de souligner une priorité qui s'estompe et faute de laquelle son témoignage ne passe plus.

d) – Planification communautaire.

Tl peut y avoir une planification communautaire qui englobe tous les aspects de la vie communautaire, ou au moins beaucoup, et qui établit moyens, méthodes, responsables, systèmes d'évaluation, attributions des subsides, etc. … pour ses divers programmes sectoriels dans le but d'aboutir à des objectifs précis et aussi à des résultats globaux dans un délai de temps plus ou moins déterminé.

e) – Mise en application des constitutions.

Enfin on peut se proposer tout simplement une mise en application des Constitutions. On prend celles-ci comme instrument pour acquérir l'esprit de l'Institut, s'en éprendre et vouloir à tout prix en vivre.

Dans ce dernier cas le projet viserait, tout en s'efforçant de faire vivre intégralement les Constitutions, à privilégier, par un effort commun et concerté, certaines accentuations, certains pôles d'attraction. Les uns vont plus vers la créativité, les autres plus vers l'observance. Les uns pensent à la vie à l'intérieur de la communauté; les autres, à la vérité du témoignage de celle-ci ou de sa vie apostolique.

Les uns sont polarisés par les relations horizontales : la convivialité; les autres, par la vie d'oraison des Frères. Les uns pensent à des objectifs concrets qui permettent de se dire : on sent qu'on a fait quelque chose; les autres, à ces transformations subjectives qui ne sont guère apparentes, à ces conversions qui donneront des fruits plus visibles seulement en un deuxième moment.

Une conclusion s'impose, dans chacun de ces projets, c'est qu'il ne faut pas oublier leurs trois éléments de base : la personne, la communauté, la mission. Tout ceci, bien entendu, à l'intérieur du plan de Dieu et de notre vocation particulière.

Comme le Christ lui-même, la communauté n'est pas pour elle-même, mais pour le salut de ses membres et des autres personnes que le Seigneur lui fait rencontrer.


[1]Au nom de la tolérance et de la charité fraternelle, faut-il renoncer à un dynamisme communautaire, non pas d'élite, mais d'hommes de bonne volonté ? NON.

Il faut savoir maintenir une option décidée pour le bien communautaire, alors même que cela brise quelqu'un indirecte. ment et involontairement, mais réellement.

Ce point difficile doit être résolu en faisant appel au ministère (service) de l'autorité, car cette dernière n'est pas un ornement; elle est là pour discerner les situations à la lumière de l'Esprit-Saint, avec la prudence et le tact voulus, mais en vue d'options lucides et courageuses. Ce courage peut entraîner une fois ou l'autre le « déboulonnement » d'un confrère qui, par exemple, a pris l'habitude de se réfugier dans des attitudes de pression sur la communauté, et qui paralyse ainsi injustement l'idéal et le dynamisme de ses confrères.

L'homme qu'on va bloquer est sans doute une personne et, en tant que tel, a droit au respect, mais la communauté est un ensemble de personnes qui, elles, ont droit aussi que l'on reconnaisse le sérieux qu'elles ont mis à chercher et trouver la réponse du Seigneur.

 

IV. CINQ GRANDS TYPES DE PROJETS

En principe je savais bien que, non seulement plusieurs formes de projets communautaires étaient possibles, suivant les goûts et les choix, mais que cette pluralité devenait bonne, voire nécessaire, pour faire face aux besoins réels des communautés.

Cependant j'ai eu comme une sorte d'intuition pratique et, dans ma circulaire : Projet communautaire, j'ai proposé une méthodologie détaillée pour un seul type de projet. L'expérience devait montrer que c'était sage, car cela donnait à la fois une précision et une unification bien nécessaires pour éduquer des communautés à réaliser un but jusqu'ici jamais recherché.

Oui, c'était bien le moyen de leur apprendre à faire un projet communautaire, de le mettre en application par un effort communautaire systématique et d'en faire l'évaluation.

Mais nous ne sommes plus au début. Trois années se sont écoulées, pendant lesquelles bien des fruits ont pu être récoltés. On peut dire maintenant que ce projet concret et sa méthode, s'ils restent valides, ne sont pas toujours les meilleurs pour toutes les communautés et que, çà et là, on tirerait un meilleur profit d'un projet différent et d'une méthode différente. Le projet proposé ne doit plus rester l'unique.

Compte tenu de ce que nous a appris la vie, je peux présenter — et je ne prétends pas être exhaustif — 5 grandes situations communautaires qui suscitent 5 types de projets.

A. 1ièresituation

a) Exposé du problème.

A partir du moment où un groupe d'hommes se mettent à vivre ensemble on peut distinguer 3 éléments susceptibles de les lier entre eux : l'union des cœurs, les structures, les actions de leur communauté : ces dernières étant surtout le service et l'apostolat.

Or il arrive fréquemment qu'une communauté passe tout de suite aux actions (ou aux oeuvres si vous préférez) soit avec des vues pluralistes, soit en accord communautaire. On s'organise, on se polarise autour de certaines structures, c’est-à-dire on se donne une ligne d'action et des moyens, mais il peut très bien se faire que cela ne crée pas la communauté.

Or si, par exemple, les membres d'une communauté ne parviennent ni à s'accepter ni à s'aimer, quel sens aura une discussion autour des structures de la prière ? Va-t-on se demander s'il faut les rendre plus libres on plus fixes ? Une telle discussion sera du pur bavardage, même selon la ligne la plus classique de la doctrine chrétienne et de la tradition la plus communément reçue.

Nous sommes là face à une première situation que nous pouvons subdiviser en deux possibilités :

1) Communauté sans vraie collaboration.

Une communauté en est au point qu'elle ne peut pas se donner des objectifs d'action, tout simplement parce que, dans le fond du cœur de ses membres il n'y a pas de volonté de collaboration. Elle n'est pas encore communauté, mais seulement groupe. Des hommes ont été mis ensemble par les Supérieurs, mais ils n'ont encore rien ajouté à cela, sinon peut-être des conflits émanant de leur individualisme, des rejets provoqués par leur émotivité, des discussions dérivées de leurs intérêts personnels, une vision des choses suscitée par leur caractère.

Tant qu'il n'y a que des éléments de ce genre, il n'est pas possible de penser à faire un projet de vie communautaire de genre proposé par la circulaire Projet communautaire » : ce serait du pur formalisme, sans rien de vécu ni de vivant.

2) Communauté décidée à collaborer.

Lorsque, au contraire, une communauté est déjà décidée à collaborer, déjà capable de se donner des objectifs à réaliser ensemble, je commence à la mettre dans la liste de celles qui feront un projet, et je l'appelle, si vous voulez, Communauté A. Examinons sa situation.

Elle s'est mise à l’œuvre. Je vais lui supposer quelques objectifs concrets, mais la supposer quand même encore très limitée dans sa vie de communion. En d'autres termes, elle ne se différencie de la précédente que par la volonté de ses membres de tirer la charrette dans le même sens.

Ses objectifs sont par exemple de devenir le catalyseur d'une communauté éducative autour d'elle; ou bien, encore, de refaire l'unité d'une Province qui tend vers une situation féodale (le collège remplaçant le château-fort de jadis), etc. … En somme, je la suppose débordante de dynamisme : elle, ou plutôt ils, car cet idéal n'est encore que celui de quelques-uns, pas de l'ensemble. Ces quelques-uns, les autres les écoutent passivement. Il y a les tout à fait passifs et les hésitants, mais en tout cas le bloc communautaire ne bouge pas encore vraiment.

Cette communauté à bien des chances de n'être pas encore communauté, ou de ne l'être que canoniquement, comme nous l'avons vu pour la précédente. Elle en est peut-être à un niveau d'obéissance matérielle, avec coexistence et même bonne tolérance mutuelle. Les espaces sont déterminés pour l'action de chacun, mais il n'y a pas d'autre coordination communautaire que celle d'un règlement minimal (heures et lieux des repas, emplacement des chambres).

Cette organisation est bonne, voire indispensable. Mais si la communauté se limite à cela, il n'est pas possible d'y reconnaître la communauté engendrée par la parole de Dieu et qui incarne l'idéal évangélique et mariste.

Dans ce cas, à quoi bon se donner des objectifs communautaires tant que l'on n’est pas communauté ? « Operatio sequitur esse » : il faut d'abord être avant d'agir; que l'on soit d'abord communauté et ensuite on pourra agir communautaire-ment.

Se donner des objectifs avant d'être communauté pourrait, au mieux, servir d'alibi pour fuir le draine réel : une vie ensemble sans vraie communion.

Supposons qu'on enlève à la Communauté « A » son règlement, sa structure externe, certains éléments qui lui ont été donnés par une tradition antérieure à elle, par des personnes qui n'ont jamais fait partie d'elle, ou en tout cas n'en font plus partie, et que maintenant on lui dise : « Organisez-vous, vous mêmes ». Elle va peut être s'avérer incapable de le faire. Pourquoi ? Parce que son unité venait trop du dehors. Il n'y avait pas vraie harmonisation, ni vraie intériorisation des éléments et des valeurs qui la faisaient vivre. Ces valeurs pouvaient bien être religieuses et très conformes au charisme de la fondation, donc très typiques de cette communauté; elles n'étaient pas intériorisées, aimées, elle, étaient seulement acceptées, avec ou sans peine, mais sous le biais purement normatif.

Si donc la communauté « A » se trouve dans cette situation, son projet communautaire doit être orienté à faire éclater cette situation (au bon sens du terme) et à engager ses membre AVANT TOUT à construire une vraie communauté humaine, évangélique, mariste.

Il ne s'agit pas de viser à une communauté sans tensions, sans difficultés. Non, mais à une communauté dans laquelle puisse exister une volonté permanente d'agir dans l'unité, l'amour, la coordination, la collaboration. En effet, être communauté évangélique signifie : – vivre ensemble la charité fraternelle voulue par le Seigneur Jésus et qui a deux aspects : on vit ensemble pour s'aimer, et, si on vit ensemble, c'est qu'on y a été convoqué.

Le Seigneur Jésus a dit : « Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés ». Par la vie ensemble dans l'amour on donne à ces paroles une chaire sociale et structurelle qui s'appelle communauté. Par ailleurs, dans la vie religieuse, cette communauté est produite par une convocation. En effet, la vocation de chacun des membres est une réalité solide et chacun, en vivant sa VOCATION, se trouve CONVOQUE à vivre avec d'autres qui ont cette même vocation. Il ne peut donc pas s'agir de n'importe quelle vie ensemble, mais d'une vie ensemble dans le Seigneur, pour le Seigneur, par le Seigneur, avec le Seigneur, selon la grâce d'un appel particulier que chacun a reçu.

Etre communauté signifie aussi non pas chercher la volonté du Seigneur chacun pour soi, même en acceptant la médiation du Supérieur — cela c'est le minimum indispensable, intouchable —mais la chercher ensemble, les uns pour les autres si possible, mais au moins tous pour la communauté.

Cela signifie deux choses :

1 – CO-RESPONSABILITE communautaire

dans un exercice actif de recherche de discernement, d'acceptation et de réalisation de la sainte volonté du Seigneur. Il ne s'agit pas seulement de définir un cadre général (comme celui des Constitutions ou de quelques principes doctrinaux) à l'intérieur duquel va se trouver une volonté de Dieu à l'état un peu abstrait, mais d'aller jusqu'à la très concrète et très quotidienne lecture des appels du Seigneur dans cette situation qui est la mienne maintenant où j'ai une décision à prendre.

2 – PASTORALE FRATERNELLE

qui me fait prendre soin de mes Frères autant que j'accepte qu'ils prennent soin de moi. Je trouve très belle l'expression : être pasteur de ses Frères, être pasteurs les uns des autres ». Oui dans le sens du chapitre 10 de S. Jean, toutes proportions gardées avec le Christ Bon Pasteur. Il peut y avoir hélas ! de vrais mercenaires vivant en communauté et restant indifférents à la non-existence, à la non-création de la communauté ou à sa régression. Peut-être certains Frères vont-ils trouver que je m'attarde trop sur ce point jusqu'à en être fatigant. Mais c'est le point capital auquel le chrétien ne peut jamais se dérober, et encore moins la communauté chrétienne : aimer son prochain comme le Christ l'a aimé et faire l'unité à l'intérieur de l'Eglise et à l'intérieur de la vocation religieuse.

Donc, encore une fois, supposons la communauté « A » dans cet état où il n'y a pas une vraie vie ensemble, où on ne s'accepte pas, où on est intolérant les uns à l'égard des autres – je ne parle pas de sautes d'humeur mais d'une non-acceptation fondamentale – ou bien encore dans cet état où l'on ne se connaît pas, où l'on est indifférents les uns pour les autres, où l'on ne s'aime pas, où l'union n'est faite que de liens accidentels et extérieurs.

Si je regarde le tissu de cette vie communautaire, quels en sont les fils ? Les efforts, les échecs, les reprises, les pardons, la joie d'hommes réels et différents qui essaient de s'aimer ? C'est ce qu'on attendrait. Eh bien non, dans cette vie communautaire, il n'y a presque rien de tout cela.

Alors, c'est clair : que cette communauté ne cherche pas d'autre objectif que celui de devenir communauté, de grandir communautairement dans l'amour mutuel, dans la foi, dans l'obéissance au Seigneur.

Etre communauté religieuse ce n'est pas être pauvres, mais être pauvres communautairement; ce n'est pas être chastes, mais se soutenir et grandir communautairement dans un amour totalement remis au Seigneur; ce n'est pas être obéissants au Seigneur seul à seul, mais dans une recherche communautaire de sa volonté; ce n'est pas apporter aux hommes et à l'Eglise une aide individuelle mais communautaire.

Il y a 10-15 ans, un courant a cherché à introduire le vœu de communauté. Ce courant n'a guère rencontré de sympathie, et cela pouvait se comprendre, car certains partisans de ce vœu avaient bien derrière la tête l'idée de remplacer les trois vœux religieux par celui-là seul. Mais si, au contraire, ce vœu devait n'être qu'un couronnement des autres, ce serait merveilleux. Pensez-y : s'engager à mourir communautairement à ses propres options, à ses propres intérêts (évidemment d'une manière psychologiquement saine et spirituellement positive) pour vivre, avec les autres, le mystère de l'amour !

b) La méthode pour le résoudre.

Maintenant, par quelle méthode une communauté qui n’est pas communauté va-t-elle le devenir ? Et telle autre qui est bloquée communautairement ou qui est en régression à cet égard va-t-elle remonter le courant ?

Par la méthode de l'intersubjectivité ou de l'animation charitable, ou du discernement communautaire, selon le niveau où l'on se trouve.

1 – Intersubjectivité :

Il faut en effet parfois se mettre d'abord à un niveau purement humain. Si on n’est pas communautaires, même humainement parlant, c'est un problème d'hommes avant que d'être un problème de chrétiens. Dans ce cas il faudra peut-être bien recourir à des techniques d'intersubjectivité, de dynamique de groupes, pourvu qu'elles soient épurées et prudentes[1].

2 – Animation charitable ».

Il peut aussi se faire que, du point de vue humain, le milieu soit bon et qu'on soit vraiment communauté mais une communauté qui s'arrête au seuil de la foi. Les solidarités sont psychologiques, mais l'amour de charité y entre pour peu.

Or l'intersubjectivité ne découle pas d'une vision de foi. Elle n'apportera donc rien à des cœurs où l'amour-charité est inexistant. Il faut, dans ce cas, des techniques d'animation « charitable ». Sur ce point, le Père Lombardi, dans le Mouvement pour un Monde Meilleur, a donné une doctrine et une spiritualité remarquables. Les Focolarini, de leur côté, ont fait quelque 'chose qui est aussi bon, beaucoup plus pratique et que je recommande vivement aux communautés qui n'ont pas de préjugés à leur égard.

3 – Discernement :

Le problème enfin peut être autre. L'amour ne manque pas mais on n'a pas été habitué à discerner ensemble la volonté du Seigneur. Dans ce cas il faut savoir que, plus récemment encore que pour le cas précédent, des recherches ont été faites, spécialement dans la Compagnie de Jésus et les travaux du Père Gonzalez peuvent être une aide précieuse.

c) – Quelques mises au point.

Je ne veux pas conclure l'exposé de cette situation sans renvoyer à l'appendice No 3 et sans ajouter quelques mises au point faute desquelles je craindrais d'avoir été dans tel ou tel paragraphe, source de tensions et de, conflits au lieu d'aide positive et féconde.

1) – N'exagérons pas le « operatio sequitur esse ». J'ai dit, et c'est vrai qu'il faut d'abord être communauté et ensuite agir communautairement. Mais cependant, il arrive aussi que des groupes humains ou chrétiens très faiblement communautaires puissent doucement et progressivement devenir communauté, à travers la consécration du groupe à des objectifs externes à la communauté, autres que la construction même de cette communauté. C'est surtout le cas lorsqu'il s'agit de groupes humains trop peu préparés à faire face à l'effort intersubjectif, soit au niveau psychologique et humain, soit au niveau chrétien et surnaturel, soit au niveau du discernement. Dans ce cas, s'ils acceptent humblement leurs limitations, et si, loyalement ils veulent se consacrer en groupe à des objectifs extrinsèques à la communauté, on peut essayer de prendre cela comme contenu et schéma et méthodologie du projet de vie communautaire. A condition cependant que ce ne soit pas une manière d'esquiver le problème de fond, mais un désir providentiellement guidé, de le résoudre, à longue échéance, indirectement.

2) – Il ne faut pas, d'autre part, aller trop vite pour décider que tel ensemble de confrères n'est pas communauté, mais seulement groupe. En tout cas ce n'est pas parce qu'il y a des tensions, des différences, des croix communautaires qu'on peut conclure à l'inexistence de la communauté. Il faut se méfier des « idéalistes » et puristes qui vont toujours aux extrêmes et ne sont jamais satisfaits du réel : « qui veut faire l'ange, fait la bête » comme dit Pascal. Il ne s'agit pas de pousser le réel jusqu'au désarroi ou au stress. Les agitations stériles, les questionnements inutiles ne feront que ruiner la paix : on sera bien plus avancé !

Quand des gens de bonne volonté se mettent à l'œuvre loyalement et qu'un progrès spirituel vient déjà leur donner satisfaction, c'est quand même un signe et il faut le regarder positivement. Si, au contraire un effort plein de bonne volonté et de loyauté de la part de tous ne fait qu'augmenter les malaises, les tensions, nuire à la paix, il y a bien des chances que ce soit aussi un signe qu'on a fait une mauvaise application de ce qui a été dit plus haut, et qu'il vaut mieux repartir à zéro.

3) – En tous cas il est évident qu'il ne faut pas s'engager dans un projet de vie communautaire comme celui que je viens de décrire dans un groupe humain qui n'aurait pas au moins le désir de dépasser ses difficultés et de devenir communauté. On soulèverait des problèmes sans leur apporter de solution.

N'oublions pas qu'il peut y avoir des communautés de travail qui n'ont jamais prétendu et ne prétendent pas devenir des communautés de vie. Pour une doctrine plus complète à l'égard d'une communauté qui serait intéressée par cette situation et voudrait creuser un peu le projet de créer la communauté elle-même au lieu de lui proposer une action extérieure, je renvoie à un appendice de F. Pedro Finkler en fin de volume[2].

B. 2ièmesituation.

a) – Projet : donner des objectifs a la communauté.

Voyons maintenant la communauté «B». Elle est assez sérieusement communauté. Elle s'efforce de le devenir encore plus. Dans ce cas il n'y a pas de raison qu’elle reste hypnotisée sur elle-même dans un examen continuel et exclusif des relations de ses membres entre eux. Elle fera bien de laisser un peu de côté la préoccupation de vivre en commun le mystère de l'amour – si primordiale soit-elle – pour s'ouvrir à une autre priorité.

Communautairement elle a constaté, à partir de son cadre de vie, qu'elle accepte et pratique l'Evangile, les Constitutions et les normes de la Congrégation, d'ailleurs dans l'esprit de liberté qui faisait dire à Jésus : « C'est le sabbat qui est fait pour l'homme et non l'homme pour le sabbat».

Elle va donc maintenant se demander quelles priorités quels objectifs se proposer pour un projet de vie communautaire. Dans le cadre de sa vie communautaire Dieu peut parler et même facilement, fréquemment, d'une part, à travers les aspirations et les besoins des uns des autres, et. d'autre part, à travers les appels du réel. Il existe donc un dialogue de foi, d'amour, de discernement et les résultats en sont soumis au charisme légitime de l'autorité qui dit le dernier mot.

Dès lors, cette communauté a ce qu'il faut pour faire un projet de vie communautaire qui se donnera les objectifs précis à privilégier.

Ces objectifs ne dispenseront pas la communauté de vivre sa vie normale, mais elle pourra concentrer, sur quelques-uns d'entre eux, des efforts concertés, programmés et évalués.

Ces objectifs peuvent concerner la vie interne de la communauté ou aussi sa vie de relation à l'Eglise, son incarnation dans le milieu, par une ouverture à des tâches apostoliques qui la feront rayonner, l'engageront au service des pauvres, l'amèneront à une collaboration avec d'autres congrégations, etc. …

b) – Méthodes.

Ce n'est pas la peine que j'explicite davantage la 2ièmesituation, avec son projet et sa méthodologie. Cela a été fait largement dans la première partie de cette circulaire, car c'était presque exclusivement cette situation-là qui était envisagée.

L'erreur est que nous sommes partis en croyant que ce type de projet de vie communautaire était le type classique et nous n'avons guère pensé à d'autres. L'expérience nous a montré qu'effectivement c'était bon comme démarrage, car nos Frères étaient trop habitués à recevoir du tout cuit, du préétabli, des décisions d'en-haut et ils n'avaient pas assez l'habitude de se prendre en main. En leur proposant de se définir des objectifs ponctuels et bien clairs qu'ils discuteraient et adopteraient eux-mêmes, d'organiser eux-mêmes un plan et des programmes, on les a aidés à entrer dans la route du projet de vie communautaire. Mais il ne fallait pas en rester là. Il fallait voir que le 2ème projet ne marchait pas pour certaines situations et certaines communautés, si bon fût-il pour beaucoup d'autres.

C. 3Ième situation.

a) – Projet : planification provinciale et locale.

Voyons maintenant le projet qu'on pourrait appeler « provincial ». Dans la première partie de la circulaire Projet Communautaire nous avons évoqué le danger d'une tendance féodale communautaire au sein d'une Province. La Communauté « C » qui ne pense qu'à ses intérêts propres risque de les promouvoir au préjudice de son propre plan. Un projet de vie communautaire fait dans cette perspective renforce la mentalité féodale au mépris du bien commun provincial ou général, mène à une désagrégation intercommunautaire et à une perte du sens de la congrégation.

La polarisation[3] dont j'ai parlé dans la 1ière partie représentait le cas extrême de ce courant. Mais, sans en arriver là, il existe bien un certain nombre de communautés qui tendent à faire de leur Province un archipel. Dans cette même première partie, on trouvera la mise en garde qui m'avait été faite à ce sujet par un religieux.

Ici, je voudrais non seulement ratifier ce qui a été dit, mais aller plus loin et présenter une autre situation communautaire qui postule un autre type de projet.

Il ne s'agit plus seulement d'éviter une erreur et des effets secondaires nuisibles. Il s'agit de promouvoir un bien nouveau. J'ai cité ce mot du P. ARRUPE, supérieur général des Jésuites : «La Communauté d'un jésuite c'est la Compagnie de Jésus ». Cette phrase est tout à fait applicable à nous. A une condition, cependant : que cette appartenance à la communauté totale n'enlève à la communauté locale ni la Chaleur, ni le dynamisme, ni le don plénier qu'il lui faut pour se construire elle-même.

b) – La réalité provinciale.

Mais, revenons au problème du bien commun provincial ou général. La Province est une réalité incontestable, mais elle disparaît en tant que telle pour réapparaître sous forme d'une série de communautés locales qui absorbent la presque totalité des membres de la Province et les engagent dans des tâches bien définies qui obéissent à la vie, aux options qu'on a dû faire localement et aux missions qu'on a reçues localement aussi. Un observateur extérieur pourrait ne pas se rendre compte de l'existence d'une Province. Il ne verrait que des hommes et que des communautés locales.

Dans une Province de 100-200 membres a-t-on plus de 3 ou 4 Frères libérés de la dimension locale et explicitement orientés à promouvoir vie et unité provinciale ? Assez souvent, c'est limité au Provincial et à l'Econome provincial et dans les petites provinces ceci n’est même plus vrai.

1) Dans les provinces en régression.

Alors où en est la réalité provinciale ? Fantomatique ? Artificielle ? Sporadique au moins, puisque quand même elle réapparaît sous la forme d'un Chapitre Provincial, d'une retraite provinciale.

La question est encore plus aiguë quand un laisser-aller provoque la raréfaction du Conseil Provincial, du Chapitre Provincial, ou que ceux-ci deviennent des formalités mal préparées, pauvres en contenu. – On se réunit pour élire le Chapitre Provincial et puis on s'en va, car il n'y a rien d'autre à faire – et qu'il n'y a pas de retraites . de vrai ressourcement.

Eh bien, disons d'abord que, même là où les réalités provinciales ne sont que nominales ou végétatives la Province reste une réalité, qui parfois est très vivante et très féconde pour ses membres, mais qu'on touche et découvre autrement que par les yeux : « On ne voit bien qu'avec le cœur, l'essentiel est invisible pour les yeux » disait Saint-Exupéry. Et c'est vrai que les réalités morales ne tombent pas sous les mêmes sens que les réalités physiques.

En tout cas, il faut se poser la question : Si toutes les communautés de la Province font leur projet de vie communautaire et que ce projet n'obéisse qu'à leurs besoins et à leurs intérêts particuliers et locaux, comment peut-on le rectifier et promouvoir le bien provincial, et qui donc va le promouvoir alors qu'une masse de travail professionnel nous accable et que des projets ambitieux absorbent le reste de l'énergie et de la disponibilité de chacun ?

Allons encore plus loin et prenons le cas d'une Province où la vie se tarit par manque de vocations, par manque aussi de disponibilité et de préparation de ses membres pour assurer les postes de direction pour les œuvres existantes. Prenons encore le cas de cette autre Province où les écoles ont cru démesurément et où les titulaires se sentent dépassés, où la situation financière est à la limite de la banqueroute par suite de projets téméraires ou disproportionnés ou de maladresses administratives peut-être énormes. Prenons encore le cas de cette autre Province où se, sont installées la mésentente ou des divisions de nature politique ou autre. Tout cela grève lourdement la vie provinciale. Le milieu d'accueil qui permettrait l'accompagnement des jeunes récemment sortis des maisons de formation et soutiendrait leur persévérance, est devenu presque inexistant.

Autant de problèmes insolubles par le milieu communautaire local, car ces problèmes demandent une action coordonnée, efficace et unificatrice de niveau provincial et même parfois de niveau inter-provincial. Oui le projet de vie communautaire qui ne viserait que les réalités locales ne permettrait pas de résoudre ces problèmes et, à la longue, le niveau communautaire local finirait bien par en être atteint.

2) Dans les provinces organisée.

J'ai pris des exemples négatifs, mais on peut penser aussi à des Provinces bien organisées ct qui font une excellente planification provinciale, très bien réussie pour le milieu où elles se trouvent, très efficace. Dans ce cas-là le problème surgit ailleurs. Ou bien les projets de vie communautaire de chaque communauté s'occupent de leurs objectifs locaux et les objectifs provinciaux passent en seconde ou en troisième place, ou bien on trouve entre Provinces et communautés une formule de conciliation car avec un plan provincial sérieux et réaliste, il faut prévoir une grosse consommation de personnel, de temps, de réunions, d'argent etc. …

Je vais donc tâcher d’envisager une situation provinciale à dépasser, que la cause de cette situation soit négative (Province sans dynamisme) ou qu'elle soit positive (grand dynamisme provincial). Je propose pour y faire face une 3ième forme de projet communautaire qui puisse donner une réponse à la situation de la communauté C », mais je ne la propose comme réellement valable pour une communauté qu'à 2 conditions :

a) – que la communauté ne soit pas elle-même soumise à des besoins urgents et inéluctables, plus importants encore que les objectifs provinciaux.

b) – Que les objectifs provinciaux ne visent pas seulement le bien provincial, car le mythe de Saturne (Kronos) qui dévore ses enfants peut toujours être d'actualité sous la forme d'un risque centralisateur de recherche d'un bien de niveau plus élevé au détriment des niveaux plus bas. Il faut donc que le plan provincial assure une aide véritable aux communautés locales, en personnes et en services; c’est un sacrifice qui sera largement remboursé plus tard.

c) – Méthodes.

Voici comment se présenterait cette nouvelle forme de vie communautaire. Il n'y aurait pas de recherche d'objectifs, car ceux-ci auraient déjà été établis par la Province, pas non plus de recherche de programme, et pour la même raison.

Alors que resterait-il à établir pour le projet de vie communautaire ? D'abord répondre à quelques questions et ensuite envisager la planification.

1) – Questions.

Quelles sont les requêtes en hommes, en temps, etc. … dont les instances provinciales nous ont traces pour réaliser les objectifs provinciaux ? Comment pouvons-nous nous y prendre pour répondre avec générosité, dans la mesure de notre possible et apporter notre contribution sans nuire, ou en tout cas le moins possible, aux urgences de notre vie et de nos tâches locales ?

Il va de soi, que pour rendre des hommes disponibles, un réajustement intérieur dans la distribution du travail et des responsabilités sera peut-être l'unique moyen de donner une réponse vraie au plan provincial.

Comment organiser notre projet de vie communautaire pour qu'il devienne une adaptation proportionnée du plan provincial à notre communauté ?

Il s'agit bien d'adapter et non de copier. Le but c'est que la vie communautaire locale devienne, outre ce qu'elle devient dans la communauté, une réalisation locale des objectifs provinciaux et donc fasse avancer d'un pas le plan provincial.

Il est évident que si toutes  ou presque toutes les communautés locales dans une Province, s'organisent à travers leur projet de vie communautaire, en conservant toutes leurs particularités locales mais dans un souci d'harmonisation provinciale, le projet de vie communautaire devient un instrument précieux pour la Province, ses objectifs et ses plans, et apporte une contribution remarquable dans cette ligne.

Je dirais même qu'à l'avenir, une grande partie du succès ou de l'insuccès de certains plans ou objectifs provinciaux dépendent de cette attitude concrète des communautés locales et de leur projet de vie communautaire.

2) – Planifications techniques.

Ces derniers temps la planification et les programmes provinciaux commencent à se généraliser avec un processus et une méthodologie rigoureuse et très technique. Je peux citer quelques personnes ou mouvements qui travaillent dans ce sens. Par exemple, Frère Panini, en Amérique latine et en Espagne, emploie des méthodes de planification comme processus de conversion et de renouveau permanent. L'application peut être faite à des diocèses, des Provinces, des collèges etc. …

La synthèse de cette méthode, ses réalisations et évaluations est maintenant éditée sous le titre espagnol : Provincias Religiosas en proceso de renovacion planificada.

C'est un très heureux mariage de la technique et du spirituel. Parmi ses fruits les plus importants il y a les objectifs atteints mais plus encore, je dirais, l'éducation des hommes et des institutions à poursuivre une double tâche apparemment sans lien : un travail rationalisé et technifié d'une part et d'autre part une conversion où sont coordonnés les efforts de tous.

Le monde meilleur, en la personne du P. Araldo, est en train d'appliquer une méthode d'un style plus ou moins semblable avec de très bons résultats.

Le Père Pirsul commence à travailler en Belgique et en quelques autres pays, à partir d'une méthode assez intéressante qui s'appelle Animation spirituelle des groupes» et qui ressemble, quant à la rigueur technique et au souffle spirituel, aux deux méthodes précédentes. Je ne privilégie aucun des trois groupes et d'ailleurs il n’en manque sûrement pas d'autres à peu près équivalents et que je ne connais pas.

3) – Remarques.

Mais si je propose ce genre de méthodes c’est qu'elles existent déjà ça et là et donc ont déjà rendu des services. L'importance de ce genre de méthodes appelle deux remarques :

a) – D'abord je rappelle que le projet de vie communautaire No 3 a sa raison d'être là où la Province a soit des urgences ou des besoins, soit des objectifs provinciaux, et plus encore là où elle s'est organisée avec une programmation rigoureuse, selon une des méthodes que je viens de citer.

b) – Il faut faire une réduction de ces méthodes pour le niveau communautaire local ou les compléter par une autre méthode bien proportionnée à la communauté. En effet, les 3 méthodes que j'ai citées sont tellement systématiques et ont de telles exigences de temps, de personnes et de matériel, qu'elles vont bien pour une Province ou un groupe social nombreux mais qu'elles paraîtraient disproportionnées à une communauté locale écrasée d'activités et réduite à peu de membres.

D. 4ième situation

a) – Projet : recherche d'équilibre.

Le projet de vie communautaire comme voie d'unification et d'équilibre entre les personnes.

Pour comprendre la situation de la communauté « D » il faut penser au document PAC appliqué non au niveau des personnes mais d'une communauté.

C’est peut-être une des meilleures choses qu'on puisse faire actuellement au moyen du projet de vie communautaire, une de celles qui donneraient au projet de vie communautaire une actualité permanente. Les 3 formes antérieures, et aussi la Sème que je proposerai ensuite, courent en effet le risque de se démoder ou au moins de perdre de leur mordant, non pas par manque d'importance objective, mais simplement par le fait de la lassitude humaine.

b) – Quatre éléments essentiels.

Et pourquoi cette permanence d'actualité dans le 4ème projet ? Cherchons à comprendre. Le Père Champagnat avait réfléchi et organisé la vie des Frères avec une admirable sagesse qui savait maintenir l'harmonie entre les 4 éléments essentiels de notre vocation, sans tiraillements et sans stress :

– le temps donné au Seigneur par la prière

– le temps consacré à l'apostolat

– le temps donné aux confrères en communauté et pour la communauté

– la présence au monde avec le style et la durée qu'il fallait.

C'était tellement bien organisé qu'on ne perçoit pas, dans nos Premiers Frères et dans nos communautés, une forme bien visible d'écartèlement. Mais avec le temps, une évolution s'est produite due à des facteurs divers que je ne vais pas analyser ici. Il suffit de regarder le résultat final : aujourd'hui nous nous trouvons tiraillés; nous n'arrivons pas à joindre les deux bouts; nous faisons une chose aux dépens d'une autre : la prière mange la vie, l'apostolat raccourcit la prière, la présence au monde émiette les communautés, la vie communautaire très soulignée rend difficile l'apostolat et diminue les disponibilités. Nous nous trouvons face à un problème qui demande une solution : trouver un nouvel équilibre et une voie d'unification.

Nous n'y arriverons pas sans authenticité et bonne volonté. Il y a en effet un déséquilibre qui provient de facteurs externes et objectifs et qu'on peut réorganiser et maîtriser. Il y en a un autre qui provient d'un désordre subjectif et qui camoufle le manque d'attachement pour l'une des quatre dimensions dont nous venons de parler. Quand on est au point, non seulement de se consacrer à d'autres valeurs, mais de chercher à justifier cet attachement, on peut bien se dire qu'on ne retrouvera l'équilibre ancien ni par des systèmes, ni par les techniques, mais uniquement par la conversion.

Eh bien, ce qui arrive pour la personne des Frères, arrive aussi pour les communautés et c'est ce qui n'a pas été assez souligné. Il y a des communautés qui vivent dans un mauvais équilibre, non pas seulement en tel ou tel de leurs membres mais en leur être communautaire lui-même. Et alors, du moment que la communauté n'est pas solidement accrochée, et communautairement intéressée à un sage équilibre, cela démolit tout effort de l'un ou de l'autre membre vers l'équilibre, car ils sentent ne plus pouvoir y arriver que contre l'organisation communautaire.

Si donc l'on emploie le projet de vie communautaire comme une manière de faire le point une fois par an, d'analyser les composantes de l'équilibre à obtenir, et d'établir un processus pour unifier et harmoniser les éléments de la vie communautaire, en redimensionnant et hiérarchisant ce qui serait devenu hypertrophique, on a la 4e forme de projet de vie communautaire.

Quant à son importance et à sa permanente actualité, il ne faut pas être un grand observateur pour se rendre compte que l'équilibre qui existait autrefois au niveau personnel et communautaire s'est écroulé et que nombre d'hommes d'Eglise, bien des Frères, bien des communautés mènent une vie spirituelle, une vie religieuse, qui ne sont pas saines.

Je voudrais bien citer très largement le remarquable Chapitre du livre de Thomas R. Kelly qui parle de la simplification. Il touche le projet. Voici en effet les principales leçons que l'auteur nous donne :

– La vie de beaucoup d'hommes d'Eglise est une vie surmenée ou au moins malmenée.

– Ce n'est ni par des techniques ni en esquivant l'action que nous trouverons une solution chrétienne au problème.

– Seule la docilité à la voix intérieure nous maintiendra calmes dans le discernement et l'obéissance parmi la foule des sollicitations qui menacent notre unification et notre paix.

J'ajoute dans une note ci-dessous quelques-unes des phrases qui sont le plus à méditer dans ce chapitre[4].

c) – Causes de la rupture d'équilibre.

Mais ce qui est plus grave c'est que non seulement l'équilibre a été rompu par les exigences divergentes, des 4 éléments de base de notre vie, mais qu'une série de facteurs nouveaux sont entrés en jeu, trois surtout.

1) La complexité de l'apostolat professionnel actuel. Il y a les exigences grandissantes d'une préparation technique sans fin, d'une compétition sans pitié, d'une série de conditionnements officiels qui coincent parfois cet apostolat dans un véritable carcan finalement nuisible à l'apôtre et à ses disciples.

2) Les mass-media, particulièrement la télévision, deviennent ou sont déjà devenus un autre carcan que beaucoup de religieux se laissent tranquillement mettre au cou. C'est parfois un invraisemblable gaspillage d'heures qui altèrent le rythme naturel de repos et de travail. Lorsqu'on ne sait plus contrôler cette soif d'images qui meuble le vide intérieur, on ne sait plus également être disponible, ni à la vie de prière, ni à la vie communautaire, ni à l'apostolat. En combien d'endroits déjà l'écran de télé a-t-il remplacé les confrères ?

Les contacts sociaux se multiplient. Et ce n’est pas mauvais – loin de là – d'avoir des amis, de grands amis à l'extérieur. Il y a problème lorsque certaines proportions s'inversent : on finit par avoir des relations extérieures, en quantité et en qualité, plus abondantes qu'à l'intérieur de la communauté où celles-ci diminuent en qualité et en profondeur.

Devant cette situation nouvelle il est important que les communautés fassent une révision de leur rythme communautaire et aident chacun de leurs membres à s'examiner dans une atmosphère de sollicitude pastorale les uns pour les autres. Cependant, mettons même les choses au mieux, mettons qu'on parvienne à rétablir avec bonheur un nouvel équilibre, une unification et par conséquent l'harmonie et la paix (sans en bannir la croix, bien entendu), ce ne sera jamais du définitif. Il y aura toujours des mutations de confrères à une autre communauté et aussi des événements qui rompront l'équilibre acquis, il y aura donc toujours à réajuster et c’est pour cela que le projet de vie communautaire N° 4 aura toujours une importance permanente.

d) – Méthode.

Je laisse à chaque communauté de trouver la méthode pour le réaliser – ce qui ne semble d'ailleurs pas difficile — et je me contente d'indiquer quelques questions qui pourraient aider à réfléchir et agir en vraie communion communautaire pour ce type de projet.

– 1ièresérie de questions visant à découvrir comment les membres de la communauté perçoivent l'unification ou l'écartèlement, l'équilibre ou la disproportion entre les éléments de leur vie communautaire : trouvent-ils la paix ou au contraire sont-ils soumis à un stress épuisant ?

– 2ièmesérie de questions.

A-t-on donné une place convenable aux 4 éléments qui ne peuvent manquer à aucune communauté mariste ?

– prière

– apostolat

– vie communautaire

– présence au monde.

– 3ème série de questions.

Le type de prière, le type de vie communautaire, le type d'apostolat et le type de présence au monde qu'on pratique ou qu'on postule sont-ils susceptibles d'une harmonisation intrinsèque et répondent-ils à notre type mariste d'oraison, de vie communautaire et d'apostolat ?

– 4ème série de questions.

Quel est l'ordre qui existe dans la communauté ?

Est-ce un ordre équilibrant et unificateur, sagement établi, réajusté, maintenu ?

– 5ième série de questions.

Nous avons constaté que 3 éléments pouvaient noyer notre équilibre :

– la complexité actuelle de l'apostolat

– les mass-media

– les contacts sociaux.

Où en est notre communauté et que faut-il penser de l'incidence de ces 3 facteurs pour son équilibre ?

Auparavant la règle traditionnelle assez minutieuse établissait cet ordre. Aujourd'hui ce type de règle serait incompatible avec la complexité de la vie moderne, sa continuelle mutation, le contexte professionnel et social. Mais, cette difficulté ne doit pas faire renoncer à trouver un ordre communautaire.

L'ordre a pu être statique tant que la vie changeait très peu, aujourd'hui, il faut un ordre dynamique, à la fois souple et sérieux, pour organiser et adapter la vie des Frères et de la communauté, face aux variations qui surviennent.

Cette série de questions permet d'aboutir à un diagnostic du réel, puis à une recherche de propositions et à leur mise en application en vue des 4 fonctions de la communauté :

– authentification

– équilibre et harmonie

– présence

– unification des 4 éléments de base indiqués plus haut.

E. 5ième situation.

  1. Projet de vie communautaire :

moyen privilégié de mise en application des Constitutions et du Renouveau.

Entendons-nous bien d'abord sur le mot RENOUVEAU.

Il s'agit du Renouveau demandé par le Concile et programmé par nos deux derniers Chapitres Généraux dans nos Documents Capitulaires.

Ce programme n'est ni parfait, ni intouchable, mais en tout cas nous n'avons ni le droit, ni la mission d'ignorer ce travail très sérieux fait par des responsables délégués par la Congrégation et l’Eglise, au nom d'une mission et dans l'obéissance au Seigneur et à son Eglise.

b) Mise en marche trop lente.

Or le temps passe, et comme je le faisais remarquer lors de la Conférence des Provinciaux, nous voyons que nous ne sommes qu'à mi-chemin et que les fruits de l'actuel programme de Renouveau, sont loin d'être mûrs, au point que pas mal de religieux ont l'impression que le programme traditionnel pré-conciliaire des Règles anciennes était plus riche et plus fécond pour organiser des Communautés et sanctifier des religieux que les nouveaux programmes. Et ils ne se font pas faute de nous le dire : « Ah ! pensent-ils, s'il s'agit de valeur littéraire ou même de doctrine, très bien pour les nouveaux textes, mais s'il s'agit d’examiner la vie 20 ans après le Concile, 12 ans après le Chapitre, c’est tout autre chose !

« Plus pauvres ? Allons donc ! Plus disponibles au Seigneur, plus morts à eux-mêmes, plus greffés en lui par la prière ? Sûrement pas, nous ne reconnaissons pas sous ces épithètes les nouveaux religieux ».

Au fond, ils n'acceptent pas de croire que les valeurs de la vie religieuse et de l'Évangile soient mieux vécues aujourd'hui, personnellement, communautairement, structurellement, ou même qu'elles soient mieux intériorisées qu'avant.

Qu'on pense par exemple, au célibat. Hier on pouvait le vivre plus ou moins bien mais il était intériorisé comme une valeur; aujourd'hui, on sait en parler avec beaucoup de nuances – ce qui peut être bon – mais, un certain nombre de ceux qui en ont fait le vœu le contestent. Et Dieu sait qu'il n'est pas la seule valeur à être contestée.

Je ne vais pas vous dire que j'accepte facilement la critique traditionaliste, car il est très vrai aussi qu'il y a maintenait des valeurs mieux vécues et d'une manière plus évangélique que jadis (sens de l'Église, exercice de l'autorité, etc.) mais il faut reconnaître que les raisons ne manquent pas à ceux qui rêvent du passé et qu'il n'est pas permis de se dérober élégamment aux questions vraies qu'ils posent. Il y a 10 ans, au lendemain de la confection de nos textes capitulaires, on pouvait leur répondre : Lisez bien. Vous verrez que la doctrine est très juste, très courageuse, etc. … que même l'exigence est très grande, etc. …». Mais maintenant leur question redoutable est : pourquoi de meilleurs programmes offrent-ils des résultats si décevants ? Pourquoi les programmes plus imparfaits d'autrefois, moins bien inspirés offraient des résultats plus solides et une application plus généralisée ?

e) Constatation importante : Compte à rendre au S. Siège.

Quoi qu'il en soit il n'est pas question de faire marche arrière et d'ailleurs il y a très peu de Frères qui pensent sérieusement à cette solution. Le grand projet c’est donc d'accélérer la rénovation programmée par le 17ième Chapitre Général.

Bientôt le S. Siège nous demandera compte de nos décisions capitulaires. Il ne s'agira pas d'en faire une analyse littéraire, mais bien d'indiquer comment nous en vivons, ce qui porte des fruits et ce qui n'en porte pas.

Donc il faut que tout l'Institut à ses divers niveaux et dans tous ses membres, s'efforce de mettre en application un projet de vie communautaire qui nous fasse, avant toute chose, porter les fruits qui sont attendus par l'Église et par ceux qui ont vécu les deux Chapitres précédents.

d) Trois catégories de religieux.

J'ai exposé à la Conférence des Provinciaux comment je voyais le monde des religieux maristes aujourd'hui, 12 ans après la publication des Constitutions, et je voudrais résumer ici mon intervention à l'intention de tous les Frères (FAIS a publié le texte complet dans le N° 39).

J'y distinguais trois catégories de religieux :

1) Il y a des religieux axés sur la vie mariste passée, et c'est même probablement parmi eux qu'il y a le plus de sainteté authentique. Alors faut-il leur faire des reproches ? Pas exactement, mais je dirais simplement que c’est dommage qu'on n'ait pas mieux réussi à les faire entrer dans la dynamique d'une vraie rénovation.

Si je prends les meilleurs d’entre eux et les plus ouverts, je dois dire qu'ils ne refusent pas précisément le principe de la rénovation, mais ayant souvent eu de vrais saints comme formateurs

ou même comme supérieurs de communauté dans leurs jeunes années, ils restent fidèles à des modèles indiscutablement très valables, et ils ne voient pas bien à quoi pourrait servir une autre orientation qu'ils trouvent plus discutable que vraiment solide.

Je prends deux ou trois textes des Constitutions et j'essaie de voir leurs réactions devant ces textes :

C'est surtout dans l'Ecriture que nous découvrons les signes de la volonté de Dieu ». ('Const. No 38).

Ils acceptent à peu près ce principe, mais l'application leur paraît dangereuse, car ils se disent : « En observant la Règle, j'étais sûr de la volonté de Dieu. En scrutant l'Ecriture, je vais en venir au principe protestant du libre examen avec tous ses dangers d'égarement. A quoi bon m'aventurer de ce côté ? ». Comme ils ont, en outre, bien des exemples à citer de Frères qui se sont laissés égarer par de fausses interprétations de l'Ecriture, provenant de théologiens sans esprit de prière, ils préfèrent ne pas trouver à redire à ce texte, mais en rester à leur statu quo. Ils ne se sentent pas vocation de prophètes. Et pourtant, ils l'ont peut-être plus que d'autres.

– Régulièrement (le Supérieur) commente quelques points des Constitutions au cours d'un échange constructif sur la marche de la communauté et de l'école où chacun fait part de ses initiatives, reconnaît ses déficiences et accepte qu'on les lui signale ». (Const. No 54).

Ils se disent : « Quand le Supérieur faisait son instruction sur la Règle, c'était bien mieux. Chacun obéissant aux directives données, et cette soumission était à la fois un acte de foi et un acte de l'esprit de famille. On remplace cela par du bavardage. Et de toute façon chacun fait à sa guise ». On les comprend, car c'est souvent vrai, mais si eux-mêmes participaient plus à cet échange, peut-être leur esprit d'obéissance vraie corrigerait peu à peu le manque de sens surnaturel de plusieurs autres.

– « (La pauvreté religieuse) vient en aide aux indigents proches ou lointains que lui font connaître ses relations ou les autres sources d'information ». (Const. No 23).

Ils se disent : « Moi je vis le plus pauvrement possible. Donc, tout ce que j'économise en vivant ainsi, on n'a qu'à le donner aux pauvres. Ce n'est pas à moi à décider cela; c'est aux supérieurs ».

C'est pourtant dommage de ne pas chercher à regarder les misères à soulager, ni à en parler en communauté.

Dans cette catégorie de religieux qui est axée sur le passé, je n'ai envisagé que les meilleurs, qui sont traditionalistes par amour de ce qui était le plus authentique dans le passé. Mais ces bons traditionalistes se trouvent malheureusement mêlés à d'autres qui le sont, eux, uniquement par tempérament (ils n'aiment pas le changement) ou même par égoïsme (le changement les arracherait à un certain confort).

2) La deuxième catégorie de religieux est composée de ceux qui dédaignent les Constitutions pour des raisons à peu près inverses des précédents. Pour ceux-là, les Constitutions paraissent trop traditionalistes. Ils ne les ont pas lues ou alors superficiellement; ils n'y ont vu rien de vraiment révolutionnaire. Or ce qu'ils ont cherché, eux, depuis le Concile, ce sont les textes percutants qui proposaient des bouleversements de fond en comble.

Ils ont lu un certain nombre parmi les milliers de livres ou articles qui ont été publiés en moins de 20 ans sur la vie religieuse. En certains lieux de l'Institut, ils ont réussi à se réunir par communautés de cooptation où chacun avait lu le dernier livre qu'« il fallait avoir lu ». Ils ont donc bien l'idée d'un renouveau, mais le renouveau mariste leur paraît un recrépissage; eux ils veulent une reconstruction. Disons qu'en général, dans ce groupe ce n’est pas le sens de la prière qui domine. Ils mettent surtout l'accent sur une vie religieuse humanisée avec beaucoup d’espace pour l'individualisme.

Il faut dire aussi que la plupart des religieux de ce groupe ont déjà quitté la vie religieuse. C'est dommage car le dynamisme ne leur manquait pas. Ceux qui sont restés, montrent par là que leur idéal avait du bon et ils peuvent nous apporter beaucoup si, enfin, ils consentent à voir que la rénovation proposée par les Constitutions va beaucoup plus loin qu'ils croyaient, qu'elle a été pensée en communauté, par des représentants choisis démocratiquement dans toutes les Provinces, que tous les articles ont été votés avec sérieux, après des discussions qui ne passaient pas grand-chose sous silence. Ils pourront voir aussi en maints articles la porte ouverte à cette créativité qui leur paraît, à juste titre, si importante.

3) Enfin, il y a vraiment un troisième groupe de Frères qui se sont préoccupés de manière sérieuse, progressive et stable de mettre les Constitutions en pratique dans leur propre vie et autour d'eux. Ils ont fait une conversion, c’est-à-dire, sont passés à une nouvelle manière de voir et de penser. Ils ont compris que les nouvelles Constitutions sont bien une expression nouvelle de notre être mariste, de notre esprit et de notre mission.

Peut-être paraissent-ils moins austères, moins généreux que ceux du premier groupe, moins ouverts que ceux du second. Je dirais pourtant que leur regard ne perd rien à être plus mariste. Je ne crois pas que cela les rende ni plus étroits ni moins évangéliques.

Une ouverture d'esprit attentive à une juste mesure est un élément plus fondamental que la volonté d'innover, ou qu'un austère acharnement à tenir des positions courageuses mais dépassées.

Je pense que ce groupe de Frères est actuellement assez nombreux pour que bien des communautés puissent travailler à un projet de vie communautaire axé tout entier sur les Constitutions.

Il nous faut absolument l'unification de ces 3 catégories dans une marche unie et il nous faut  une mise en application accélérée de nos Constitutions.

C’est ici que je voudrais insister sur le service idéal que le projet de vie communautaire peut offrir au niveau local à chaque Frère et à chaque communauté pour provoquer un effort coordonné et communautaire de compréhension, de « cordialisation », d'intériorisation des Constitutions, et pour organiser la vie communautaire selon ces mêmes Constitutions.

Mais pour ce projet de vie communautaire, ce ne sont pas des textes qu'il faut, c'est une recherche de moyens : comment allons-nous trouver ces techniques capables de faire passer les Constitutions en nous ?

On se souvient de ce que citait, non sans quelque exagération, l'auteur d'une vie de saint, Saint Jean Berchmans, me semble-t-il : Si on perdait tous les exemplaires de la Règle, il suffirait de le regarder pendant quelques jours pour reconstituer celle-ci tout entière…

J'ai parlé de noviciat universel, mais justement quelle sera la communauté qui pourra nous dire comment elle forme ses nouveaux novices souvent déjà âgés ?

Je rappelle quelques moyens d'autrefois :

– On apprenait par cœur la « lettre » de la Sainte Règle…

– On recevait des explications sur le sens de cette Règle et des motivations sur son importance.

– On était stimulé à l'amour de la Règle, un peu comme les Israélites à l'amour de la Loi que chante le Psaume 118.

– On était formé à plier sa volonté à la Règle, donc à affermir son caractère, à renoncer à ses aises, à dépasser les vues de son amour-propre, et finalement à trouver là une voie de fidélité et de persévérance. Et cela allait jusqu'aux moindres détails. Le but nous paraît aujourd'hui discutable, mais on avait vraiment des hommes de Règle.

Donc notre problème est : avec des hommes aussi unis à Dieu, aussi généreux, aussi disponibles à l'égard de leurs Frères, comment nous organiser pour en faire de nouveaux saint Jean Berchmans, trouvant dans la fidélité aux nouvelles Constitutions le moyen le plus puissant de devenir parfaitement évangéliques ?

La question a été posée aux Provinciaux. Maintenant elle l'est à tous. C'est notre nouvelle «Grande Question » : trouver des prophètes et des pasteurs pour renouveler la vie religieuse d'aujourd'hui.

A mon avis, le grand moyen sera l'étude des Constitutions dans un esprit de prière, puis la mise en commun de cette méditation personnelle dans la prière participée. Je donnerai aussi un peu plus loin une méthode pour ce type de projet dont nous venons de parler.

V. QUELQUES SUGGESTIONS

A. Comment chaque communauté doit-elle choisir ?

Au point où nous en sommes, chaque communauté doit pouvoir discerner de quel genre de projet elle a besoin parmi les cinq qui ont été signalés.

a) A-t-elle besoin d'intégration mutuelle parce que ses membres ne sont pas insérés en profondeur, ou manquent d'entente mutuelle, en un mot, ne sont pas vraiment communauté ? Il faut choisir le premier projet.

b) Est-elle déjà communauté, mais sans objectifs précis, à travers une vie routinière, sans bien savoir quel sens elle a, ni où elle va ? Il faut choisir le second projet.

c) Est-elle déjà fortement communauté avec pleine intégration à l'intérieur et une auto-affirmation d'elle-même vers l'extérieur, très consciente des valeurs qu'elle porte, et aussi de ce qu'elle veut et de ce qui l'intéresse ? Qu'elle loue le Seigneur d'avoir fait du chemin, et, en toute humilité qu'elle examine si elle n'a pas à en faire davantage maintenant du côté de l'intégration provinciale. Peut-être se dispense-t-elle d'un dépassement social qui l'ouvrirait aussi aux autres communautés. Dans ce cas qu'elle n'hésite pas à sacrifier, de façon raisonnable, mais courageuse, une partie de ses propres objectifs, pour le service plus large de l'unité provinciale ou ecclésiale, en adoptant le 3ème projet.

d) Sent-elle assez nettement que malgré un progrès déjà accompli, elle est sans cesse ballottée et jamais vraiment stable parce que ses quatre points d'appui essentiels ne sont pas fermes ? Que l'équilibre entre ces nécessités fondamentales soit loyalement cherché car le Seigneur sait bien nous faire découvrir ce qui nous est bon pour assurer à la fois vie profonde et présence au monde, vie fraternelle et apostolat.

e) Si enfin une communauté estime qu'aucun de ces 4 cas ne présente pour elle une urgence ni une évidente priorité, qu'elle opte pour le Sème projet. Au moins c'est ce qui est le plus indiqué pour les 6 années qui viennent.

D'ailleurs il est toujours possible de combiner harmonieusement le Sème projet avec l'un ou l'autre des 4 précédents, de façon que toutes les communautés avancent au moins un peu vers la haute mer du renouveau conciliaire.

B. Méthode générale pour le 5ième projet.

1iermoment.

Prendre les chapitres des Constitutions l'un après l’autre dans un esprit de contemplation et d'étude. Donc y consacrer des temps d'oraison personnelle et de prière partagée objective. Cela, pendant un bon nombre de jours, avant de se mettre au travail du projet de vie communautaire.

On peut même envisager que ce soit une retraite, voire la retraite annuelle qui soit organisée dans cette direction avec chaque jour un temps consacré à l'intériorisation et à la contemplation du texte, chacun prenant les mêmes chapitres et les mêmes sections.

Ensuite une prière participée aurait lieu à partir de textes choisis parmi les plus propres à susciter le partage. Dans cette prière partagée, chacun entendrait l'écho que ces textes éveillent dans le cœur de ses Frères. Il y aurait donc là un effort mutuel pour s'apporter la nourriture et pour qu'un texte passe des mots à une vie de nature personnelle et sociale. On commencerait ainsi à se former une âme commune engendrant projet de vie, engagement, action de la communauté.

2ième moment.

Regarder le réel communautaire que nous avons construit en commun à la lumière des Constitutions suffisamment connues, intériorisées, et aimées au cours du « premier moment ». Pour cela il faut se servir d'un questionnaire ad hoc auquel chacun aura répondu personnellement.

On en mettra le résultat en commun dans une écoute mutuelle, respectueuse, puis on discutera ce résultat en groupe afin de découvrir les points les plus importants où la communauté croit devoir faire un effort collectif. Elle peut en effet comparer maintenant « l'utopie » des Constitutions et le réel communautaire vécu, et cela en suivant l'un après l'autre les différents secteurs de la vie communautaire telle que celle-ci est présentée à travers le texte des Constitutions.

3ième moment.

Si le premier moment a été réalisé au cours d'une bonne retraite ou d'une bonne démarche communautaire, si dans le deuxième moment la communauté a été loyale et généreuse, on aura abouti à une série de points pouvant constituer un programme de dépassement.

Il ne faut pas pour autant laisser tomber ce qui mérite d'être maintenu à titre d'effort global et implicite comme on nous l'a fait remarquer pour la vie spirituelle personnelle, dans le cas du plan de vie des exercices de saint Ignace. Néanmoins, il faut réduire les engagements et programmations communautaires à des points et des priorités issus des Constitutions et visant directement à la vie qui va être le contenu final du projet de vie communautaire pour l'année qui commence. Ce contenu doit être rappelé, demandé, réactivé et évalué aux dates et par les moyens et les personnes que la communauté a dû prévoir au long de l'année selon un calendrier sagement établi pour éviter à la fois oubli et saturation.

A titre d'exemple, dans l'annexe N° 4 nous proposons une procédure et un questionnaire spéciaux.

CONCLUSION

Par ces lignes j'ai voulu offrir à mes Frères et éventuellement à d'autres lecteurs une modeste et fraternelle collaboration pour couronner une expérience, déjà assez positive me semble-t-il pour un début, et répondre à ce qui me semble une tâche impérative pour les années qui précédent le 18ème Chapitre. Ce Chapitre je l'appellerai, «de définition ». Il considérera en effet, l'expérience vécue comme suffisante pour faire une critique du texte et du programme officiels du renouveau, et aussi pour proposer ou imposer un réajustement. La sagesse puisée à même la vie et un discernement guidé à ce moment-là par l'Esprit seront les sources de ce réajustement qui permettra d'offrir enfin à l'examen officiel de l'Eglise le texte que nous croirons alors être notre réponse définitive à l'appel que nous a naguère adressé le Concile.

Daigne l'Esprit qui nous a lancés dans cette passionnante et difficile aventure, en ce temps très important de l'Église et de l'histoire humaine, nous aider dans cette tâche ! Qu'à travers les charismes des Congrégations on puisse voir dans une nouvelle lumière que c'est Jésus que nous suivons et imitons, parce que ces charismes auront été réactualisés et authentiquement interprétés. Oui, puissions-nous chacun, dans l'Eglise et avec elle, devenir sacrements de Dieu pour le monde, ou, comme dit Tillard, parlant du projet de la vie religieuse : devant Dieu pour le monde.

En tant que Maristes, nous pourrions ajouter la nuance : comme Marie et avec elle. Soyons fidèles à l'Esprit pour porter Jésus au monde et ainsi rendre possible la marche du monde vers Jésus.

F. B. RUEDA

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ANNEXE I

SYNTHESE DE L'ENSEIGNEMENT DU SEIGNEUR SUR LA CHARITE

Enseignement sur la charité dans l'Ancien Testament :

Dieu, pour former son peuple à la charité, a employé une pédagogie progressive.

Dans cette pédagogie progressive, on découvre des ombres et des lumières.

Lumières : – L'amour de Dieu est complété par le second commandement : Lv 19, 18.

– Une attention particulière doit être portée aux indigents, aux veuves, aux petits : Ex 22, 20-26.

– C'est dans le même sens que s'oriente tout le courant des prophètes : Am 1, 9; Is 1, 14-18; Mi 7, 2-6.

– Israël doit se souvenir de l'obligation d'aimer son prochain, parce que lui-même a été délivré par le Seigneur. Ex 10, 19.

Ombres :     — Le mot prochain » n'est pas toujours clair : Ex 15, 2-4; Le 10, 25.

— Il y a dichotomie entre l'amour de Dieu et l'amour du prochain : Éx 30, 6-8; Ex 21, 23-24. Lv 24, 19-22.

Enseignement sur la charité dans le Nouveau Testament.

1 – Christ affirme d'une manière révolutionnaire et transcendante le commandement de l'amour : Mt 5, 17-18; Mt 5, 21.

2 – Etapes de cet enseignement de Jésus :

2.1 – Je dois aimer le prochain en tant que tel : Jn 13, 34; Le disc.. du S. Jn 15, 1447

2.2 – Aimer le prochain comme soi-même : Mt 7, 12-13

2.3 – Aimer le prochain parce que Jésus habite en lui : Mt 25, 31 ss.

2.4 – Aimer le prochain comme Dieu l'aime : Jn 15, 12

2.5 – Aimer le prochain comme s'aiment le Père et le Fils : Jn 17, 21

3 – Qui est disciple de Jésus ?

3.1 – Les disciples du Seigneur : Jn 15, 17-21

3.2 – Tous ceux qui sont dans le besoin : Mt 25, 31 ss.

3.3 – Ceux que notre amour envisage comme prochain : le bon Samaritain

3.4 – Ceux qui devraient être évités : Le 10, 29 3.5 – Celui qui nous fait tort : Lc 6, 27

La charité et l'enseignement de la charité chez les communautés chrétiennes primitives :

1 – Les structures de la communauté et les personnes doivent exister uniquement en fonction du bien de tous et chacun doit se considérer et considérer les autres comme étant importants dans la communauté : 1 Co 12, 4-32

2 – L'amour comme programme de vie de la communauté :

2.1 -Phénoménologie de l'amour : 1 Co 13, 4-13

2.2 – Importance de la charité : 1 Co 13, 1-4 2.3 – Exercice et loi : Jn 2, 10

2.4 – Incarnation de cette loi d'amour : Rm 9, 1-5

3 – La communauté :

3.1 – Nous avons un seul Seigneur : Ep 4, 1-6

3.2 – L'amour doit être sincère : Ep 4, 14-16

3.3 – Chercher à continuer l'amour du Christ : Ph 2, 1-11

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ANNEXE II 

  UNE ALTERNATIVE AU PROJET DE VIE COMMUNAUTAIRE

QUAND IL S'AVÉRE IMPOSSIBLE

Un des fruits les plus significatifs que le 17ième  Chapitre Général a apportés à l'Institut pour une rénovation que tous désiraient, a été, sans nul doute, le Projet de vie communautaire. On s'en est rendu compte soit par les Textes Capitulaires, soit par la circulaire de Frère Basilio Rueda sur ce thème, ce nouvel instrument de travail et de grâce se présente comme un moyen très valable pour féconder et accélérer l'effort de tous vers une rénovation plus palpable.

Mais en même temps on pouvait apprendre de sources diverses que l'adoption du projet n'est pas chose facile : elle suscite des résistances, et cela se conçoit bien.

Pour beaucoup c'est une nouveauté et donc on se méfie un peu de son intérêt immédiat : n'importe qui, s'il est prudent, a pour principe de ne pas accepter facilement une pratique religieuse dont il n'a jamais entendu parler.

Et puis il peut y avoir d'autres motifs qui amènent une communauté à douter que cette adoption est opportune. Par exemple il y a des religieux et même des communautés qui, pour arriver à faire des réformes jugées nécessaires, se sont servis de moyens autres que le projet de vie communautaire. Qu'il existe des alternatives valides au projet de vie communautaire pour la rénovation spirituelle mariste, c'est certain et Frère Basilio les appellerait avec soin : autres formes de projet de vie communautaire ». Personnellement je crois même qu'il ne faudrait pas trop insister auprès de ces religieux ou de ces communautés pour qu'ils ajustent ce qu'ils font à un projet de vie communautaire proprement dit, parce qu'ils sont déjà sur la route où les invite l'Institut.

Cependant, il peut aussi y avoir des motifs moins nobles que l'on invoque pour refuser provisoirement le projet de vie communautaire. Concrètement je pense à une raison très possible pour ne pas dire probable, mais hélas incontestable, même si les membres de la communauté éprouvent une difficulté, par ailleurs très compréhensible, à le reconnaître franchement. Un membre plus conscient d'une de ces communautés qui sont quand même rares, pourrait expliquer la difficulté en disant simplement : Nous ne sommes pas préparés pour vivre un projet de vie communautaire».

Que signifierait une telle affirmation ? Il me semble que l'on pourrait l'interpréter comme une conviction très sincère, très réaliste chez ce Frère que l'on n'est pas encore arrivé à former une vraie communauté; que ce qui existe ne dépasse peut-être pas le stade de la simple juxtaposition de personnes demeurant dans la même maison, mangeant ensemble et faisant ensemble quelques réunions de travail… ou peut-être aussi que l'on en est au niveau d'une excellente équipe professionnelle ou pastorale, voire d'une équipe très bien menée avec une bonne méthode.

Mais s'il n'y a que cela, il est certain que ce n'est pas le niveau d'une vraie communauté. Dans ce cas, il faut reconnaître que les opposants au projet de vie communautaire ont une motivation importante qui les justifie. En effet ils ne se trouvent pas dans les conditions minimales requises pour élaborer, donc moins encore pour vivre un projet de vie communautaire qui leur soit bénéfique. L'essentiel fait défaut, à savoir : une vraie communauté.

Mais alors qu'est-ce que c'est qu'une vraie communauté religieuse ? Voici une réponse possible : ce sont des personnes qui se sont mises ensemble au nom du Seigneur pour vivre ensemble quelque chose qui est pour elles un élément commun très important : la consécration religieuse. Vivre cette consécration avec joie et amour est très exactement leur seule vraie raison de vivre ensemble.

Il est bien clair que la première chose que doivent faire ces religieux qui se rencontrent dans des conditions si précaires et si insuffisantes, c'est de créer la communauté. Mais comment faire ? Je suggère un itinéraire à parcourir en 3 étapes :

1ièreétape. CONSCIENTISER LES PERSONNES

Le problème est d'aider ces religieux à prendre conscience de leur situation anormale dans l'ensemble de l'Institut. Il ne faut pas juger les personnes ou les culpabiliser. Il faut les aider pour qu'ils s'intéressent vraiment à cette prise de conscience qui a pour but leur croissance spirituelle. Pour ce travail il convient d'inviter quelqu'un qui soit au courant de ce qui se passe et qui soit vraiment disponible pour aider en toute gentillesse et amitié. Le processus méthodologique pour ce travail préliminaire au parcours pourrait être celui de

 la libre  discussion des problèmes personnels selon la méthode Rogers.

Cette méthode consiste essentiellement en ceci : les personnes intéressées, assises en cercle, discutent librement le problème communautaire.

Le modérateur doit être extérieur à la communauté, et posséder le don de pacifier et d'animer. Son rôle est de faciliter la dynamique : stimuler tout le monde pour qu'ils expriment tous librement leurs idées et leurs sentiments par rapport au thème choisi; aider tous et chacun à écouter et à accueillir avec objectivité tout ce que les autres ont exprimé.

Il est possible qu'on ait besoin de plusieurs rencontres, toujours avec la participation de tous les membres de la communauté. Celle-ci doit arriver à la conclusion que quelque chose est à faire pour améliorer la vie communautaire.

Les différentes séances de cette dynamique se déroulent d'habitude de façon spontanée en trois phases.

Première phase.

Le Chaos. Le débat se fait dans un désordre total. Chacun dit plus ou moins n'importe comment ce qui lui passe par la tête. Beaucoup disent ce qu'ils veulent et écoutent ce qu'ils ne voudraient pas. C’est le bavardage. La pagaille.

Deuxième phase.

Les participants commencent à éprouver le pouvoir personnel qu'ils ont d'influencer. Les uns se mettent à s’en servir comme d'une arme pour agresser les autres et détruire les personnes. Face à cette agressivité l'animateur peut se sentir très mal à l'aise. Il est pourtant très important que lui au moins ne perde pas la tête. Il doit faire face avec calme. A ce niveau il doit généralement intervenir directement pour aider chacun à prendre conscience de ce qu'il fait. Demander par exemple, si en attaquant et en détruisant quelqu'un on pense aider à résoudre le problème.

Troisième phase.

Peu à peu se réduit la tension du groupe. On s'écoute davantage les uns les autres. On devient plus disponible à l'égard des idées, des décisions et des comportements des autres.

Dans la méthode Rogers de discussion de groupes, l'animateur ou facilitateur de la dynamique est à tout moment obligé de prendre des risques. Pour empêcher que tout parte à la dérive, il ne doit jamais se laisser prendre par la peur; jamais perdre son calme. Surtout qu'il ne cède pas à la tentation d'introduire lui-même le processus de décision finale.

Un bon animateur de groupe de discussion accepte inconditionnellement tout ce que chaque personne du groupe intéressé veut bien exprimer-que ce soit des désirs absurdes et surtout des sentiments refoulés.

Pour que la dynamique se déroule normalement il faut que tous les membres du groupe renoncent momentanément au rôle qu'ils ont reçu en charge et qu'ils ont à remplir dans l'organisation du groupe. En d'autres termes, toutes les fois qu'une communauté fait une session quelconque de vie, du genre : dynamique de groupe, prière communautaire, révision de vie, récréation, etc. il faut que chacun abandonne les titres et les prérogatives de sa fonction pour être vraiment l'égal de tous. L'animateur désigné de la session doit se résigner à n'être considéré que comme un facilitateur du processus. Ses interventions doivent se limiter à éclairer, motiver la dynamique, et en montrer les erreurs au fur et à mesure qu'elle avance… En aucun cas, il doit diriger cette évolution, moins encore être l'instance qui prend la décision. Au contraire, il doit croire que le groupe est vraiment capable de prendre ses propres décisions et de s'autoréguler ».

Le plus ou moins grand succès d'un groupe dans la discussion d'un problème commun dépend essentiellement de 7 attitudes que l'on suppose acquises pour chacun des participants. Et il est important que ceux-ci en aient bonne conscience. Donc il faut au préalable le leur expliquer avant de commencer la discussion.

Ces attitudes sont :

1 – Le respect réciproque.

2 – L'empathie c'est-à-dire une capacité suffisante de se mettre à la place de l'autre, dans sa situation et de percevoir ce qu'il ressent.

3 – L'absence de tout préjugé à l'égard des participant.

4 – Eviter à tout prix :

– d'interpréter les intentions de l'autre;

– de juger la personne de l'autre.

5 – Écouter toujours tout ce que l'autre manifeste, soit en le disant, soit en ne le disant pas.

6 – Accueillir avec charité et compréhension tout ce que manifeste l'autre.

7 – Accepter toujours la personne de l'autre, malgré tout.

Il y a d'autres moyens très efficaces pour consolider la connaissance réciproque et l'approfondir de plus en plus :

a) Une révision de vie périodique où, avec beaucoup de simplicité, sans agresser, sans juger, sans accuser, sans se permettre de justifications tendancieuses, on manifeste aux autres, ce que l'on ressent personnellement (le positif et le négatif) à l'égard des divers aspects de la vie communautaire.

b) Une prière communautaire fréquente participée et partagée et sûrement alimentée par une oraison personnelle.

c) Une récréation communautaire vécue dans l'amitié et la simplicité fraternelle.

Il faut noter cependant que ces 3 moyens ne fonctionnent bien que dans un groupe qui a déjà acquis un certain degré de vie communautaire authentique.

2ièmeétape. CRÉER LA COMMUNAUTÉ

Une fois prise la décision unanime de changer son style de vie, le groupe devra entrer dans la seconde phase de son évolution. Et là il s'agit d'établir l'objectif à rechercher sans défaillance : la communauté de vie. De quoi s'agit-il ?

La communauté de vie est différente de toute autre espèce de groupe : … de travail, de sports, d'études, de recherche, de défense, d'industrie, d'économie, d'idéologie politique ou religieuse… Tous ces groupes ont toujours un objectif très précis qui catalyse les besoins, les aspirations, les modifications, la volonté de mûrir que peut avoir chacun, mais généralement, ne fait pas circuler la vie entre les membres du groupe.

Quand on parle de communauté de vie celle-ci peut aussi fonctionner occasionnellement comme n'importe quel autre groupe avec des objectifs secondaires et temporaires. Mais ce qui importe c'est qu'elle soit, au fond, un groupe de vie. Et ceci se reconnaît aux qualités essentielles suivantes :

– intercommunication à niveau profond

– interaction interdépendante

–  communauté d'objectifs idéologiques et empiriques.

a) L'intercommunication à niveau profond correspond à un apprentissage. Il s'agit de récupérer une capacité précieuse de l'enfant qui le fait communiquer avec les autres, non seulement au plan intellectuel comme nous y a habitués une pédagogie erronée, mais aussi au plan des sentiments. En fait, communion de vie suppose connaissance mutuelle en profondeur. Pour pouvoir connaître les autres dans la mesure où ils se révèlent  à vous, Il ne suffit  pas qu'ils nous révèlent le contenu de  leur intelligence. Cela nous dirait seulement ce qu'ils savent. La qualité de l'être qui permet une confiance réciproque en vue de communication très personnelle et spirituelle, nous reste cachée. Pour pouvoir connaître les qualités des autres il faut que ceux-ci nous révèlent quelque chose de ce qu'ils vivent : l'intérieur face à eux-mêmes, face aux autres, aux choses, aux événements… c’est-à-dire leurs sentiments.

Il s'agit de réapprendre une qualité très précieuse des enfants à la simplicité, l'authenticité, la transparence… et ce n'est pas une tâche aisée pour tous. La meilleur méthode pour cet exercice consiste en certains dynamiques de groupe centrées sur la personne. C'est un exercice très délicat à réaliser comme un travail de laboratoire. Il exige normalement l'aide d'un expert pendant 30 'heures ou plus en 2 ou 3 sessions réparties sur 2 ou 3 mois. On peut répéter cet exercice à volonté.

b) Une interaction interdépendante est un besoin nouveau pour l'individu. Mais seul peut l'expérimenter celui qui est déjà intégré dans un groupe.

Il s'agit du triple besoin.

1 – De se sentir expérimentalement faire partie du groupe. Cela impliqué le sentiment d'être accepté explicitement, d'être accueilli, apprécié et reconnu, par tous comme ayant une valeur effectivement positive.

2 – D'avoir une conscience claire de sa responsabilité personnelle et du rôle qu'on doit jouer dans la dynamique communautaire, et aussi de connaître la responsabilité et le rôle qu'exercent chacun des autres membres.

3 – De se sentir aimé parce qu'important pour le groupe. c'est une nécessité pour n'importe quel membre du groupe de vouloir être aimé non seulement pour ce qu'on peut, ce qu'on sait, ce qu'on fait mais surtout pour ce qu'on est comme personne originale et unique.

c) Communauté d'objectifs. Ce qui donne à tout individu intégré dans un groupe les sentiments d'union, de sécurité, de cohésion, de solidarité est toujours l'objectif commun. Pour une communauté de vie cet objectif est la vie même de cette communauté. Une vie vécue au sens de «programme utopique», qui, pour un religieux ne peut être autre que le programme de sa consécration. Les objectifs empiriques sont les circonstances historiques dans lesquelles et par le moyen desquelles se réalise ce programme utopique : prière, activité apostolique, loisirs, études, etc. …

Dynamique de groupe pour résoudre pratiquement les problèmes concernant les 2 étapes antérieures.

Note : Cette technique se base sur un travail réalisé par les Frères Jean Thouilleux et Stephen Minogue.

Les difficultés dans la vie communautaire se réduisent généralement à un problème de relations interpersonnelles. Quand les personnes ne s'ouvrent pas les unes aux autres, quand elles ne peuvent pas se confier, quand elles sont dans l'insécurité sur ce qu'elles ont à faire, l'intersubjectivité se bloque. La cause plus profonde se trouve dans la méconnaissance réciproque. Il y a un moyen de résoudre l'impasse qu'engendre ce blocage dans la dynamique interne de la communauté et qui l'empêche de vivre et de grandir. Ce moyen c'est que l'on s'ouvre les uns aux autres pour dévoiler quelque chose de ce qui pousse à s'enfermer dans une impénétrable tour d'ivoire.

Procédé technique

Il vaut mieux que l'animateur de l'expérience ne soit pas membre de la communauté qui fait cette expérience. Celle-ci se déroule. en 3 rencontres d’environ 3 heures chacune. Ces rencontres doivent se suivre et donc il y faut au moins un jour et demi.

1ièrerencontre.

La communauté réunie se livre tour à tour aux activités suivantes :

1 – Prière mariale :

a) lecture et réflexion brève en silence sur le no. 53 des Constitutions;

b) proclamation spontanée des intentions.

2 – Question : est-ce que j'ai, oui ou non, le sentiment que les confrères de ma communauté me connaissent, me comprennent, m'apprécient, m'estiment ?

On suspend la réunion pour que, dans un climat de prière et en l'espace d'une heure environ, chacun puisse répondre en particulier. Les réponses écrites et non signées, sont recueillies dans une urne.

3 – Tous réunis de nouveau, 'l'animateur lit les réponses à haute voix, l'une après l'autre avec respect et charité.

Un secrétaire résume en peu de mots :

a) le contenu positif,

b) le contenu négatif,

de chacune des réponses, les écrivant en deux colonnes au tableau noir.

4 – Le secrétaire relit à voix haute le résumé de ce qui est positif et le résumé de ce qui est négatif et il souligne les coïncidences et les similitudes.

5 – L'animateur :

– aide le groupe à accueillir les diverses réponses données par le groupe;

– aide à prendre conscience de la responsabilité des uns par rapport aux autres;

– oriente la prière pour demander l'aide de Dieu et son pardon (psaume 85 ou 150);

– on lit posément un texte biblique comme 1 Cor. 12.26, Col. 2.12-15, 1 Jean 4.12, etc.;

– moment de réflexion silencieuse ou de prière partagée;

–  conclusion avec un cantique à Marie. Intervalle de détente. L'animateur réfléchit

* pour clarifier son impression personnelle,

* pour découvrir les tensions sous-jacents,

* pour découvrir la manière d'agir de l'animateur de cette communauté-là,

* pour élaborer un très bref diagnostic de la situation sans juger les personnes et sans blesser les sensibilités.

2ièmerencontre.

1 – L'animateur communique avec prudence et charité son diagnostic de la situation où se trouve la communauté, sans nommer les personnes.

2 – Il explique graphiquement la structure théorique de la communauté de vie centrée sur Jésus-Christ : un cercle représente les membres de la communauté : Jésus-Christ est au centre du cercle et des rayons relient le cercle au centre (J.C.). Plus ceux de la périphérie s'approchent du centre (rayons) plus proches ils sont de Jésus-Christ et de ceux des autres qui s'approchent aussi du centre. Commentaires…

3 – Prière mariale.

. Lecture de Frères Maristes aujourd'hui no. 18.

. Prière partagée sur la seconde partie de l'Ave Maria.

4 – Explication de la fenêtre Joharry »[5]pour montrer l'espace psychologique nécessaire pour une collaboration de tous dans l'effort d'abattre les murs de séparation et faire progresser l'ouverture aux autres. 

5 . Questions :

a) Quelles difficultés personnelles m'empêchent de m'ouvrir aux autres et empêchent les autres de s'ouvrir à moi ?

b) Qu’est-ce qu'il y a chez les autres qui m’empêche de m'ouvrir davantage à eux ?

c) Qu'est-ce que je vois chez les autres qui puisse favoriser l'union communautaire ?

Suspendre la session pour que chacun puisse élaborer une réponse personnelle. On ne ramasse pas les réponses écrites, mais chacun emporte la sienne pour la réunion qui suivra.

4 – On se réunit de nouveau et tous sont invités à lire, s'ils veulent, à voix haute, l'un après l'autre, leur propre réponse..

Le secrétaire écrit le résumé de chaque réponse au tableau.

5 – Temps de prière.

Lecture de Luc 11; 9-13.

Invocation à l'Esprit-Saint.

Nouvelle lecture silencieuse des réponses personnelles.

6 – Questions : qu'est-ce que l'Esprit-Saint demande maintenant à la communauté comme objectif à atteindre ?

Suspendre la réunion pour que chacun élabore sa réponse personnelle.

7 – Lecture des réponses et résumé au tableau.

8 – Pendant que le groupe prend un moment de détente une commission ad hoc :

– s'occupe à trier dans les réponses, ce qui est objectif et ce qui est moyen;

– réduit les objectifs présentés à une phrase unique provisoire.

9 – Le groupe nouvellement réuni discute brièvement l'objectif provisoire en vue d'un consensus.

10 – Ensuite le groupe en discussion libre tâche de trouver 2 ou 3 moyens pratiques pour réaliser l'objectif adopté.

11 – L'animateur amène le groupe à prendre communautairement l'engagement d'employer les moyens adoptés avec générosité et engagement personnel de fidélité.

12 – Objectif et moyens doivent être consignés par écrit sur des feuilles grand format et en couleur dans un ou deux des locaux les plus fréquentés de la résidence des Frères.

On termine l'expérience par une prière ou un chant suivis d'une réunion fraternelle.

3ièmeétape. VIVRE ACTIVEMENT UNIS

Ceci suppose que l'on cultive et que l'on mette en pratique dans la réalité quotidienne, ce qu'on a découvert par la conscientisation, ce que l'on a appris par la dynamique de groupe et ce que l'on expérimente par l'interaction interdépendante. Tout ceci dans un climat de saine amitié et de coopération fraternelle dans la tâche de croître ensemble.

Ceci suppose l'engagement actif continuellement renouvelé de chacun des membres et de leur ensemble en vue d'un effort individuel et communautaire de recherche, d'approfondissement et de dépassement dans la fidélité à la grâce.

Les signes qu'il y a développement normal du processus de croissance apparaissent dans les attitudes et les comportements, soit individuels, soit communautaires. Le niveau individuel se lit sur les visages plus ouverts, les regards plus joyeux, les sourires plus chaleureux et plus cordiaux; l'allure est plus tranquille, les rencontres plus aimables.

Le niveau des activités d'ensemble et d'ambiance plus pacifique, plus fraternelle, plus sympathique et d'une plus grande simplicité; on est moins agité en faisant ce qu'on a à faire; il y a moins de bruit qu'on fait pour oublier, plus de silence fécond; les réunions communautaires deviennent plus fréquentes; la prière… on commence à la faire de nouveau ensemble avec une certaine fidélité…

A ce niveau le groupe de personnes commence à se transformer en communauté de vie. Maintenant qu'ils sont dûment motivés, ces religieux pourront penser à un projet de vie communautaire avec le meilleur espoir d'y cueillir de bons fruits.

Il est évident que la communauté qui a vécu une expérience de ce genre doit être aidée et accompagnée par un supérieur majeur de la Province, ou même du Conseiller Général ou un délégué compétant pendant tout le temps qu'il faut pour un follow-up et pour la consolidation de sa recherche de croissance spirituelle.

Rome 10-3-1980

       f. PEDRO FINKLER

***************** 

ANNEXE

LE PROJET COMMUNAUTAIRE

COMME PRATIQUE DE LA FIDELITE.

A  LA PROVINCE, A LA  CONGREGATION

ET A  L'EGLISE

L'importance, la nécessité et l'efficacité du PVC comme une manière rénovée de vivre de nos jours la Vie Mariste, dans la perspective et la pratique d'une vie religieuse authentique, est un fait indéniable.

Des exemples édifiants pourraient être apportés à l'appui de cette constatation et la Circulaire sur le Projet Communautaire a été une source d'inspiration pour bon nombre de communautés. Il ne s'agit pas là, certes, d'une camisole de force, ni d'une panacée et moins encore d'une recette « ex opere operato ». La question de fond n'en reste pas moins la même. Il s'agit de vivre notre vie religieuse mariste ou Noviciat Universel et Permanent, d'une manière communautaire; et ce, dans la conviction que le salut est un acte communautaire et que le renouveau n’est authentique, que dans la mesure où il est le fruit de la communion et de la participation :

Dieu nous destine à suivre le Christ, en communauté, pour l'accomplissement d'une mission à la lumière du charisme mariste au sein d'une Église particulière.

Nous faisons remarquer — et d'ailleurs cette mise au point est le but de la présente annexe —que par « communautaire » nous entendons inclure aussi le communautaire, congrégationnel et ecclésial mais, avant tout, le communautaire provincial. Cela constitue un véritable défi, car la manière de vivre la FIDELITÉ présente bien des difficultés et même des impasses et des déviations.

Difficultés inhérentes aux exigences propres à la marche en soi : le fait de vivre communautairement un projet de vie, avec des personnes concrètes, dans un contexte déterminé, et d'une manière créative, dynamique et persévérante, est tellement exigeant. Nous disons bien d'une façon créative, dynamique et persévérante, car l'appartenance juridique est relativement aisée; ce qui coûte, c'est la persévérance effective. Dans ce sens, et en paraphrasant l'Evangile, nous pourrions dire : « Beaucoup restent, peu persévèrent ».

Outre les difficultés, il peut y avoir des impasses et même des déviations. Cela se produit quand le PVC n'est pas fidèle au projet congrégationnel, ecclésial et surtout provincial. Ceci arrive quand il entre en conflit avec ce dernier ou lorsqu'il ne traduit pas un effort sérieux d'adaptation à la réalité locale.

Notre intention, dans cette annexe, c'est d'approfondir quelque peu cette question, comme une aide modeste aux communautés, dans l'élaboration et la mise en application de leur projet communautaire COMME PRATIQUE DE LA FIDELITÉ à la Province, à la Congrégation et à l'Eglise. Nous croyons par là contribuer à l'approfondissement de cette nouvelle façon de vivre notre vie mariste, institutionnalisée et légitimée pour ainsi dire, depuis le dernier Chapitre général. Elle a été présentée et expliquée dans la Circulaire sur le projet communautaire, et tout récemment enrichie d'un CHAPITRE COMPLEMENTAIRE.

Tout en réaffirmant que la fidélité primordiale qui doit être vécue à travers le projet communautaire, c’est la fidélité à la propre communauté, nous développerons ce thème en trois parties :

I. Critères servant à orienter la fidélité.

II. La pratique de la fidélité.

III. Tensions dans la pratique de la fidélité.

I. CRITÈRES ORIENTEURS DE LA FIDÉLITÉ

Les critères dont nous nous occupons ici, sont ceux qui, ayant été assumés par les communautés dans l'élaboration et la mise en application du projet communautaire, les aideront à manifester une plus grande fidélité à la Province, à la Congrégation et à l'Eglise. Nous exposons donc les 4 principaux critères, selon notre façon de voir :

1ier critère : Le vrai sens de la transposition.

Transposer n'est ni copier, ni imiter, ni répéter. Transposer c'est surtout adapter, recréer, traduire en une réalité, tout en restant fidèle à celle-ci et à ce que l'on veut transposer.

Dans ce sens, le projet communautaire ne sera jamais une copie du projet provincial, car il suppose une double fidélité. Fidélité d'abord à la situation particulière où se trouve la communauté, ensuite fidélité au projet provincial qui peut d'ailleurs se résumer à quelques simples orientations ou priorités. C'est là, la même fidélité vécue par les communautés ecclésiales de base : elles s'attachent à traduire dans un milieu sociologique et géographique déterminé, les caractéristiques et les orientations du diocèse et de l'Eglise universelle.

Vivre cette double fidélité, à la Province et à elles-même, va exiger des communautés une connaissance profonde du Projet Provincial pour en saisir les intuitions et les propositions de renouveau, à la lumière des Constitutions. Cela va, de même, exiger un grand effort pour comprendre le moment historique de la Province, et tenter de traduire dans le projet communautaire ses PRIORITÉS. Ce qui implique par là-même, la fidélité de la province à la Congrégation et à l'Eglise.

2è critère : Traduire dans la vie le sens de l'appartenance.

L'appartenance dont il est ici question, c'est moins l'appartenance juridique que l'appartenance vitale, grâce à laquelle un membre d'une congrégation en devient un élément conscient et actif.

La persévérance est une conquête et par conséquent, une marche dynamique de chaque membre dans le sens que la congrégation et la province soient vraiment pour lui, son groupe d'appartenance, mais surtout son groupe de référence. C'est-à-dire, arriver à ce point, que les valeurs, l'esprit, les objectifs, le style d'apostolat, le charisme enfin, illuminent et déterminent la structure subjective de son être. En ce sens, on peut affirmer que la crise d'appartenance est la conséquence de la crise du sens de référence. L'Institut continue bien à être son groupe d'appartenance, mais il a cessé d'être son groupe de référence, c'est-à-dire son idéal de vie.

La conscience aiguë de ce sens d'appartenance de la part de chaque frère, aidé en cela, par l'animation locale et provinciale, constitue sans doute un critère fondamental dans l'élaboration et la mise en application du projet communautaire comme pratique de fidélité à la province et à la congrégation. On s'efforce donc de vivre non seulement cette identité à l'Institut, mais surtout l'identification avec lui.

Une telle perspective n'est pas du particularisme ou de l'autosuffisance à propos de ce qui est nôtre, au détriment de l'Église. C'est plutôt une expérience vécue de la communion et de la mission, à l'intérieur d'une unité de la congrégation – province – pour un meilleur service de l'Eglise. En outre, le fait de ne pas vivre de cet esprit d'appartenance, peut induire à concevoir la province, comme une simple fédération de communautés, et pis encore, une simple somme de communautés. Ce serait là une inconsistance, quant à l'héritage communautaire et au sens d'appartenance. Ce qui entraînerait de sérieuses conséquences pour le processus de renouveau, pouvant arriver même jusqu'à l'indifférence et la désaffection, et porter des Frères et des communautés à prendre leurs distances vis-à-vis de l'Institut, au point d'aller chercher leur groupe de référence, c'est-à-dire leur idéal de vie, en d'autres congrégations et même en des groupes laïcs et ou non-chrétiens.

3è critère : La conscience et l'expérience vécue du sens de cofondateurs.

Le sens d'appartenance à l'Institut et l'identification avec lui, considérés comme une communauté de référence, sont alimentés par le même sang provenant d'un même cœur : le fondateur et son don capital, celui de la fondation.

Le charisme du fondateur est un don de Dieu à son Eglise, et dans la mesure où il est communiqué, il se dépersonnalise » en relation au fondateur, pour devenir propriété de la communauté. Celle-ci ne peut, toutefois, l'institutionnaliser, car la fidélité au fondateur, c'est la fidélité à son esprit, à son intuition, à sa docilité à l'Esprit.

En revanche, nous courons le risque de vivre en une institution sans charisme, ou d'un charisme sans institution et, pis encore, de vivre un charisme sans Evangile, ou d'un Evangile sans charisme. Des tensions, il y en aura toujours, car toujours nous vivrons avec le vieil homme qui est en nous, et la célébration de la Pâque sera toujours une exigence permanente.

Toutefois cette fidélité au fondateur ne se situe pas, pour l'essentiel, dans la perspective du faire, mais de l'être. En conséquence, il importe donc de ne pas confondre la mission du fondateur et de la congrégation, avec une oeuvre déterminée. La fidélité au fondateur et à la congrégation est une fidélité à l'être et à la mission; elle ne peut, en aucun cas, être circonscrite par les oeuvres, et moins encore, par une oeuvre concrète particulière.

On se trouve alors devant une des plus graves questions en terme de fidélité dynamique, car il s'agit, non de répéter, ni de copier le fondateur, mais de s'inspirer de lui, le recréer, de chercher à traduire pour aujourd'hui, l'intuition fondamentale qui fut la sienne. En somme, ce serait la réponse à cette demande : Que ferait et surtout que serait, le fondateur aujourd'hui ? ».

Dans cette perspective, notre réconciliation, avec l'esprit unique du fondateur est fondamentale : tâcher de concrétiser, dynamiquement, la vie du fondateur en chacun de nous, à travers le projet communautaire. Nous disons dynamiquement parce que, si la vie d'un fondateur ne varie pas, en revanche les vies du fondateur, concrétisées en chacun de ses disciples, celles-là ne peuvent pas être identiques.

En ce sens, il serait de grand profit pour l'élaboration et l'application du projet communautaire et du projet provincial, de mettre en route l'« Exercice pour découvrir et approfondir le charisme du fondateur ». Les congrégations qui l'ont fait, tant au niveau provincial qu'au niveau de l'Institut, ont senti le fondateur renaître en leurs membres et en leurs communautés, avec d'excellents fruits de renouveau.

En somme, cet exercice est une marche à la rencontre du fondateur, des premiers disciples; c'est l'histoire de la congrégation et de la province qui revit, dans la perspective du charisme du fondateur et de la congrégation. Nous en donnons ci-dessous les étapes principales, dans la certitude que bien des provinces et des communautés sauront en tirer profit.

1ièrephase : La personne du fondateur et le contexte dans lequel il a vécu.

a) La personne du fondateur : Essayez de dessiner un profil du fondateur… Quel était son tempérament, son éducation, sa vie spirituelle ?… Comment a-t-il aimé Notre Seigneur ? quels étaient ses rapports avec Marie et les saints ?… Quels sont les passages de l'Ecriture qu'il préférait ?… Quelles étaient ses dévotions ?.. En résumé, comment décririez-vous l'esprit du fondateur ?

b) Le contexte dans lequel il a vécu : en tenant compte de l'époque où il a vécu, essayez de décrire le monde d'alors, avec sa situation économique, politique, sociale, spirituelle, etc. Comment se présentait alors la hiérarchie, le peuple de Dieu ?… Comment a-t-il fondé l'Institut ? Quelle en est l'intuition profonde et dynamique ?

2ndephase : L'héritage communautaire.

Esquissez le profil de la vie de l'Institut, en ses étapes successives, au cours des années… Quel a été l'apogée de ses expériences : événements de grande répercussion apostolique, persécutions… Quelles furent les crises, les moments de défaillance communautaire, de ressaisissement communautaire ? Coin l'esprit du fondateur a-t-il été transmis, à travers des formes diversifiées d'expression, conditionnées par la culture ? Ne laissez pas de réfléchir, de méditer sur les premiers Frères : comment vivaient-ils, comment ont-ils répondu aux appels de leur temps, etc.

3ièmephase : Le charisme, aujourd'hui, en moi et en mes confrères.

En présence de Dieu et avec l'assistance des lumières de l'Esprit-Saint, je m'interroge : «Quand me suis-je senti plus profondément Frère Mariste ? C'est-à-dire, en quelle occasion de ma vie de communauté ou de mon travail apostolique, ai-je éprouvé que mon être et ma tâche répondaient vraiment à un appel ? Peut-être, sur le moment, n'y ai-je pas pris garde, mais à présent que j'y réfléchis, quelle a été cette occasion ? Faites-en l'objet de votre méditation, « savourez-la ». Je me demande alors : Qu'étais-je, au juste, en train de faire ? Non pas l'action spécifique en soi (enseigner, faire de la catéchèse, essuyer la vaisselle, etc. …); mais bien l'identité religieuse profonde et la mission dont je me sentais investi… ».

Je m'interroge encore : « Quand ai-je vu notre fonds commun mariste, le plus authentiquement incarné dans un confrère de notre communauté ? C'est-à-dire en quelle occasion, dans la vie de la communauté ou dans loi-labeur apostolique… ou simplement dans la vie quotidienne d'un confrère. Ai-je découvert là, d'une manière évidente, un témoignage authentique de cette incarnation, ce pourquoi nous avons reçu l'existence et la mission ? Pensez-y ? A présent, répondez-moi. Qu'était ce confrère ? Que réalisait-il ? (non pas l'action spécifique, mais le témoignage vital et profond donné par toute son attitude).

4ièmephase : Le charisme du fondateur

A présent, à la lumière des réflexions faites au cours des différentes étapes et de votre conception personnelle, donnez spontanément, c'est-à-dire sans consulter les Constitutions, les documents capitulaires etc. … votre opinion en complétant la phrase : Nous, Frères Maristes, nous sommes appelés à…

Dynamique : Chaque Frère répond séparément et porte au groupe, la définition du charisme écrite sur une feuille de grand format. On confronte la contribution de chacun et on arrive à une définition unique du groupe.

Chaque groupe porte cette définition unique, devant l'assemblée plénière : ensemble on rédige la définition finale (cf. John CARROLL, S.J . en collaboration avec le Dr. Nick COLARELL).

4ièmecritère : Une conscience nouvelle ecclésiologique et de vie religieuse.

La fidélité de l'Eglise à l'Esprit voit naître, actuellement, une nouvelle façon d'être en Eglise et de prendre part à sa mission. Il s'ensuit une nouvelle manière de comprendre de l'intérieur la mission propre de la vie religieuse dans l'Eglise.

Aujourd'hui, l'Eglise se présente, tout d'abord, comme une communauté. Elle offre au monde des humains l'expérience de vie communautaire, vécue comme signe et anticipation de l'au-delà du Royaume de Dieu, à l'instar du témoignage des communautés de l'Église primitive.

En second lieu, l'Eglise se veut prophétique, liberatrice, en se consacrant, de préférence, à la promotion des plus démunis, comme signe visible de sa volonté de suivre le Christ d'une manière radicale. Non seulement elle annonce l'avènement du Royaume de Dieu, mais, elle en fait une réalité, dès à présent, grâce à la parole, au témoignage de sa propre vie et à son action évangélisatrice.

En troisième lieu, l'Eglise se présente comme servante du peuple : elle cherche à s'incarner dans ce peuple se mettant à son service. Comme ferment dans la pâte, les petites communautés deviennent simultanément Kérigma, Koinonia et Diaconia, c'est-à-dire Annonce, Communauté et Service.

Ces trois dimensions de l'être et de la mission de l'Eglise forment un nouvel horizon pour l'Eglise elle-même et pour la vie religieuse. Elles sont pour nous Maristes, soit comme communautés, soit comme provinces, un pressant appel de fidélité lors de l'élaboration de nos projets de vie, nous permet. tant ainsi de perpétuer une des caractéristiques fondamentales de notre Institut : amour affectif et effectif envers notre mère la sainte Eglise.

II. LA PRATIQUE DE LA FIDÉLITÉ

Nous venons de passer en revues les 4 critères-guides de la fidélité de la part des communautés envers la province, la Congrégation et l'Eglise, dans l'élaboration et la mise en pratique du projet communautaire :

– Le véritable sens de la transposition.

– Le sens de l'appartenance à l'Institut.

– La conscience et l'expérience vécue du sens de cofondateurs.

– La nouvelle conscience de l'Eglise et de la vie religieuse.

Nous abordons maintenant la partie concrète de notre réflexion : la pratique de cette fidélité, dont la manière de la vivre, implique une double responsabilité :

A) celle de la Province

B) celle de ,les Communautés.

A) La responsabilité de la part de la Province.

La Province qui est la «Communauté des communautés» ne peut être absente, dans l'élaboration et l'application de la part des communautés, du Projet Communautaire. Cette présence se manifeste par une double responsabilité :

a) La responsabilité d'avoir un Projet Provincial.

Quand on parle de Projet Provincial, on n'insinue nullement le besoin d'une organisation sophistiquée à l'échelon provincial. Mutatis mutandis, on pourrait appliquer aux Provinces ce qui est dit dans la Circulaire, à propos de la diversité des communautés : chacune a sa situation propre, de plus chacune vit un moment historique particulier. Se renouveler signifie pour elle, améliorer cette situation selon les moyens disponibles. Dieu nous accueille tels que nous sommes, quoique, en même temps, il nous demande : « Soyez parfaits comme mon Père céleste est parfait ». (Mt. 5, 48).

Dans cette perspective, nous pouvons affirmer que toute Province a son Projet de Vie, lequel peut consister :

– En une ou plusieurs priorités nettement définies.

– En un ou plusieurs objectifs clairement explicités;

– En une ou plusieurs lignes d'action, provenant de Chapitres Provinciaux ou d'orientations du Fr. Provincial et de son Conseil.

– En un plan de renouveau mis sur pied avec la participation de tous les Frères de la Province.

Et d'autres modalité du même genre.

Que la Province soit réputée s'être donné le 3Type de Projet Provincial », n'est pas ce qui importe foncièrement. Ce qui compte avant tout, c'est que chaque Province ait un minimum d'objectifs et d'options, c'est-à-dire quelque chose de bien clair, de nettement défini, par exemple : définition de Priorités pour l'orientation des communautés sur qui doit retomber la plus grande responsabilité dans l'élaboration et la mise en pratique du Projet Communautaire.

Il faut faire remarquer ici, que la décentralisation de l'Institut », légitimée depuis le Chapitre Général de 1968, est un appel à vivre la catholicité et surtout l'unité de l'Institut, puisque la Province est à la Congrégation ce que les communautés sont à la Province.

De même, il faut mentionner, encore, la question du Gouvernement de l'Institut, et, par voie de conséquence, la grande responsabilité de l'animation intercommunautaire, c'est-à-dire l'animation congrégationnelle, au niveau des différentes Provinces de la Congrégation et l'animation provinciale, au niveau des diverses communautés des Provinces.

Cette question nous semble de la plus grande importance si, par Gouvernement, on entend non seulement l'administration en tant que telle, mais surtout l'ANIMATION, conçue comme une impulsion pour être fidèle à la fois au charisme des personnes, de la Congrégation et aux signes des temps.

La Congrégation n'est pas une fédération ou une somme de Provinces, ni les Provinces, la fédération ou la somme des communautés. C'est pourquoi la décentralisation de l'Institut voit apparaître une nouvelle unité, laquelle est moins le fruit de règles et de normes, que le résultat de projets de vie, à la lumière des Constitutions et des appels de l'Eglise.

Dans ce contexte, on voit prendre forme de plus en plus clairement, la valeur et l'importance du Projet de Vie Communautaire, ainsi que du Projet Provincial comme le souligne la Circulaire : Si on laisse de l'espace libre, c'est pour permettre à chaque Province de procéder dans les meilleures conditions à son renouveau, mais un renouveau réel, évangélique, conciliaire, capitulaire : et à l'exclusion de tout autre. En outre, la Province devra réfléchir à ses objectifs, à ses moyens, à ses plans, afin d'assurer la cohérence avec les Projets Communautaires ». (Cf. Circulaire, p. 87).

L'affirmation suivante est fort intéressante : la Province doit rechercher « une cohérence avec les Projets Communautaires » et, d'autre part, les communautés doivent rechercher la fidélité à la Province lors de l'élaboration de leurs projets communautaires. C'est le flux et le reflux de la base vers le centre et du centre vers la base; une dynamique de grande importance pour un processus de renouveau en profondeur, basé sur la participation et la responsabilité.

Notons ici les deux aspects propres au Projet Provincial : l'un se rapporte au contenu, l'autre, à l'animation. Le contenu embrasse les priorités et leur traduction en objectifs et critères d'action parfaitement clairs. Cet ensemble forme le Plan de Renouveau de la Province ou la charte pour les communautés, présentée en termes de définition et d'option provinciale. L'animation sera constituée par les résolutions dont le but est d'aider toutes les communautés à vivre leur vie mariste au moyen du Projet Communautaire.

Ce serait, en somme, le projet de l'animation provinciale dont le coordinateur-né est le Frère Provincial [6]

b) La responsabilité de la Province quant à l'aide à fournir aux communautés.

 Cet appui de la Province, au profit des communautés, dans l'élaboration et la mise en œuvre du Projet Communautaire, consiste dans l'établissement de conditions favorables à l'obtention réelle d'une fidélité mutuelle. C'est la Province, et en particulier, le Fr. Provincial qui est chargé de l'exercice du Ministère de l'animation en vue de la fidélité au charisme des personnes et de la Congrégation, d'accord avec les signes des temps. C'est donc le moment de mettre à exécution le Projet d'animation des communautés dont nous avons parlé précédemment.

Il s'agit de l'animation dans sa phase d'élaboration des Projets, avec, comme objectif, de s'assurer que chaque communauté définisse son Projet de Vie. Projet de Vie incarné, très concret, fidèle aussi à la communauté et au contexte dans lequel elle vit; en même temps fidèle à la Province dont elle assume les Priorités.

Nombreux sont de la part des gouvernements provinciaux les manières d'aider les diverses communautés, dans l'élaboration et l'application de leur Projet communautaire. Mentionnons ici quelques-uns que l'on peut employer dans l'un et l'autre de ces cas.

a) Divers moyens d'animation pour l'élaboration du Projet de Vie Communautaire :

01. Indication d'orientations pratiques pour l'élaboration du Projet Communautaire.

02. Indication des Priorités de la Province, surtout si elles n'ont pas été définies avec le concours de tous les Frères.

03. Proposition d'une éventuelle présence du Provincial, d'un Conseiller ou d'un autre frère, sur requête de la communauté, pour l'élaboration de son Projet Communautaire.

04. Formation d'animateurs de communauté, dont l'une des aptitudes requises sera une certaine aptitude concernant la méthodologie et la conduite à suivre pour l'élaboration du Projet Communautaire.

05. Se donner un temps, à l'issue, par exemple, d'une retraite, où tous les Frères de la Province seraient présents si possible, durant lequel chaque communauté élaborera son Projet Communautaire, tout au moins dans ses grandes lignes. Elles pourraient ainsi s'entraider plus facilement et partager avec grand profit tant les contenus que les expériences vécues durant cette élaboration.

06. Retenir deux jours à la fin d'un chapitre ou d'une assemblée pour l'élaboration du Projet Provincial. Dans ce cas, chaque communauté ayant une connaissance claire et définie des lignes de conduite de la Province, à l'élaboration desquelles elle aura éventuellement pris part, trouvera plus facile d'établir son propre Projet de Vie Communautaire.

b) Différents moyens d'animation pour l'application concrète du PVC.

L'expérience est là, pour démontrer à quel degré l'animation est valable, stimulante, efficace pour l'application concrète du Projet Communautaire. Grandt est la faiblesse humaine et très facilement ce qui a été écrit, reste écrit », si l'animation locale n'est pas épaulée par une animation provinciale.

Voici quelques modalités concrètes de cette animation :

01. Chaque communauté envoie au Conseil Provincial son Projet Communautaire pour que celui-ci l'examine et fasse les observations propices comprenant, le cas échéant, des mots d’encouragement et d'approbation.

02. Si les Frères sont d'accord, profiter de la visite du Provincial à la communauté pour évaluer le chemin parcouru, puis refaire le point à la lumière des critères de la coresponsabilité, de la communion et de la participation.

03. Proposer des cours de formation d'animateurs de communauté en mettant l'accent sur le Projet de Vie Communautaire.

04. Réunion des coordinateurs de chaque communauté avec le Fr. Provincial et son Conseil pour un échange d'expériences sur la méthode à suivre dans l'élaboration et l'application du Projet Communautaire.

Une telle modalité fournirait aide et encouragement mutuels et permettrait d'éventuelles suggestions de remise au point, qui soumises aux communautés, pourraient alors être incorporées au texte, après dialogue et discernement.

B) La responsabilité des communautés.

Il s'agit ici de la coresponsabilité des communautés pour assurer par leur Projet Communautaire, la fidélité au Fondateur et au charisme de la Congrégation, tout en restant fidèle, et au Projet provincial, et à la mission de la communauté. On arrivera à ce résultat par l'exercice de la transposition, en traduisant et en actualisant le Projet Provincial à la propre réalité de la communauté, dans la perspective du mandat reçu, c'est-à-dire dans le mode de vivre l'« envoi » pour une mission déterminée, en un lieu déterminé et avec des personnes bien concrètes, qui forment la communauté.

Ce cheminement pourra être vécu d'après deux perspectives :

1. Intériorisation et application vécue des principes fondamentaux d'une authentique transposition ou fidélité à la Province.

2. Elaboration du Projet Communautaire avec une double fidélité au Projet provincial et à la communauté elle-même.

1. Intériorisation et application des critères fondamentaux d'une authentique fidélité.

Nous nous permettons de reprendre d'une façon synthétique ce que nous avons dit dans la 1ière partie de notre travail. Le caractère pratique de cette annexe nous l'y autorise.

Il s'agit, en premier lieu, de la conviction de la part de tous les membres de la communauté, qu'élaborer et vivre le Projet communautaire, suppose qu'ils soient eux-mêmes animés de beaucoup de créativité, de discernement et de connaissance, quant à sa propre réalité et quant au contexte où elle a été envoyée à témoigner sa mission. Cela suppose également la connaissance du Projet provincial et le sentiment intense de la raison d'être et l'importance de l'« envoi ». Nous sommes intégrés à une Province et nous devons répondre comme Province, c’est-à-dire comme grande communauté et non comme fédération.

Il s'agit, en second lieu, d'approfondir le principe de cofondateurs avec notre Fondateur, convaincus que lui a reçu la grâce d'initiateur et nous, la grâce de continuateurs. Ici encore se pose le défi de recréer et de traduire le Fondateur et pas seulement de le répéter. Sa vie devra être une « nouvelle vie » en nous et autour de nous. Que ferait, aujourd'hui, le P. Champagnat s'il était, ici, pour accomplir cette mission ? Que ferons-nous pour le recréer aujourd'hui ?

Il s'agit, en troisième lieu, de vivre l'identité mariste en l'assumant parfaitement. Vivre une appartenance vitale, et pas seulement juridique. En l'occurrence, les Constitutions, l'histoire de l'Institut, l'histoire de la Province et en particulier l'histoire de la communauté devraient être les points de référence permanents de chaque Frère. Dans la pratique ce troisième principe devrait se traduire par une guerre incessante à la routine, afin d'assumer l'histoire de la Province et de la communauté comme des convertis et pas seulement de purs observants ». A ce prix seulement, l'appartenance à l'Institut sera vitale.

Il s'agit, en quatrième lieu, d'assumer la nouvelle conscience d'Eglise et de Vie Religieuse : l'Eglise comme communauté, servante du peuple, compromise prophétiquement et de préférence par son engagement avec les plus défavorisés. Ce nouvel horizon ecclésiologique sera pour les communautés une lumière, un phare dans l'élaboration et la mise en pratique du Projet communautaire.

2. La double fidélité dans l'élaboration et la mise en pratique du Projet communautaire.

Nous arrivons au point central de notre thème : le projet communautaire envisagé comme pratique de la fidélité au Projet provincial et à la mission propre de la communauté, à la lumière des Constitutions. Il s'agit donc ici d'une double fidélité : à la Province d'abord, à la communauté elle-même et à sa mission, en second lieu.

2.1. Le Projet Communautaire comme pratique de fidélité à la Province.

Nous avons vu comment chaque Province a son Projet, aussi simple soit-il et tant mieux s'il l'est. Ce sera dans la connaissance de ce plan provincial et surtout dans le fait de l'assumer d'une façon dynamique et créative, en le recréant et en le traduisant dans le Projet communautaire, que va consister la fidélité de la communauté à la Province. C'est pourquoi, le moment de vivre l'envoi et l'appartenance est important. C'est la Province, en effet, qui nous envoie, c'est la Province qui a fondé notre communauté. Nous tous, comme communauté, nous répondons, en tant que Province, à une mission. Avec nous et par nous, c'est la Province, en définitive, qui répond.

La vigueur de ce dynamisme dans la fidélité à la Province, ainsi que du sens de l'envoi et de l'appartenance, portera les communautés à éviter la tentation de transformer leur Projet Communautaire en un simple calendrier ou agenda des activités, ou pis encore, de se laisser aller à la tentation de prétendre fonder une nouvelle Province ou à vivre en contradiction avec la ligne de conduite de l'actuelle.

A titre d’exemple, nous transcrivons ici le Projet communautaire d'une des communautés d'une Province. Nous soulignons que ce n'est qu'un exemple tant pour le contenu que pour la modalité de l'élaboration. Ce que l'on désire mettre en lumière c'est l'effort de fidélité mutuelle, soit de la communauté, soit de la Province, elle-même car, celle-ci, de son côté, avait aussi élaboré son Projet Communautaire, en discernant et en assumant, avec la participation de tous les Frères, les quatre priorités, elles aussi, assumées par la communauté dont nous parlons. Nous faisons remarquer, pareillement, dans le but de venir en aide à toutes les communautés, afin que ces priorités soient vécues en plénitude.

NOTRE PROJET COMMUNAUTAIRE

Notre projet communautaire veut être une vie de fidélité au Projet provincial et à la réalité de notre communauté et à son rayonnement en notre Eglise locale. C’est pourquoi nous essayons de transposer, dans notre réalité, les priorités de renouveau assumées au niveau de la Province.

Premier Projet : Vie communautaire.

Diagnostic :

– Dialogue peu profond.

– Manque d'évaluation des activités. Prière peu engagée.

– Manque de réflexion sur la théologie de la vie religieuse.

Evénements nouveaux : Les Frères auront cette année leur résidence au dehors, ce qui peut être cause de dispersion.

Lignes d'action :

– Créer les conditions propices à une vie de prière profonde.

– Vivre la mystique de l'entre aide : « faire route ensemble ».

– Etude religieuse dans la ligne d'une réflexion communautaire.

– Attention portée à la personne de chaque Frère dans son individualité.

Activités :

– Etude religieuse trois fois la semaine.

– Prière davantage partagée, davantage vécue.

– Rencontres intercommunautaires pour une communication plus grande avec les autres religieux de la ville.

– Plus grande valorisation de chaque Frère.

– Créer des espaces de vie » pour des rencontres en profondeur.

Second Projet : Promotion vocationnelle. Diagnostic :

– Faible témoignage de religieux authentiques.

– Catéchèse déficiente dans la ligne de l'engagement chrétien.

– Peu de culture personnelle dans la ligne d'un développement vocationnel.

Lignes d'action :

– Rendre possible la croissance de la vocation de chaque Frère.

– Promouvoir une catéchèse dans la ligne de l'engagement chrétien.

– Favoriser l'accompagnement des « recherchants ».

Activités :

– Enquête sur la vie religieuse.

– Développer les mouvements de jeunes.

– Se réserver des jours de retraite et d'approfondissement de la foi.

– Donner une attention toute spéciale à l'accompagnement des jeunes «en recherche».

Troisième Projet : Evangélisation.

Diagnostic :

– Faible participation des Frères à la Pastorale paroissiale.

– Manque de souci pour la formation des professeurs laïcs.

– Insuffisante coordination de la catéchèse et de son intégration dans les autres services : pédagogique et éducationnel.

Lignes d'action :

– Intégration des divers services d'orientation pédagogique, éducative, religieuse.-

– Réunion de formation avec les catéchistes.

– Réunion, chaque quinzaine, avec les employés pour les intégrer dans l'action éducativo-pastorale.

– Intégrer les familles dans la pastorale active.

– Intensifier la vie de prière mettant à profit la chapelle du Collège pour des temps forts de prière.

– Porter élèves, maîtres et parents à l'engagement envers les plus déshérités.

Quatrième Projet : Insertion.

Diagnostic :

– Faible participation des Frères aux activités paroissiales.

– Faible insertion dans les mouvements de jeunes de la ville.

– Engagement insuffisant avec les plus défavorisés.

Ligne d'action :

– Faire prendre conscience à la communauté scolaire et religieuse du problème des marginalisés, des laissés-pour-compte » de la ville.

– Favoriser l'intégration dc la communauté à la paroisse et au diocèse.

– Collaboration avec les autres religieux et les oeuvres éducatives de la ville.

Activités :

– Participation de la communauté aux réunions des religieux et des oeuvres éducatives.

– Promouvoir des activités d'engagement, en faveur des plus nécessiteux, avec le concours des jeunes ou de l'association Parents et Maîtres.

– Union avec les mouvements de promotion humaine de la ville ou de la région.

Observation :

Le dernier samedi de chaque mois, se tiendra une réunion communautaire pour une évaluation du mois antérieur et refaire le point sur la marche à suivre.

2.2. Le Projet communautaire comme pratique de la fidélité à la communauté et à sa mission.

Le thème de l'élaboration et de la mise en application du Projet communautaire comme pratique de la fidélité à la communauté et à sa mission a fait l'objet d'un développement exhaustif, approfondi et détaillé de la Circulaire, à laquelle est venu s'ajouter un CHAPITRE COMPLÉMENTAIRE qui relativise certains aspects, met d'autres en relief, enfin fait une mise au point de nombreux autres.

Nous renvoyons donc le lecteur à cette circulaire et à ce chapitre complémentaire où sont données aux communautés, des orientations appropriées, selon les différentes situations et selon les divers types de communautés. Ils fournissent des modèles de solutions appropriées à diverses formes de projet communautaires. Nous sommes, donc, dispensé de développer ce thème.

Nous nous permettons, toutefois, d'exposer quelques tensions dans la pratique en profondeur de cette fidélité. Ces tensions seront l'objet de la troisième et dernière partie de cette annexe.

III. QUELQUES TENSIONS DANS LA PRATIQUE DE LA FIDÉLITÉ

La fidélité s'entend comme quelque chose de radical, mais jamais comme une radicalisation ou un absolutisme. C'est un équilibre entre les extrêmes, non une polarisation au détriment de l'un d'eux. C'est le fléau de la balance. Aussi est-elle exigeante, comme est exigeant un équilibre rigoureux et absolu.

Dans l'élaboration et la mise en œuvre du Projet communautaire, comme pratique de la fidélité à la Province, à la Congrégation et à l'Eglise, nous nous trouvons en permanence soumis à des tensions, face à bon nombre de situations et d'options. Nous courons alors le risque d'être polarisés et de nuire ainsi à la mise en oeuvre effective de cette fidélité.

Nous nous permettons de citer, ici, quelques-unes de ces tensions, plutôt comme un signal d'alarme que comme une approche spécifique. Ces tensions se rapportent autant à la dynamique interne qu'à la dynamique de rayonnement externe de la communauté, certes, mais aussi de la Province, car, d'accord avec ce que nous voulons démontrer dans cette annexe, la fidélité est mutuelle, et les tensions communautaires sont vécues mutatis mutandis » également à l'échelon de la Province et même de la Congrégation.

 

01. Tension entre le charisme personnel et le charisme communautaire ou congrégationnel. Le charisme du Fondateur se trouve dans les personnes et non dans l'Institution. Le charisme congrégationnel est la mission en vue de laquelle la grâce du charisme est impartie aux personnes. Cependant la mission de l'Institut ne peut être réalisée en sa totalité, par un membre seul, à travers une œuvre solidaire, d'où le Projet de Vie Communautaire. Comment discerner et administrer tous ces dons de Dieu ? Voilà une tension qu'il importe de résoudre : ne pas institutionnaliser, ne pas dépersonnaliser.

02. Tension entre pédagogie du dialogue et pédagogie du conflit. Nous sommes insérés dans l'histoire et par là même, limités. Toute interaction difficilement se trouve à l'abri de difficultés. De là, la tension entre dialogue et conflit. Pédagogie du dialogue, pédagogie du conflit ? Peut-il y avoir vie communautaire sans contradictions, sans incohérences, sans diversités, sans inconsistance ? Quelle sera notre pédagogie ? Celle du conflit ou celle du dialogue ? La pédagogie du dialogue simple. ment anthropologique et philosophique ou la pédagogie historique et de situation ? La culture des imperfections » ne serait-elle pas la meilleure alternative ? La célébration de la Pâque comprend la Passion ET la Résurrection et pas seulement Passion OU Résurrection.

03. Tension entre routine et créativité. Le vie devient de plus en plus complexe, donc, plus exigeante. Comment éviter, donc, accommodation et routine qui émoussent et endorment ? Que faire pour ne pas être un bureaucrate ou fonctionnaire de la vie communautaire ? Comment recommencer incessamment, puis procéder à une évaluation et une mise au point, sans cesser de recréer ?

04. Tension entre théorie et pratique. Comment élaborer un Projet communautaire qui ne soit pas un texte-programme ou une éventuelle fuite dans un discours ou une théorie ? Comment donc accorder théorie et pratique ?

05. Tension entre Projet et Projection ». Etre objectif coûte beaucoup, c'est une ascèse authentique. Comment concilier la tension entre Projet, qui est un processus concret de changement d'attitudes, à partir de priorités, avec une simple « projection », fruit de prétextes, d'échappatoires, d'évasion et même de fantaisie et d'imagination ?

Le Projet est un pont entre la foi et l'action, entre ce que nous acceptons et ce que nous réalisons. Le projet peut être un instrument pour réaliser concrètement les espoirs et les aspirations que Dieu a placés au cœur des membres d'une communauté. Il rend visible le progrès du Royaume : réflexion et action. Elaborons-nous et vivons-nous des projets ou faisons-nous des « projections » ?

06. Tension entre processus de renouveau et épisodes ponctuels de renouveau. La continuité, la constance, la persévérance sont exigeantes. Comment résoudre la tension entre un processus de renouveau qui exige suite, structuration, unité dans la dynamique, et de simples épisodes ponctuels de renouveau, vécus au moyen d'efforts isolés, parallèles et même opposés ? La programmation de nos activités constitue-t-elle la mise en pratique d'un processus ou un simple paquet » d'activités sans lien entre elles ?

07. Tension entre la personne et les structures. Toute institution comprend des personnes et une structure. La structure se place dans la ligne des fonctions, des charges ou emplois, des tâches, de la production et du rendement. Les personnes, c'est le monde de l'humain et par voie de conséquence, le monde des relations, des échanges, des interactions. Avons-nous tendance à institutionnaliser ou à humaniser ? Sommes-nous partisans de la contestation ou préférons-nous plutôt, la concertation ? Notre engagement communautaire est-il seulement verbal ou aussi émotionnel ? Comment vivre cette tension ? Sommes-nous des êtres « institutionnalisés » ou des enfants libérés, communautaires, parce que fils du dialogue et de relations réciproques ?

08. Tension entre mission et œuvre. La mission est une réalisation simultanée des personnes et de la communauté, grâce au témoignage et à la parole. C'est un tout indissociable. La mission ne se confond donc pas avec la pastorale et moins encore avec des œuvres ponctuelles ou des actions apostoliques. Les œuvres sont des moyens. C'est pourquoi, toutes les fois qu'on a voulu redonner de la vitalité à la mission en se basant sur une sélection d'actions pastorales ct d'actions apostoliques même excellentes, le résultat a été nul. Comment vivre cette tension ? Comment vivre la tension entre ce qui constitue l'essence même de l'œuvre et l'œuvre en soi ?

09. Tension entre administration et animation. Gouverner implique plusieurs fonctions : administrer, prendre des décisions, donner des ordres, passer du temps au bureau, etc., et avant tout animer. Animer, ce n'est pas tant exhorter ou supplier, c'est surtout motiver en profondeur. Animer, c'est accorder la fidélité au charisme des personnes et de la Congrégation avec les signes des temps. Comment vivre la tension entre administration et animation, soit au plan local, soit au plan provincial et assurer une application de renouveau, grâce au Projet communautaire dans la ligne de l'animation ?

10. Tension entre l'élément et l'ensemble. Toute réalité se situe à l'intérieur d'un cadre plus grand qui lui donne son sens. Le grand cadre et le petit cadre ont entre eux des relations mutuelles, ils s'éclairent et s'expliquent l'un par l'autre. Comment vivre le « domestique » et cc qui l'enveloppe et le déborde ? Entre la spontanéité et l'objectivité ? Entre « chapelle » et Eglise ? Edifions-nous l'Eglise ou sommes-nous de simples « Chapelles » ?

11. Projet et Esprit. Projeter c'est calculer, c'est programmer, c'est prévoir. L'Esprit, lui, est imprévisible, il souffle où, quand, comme il veut. Comment concilier spontanéité et programmation, prévision et imprévu, recherche et accueil, vie et action, Esprit et effort humain ? Comment vivre cet équilibre grâce au Projet communautaire ? Comment le discernement et la prière président-ils à tout ce processus de tension et de fidélité ?

12. Tension entre renouveau et réforme. Renouveau veut dire transformation; c'est un changement de mentalité, changement d'attitudes surtout. Renouveau, c'est vivre le «NOUVEAU» et pas tellement recherche de nouveautés. Renouveler suppose, en outre, innover et en conséquence assumer des risques.

Réformer c'est accommoder, c'est améliorer à la périphérie, c'est concilier. Que voulons-nous avec le Projet communautaire tant au niveau local qu'au niveau provincial, le renouveau ou de simples réformes ?

 Dans l'évaluation, cherchons-nous à mesurer ou à peser ? Sommes-nous habités par de simples angoisses psychologiques ou par des inquiétudes théologiques du Royaume ?

 

Nous arrêtons ici l'énumération des tensions possibles dans la pratique de la fidélité à la Province, à la Congrégation, à l'Eglise et surtout à la communauté elle-même, en élaborant et en vivant le Projet communautaire. Notre but était modeste. Il voulait insinuer que les choses sont plus exigeantes, plus sérieuses que nous le pensons. Si le Projet communautaire et un mode nouveau et profond de vivre notre Vie Mariste, alors il a son prix. Ce n’est pas une simple péripétie, mais bien un engagement communautaire avec toutes les implications que cela suppose. C'est pourquoi nous nous permettons d'exposer ci-après, en raccourci, quelques critères d'évaluation de la route parcourue dans une perspective de discernement, c'est-à-dire en pesant les choses plus qu'en les mesurant.

Profondeur                       contre              superficialité

Paix                                contre              agitation

Liberté                            contre              esclavage

Dynamisme                   contre              indifférence

Authenticité                  contre              rationalisation

Charité                           contre              égoïsme

Réalité                           contre              imagination

Nous concluons cette annexe en reprenant la synthèse de ce que doit être, aujourd'hui, une authentique Vie Mariste dans la perspective du Projet communautaire :

Dieu nous destine à suivre le Christ en communauté pour l'accomplissement d'une mission à la lumière du charisme Mariste au sein d'une Eglise locale.

Fr. Joaquin Panini

*********** 

ANNEXE IV

LES CONSTITUTIONS COMMÉ INSTRUMENT D'EVALUATION

DU PROJET COMMUNAUTAIRE

Questionnaire

0.1 Quel chemin d'unification avez-vous choisi ?

Consécration ?                          Prière ?           

Apostolat ?                     Communauté ?          

Autre ?  

1. VOCATION MARISTE

1.1 Comment avez-vous envisagé le double aspect de notre vocation mariste ? En union avec la Sainte Vierge, nous participons :        (1)

– à la sainteté de l'Eglise

– et au mystère du salut (apostolat)

1.2 Dans quelle mesure avez-vous utilisé les Constitutions pour vous guider dans l'élaboration de votre plan ?        (2)

1.3 Votre projet tient-il compte de nos traits caractéristiques :

– Esprit marial      (4)

– Esprit d'humilité            (5)

– Esprit de famille            (6)

2. NOTRE CONSÉCRATION

2.1 Notre consécration est essentiellement par Dieu et pour Dieu (7) Comment, dans le projet communautaire, faire ressortir

– l'aspect théologal de notre consécration ?    (8)

– son aspect christocentrique ?(9)

– son aspect ecclésial ?  (10)

– son aspect eschatologique ?  (11)

Quel espace est réservé à l'aspect marial     (12)

2.2 Notre chasteté trouve-t-elle son épanouissement dans la vie fraternelle en communauté ?             (15)

Trouve-t-on dans la communauté : un amour universel ? la joie ? l'enthousiasme ? la simplicité ? la cordialité ? l'humilité ?

2.3 La pauvreté. Comment les frères s'appliquent-ils à être pauvres ? Au service des autres ?  (19)

– Pauvreté personnelle  (21)

– Pauvreté collective      (22)

– Comment s'exprime l'attitude d'un vrai pauvre dans la communauté ?     (23)

* Dieu, seule valeur absolue

* prêt à rompre progressivement toutes les attaches terrestres      (25)

2.4 L'obéissance. Chaque Frère fait-il l'oblation totale de sa propre volonté ?     (26)

Peut-on dire qu'à cette communauté «les Constitutions fixent un cadre et une orientation à son idéal apostolique comme à ses relations envers le Seigneur et ses Frères » ?

Cherchons-nous une maturité spirituelle et une vraie liberté à travers une obéissance généreuse et joyeuse ? totale, humble, préférant le témoignage d'une communauté au succès personnel ?      (28)

2.5 La stabilité. Quelle est l'influence de la présence des Frères stables dans la communauté ?             (30)

– «une présence de plus en plus utile» ?

– une qualité 'd'attachement à Dieu ?

– pour l'éveil des vocations ?

– pour illustrer le charisme du Fondateur ?      (31)

3. NOTRE SERVICE DE DIEU

3.1 Dans la prière.

Quel est le rythme trouvé en communauté pour la prière collective et pour la prière personnelle ?             (35)

La messe est-elle le centre de notre journée, l'âme de notre apostolat, le lien mystérieux qui nous unit aux vivants et aux défunts ?     (36)

L'office nous assure-t-il une présence du Christ ?  (37)

Quel est l'espace donné

. à la Parole de Dieu ?

. à l'oraison ?

. à la lecture spirituelle ?

. au silence ?

. aux retraites ?

. aux journées de réflexion ?

. à l'étude religieuse ?    (38)

. au sacrement de la réconciliation ?

. à la direction spirituelle ?         (39)

. à la dévotion mariale ?(40)

. à la dévotion au Fondateur ?  (41)

3.2 Dans l'apostolat.

« L'apostolat est de l'essence de la vocation » (P.C. 8).

Sommes-nous conscients de partager la mission du Christ : « consacrer toute la création et la conduire à son véritable achèvement» ?    (42)

Quelle est la valeur de notre témoignage dans notre vie de chaque jour ?           (43)

Participons-nous à des mouvements apostoliques ?           (44)

Cherchons-nous « un sage équilibre entre l'instabilité et l'immobilisme » ? A quel point sommes-nous situés ?  (45)

Quel est le champ d'apostolat de la communauté et qui sont ses collaborateurs ?          (46)

Jusqu'à quel point notre apostolat devient-il un don de nous-mêmes à la suite du Père Champagnat ?            (49)

3.3 Dans la vie communautaire.

La communauté est-elle manifestement animée de l'esprit d'amour du Père ? (50)

Comment nous aidons-nous les uns les autres dans la communauté

– par la pauvreté

– par la chasteté

– par l'obéissance ?         (52)

Est-elle une communauté mariale ? (53)

Existe-t-il une vraie mise en valeur de tous dans la communauté ?          (54)

Y a-t-il un apostolat communautaire ? (55)

Réfléchissons-nous ensemble aux problèmes de justice, de charité ou d'hospitalité qui incombent à la communauté ? (55)

Quel est l'état de l'alimentation spirituelle de la communauté ?     (56)

Comment les Frères anciens se sentent-ils dans la communauté ?          (57)

La communauté reste-t-elle ouverte et accueillante aux autres ?  (59)

3.4 Notre vie est-elle caractérisée par un esprit de facilité ou de dépassement de notre nature ?             (61)


[1]Il y en a d'excellentes pour communautés et il y en a de désastreuses. Le fait de vivre ensemble et de mettre tout en commun crée un conditionnement assez particulier. Or beaucoup de méthodes de dynamique de groupes sont nées dans le monde du travail, pour des entreprises où sont mises en commun seulement des heures de travail ouvrier; elles s'appliquent donc mal à la forme de vie des religieux. Mais il y a des méthodes de dynamique de groupes qui sont très bonnes et par exemple, le Père Arvesu S.J. fait dans ce domaine un travail très valable parce que très respectueux des personnes.

[2]Je recommande très fort la lecture du livre de Jean Vanier : la Communauté lieu du pardon et de la fête (Editions Fleurus).

Ce n'est pas, à vrai dire, une méthode au sens strict du terme mais il peut aider les communautés qui viseraient à résoudre ou à améliorer leur situation (niveau humain et chrétien) avec le premier genre de projet communautaire. Il y a aussi plusieurs chapitres des Avis, Leçons Sentences qui surprendront agréablement par leur caractère pratique si on se donne la peine de les relire. Faut-il enfin rappeler le texte de l'ancienne Règle : « Ils porteront le nom de Frères, afin de se rappeler sans cesse qu'ils ne forment tous qu'une même famille, qu'ils doivent s'aimer, s'édifier et s'aider mutuellement à parvenir à la sainteté ». (Chapitre I; art. 2) ou ce qui nous est dit de F. Jérôme «Le Père Champagnat l'avait surpris maintes fois faisant la nuit le tour du bâtiment pour voir si tout était fermé si les fenêtres étaient arrêtées, et s'il n'y avait aucun danger de feu ». « Cet excellent Frère, disait-il encore de lui, ne sait rien, mais, par son caractère et ses vertus, il vaut son pesant d'or. C'est un de ces hommes rares et précieux que l'on remplace difficilement lorsque Dieu les prend ». (Vie du P. Champagnat p. 521).

Et le Père Champagnat ne pouvait pas s'empêcher de le comparer à d'autres : « En voilà un qui aime l'Institut. Et non pas ces certains Frères qui ne pensent qu'à eux et qui en font toujours le moins qu'ils peuvent ». (Vie du Père Champagnat p. 522).

[3]Situation d'une communauté à l'intérieur d'une province, ou d'une province à l'intérieur d'un Institut, qui demande et obtient de vivre indépendamment, ou plutôt dans la dépendance directe du S. Siège. La principale raison de cette scission est le refus pour le groupe qui se sépare, d'une évolution, jugée par lui inacceptable, de l'ensemble des autres religieux.

[4]«En nous il y a le citoyen, le père de famille, l'homme d'affaires, l'homme du métier, l'homme d'Église, l'homme de société, l'homme de lettres. En tour à tour chacun de ces "moi" se comporte en individualiste forcené ».

…« Nous ne sommes pas unifiés… ».

« Si l'on se tient tout près du "Centre", dans le rayonnement de sa chaleur… il se produit une nouvelle évaluation de bien des choses que nous faisions ou que nous essayions de faire : ELLE EST FAITE POUR NOUS et nous reconnaissons ce que nous avons à maintenir et ce que nous avons à abandonner. Vivons-nous dans l'inaltérable paix divine, dans une paix qui inonde le tréfonds de notre âme, d'où tout effort est banni, où Dieu est déjà vainqueur du monde, vainqueur de nos faiblesses ? …Quel. que chose de la patience cosmique de Dieu passe en nous.

Dans une journée extérieurement bien remplie, il est possible de se tenir cependant constamment en la sainte Présence. Et il cite F. Laurent : " Le temps de l'action n'est point différent de celui de l'oraison, je possède Dieu aussi tranquillement dans le tracas de ma cuisine où quelquefois plusieurs personnes me demandent en même temps des choses différentes, que si j'étais à genoux devant le Saint Sacrement ".

"On peut vivre dans un état presque ininterrompu de prière intérieure qui s'élève à Dieu et se reporte sur les personnes et les entreprises qui nous tiennent à cœur. C'est une vie exempte de précipitation, une vie de bonheur ineffable, une vie pleine de gloire, un monde intérieur rayonnant de splendeur que nous pouvons habiter malgré notre indignités.

"L'amour de Dieu nous fait les besoins du monde sous un jour nouveau. Parce que nous aimons nos semblables nous souffrons de constater qu'ils sont aveugles, tandis qu'ils pourraient voir; qu'ils sont endormis dans le confort et le luxe tandis qu'ils devraient être éveillés et mener une vie de consécration; nous souffrons de les voir accepter les biens de ce monde comme leur droit et non comme un dépôt à eux confié provisoirement. Nous nous sentons poussés à devenir instruments de leur réveil, parce que, dans ce centre sacré, nous apprenons à aimer notre prochain autrement car nous l'aimons maintenant comme nous-mêmes. Les besoins les plus pressants des hommes ne sont point la nourriture, un abri, le vêtement, quelque important que soient tous ceux-ci : c'est de Dieu qu'ils ont besoin avant tout. Nous nous sommes mépris sur la nature de leur détresse, nous avons cru qu'il s'agissait de misère économique. Non, il s'agit de détresse de l'âme, de la privation de l'amour divin qui pourrait les recréer, et de la paix de Dieu.

Si c'est en vertu d'une décision de notre intelligence que nous répondons oui ou non à un appel, nous avons à en fournir les raisons… Mais si c'est en vertu d'une direction intérieure… nous n'avons pas à donner de raison sauf une seule : la volonté de Dieu, telle que nous la discernons. … Et j'ai constaté que jamais il ne nous conduit à l'intolérable essoufflement d'une activité fébrile. La Patience cosmique devient un peu notre patience… La vie qui a sa source dans le "Centre" est une vie de paix, de calme puissance… Elle ne demande pas de temps, mais elle nous occupe tout le temps. Dieu est au gouvernail ». (Th. R. Kelly. Mon expérience de Dieu, Ed. Feu Nouveau 1970, pp. 41-55).

[5]  Il s'agit d'une technique mis au point par 2 psychologues américains (Jo et Harry) pour mieux comprendre le développement de relations humaines.

Note. Dans mon livre : « Unification de la vie dans la communauté religieuse « qui paraît aux éditions Loyola, on trouve au chapitre : Fonctionnement de la vie communautaire une explication de la Fenêtre Joharry. On trouve une explication semblable dans LUFT Joseph, Introduction à la dynamique de groupe, Editeur Moraes, 1968, vol. 28

[6]Pour une étude plus approfondie sur ce thème, nous recommandons la lecture de la 2è partie du Vol. 1ier et 2nd groupement d'Expériences du Vol. II de : Provincias religiosas en proceso de renovaciôn planificada– Joaquim Panini, H. Hidalgo, M. Cabello – Ed. Paulinas : Santiago – Chili.

 

 

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