Circulaires 411

Marie, notre Bonne Mère - Marie, notre source de Renouveau Seán Sammon

2009-05-31

Entre ses bras ou dans son cœur

 

411

« ENTRE SES BRAS OU DANS SON CŒUR[1]» 

Marie, notre Bonne Mère Marie,

notre source de Renouveau

 

Frère Seán D. Sammon, FMS

Supérieur général

Institut des Frères Maristes

Volume XXXI, n° 5.  411

31 mai 2009

 

Titre de l'original en anglais :

IN HER ARMS OR IN HER HEART: Circulars of the Superior General of the Marist Brothers

 Traduction :

Fr. Joannès Fontanay, fms

 Éditeur :

Institut des Frères Maristes

Maison générale

Rome, Italie

 Production et Administration :

Frères Maristes

Piazzale Marcellino Champagnat, 2

00144 Roma, ITALIE

Tél. (39) 06 545171

Téléc. (39) 06 54517217

[email protected]

[email protected]

www.champagnat.org

 Mise en page et photolithographie :

TIPOCROM S.R.L.

Via A. Meucci, 28

00012 Guidonia (Roma), ITALIE.

 Impression :

C.S.C. GRAFICA, S.R.L.

Via A. Meucci, 28

00012 Guidonia (Roma), ITALIE.

 Photographie :

Josep Roura, fms

 

SOMMAIRE 

Un extrait………………………………………………………………………………………….. 5

 Introduction………………………………………………………………………………………. 7

 Chapitre I

Marie dans la formation religieuse et la vie de foi de Marcellin………………. 23

 Chapitre II

Marie dans notre vie aujourd'hui………………………………………………………… 37

 Conclusion………………………………………………………………………………………. 53

 Litanies maristes à Marie…………………………………………………………………… 55


—————————— 

 

…. Un extrait.

En des lieux, des moments inattendus

Mêlés d'espoir, mêlés de désolation,

Quand j'ai cru que vous aviez disparu

Je vous rencontre soudain.

Parfois vous faites irruption

Et me présentez le mystère, la passion, la vie,

Alors mon cœur s'enflamme.

                      D'après Catherine de Vinck

                                 A time to gather, 1974

——————————- 

INTRODUCTION

Le 31 mai 2009

    Chers Frères,

Pendant des années, une série de vitrines emplissaient le vestibule devant le bureau du Supérieur général, au premier étage de la Maison générale, à Rome. Chacune contenait des statues ou des représentations de Marie : une collection trop importante pour la rendre attrayante, vu l'espace disponible.

En contemplant ces représentations de la mère de Jésus, je me suis souvent demandé : « si elle venait, une après-midi, visiter cette exposition, arriverait-elle à s'y retrouver ou au contraire se demanderait-elle comment les choses en sont arrivées là ? »

Qui est cette femme que la primitive Église a connue sous le nom de Miriam de Nazareth ? Quelle place a-t- elle eu dans la vie de Pierre, de Marthe et de Marie, de Jean le disciple bien-aimé, et, des siècles plus tard, dans celle de Marcellin qui l'a nommée notre Première Supérieure, et l'a appelée sa Ressource Ordinaire et notre Bonne Mère ? Plus important encore, qui est Marie pour nous aujourd'hui, citoyens du 21ième siècle et membres d'un Institut qui porte son nom ?

A mesure que s'écoulent les années, de moins en moins de Frères et de Laïcs maristes, de catholiques en général, se rappellent ce qui a précédé Vatican II à propos de Marie. Ceux d'entre nous qui s'en souviennent doivent admettre que, depuis le Concile, Marie a perdu sa place prééminente dans la vie de nombreux fidèles. Quoiqu'encore visible, sous bien des formes, elle n'est plus que l'ombre de ce qu'elle fut.

Il est vrai que la constante érosion des connaissances sur la mère de Jésus et du culte en son honneur n'a pas été universelle. Par exemple la dévotion envers Notre Dame del Pilar, honorée comme la Mère des Peuples hispaniques par le Pape Jean-Paul II[2], continue sans fléchir dans la cathédrale de Saragosse, en Espagne. Les pèlerins se rendent aussi en foule, chaque année, à Lourdes en France, à Fatima au Portugal, à Knock en Irlande, et plus récemment à Medjugorge en Bosnie- Herzégovine.

La statue de Notre Dame du Liban domine le port de Beyrouth et les visiteurs aussi bien chrétiens que musulmans gravissent les marches qui grimpent aux pieds de la statue. En Asie aussi, dans le continent africain, en Océanie, aux Amériques[3], des catholiques continuent d'exprimer, chacun à sa manière, leur dévotion envers la mère de Jésus.

Et tandis que Notre Dame de Guadeloupe a été proclamée patronne des Amériques,  beaucoup de catholiques d'Amérique Latine continuent à garder d'autres représentations de Marie qui leur sont chères comme Notre Dame de Luján (Argentine), du Carmel de Maipu (Chili), de Caapucé (Paraguay), la Vierge de la Charité del Cobre (Cuba), et Nostra Senhora Aparecida (Brésil) pour n'en nommer que quelques-unes.

Malgré toutes ces preuves de dévotion, nous devons cependant admettre que, dans de nombreuses régions de notre monde, la conscience de la présence spirituelle de Marie parmi nous a diminué depuis la dernière session de Vatican II. Par exemple, la coutume de réciter le Salve Regina à la fin de chaque messe a cessé vers le milieu des années 60, tandis que le trésor du Rosaire est oublié en beaucoup d'endroits et que les anciennes litanies composées en l'honneur de Marie sont récitées beaucoup moins fréquemment aujourd'hui que par le passé.

La situation n'est pas moins inquiétante dans l'Institut. Dès 1967, les délégués au 16eme Chapitre général faisaient remarquer que les profonds changements qui se produisaient concernant la dévotion mariale dans bien des régions de notre monde mariste entraînaient une profonde confusion[4].

Nos Constitutions et Statuts maristes nous rappellent notre obligation de « contempler la vie de notre Mère et Modèle pour nous imprégner de son esprit[5]. »  Cependant ont disparu nos célébrations communautaires des cinq grandes fêtes mariales, la récitation du Petit Office de la Sainte Vierge, et en beaucoup d'endroits la pratique de marquer le samedi d'une façon spéciale comme le jour de Marie et les mois de mai et d'octobre comme ses mois. 

Mon exemple personnel

J'ai eu la chance de grandir dans l'une des rares paroisses de la Cité de New York confiée à l'Ordre des Frères Prêcheurs : Saint Vincent Ferrier. Marie était présente partout dans cette église. Un autel en son honneur se trouvait sur la gauche de la nef principale du sanctuaire, et un autre tout proche en l'honneur de N.D. de Fatima. Chaque année, en mai, un autel était dressé temporairement en son honneur et un étudiant était choisi pour couronner sa statue.

Pendant mes études secondaires, la mère de Jésus a continué à tenir une place prééminente. Chaque jour, par exemple, un Frère Mariste, animait pour les élèves la récitation de cinq dizaines du chapelet. Il y avait la Congrégation des Enfants de Marie ; elle était représentée partout dans l'édifice.

Est-ce que mes souvenirs de ce passé ne sont que nostalgie, regard sentimental rétrospectif sur une époque qui réalisait bien ses objectifs mais qui a peu de rapport avec nous aujourd'hui ? Sûrement pas. Marie de mon enfance et de mon adolescence était une personne centrale et importante dans ma vie. Mais ce qui était plein de sens pour un garçon de huit, neuf ou quinze ans ne m'est guère utile aujourd'hui. J'aimerais plutôt trouver dans ma vie une place pour cette admirable femme de foi afin qu'elle lui donne sens dans une dimension adulte. 

Pourquoi une circulaire sur Marie ?

Des circulaires sur la Mère de Jésus ne sont pas un phénomène nouveau dans l'histoire de notre Institut. Souvent, les anciens Supérieurs généraux ont parlé de Marie dans leurs lettres importantes et ils s'y sont référés maintes fois d'autres façons.

Par exemple, pendant sa période de responsabilité, le Frère Basilio RUEDA a écrit une circulaire intitulée Un nouvel espace pour Marie et il l'a fait paraître au début du 17eme Chapitre Général, le 8 septembre 1976. Le texte est divisé en deux parties : la première consiste en une réflexion théologique sur Marie et la seconde est composée de témoignages personnels de Frères de tout l'Institut.

Frère Charles HOWARD et Frère Benito ARBUÉS ont fait constamment référence à Marie dans leurs circulaires et lettres aux Frères et Laïcs maristes. Conscient de la place importante que le Rosaire a toujours eue dans la vie de notre Institut, Charles a présenté cinq mystères complémentaires groupés sous le titre « d'espérance ». Il a aussi composé une prière en l'honneur de Marie. D'abord présentée au Chapitre général de 2001[6],  elle reste en usage aujourd'hui.

Benito a présenté l'image de Marie comme « une compagne toujours présente » surtout dans les périodes d'épreuves et de difficultés. Ecrivant à ses Frères et aux membres de la Famille mariste sous le titre de Fidélité à la Mission dans des situations de crises sociales, il termine sa réflexion par ces mots, « quand les Constitutions nous disent que nos façons d'être et d'agir trouvent leur inspiration et leur orientation dans les attitudes qui ont fait de Marie la parfaite disciple du Christ, elles nous demandent de vivre de son esprit.

Je demande à Marie, pour moi-même et pour chacun de mes Frères, cette attitude d'écoute attentive, de prompte obéissance, de simple engagement envers les personnes, de confiance, de force, d'humilité et de joie sereine. En des temps comme les nôtres, nous sommes portés à dire avec le Père Champagnat : « Elle a tout fait chez nous[7]. » 

Les participants aux récents Chapitres généraux ont aussi fait valoir la place et le rôle importants de Marie dans l'histoire et la vie de notre Institut. Presque immédiatement après Vatican II, les délégués à notre 16ièmeChapitre général (1967-1968) ont écrit un document fouillé et de bonne théologie sur Marie[8].  Dans un langage clair et convainquant ils ont très bien résumé les enseignements de Vatican II sur la mère de Jésus et proposé aux membres de notre Institut un défi pour redéfinir la place de Marie dans nos vies et notre mission, ce qui reste encore à être pleinement assumé.

Les membres des Chapitres suivants ont aussi pris en compte la mère de Jésus dans leurs délibérations. Le Chapitre de 1985 nous en donne un bel exemple. En écrivant nos Constitutions et Statuts, les capitulants ont voulu qu'un article sur Marie et d'autres références s'y apportant se trouvent dans chacun des chapitres du texte définitif.

Cependant, cela dit, il reste encore ces questions :

« Pourquoi une autre circulaire sur Marie » et

« Pourquoi une circulaire sur Marie à cette étape de notre histoire ? »

En vérité, plusieurs raisons justifient la rédaction de cette circulaire, et sa rédaction maintenant. Tout d'abord, c'est le bon moment pour trouver une place renouvelée de Marie dans la vie et la mission de notre Institut.

Malgré des avis différents chez les Pères de Vatican II pour trouver où bien placer les enseignements sur Marie, les années qui ont précédé et suivi immédiatement ce rassemblement historique lui ont donné une place prééminente et ont fait apparaître de nouvelles perceptions et des pistes novatrices pour comprendre l'enseignement séculaire de l'Eglise sur la mère de Jésus.

Malheureusement, cette tendance s'est inversée avec le temps. Le nombre de publications sur Marie a diminué et ses représentations n'étaient plus aussi fréquentes dans les endroits où on la trouvait traditionnellement[9].

Ces évolutions ont eu, à n'en pas douter, un effet direct sur la dévotion mariale dans l'Eglise tout comme dans l'Institut ; et nombre de pratiques jadis familières furent délaissées. Certains d'entre nous, à l'aise avec les descriptions de Marie tirées de l'Ecriture plutôt que de la tradition[10], ont accueilli ces changements comme faisant partie d'un renouveau longuement attendu et nécessaire de la place de Marie dans l'Eglise et l'Institut. D'autres en ont déduit que les décisions prises à Vatican II minimisaient indûment le rôle de la mère de Jésus dans le plan de la Rédemption voulu par Dieu.

Opter pour l'une ou l'autre de ces deux positions n'aide guère à nourrir le dialogue sur le rôle et la place de Marie dans notre vie actuelle. Si nous ne pouvons nier que Dieu l'a appelée à une vocation spéciale dans l'histoire du Salut, nous ne pouvons pas oublier que sa proximité avec Dieu a renforcé son humanité[11].  Tout comme nous, la mère de Jésus s'est posé des questions et a vécu dans le doute. Elle a eu sa part d'inquiétudes, de frustration et de désarroi. Par exemple, le théologien Leonardo Boff nous rappelle que l'Immaculée Conception de Marie « ne signifie pas qu'elle ne fut jamais troublée, ou qu'elle n'eut pas besoin de croire et d'espérer[12]. »

Sainte Thérèse de Lisieux croyait que c'était pour ces raisons-là que Marie a toujours été aimée et honorée. Elle a en outre signalé qu'elle aimait la mère de Jésus non parce qu'elle avait reçu des grâces exceptionnelles, mais parce qu'elle avait vécu et souffert comme nous la sombre nuit de la foi[13].

Aujourd'hui, après presque cinq décennies depuis la fin du Concile, nous avons une occasion opportune de réfléchir sur la place de Marie dans nos vies et sur notre dévotion envers elle. Cette réflexion nous aidera à mieux comprendre les changements qui se sont produits dans ce domaine important de nos vies et nous ouvrira une route.

En même temps, en accueillant dans nos cœurs et dans nos vies la mère de Jésus sous un jour nouveau, nous aurons la possibilité de nous approprier l'un des éléments clés de la spiritualité de notre fondateur : comprendre l'humilité dans le contexte d'une relation avec Marie. Si dans le temps, elle a été considérée comme une vertu ascétique, alors que se définissait la spiritualité mariste, l'humilité a plus précisément ressemblé à une attitude ou conception spirituelle. S'en remettre à un abandon filial envers Marie non seulement pour soi-même mais pour l'Institut qui portait son nom, c'est une relation privilégiée qui est rendue dans l'expression familière « Tout à Jésus par Marie »

Marcellin a donné beaucoup de poids à l'humilité et a lutté pour lui donner une place centrale dans sa vie. C'était la première leçon qu'il enseignait aux nouveaux postulants ; le Livre d'Or, un traité sur l'humilité, était le premier ouvrage qu'il mettait entre leurs mains.

La vie de la mère de Jésus lui rappelait constamment que la perfection de cette vie ne se trouve pas en une extravagante dépréciation de soi. C'est en étant pleinement elle-même que Marie en vint à découvrir la gloire de Dieu. Avec le temps, le Fondateur comprit que la vraie humilité consiste à accueillir Dieu dans nos vies, comme Marie. Ainsi, nous en venons à nous considérer pour ce que nous sommes vraiment : des créatures en présence du Créateur.

Marcellin, bien conscient de ses limites personnelles et voyant que sa nouvelle communauté se développait rapidement, confia finalement à Marie tout ce que cela impliquait et le projet lui-même. En même temps, la vertu d'humilité était associée à la simplicité et se rattachait aussi à la modestie.

Aujourd'hui, face à la tâche du renouveau, nous pourrions nous sentir également dépassés. Nous pouvons certainement nous glorifier du fait qu'avec la grâce de Dieu, nous avons fait un long parcours sur ce chemin, mais nous devons être bien conscients qu'une longue route, également difficile, est à parcourir.

La tâche de préparer notre Institut pour un monde nouveau a été gênée aussi, parfois, par des demi-engagements, des préoccupations égoïstes, des résistances au changement. Le modèle de Marie à l'Annonciation présente un vif contraste avec ces façons de penser et d'agir. Son engagement était celui de tout son être, son esprit était ouvert à la volonté de Dieu, son attitude était d'accepter le changement : tels sont les exemples que nous devons imiter. Nous pouvons aussi supposer qu'après le départ du messager, les doutes et les questions n'ont pas disparu. Qu'est-ce qui pourrait nous faire penser que notre situation devrait être différente ?

En prenant avec nous Marie comme guide et compagne de route dans l'action du renouveau, non seulement nous recourrons à son aide, mais nous partageons, pleins d'espérance, son esprit de foi et son ouverture à la volonté de Dieu.

Mais n'accomplissons cette démarche que si nous voulons en accepter les conséquences. Car si nous exprimons à la mère de Jésus notre vif désir de travailler au total renouveau de notre Institut, il y a bien des chances qu'elle accepte notre offre. 

Dévotion

Bien que nos documents maristes reflètent souvent les enseignements contemporains sur la mère de Jésus, plusieurs d'entre nous se sentent embarrassés quand on leur demande de parler de Marie ou de notre relation avec elle. C'est ainsi que nous nous accrochons à des dévotions d'une autre période de notre histoire parce que nous craignons ne rien avoir pour les remplacer. Aujourd'hui, il nous faut redécouvrir la mère de Jésus à la lumière de tout ce que nous avons appris sur elle depuis la fin de Vatican II ; et nous devons ajuster notre dévotion en conséquence.

Marie n'a pas été un personnage secondaire dans le mystère du salut et cependant nous en sommes venus à la considérer comme telle. Aujourd'hui, nous avons les moyens de lui faire une nouvelle place dans nos vies, celle de l'Eglise et de notre Institut. Comme mentionné plus haut, des études bibliques contemporaines et la réflexion théologique sur Marie ont produit de bons fruits avant le Concile et dans les années qui ont suivi. Le récit de l'Annonciation en St Luc, le message contenu dans les récits de l'Enfance, l'accent mis par Jean sur le rôle de Marie à Cana et sa présence à la Pentecôte telle que décrite dans les Actes des Apôtres sont mieux compris[14]

Au cours de ces dernières années aussi beaucoup d'entre nous ont acquis une plus profonde connaissance des origines et du but de notre Institut et de la nature de sa spiritualité. Un travail de formation continue s'est appliqué à donner une vue approfondie sur l'époque pendant laquelle le Fondateur a vécu ; et sa relation avec Jésus et Marie ont ouvert de nouvelles perspectives de compréhension[15].

En utilisant ces ressources et d'autres encore, nous devrions pouvoir non seulement comprendre plus clairement la relation de Marcellin avec Marie, mais aussi redécouvrir cette relation pour aujourd'hui. De cette façon, nous pouvons être sûrs que Marie sera notre inspiratrice et notre sœur dans la foi comme elle l'a été pour lui, la femme à qui il faisait confiance pour la vie de son Institut et de sa mission.

En même temps nous ne devrions pas hésiter à réhabiliter certaines pratiques très anciennes de dévotion à Marie. Pendant des siècles, elles ont aidé le peuple de Dieu dont nous sommes. Elles peuvent le faire encore à l'avenir.

Cependant nous serions impardonnables si nous nous appliquions seulement à faire revivre des pratiques du passé, en oubliant d'aimer Marie, d'abord et avant tout, comme la parfaite disciple du Seigneur. Ce faisant, nous devons cependant éviter de la transformer simplement en un symbole ou une icône[16].

Ceux qui ont participé à Vatican II ont décrit Marie comme le modèle de la vie chrétienne, faisant ressortir son rôle dans l'histoire du salut. Plus tard, Paul VI l'a appelée Mère de l'Eglise et nous a encouragés à l'imiter[17].  Il a fait remarquer qu'elle avait eu le bon sens d'interroger le messager de Dieu. Cependant, une fois que cette démarche eut atteint sa conclusion, sa réponse à l'invitation de l'envoyé du Seigneur fut sans équivoque[18].

Les remarques du Pape voulaient être bien plus qu'une simple description de la scène de l'Annonciation à la mère de Dieu. Il nous a plutôt présenté une façon de comprendre Marie et sa relation à Dieu comme pouvant nous aider face au défi du renouveau pour notre Institut aujourd'hui. Et il m'est impossible de penser à une meilleure approche de cette tâche que celle qu'elle a eue quand elle reçut le messager de Dieu.

Voilà une femme qui a eu assez de force pour poser les questions sur ce qui lui était demandé, et qui fut pourtant assez humble pour finalement épouser la Parole de Dieu. Alors que d'autres attendaient un Messie qui serait un roi puissant, elle a su reconnaître le Serviteur Souffrant qui est venu à sa place.

Nous trouvons ici une leçon précieuse. En effet, en prenant la route du renouveau, beaucoup d'entre nous ont ressemblé au peuple juif qui attendait un Messie qui restaurerait leur bonne situation. Par conséquent, nous comme eux, n'étions pas près pour ce qui est survenu dans notre histoire : diminution, vieillissement, scandales même dans les années qui ont suivi la fin du concile.

Avec le temps, nous avons appris deux leçons importantes. La première est qu'il nous est demandé d'être fidèles, non de réussir. La seconde est qu'un changement du cœur s'impose pour qu'un authentique renouveau puisse se produire, un changement du cœur pour notre Institut et pour chacun de nous, ses membres. 

Marie et le renouveau

Comme Institut, nous nous trouvons aujourd'hui sur un seuil. Nous ne savons pas s'il faut avancer ou reculer ; pourtant une chose est sûre : nous ne pouvons pas rester sur place. La tendance à revenir en arrière peut être attrayante. Parfois, nous pourrions nous persuader qu'un retour aux coutumes du passé est une solution viable. Après tout, ces coutumes nous sont familières et elles ont assez bien fonctionné dans l'histoire de l'Institut.

Choisir cette option serait trahir le rêve de Marcellin Champagnat. Il a dû faire face à des défis pour le moins aussi redoutables que ceux auxquels nous sommes confrontés aujourd'hui. Sa foi, sa confiance en Marie, sa simplicité, son absence de duplicité lui ont permis de les surmonter chacun à leur tour.

Quand la révolution de 1830 provoquait des tensions entre l'Eglise et l'État, par exemple, le Fondateur s'est montré imperturbable devant le soulèvement. Pour demander la protection spéciale de Marie pendant ce moment difficile d'agitation politique et sociale, il introduisit le Salve Regina comme première prière de la communauté des Frères, une coutume qui se continue jusqu'à aujourd'hui.

De même, en 1903, à un moment périlleux pour notre Institut, avec la grâce de Dieu, nos Frères ont répondu avec courage et habileté. Une fois encore, leur foi, leur volonté de s'appuyer sur la mère de Jésus, les vertus d'humilité et de simplicité les ont aidés à triompher.

Que diront les futures générations à notre sujet ? Que nous avons fait le nécessaire pour nous préparer, nous et l'Institut, à un autre siècle d'évangélisation des jeunes et des enfants pauvres ? Que dans un monde vivant de formidables perturbations et changements, notre esprit de foi, notre volonté de nous dépasser, nous et nos propres besoins, notre zèle pour la Bonne Nouvelle de Jésus-Christ ont donné espoir à ceux qui sont venus après nous ? Ou seront-elles obligées de dire que nous avons failli dans les deux domaines ?

Le défi est donc clair : Est-ce que vous et moi avons le courage, comme Marcellin, de confier tout le processus de notre renouveau à la mère de Jésus et d'accepter les conséquences de cette décision ?

Frères, le temps est venu de nous engager à reprendre l'œuvre de rénovation de notre Institut dans sa vie et sa mission. Pour le faire, il faudra, de la part de chacun de nous, un esprit de sacrifice et une volonté de changer. Ajoutez-y un cœur généreux et une confiance dans l'avenir de notre forme de vie. Qu'en est-il de ceux qui sont peut-être peu ou pas intéressés par la participation à cet effort ? Ils devraient au moins accepter de ne pas gêner ceux qui comprennent que nous devons avancer.

Aujourd'hui, dans le processus de rénovation, deux domaines réclament une attention urgente : d'abord, acquérir une meilleure compréhension et estime de la nature apostolique de notre Institut ; ensuite cesser de penser que l'action et la contemplation sont des ennemis qui se battent pour occuper notre temps et notre attention. Commençons à les voir pour ce qu'elles sont : des alliés, des amis, des aspects essentiels de la Bonne Nouvelle de Jésus Christ.

Malheureusement, beaucoup d'entre nous continuent à penser la vie religieuse dans un cadre de référence surtout monastique. Aujourd'hui, par contre, nous devons nous demander : voulons-nous permettre à une forme de vie apostolique de la vie consacrée de naître et se développer, libre des contraintes du passé ? Pouvons-nous accepter que le zèle apostolique soit une de ses principales caractéristiques ? Quelles démarches devons-nous entreprendre pour trouver une réponse positive dans ces deux domaines ?

Comme Frères de Marcellin, certains ont pris plaisir à dire que nous sommes meilleurs au travail qu'à la prière. Cette idée s'appuie, en partie, sur de faux concepts de la nature de la contemplation, de faux concepts datant des débuts du 17ième siècle. En conséquence, nous avons peur de donner à cette forme de prière une part centrale dans nos vies.

Est-ce que nous pouvons admettre aujourd'hui que la prière de l'Église est contemplation ? Pouvons-nous aussi cesser d'affirmer que l'union avec les autres se réalise par la vertu de compassion, tandis que l'union avec Dieu s'obtient par la contemplation et, au contraire, reconnaître que le but de toutes deux est l'union avec Dieu et les autres ?

Cette rapide réflexion sur la mère de Jésus dans la vie mariste n'a donc pas pour objet d'être un débat exhaustif sur Marie et notre Institut, mais elle poursuit deux buts modestes. D'abord, nous aider, vous et moi, à mieux apprécier la relation du Fondateur avec la mère de Jésus pour donner à notre relation avec elle une place plus centrale dans nos vies. Il l'appelait notre Bonne Mère mais il se référait à elle comme si elle était sa confidente. Comment nous assurer, nous ses Frères, que la mère de Jésus est pour nous la personne qu'elle était pour lui ?

Ensuite en arriver à accepter Marie comme une source importante du renouveau dans notre Institut aujourd'hui et agir pour être sûrs qu'elle le reste. Elle était présente pour Marcellin dans les débuts de la vie mariste ; elle était présente pour nos frères pendant la crise de 1903 ; et, si nous le lui demandons, elle sera présente avec nous aujourd'hui, comme guide et compagne pour le travail qui nous attend.

Marie est et sera toujours digne d'honneur, d'abord et avant tout, parce qu'elle a entendu la Parole de Dieu et qu'elle l'a gardée. En lui confiant la tâche du renouveau, nous nous engageons comme elle.

Car, comme nous, elle est née à une certaine époque de l'histoire humaine, elle a habité en un lieu particulier et a vécu dans un contexte spécifique de conditions politiques, religieuses et économiques. Que savons-nous du monde dans lequel Marie a vécu et des réalités de sa vie quotidienne ? Comment ces contingences ont-elles contribué à façonner sa personnalité et sa compréhension du monde ? Et comment tous ces éléments rassemblés l'ont-ils préparée à accepter la volonté de Dieu dans sa vie ? Nous pourrions nous demander la même chose.

Sans culture, pauvre et faible, fiancée, vivant dans un village obscur d'un pays occupé, Marie a rencontré le messager de Dieu. Cette situation rend d'autant plus compréhensible le message révolutionnaire de son Magnificat. En effet, elle a annoncé, à tous ceux qui voulaient l'entendre, que Dieu son Sauveur venait pour faire cesser l'oppression des pauvres de cette terre. Depuis lors, tel est le grand scandale du christianisme : quand les temps furent accomplis, le Verbe de Dieu s'est manifesté non dans les centres de puissance et de richesse mais plutôt dans les zones reculées, parmi les pauvres.

C'est pourquoi, au début de cette circulaire, je vous invite à vous joindre à moi, pèlerin en quête de Marie, que Marcellin a connue et aimée. Pendant notre voyage ensemble, nous la contemplerons dans sa vie avec les yeux de l'histoire et les yeux de la foi, et nous en viendrons à la connaître comme la première parmi les pauvres de Yahweh, le premier modèle de l'Église, le premier modèle de l'attitude chrétienne[19].

Finalement, nous ferons ce qu'il faut pour lui donner une place permanente dans nos cœurs et dans nos vies et pour l'inviter à nous guider sur notre chemin de renouveau. Alors elle sera pour nous et pour moi, comme elle le fut pour le Fondateur, non seulement notre Bonne Mère et Ressource Ordinaire, mais aussi notre confidente, notre source de force et de consolation, notre sœur dans la foi. 

Questions pour la réflexion. 

Ci-dessous et ailleurs dans ce texte vous trouverez quelques questions qui pourraient vous aider dans votre réflexion sur des questions soulevées par cette circulaire. Prenez-les comme une aide possible. Si vous avez d'autres moyens plus efficaces pour vous approprier ce texte, faites-en bon usage.

 1 Prenez du temps pour vous rappeler votre propre histoire avec Marie. Quand a commencé votre relation avec elle et comment s'est-elle développée ? Y a-t-il eu des circonstances où sa présence a joué un rôle capital dans votre vie de foi, dans votre vocation religieuse, dans votre compréhension de vous-même comme un des Frères de Marcellin ?

 2 Prenez la liberté de rêver sur le renouveau de notre Institut.  Quel est le défi le plus pressant concernant cette démarche dans votre Province et que pouvez-vous faire personnellement pour l'affronter ?

——————————-

CHAPITRE I 

Marie dans la formation religieuse et la vie de foi de Marcellin. 

Quand sa fin approchait, le Fondateur a béni nos premiers frères en utilisant ces paroles, « Qu'une dévotion tendre et filiale vous anime dans tous les temps et dans toutes les circonstances pour cette Bonne Mère[1]. »  Même si sa relation avec elle a progressé avec le temps, Marie a toujours eu une place centrale dans la vie de Marcellin, dans sa mission, sa spiritualité. Nous pouvons dire avec confiance que tout au long de sa vie, il a eu recours à elle comme un fils à sa mère.

Dans les pages qui suivent, nous verrons de plus près le développement de cette relation et examinerons les sources de sa dévotion envers la mère de Jésus. Mais considérons, d'abord, quelques points.

Premièrement, Marcellin jugeait insupportables les faux-semblants et l'avancement personnel ; nous pouvons donc admettre qu'il usa dans ses rapports avec la mère de Jésus de ce même style simple et direct qui le caractérisait si bien dans d'autres circonstances.

Deuxièmement, suivant la pensée religieuse de son époque, le Fondateur était convaincu que la mère de Jésus intercédait pour nous devant Dieu. Les mots du Memorare et du Sub tuum occupaient souvent son esprit et son cœur ; des références à la clémence et à la pitié apparaissent aussi dans ses exhortations sur Marie.

Troisièmement, Marcellin a vécu à une époque que beaucoup ont considérée comme l'âge d'or de la dévotion à Marie. Suscité par la démarche rationnelle des Lumières, cet âge d'or a commencé par la naissance de la mariologie au 17ième siècle[2]  et s'est terminé peu après Vatican II. Des privilèges de toutes sortes étaient attribués à Marie dans son rôle de mère de Jésus[3].   De nouvelles formes de piété fleurissaient, de nouveaux jours de fête et de nouveaux titres étaient établis en son honneur.

Mais cette période n'alla pas sans ses problèmes. Une tournure d'esprit antimystique prit naissance dans l'Église alors que finissait le 17ième siècle ; elle s'est continuée jusqu'aux premières années du 19ième. Un historien de la spiritualité parle de toute cette période comme du « crépuscule du mysticisme[4]».

On pensait atteindre la sainteté uniquement par la prière et des pratiques ascétiques, la contemplation étant réservée au petit nombre que Dieu avait choisi. Plus héroïque que sainte, plus stoïque que chrétienne[5],  cette façon d'aborder la vie spirituelle ne faisait que décourager les gens. Malheureusement, cela servit aussi de fondement à la mise en place de programmes de formation religieuse ; et, aujourd'hui encore, la vie de certains d'entre nous continue d'en être influencée.

C'est le monde dans lequel le Fondateur est né. Le mot spiritualité, par exemple, n'est devenu d'un usage commun en français que pendant les dernières années du 19ième siècle, longtemps après sa mort[6].  Pour le Fondateur et son biographe, les termes sainteté et perfection étaient bien plus familiers.

Cela et d'autres éléments ont influencé Marcellin Champagnat et ont joué un rôle sur sa manière de croire et sur le choix de ses pratiques religieuses tout au long de sa vie. Il fut assez heureux, cependant, pour trouver sur sa route quelques guides d'exception ; et Marie de Nazareth, la mère de Jésus, n'en fut pas la moindre. 

Les premières années

Comment la relation du Fondateur envers Marie a-t-elle pris naissance et quelles influences ont-elles aidé à la nourrir? Son amour pour la mère de Jésus ne fait aucun doute. Mais qu'est-ce qui l'a poussé à s'en remettre ainsi à Marie, et pourquoi a-t-il montré une telle dévotion envers elle et a-t-il encouragé les autres à faire de même ? Pour quelles raisons a-t-il nommé Marie notre Première Supérieure, Ressource Ordinaire et notre Bonne Mère ?

L'affection du Fondateur pour Marie vient de diverses sources. Pendant ses premières années, l'exemple et les conseils de sa mère, Marie-Thérèse, et de sa tante Louise, religieuse de Saint Joseph, ont été des éléments fondamentaux : ces deux femmes ont éveillé sa vie spirituelle.

La mère de Marcellin lui a appris les premiers rudiments de la prière, tandis que tante Louise aidait à sa première éducation religieuse. Sa mère fut aussi probablement la première à lui montrer comment la prière et l'effort apostolique vont bien ensemble. Nul doute que ces deux femmes lui ont transmis des pratiques de piété, héritage spirituel de cette région de hauts plateaux où ils habitaient[7]

Le Fondateur eut aussi la chance de grandir dans la région de Marlhes. C'était une région de foi profonde, fière d'avoir comme patron Saint Jean-François Régis, dont le tombeau est un haut-lieu de pèlerinage. Ce saint marqua de son empreinte le jeune Marcellin et influença sa formation spirituelle. Frère François nous dit que le Fondateur eut toute sa vie une grande dévotion envers saint Jean-François Régis et il appelle ce saint notre second patron[8].  

Vivre dans la région des évêques Pothin et Irénée fut un stimulant pour la dévotion à Marie de Marcellin, ainsi que la lecture des écrits de mariologues comme Olier et Grignon de Montfort. Très probablement, au séminaire, il choisit comme modèle à imiter le Père Olier, fondateur des séminaires sulpiciens. Ce dernier considérait « la Bienheureuse Vierge comme l'inspiratrice, la seule vraie supérieure et le soutien du séminaire Saint-Sulpice[9]»   allant même jusqu'à attribuer à Marie l'inspiration des plans de construction des bâtiments[10]. Nous ne pouvons pas ne pas voir un rapport entre l'emploi par Olier du terme « l'œuvre de Marie », quand il parle des projets du séminaire, et l'usage de cette même expression, par Marcellin, lors de la construction de l'Hermitage, comme pour tout le projet mariste. Avec le temps, le Fondateur en vint à la conclusion que Marie était la maîtresse d'œuvre de la Société de Marie. Dans une lettre de 1838 à Fr. Hilarion, il écrit : « Disons à Marie que c'est beaucoup plus son œuvre que la nôtre[11]». Marcellin se voyait davantage réalisant les plans de Marie, plutôt que menant à bien un projet personnel.

L'idée d'être un instrument dans les mains de Marie pour réaliser son œuvre remonte à la fondation même de la Société de Marie et elle était profondément enracinée dans le cœur du Fondateur. Mais il pouvait difficilement penser autrement. En effet, les événements de sa vie l'avaient convaincu qu'il devait tout à la mère de Jésus.

Marcellin croyait fermement que c'était Marie qui avait remédié à la première crise des vocations en lui amenant huit postulants, après beaucoup de prières et de neuvaines.

Il était convaincu que c'était elle qui avait veillé pour que la construction de l'Hermitage s'achève sans accident pour les bâtisseurs et sans retard par manque d'argent.

Il ne douta jamais un instant que la mère de Jésus l'avait sauvé de la mort, lui et le Frère Stanislas, la nuit où ils furent surpris par la neige et à bout de forces.

Marcellin était certain aussi que Marie avait contribué à ce que s'évanouisse la menace de suppression de l'Institut par l'Archidiocèse.

Au moyen de ces exemples, je ne veux pas donner l'impression que Marie était pour Marcellin une espèce de Deus ex machina, quelqu'un à convoquer pour résoudre une crise. Il voyait plutôt, dans toutes les situations que nous venons de mentionner, comme des signes de la constante attention et protection de Marie.

Son attitude envers la Société de Marie était identique. L'inspiration de la fondation en était venue au Père Courveille dans la basilique du Puy. Marcellin considérait son succès, ainsi que la croissance de ses Petits Frères, avec un regard d'admiration.

Au tout début, Marcellin dut insister, auprès des séminaristes de son groupe, pour avoir la permission d'ajouter une branche de frères enseignants. Ils lui dirent finalement de prendre en charge ce projet. Comme je l'ai déjà mentionné, sa confiance en Marie était totale. Il mit donc entre ses mains toute cette entreprise, – ses activités aussi bien que lui-même -, heureux de servir comme son instrument. Mais cette attitude de la part du Fondateur ne peut surprendre personne. En effet, dans la spiritualité de Marcellin Champagnat, la vertu d'humilité et la dévotion à Marie se tiennent par la main. 

Le temps du séminaire et des premières années

de vie sacerdotale

Tout au long de la vie du Fondateur, une démarche continue de conversion a caractérisé sa relation envers Dieu, une relation toujours plus approfondie. Sa vie spirituelle ne prit forme qu'avec le temps ; la maturité atteinte dans les dernières années de sa vie était le fruit de la grâce de Dieu et de ses efforts généreux. Nous pouvons nous rassurer sachant que le jeune Marcellin, dans sa quête spirituelle, a d'abord insisté sur la maîtrise de soi. Il n'y est arrivé qu'avec l'aide d'un programme de prières et de pénitence bien réfléchi pendant ses vacances de séminariste et comme jeune prêtre à La Valla.

Puis il se fixa de nombreuses règles pour son mode de vie. Elles l'aidèrent à guider sa conduite et à atteindre une certaine sérénité d'âme. Grâce à Dieu, cependant, le bon sens et le bon jugement du Fondateur l'aidèrent à triompher du légalisme et de la rigidité qui caractérisaient la théologie morale enseignée dans les séminaires français au début du 19ième siècle.

Nous savons déjà que, pendant ses années de formation, Marcellin s'imprégna de la riche vie de foi – y compris la dévotion à Marie – qui était si caractéristique des diocèses de Lyon et du Puy. En entrant au séminaire, il ajouta les pratiques de ses professeurs sulpiciens à celles qu'il avait déjà adoptées.

Dès lors, le nom de la mère de Jésus était invoqué au commencement de chaque exercice et presque tous se terminaient par le Sub tuum. Le chapelet se récitait quotidiennement, les fêtes de Marie étaient célébrées très solennellement, le mois de mai lui était spécialement consacré.

Les neuvaines eurent une importante place sur le chemin de perfection de Marcellin et il encourageait les autres à en faire. La fréquence avec laquelle il en usait et les recommandait témoignent de sa ferveur aussi bien que de son souci des gens simples de son époque. Il comprenait que des formules simples et faciles à retenir leur seraient très utiles.

Le Fondateur en arriva, enfin, au point où sa vie de foi eut comme fondement l'amour de Dieu et des autres. Très sociable, il aimait les gens et avait plaisir à passer du temps avec eux. Il aimait aussi entendre ce qu'ils avaient à dire. Si telles étaient ses dispositions dans ses relations humaines, pourquoi n'en aurait-il pas été de même dans ses relations avec Jésus et Marie ? A mesure qu'il grandissait en sainteté, le Fondateur en vint à comprendre que chaque personne rencontrée était une image du Sauveur ressuscité qu'il avait appris à si bien connaître et aimer.

Avec le temps, Marcellin avait pris l'habitude de se tourner vers Marie en toute situation et il recommandait à ses Frères d'en faire autant. Il leur disait qu'ils trouveraient le repos de l'esprit et du cœur s'ils étaient conscients d'être ses instruments, de faire son œuvre, et de réaliser ses plans.

Frère François nous dit que l'amour du Fondateur pour la mère de Jésus se manifestait aussi dans sa dévotion envers les saints. Par exemple, il avait une grande admiration pour Saint Ignace de Loyola et souvent il prolongeait une maxime du saint par un mot sur Marie. « Tout pour la plus grande gloire de Dieu » disait-il, et il ajoutait ensuite « et pour l'honneur de Marie, la Mère du Seigneur[12]. »

Marcellin encourageait nos premiers Frères dans leur dévotion envers la mère de Jésus, comme il nous encouragerait aujourd'hui, à suivre son exemple. En même temps que son Fils, elle est mentionnée 87 fois dans ses lettres dont 79 fois dans des lettres circulaires adressées aux Frères[13].

Ainsi, le 4 février 1831, le Fondateur écrit aux Frères Antoine et Gonzague : « Intéressez Marie en votre faveur ; dites lui qu'après que vous aurez fait votre possible, tant pis pour elle si ses affaires ne vont pas[14]. » II avait une totale confiance en l'intercession de Marie ; quand ceux qui l'imploraient avaient fait de leur mieux, elle devait prendre la responsabilité de les exaucer.

Le Fondateur demandait aussi à nos premiers Frères de mettre une image ou une statue de Marie dans leur maison et il voulait qu'ils portent sur leur personne quelque chose qui la leur rappelle. Plus tard, il conseilla la pratique d'offrir à Marie les clés de la maison et de mettre les noms des Frères qui ne résidaient pas dans la communauté de l'Hermitage, dans le cœur accroché au cou de la statue connue comme « Notre-Dame de l'Hermitage ». « Elle nous prend en charge », disait-il. « Elle est notre patronne, notre protectrice[15]. »

C'est pourquoi, Marcellin conseillait aux Frères de prendre Marie pour Mère. Elle devait être un modèle à imiter et une personne à fréquenter avec une confiance d'enfant. A l'Annonciation, la réponse de Marie à Dieu fut directe et pleine de confiance. Le Fondateur voulait que notre « Oui » soit aussi sans réserve. Dans la Règle de 1837, il introduisit une prière spéciale intitulée : « Abandon à la Très Sainte Mère de Dieu[16]».

« Bonne Mère » : c'est l'expression que Marcellin utilisait le plus fréquemment pour nommer Marie. Elle apparaît 14 fois dans ses lettres, sans possessif, et dans presque tous les cas, elle est précédée de l'adjectif « notre », mais jamais de l'article « la ». Sa relation avec la mère du Seigneur était une relation de profondeur et d'intimité non de pure forme et de distance. Le Fondateur a décrit la mère de Jésus comme une personne qui prend soin de nous et nous protège, une personne à qui nous devrions recourir dans nos besoins[17].  Il conseillait aussi à ses frères de prendre « un peu de repos sous la garde de Marie, notre douce Mère[18]»

Enfin, Marcellin confiait ses bienfaiteurs à la protection de Marie, notre Bonne Mère, et comptait sur elle pour les récompenser de leur générosité. Par exemple, quand un prêtre, nommé François Mazelier, accepta de faire des arrangements pour que certains de nos premiers frères puissent profiter de la reconnaissance officielle de sa propre congrégation, le Fondateur le remercia en disant : « Marie, notre Bonne Mère, ne laissera pas sans récompense la faveur que vous faites à ses enfants[19]. »  

Marie et les pauvres

Marcellin savait qu'il avait été appelé à servir des personnes qui étaient pauvres et il a passé sa vie à le faire. Il n'a jamais perdu contact avec leur situation et il l'a adoptée. Respectant les gens comme personnes, il leur a appris à reconnaître leur propre valeur.

Là encore, Marie qui était pauvre de cœur et de fait, lui fut un modèle et une source d'inspiration. Membre des anawim, groupe dont beaucoup pensent qu'il représentait le petit reste fidèle d'Israël, elle avait une pleine confiance en Dieu, et comptait totalement sur Lui.

Jésus dans son sermon sur la Montagne énumère les vertus des anawim : la pitié, l'humble douceur, la pureté du cœur, l'amour de la paix, la faim de la justice. De même, les paroles du Magnificat nous donnent un aperçu de la spiritualité du groupe. Dans le récit de Luc, on ne se trouve pas du tout devant une jeune fille rêveuse, timide, que tant d'artistes ont imaginée. Au contraire, nous sommes en présence d'une jeune femme fière, enthousiaste et audacieuse, annonçant la chute des royaumes, l'humiliation des puissants de ce monde, parlant de la puissance de Dieu et de la petitesse de chacun d'entre nous[20].

Aujourd'hui, nous devons nous demander : quelles vertus évoquées dans les Béatitudes et le Magnificat sont présentes dans nos vies ? Parfois, nous pouvons, vous et moi, nous payer de bonnes paroles, affirmant que la venue de Jésus a changé le monde pour toujours. Mais, assez souvent, notre manière d'agir est telle qu'elle ne saurait convaincre personne que la présence du Seigneur dans le temps et dans l'histoire ait changé quoi que ce soit.

Si nous prenions à cœur les paroles du cantique de Marie, un cantique que beaucoup d'entre nous prient chaque jour, nous serions tellement plus audacieux pour vivre le message de l'évangile. Car les paroles de Marie nous invitent, vous et moi, à un total changement du cœur, pas seulement en faisant semblant. 

Marie, Médiatrice

En lien avec la Mariologie de son époque, Marcellin considérait aussi Marie comme médiatrice ; elle était le moyen par lequel l'humanité pécheresse ferait son retour à Dieu. Cette façon de considérer la mère de Jésus a prévalu dans la pensée de l'Eglise pendant le second millénaire.

Pour la comprendre, il faut remonter à l'époque où les théologiens médiévaux commencèrent à présenter Jésus ressuscité comme éloigné des fidèles. Vers la même époque, un juridisme de plus en plus rigide s'est installé dans l'Eglise, avec un système de sanctions dont certaines étaient très sévères. Face à un Dieu distant, devant les rigoureuses sanctions de l'Eglise, et bien conscients de notre tendance humaine à pécher, beaucoup de fidèles ont recherché l'aide de Marie.

Ils trouvaient en elle une puissance céleste avec un cœur maternel, une personne qui accepterait de prendre le parti des pécheurs. Le fait qu'elle était aussi la mère de celui qui jugeait, n'échappait pas à l'attention de ceux qui imploraient son aide. Cette façon de penser a continué à se développer au point de voir en Marie la médiatrice entre le Christ et son Église.

Ces explications mises à part, la relation de Marcellin avec Marie a mûri avec le temps. Sa confiance en elle et en sa protection était totale. Il disait souvent à ses frères : « Avec Marie nous avons tout ; sans elle, nous ne sommes rien ; parce que Marie a toujours son adorable fils ou entre ses bras ou dans son cœur[21]».

Aucun signe de gêne dans les rapports de Marcellin avec la mère de Jésus. Plus il se sent proche d'elle, plus elle lui est présente comme une personne vivante. À la fin, une relation entre deux personnes s'établit. Telle était sa dévotion envers Marie, qui devint sa confidente.

Incarné et Marial

Le mystère de l'Incarnation était cependant au cœur de la spiritualité du Fondateur. Alors qu'il concentrait souvent son esprit sur la relation d'intimité entre Jésus et Marie, c'était Jésus et non Marie qui était le terme définitif de son chemin de foi[22].  Il croyait que le Seigneur était tout proche. Sa confiance en lui et son abandon à sa volonté ont grandi avec le temps.

Frère François se souvient de cette attitude du Fondateur dans son instruction intitulée Esprit filial envers Dieu. « L'esprit filial est aussi l'abandon de soi-même dans les mains de Dieu… Il nous fait aller vers Dieu avec la même liberté, la même complaisance qu'un enfant chéri. » Le Fondateur citait souvent les mots du Psaume 126 (127), « Si le Seigneur ne bâtit la maison, en vain travaillent les bâtisseurs. »

La spiritualité incarnée de Marcellin se manifeste aussi dans beaucoup de ses lettres. Par exemple, en avril 1839, il écrivait au frère Marie-Laurent : « Votre lettre, mon cher ami, m'a fait beaucoup de peine. Depuis lors, je ne m'approche jamais du saint autel sans vous recommander à celui en qui nous ne mettons jamais en vain notre espoir, qui peut nous aider à surmonter les plus grands obstacles[23]. »

Le Fondateur terminait souvent ses lettres par cette expression caractéristique : « Je vous laisse dans les saints Cœurs de Jésus et de Marie » et il aimait ajouter : « ce sont de si belles places ; on y est si bien. » Ses conférences sont la source de l'attachement des premiers frères au Christ à travers la Crèche, la Croix et l'Autel : il les encourageait à prendre ces places pour la réflexion et la prière.

Marcellin Champagnat épousait pleinement la Bonne Nouvelle de Jésus-Christ. Le Seigneur et Marie, sa première disciple, étaient les compagnons permanents du Fondateur. Découvrant la joie de l'Evangile, il laissa son message le transformer.

Le père Champagnat voulait partager avec ceux qu'il rencontrait, surtout avec les jeunes et les enfants pauvres, ce qu'il avait vu et entendu. « Aimer Dieu » disait- il souvent, « l'aimer et travailler à le faire connaître et aimer – voilà ce que doit être la vie d'un frère[24]»  et « Pour bien éduquer les enfants, il faut les aimer[25]. » Involontairement, par ces quelques mots, il faisait son propre portrait, il racontait sa propre histoire.

 

QUESTIONS POUR LA REFLEXION 

Voici quelques questions qui pourront vous aider à réfléchir sur ce texte

1

 Quels aspects de la relation de Marcellin avec Marie aimez-vous particulièrement et quels traits de cette relation vous sont étrangers ? Dites ce qui vous fait réagir favorablement à certaines manifestations de cette relation et moins favorablement à d'autres. 

2

 Consacrez quelque temps à reconnaître des personnes ou des événements de votre vie qui vous ont influencé, en bien ou en mal, dans vos relations avec la mère de Jésus. Dans quelle mesure ces personnes ou événements ont-ils contribué à rendre ces relations ce qu'elles sont actuellement. ?

——————————-

CHAPITRE II 

Marie dans notre vie aujourd'hui 

L'âge d'or de Marie, qui prit naissance au 17ième siècle, a atteint son apogée au début du 20eme siècle. Jusque vers la fin de cette période, le culte de Marie garda une vigueur remarquable pour des milliers de fidèles adhérant à des groupes, comme la Légion de Marie. Pendant cette même période, l'Eglise proclama deux dogmes sur Marie, le Pape Léon XIII écrivit 11 de ses 42 encycliques sur la mère de Jésus et 65 congrégations furent fondées en son honneur entre 1835 et 1935[1].

Cependant, alors que dans l'Eglise allait s'ouvrir le second concile du Vatican, des points de vue divers commencèrent à apparaître dans le domaine autrefois unifié de la Mariologie. Finalement il y eut une cassure entre ceux qui voulaient construire sur ce qui avait cours jusqu'alors et ceux qui plaidaient pour un retour à une théologie chrétienne antérieure, avec une approche de Marie plus évangélique, comme le meilleur moyen de renouveler la théologie et la dévotion mariales. Il est particulièrement intéressant de noter qu'il y eut des savants catholiques pour affirmer que le salut vient pleinement de Dieu par Jésus-Christ, et nous atteint, même aujourd'hui, par la puissance de l'Esprit.

Le théologien Karl Rahner, S.J., voyait Marie comme la réalisation de ce mystère et proposait que la grâce plutôt que sa maternité soit le fondement de toute théologie mariale. Dieu fait à chacun le don de sa grâce qui justifie et pardonne. Marie, modèle de la grâce signifiante, ne fait pas exception à cette règle. Nous sommes appelés à devenir ce qu'elle est déjà : une personne qui, entendant la parole de Dieu, agit selon cette parole gardée dans son cœur.

Quand les membres de Vatican II commencèrent à se rassembler, deux modes de pensée au sujet de Marie devinrent vite évidents : l'un centré sur le Christ et l'autre centré sur l'Eglise. Le premier considérait les gloires de la mère de Jésus et la décrivait comme ayant des privilèges comparables à ceux du Christ. Le second voyait Marie comme bénéficiaire de la grâce et membre spécial de la communauté de l'Eglise.

Les différences entre ces deux groupes[2]  soulevèrent l'un des conflits du Concile les plus chargés d'émotion et de tension. Cette question les séparait : l'enseignement sur Marie devrait-il être inclus dans le document sur l'Eglise ou devrait-il faire l'objet d'un texte indépendant ?

Le 29 octobre 1963, le vote pris sur ce sujet fut l'un des plus serrés du Concile ; la motion fut votée avec seulement 40 voix de majorité sur 2188 votes exprimés. Le comptage des votes fut suivi dans un silence figé. On pourrait se poser la question : comment la mère de Jésus a-t-elle pu devenir la source d'une telle division[3]?

Un compromis fut enfin trouvé qui donnait à Marie une place dans la Constitution Dogmatique sur l'Eglise, au Chapitre VIII, intitulé « La Bienheureuse Vierge Marie, Mère de Dieu, dans le Mystère du Christ et de l'Eglise ». Décrite comme un membre éminent de l'Eglise, la mère de Jésus, remplie de foi, Marie, elle- même pèlerine sur terre et maintenant dans la gloire de Dieu, a pris sa place de femme exceptionnelle dans la Communion des Saints.

Pendant une courte période, cependant, deux évolutions inattendues et malheureuses ont pris naissance. L'une, malgré la demande contraire du Concile : la disparition en douceur de bien des façons d'honorer Marie, courantes dans les années antérieures à Vatican II.

L'autre, est l'attitude de certains mariologues qui continuèrent à enseigner et à écrire en faisant très peu référence aux décisions du Concile, même si les participants de Vatican II espéraient que de nouvelles perceptions de la mère de Jésus seraient bien accueillies par tous.

Le 16ième Chapitre General

Les délégués à notre 16ième Chapitre général ont exprimé leur satisfaction pour les nouvelles perspectives que Vatican II avait proposées concernant la mère de Jésus. Sans faire une étude doctrinale complète, le Concile avait projeté une lumière sur le rôle de Marie dans le mystère du salut[4].  Les Pères du Concile, l'avaient située, sur une voie spéciale et unique, dans la Communion des Saints. Ils nous invitaient à en faire notre modèle pour vivre l'évangile.

Nos Constitutions et Statuts maristes reprennent ces points en insistant pour que notre dévotion envers la mère de Jésus soit mieux orientée en imitant ses attitudes envers Dieu et les autres. Ainsi, le texte de l'article 4 :

 

En nous donnant le nom de Marie,

notre Fondateur a voulu que nous vivions de son esprit.

Convaincu qu'elle a tout fait chez nous,

il l'appelait Ressource Ordinaire et Première Supérieure.

 

Nous contemplons la vie de notre Mère et modèle

pour nous imprégner de son esprit.

Ses attitudes de parfaite disciple du Christ

inspirent et règlent notre manière d'être et d'agir.

 

Dieu ayant donné son Fils au monde par Marie,

nous voulons la faire connaître et aimer

comme chemin pour aller à Jésus.

Nous actualisons ainsi notre devise :

« Tout à Jésus par Marie ; tout à Marie pour Jésus[5]. »

 

Les délégués impliqués dans la rédaction de nos Constitutions et Statuts nous ont encouragés à célébrer ses fêtes, particulièrement l'Assomption, à étudier l'enseignement mariai de l'Eglise et à la louer chaque jour en récitant le chapelet ou quelque autre pratique de piété mariale[6]

La contribution du Pape Paul VI

Le Pape Paul VI, bien au fait de ce qui était arrivé à la dévotion mariale pendant les années postconciliaires, a réagi par une exhortation apostolique intitulée Marialis Cultus[7]. Faisant appel à toute l'Eglise afin qu'elle réponde de façon créatrice pour renouveler les formes du culte en lien avec les sensibilités contemporaines, il suggéra quatre orientations :

1.La vénération de Marie devrait être reliée clairement à l'Ecriture, c'est-à-dire inscrite dans le message du salut.

2.Les pratiques de piété en l'honneur de la mère de Jésus devraient être liturgiques, découlant de l'Eucharistie et y renvoyant, en harmonie avec les saisons liturgiques.

3.Les célébrations en l'honneur de Marie devraient être ouvertes à l'œcuménisme, c'est-à-dire clairement centrées sur le Christ.

4.La dévotion mariale devrait tenir compte de ce que nous avons appris des sciences humaines, c'est-à-dire être sensible à l'anthropologie.

En dernière analyse, Paul VI poursuit en décrivant Marie comme une femme forte et intelligente qui a connu la pauvreté et la souffrance, la fuite et l'exil, mais qui a constamment donné un consentement actif et responsable à l'appel de Dieu. La mère de Jésus a fait des choix courageux et s'est appliquée à renforcer la foi des autres.

Le Pape a aussi proposé Marie comme modèle et nous a encouragés à l'imiter, elle qui, poussée par l'esprit de charité et ayant entendu la parole de Dieu, a pleinement accepté la volonté de Dieu en toute responsabilité[8]

Imiter Marie

Frères, si nous voulons prendre Marie pour modèle, pourquoi ne pas suivre les conseils du Pape, et ceux des délégués de notre 16ième Chapitre général, en vue de l'imiter en nous parant de ses vertus. Nous pourrions commencer à nous demander si nous avons des preuves suffisantes pour montrer, qu'actuellement, nous restons un Institut mariai. Et par preuves suffisantes, je ne veux pas dire des quantités de prières mariales, mais plutôt que notre amour pour cette femme de foi n'est pas mis en question et qu'il est évident pour tous que notre dévotion envers elle est aussi visible que chez le Fondateur.

Et personne ne pourra douter que nous sommes membres d'un Institut mariai, un Institut digne de porter le nom de Marie, si nous façonnons nos vies de foi et de disciples d'après la sienne. Mais si ce témoignage manque dans votre vie ou dans la mienne, alors il faut nous demander : que voulons-nous faire pour porter remède à cette situation ?

Le Fondateur a décrit l'Hermitage comme l'œuvre de Marie et a considéré cet endroit comme sa maison. Est-ce qu'elle reste l'une et l'autre aujourd'hui ? Est-ce vraiment un sanctuaire mariai, un lieu de pèlerinage vers la mère de Jésus, ou avons-nous simplement transformé la maison construite par Marcellin ?

Dans notre quotidien, y a-t-il des signes montrant que Marie est toujours présente : sur nos personnes, dans nos prières, dans nos actions avec les autres ? Est-ce que la mère de Jésus influence notre style d'évangélisation ? Avons-nous son ouverture, sa générosité de cœur, sa disponibilité pour laisser la Parole de Dieu bouleverser ses plans bien faits et mettre son monde à l'envers ? 

Le Fondateur et le Renouveau

Comme Frères de Marcellin nous nous souvenons de Marie, qui ne nous oublie jamais. Quand nous oublions notre caractère de fils et filles de Dieu, elle nous rappelle notre vraie identité.

De même, la mère de Jésus a donné à notre Fondateur de bien saisir la mission qu'elle lui avait confiée. C'est son œuvre à elle et non la sienne qu'il a exécutée.

Aujourd'hui, nous devons imiter sa confiance dans la mère de Jésus et une fois encore lui confier notre Institut, sa mission et ses membres. Si nous voulons bien faire ainsi, elle nous montrera le chemin à suivre. Elle l'a fait pour Marcellin ; pourquoi penserions-nous qu'elle ne voudrait pas le faire pour nous aujourd'hui ?

Je ne doute pas qu'elle voudrait, tout d'abord, nous aider à voir un certain nombre de sujets dans une lumière nouvelle ; et tout particulièrement celui de notre identité apostolique. Nous sommes censés, vous et moi, être des hérauts de la Parole de Dieu, des hommes pour qui la vertu de zèle est centrale.

Marie a été la première missionnaire, la première messagère de l'évangile, la première personne qui a porté la Bonne Nouvelle de Jésus-Christ à une autre. Et elle le fit simplement, en emportant le Seigneur en elle et avec elle. Marie nous rappelle que la mission a peu à faire avec la proclamation d'un message en paroles, mais qu'elle est une démarche vers une autre personne, avec Jésus dans son cœur[9].

Cette façon de comprendre la mission, si évidente dans la vie du Frère Henri Vergés, a inspiré les projets de notre mission ad gentes pour l'Asie, mission que nous avons récemment mise en route. Henri, dont la vie a été supprimée par des extrémistes tandis qu'il vivait en Algérie parmi des gens qu'il aimait, nous rappelait sans cesse que les différences qui existent entre nous et ceux que nous souhaitons évangéliser importent peu. Il y a une voie d'accès à la mission, qui s'appuie sur une présence, et le témoignage nourrit le respect et l'estime mutuels, donnant souvent naissance à l'amitié. « Finalement » nous dit-il « l'Esprit de Dieu s'arrange pour que nos cœurs battent à l'unisson[10]. » 

Religieux Apostoliques

Marcellin voulait que nous soyons des religieux apostoliques à la manière de Marie. Qu'est-ce que cela signifie exactement ? Dans les textes bibliques, la mère   de Jésus pose des questions, suit son fils, donne des ordres, et voyage. En fait, elle voyage beaucoup. Marie part « immédiatement et en hâte » pour rendre visite à sa cousine Elisabeth, elle fait le pèlerinage complet à Jérusalem, et, à la Pentecôte, elle est membre de la communauté des croyants dans laquelle l'Esprit de Dieu insuffle la vie et envoie en mission. Oui, l'histoire de Marie est caractérisée par le mouvement, par des transitions d'un moment signifiant à un autre[11].

Une telle attitude est essentielle pour quelqu'un qui veut être membre d'un Institut apostolique qui porte son nom. Malheureusement certains d'entre nous en sont venus à ressembler davantage aux membres de congrégations monastiques, avec leur engagement dans un lieu et un monastère spécifiques. Au contraire, nous sommes destinés à être des itinérants, à nous déplacer vers les endroits où le besoin d'évangélisation est le plus urgent.

Femme de la campagne, elle a voyagé loin de son village pour donner naissance à Dieu parmi nous et pour être le témoin de sa mort salvifique. Nous aussi, nous sommes appelés à aller en ces endroits où l'Eglise n'est pas, pour porter la Bonne Nouvelle de Dieu aux jeunes et aux enfants pauvres. Là où cette aptitude s'est perdue, nous devons la rétablir à sa bonne place dans nos vies.

La mère de Jésus nous rappelle que conserver la nature itinérante de notre manière de vivre est important pour d'autres raisons aussi. Ainsi, Marie est capable de comprendre en profondeur les nombreuses cultures de la chrétienté et de ne se laisser enfermer par aucune. La vénération pour la mère de Dieu, par exemple, prend des formes différentes et ne se limite pas à certains lieux géographiques spécifiques.

Les migrations qui, actuellement se produisent dans beaucoup de régions du monde, modifient le caractère des régions et des nations, entraînant le multiculturalisme et un plus grand internationalisme. Voulons-nous découvrir d'autres cultures et les adopter dans notre monde, en assimilant leurs coutumes et leurs pratiques dans notre mode de vie ?

Faisons-nous preuve de tolérance quand nous rencontrons des différences parmi les nombreux peuples qui habitent notre planète ?

C'est triste à dire ; nous attendons souvent des autres qu'ils abandonnent des croyances et des pratiques très anciennes pour les remplacer par ce que nous apprécions, jugeons important, tenons pour précieux. Je pense avec regret à un jeune, appartenant à une culture minoritaire dans sa Province, qui a quitté l'Institut après quelques années parce qu'il se sentait trop déphasé. En quittant la congrégation, il m'a dit : « Ce qui m'a le plus attristé, ce n'est pas le peu que mes frères connaissaient de ma culture, mais plutôt le peu d'intérêt qu'ils avaient pour en apprendre quelque chose. »

Il nous faut commencer à reconnaître, dès le temps de formation et par la suite, le caractère international de notre Institut et du monde et aussi les nombreuses cultures et coutumes qu'on y trouve. Le fonctionnement actuel de noviciats internationaux, par régions en divers endroits de l'Institut, est un pas dans cette direction.

Si nous établissions aussi des scolasticats internationaux avec un bon programme d'un premier degré de formation de post-noviciat dans quatre ou cinq régions de l'Institut et si nous y placions des jeunes frères de diverses parties du monde, nous commencerions à créer un réseau international parmi ces jeunes frères et à faire naître une génération d'évangélisateurs ayant une perspective mondiale. Des défis comme celui de la langue devraient être affrontés, mais la plupart des jeunes le font sans effort. 

Le défi du renouveau

La mère de Jésus, dans une grande mesure, peut aussi être un modèle pour nous alors que nous continuons nos efforts pour renouveler notre mode de vie. Après tout, s'agissant de changement et de transformation, elle avait quelques expériences personnelles fort importantes : passer de la connaissance de Jésus comme son fils à celle de Jésus comme son Seigneur et Sauveur, de son rôle d'être sa mère à celui d'être son disciple, du monde familier du judaïsme au monde plus complexe d'une chrétienté juive.

Malheureusement, quand nous parlons de dépendance envers Dieu et de confiance en Marie et en sa protection, beaucoup d'entre nous peuvent se dérober au moment de mettre cela en pratique. Nous nous sentons bien plus à l'aise quand nous sommes en charge, nous sentant capables et réussissant de notre propre chef. Oui, beaucoup d'entre nous sont convaincus qu'avec de l'habileté et un rude travail, rien n'est au- delà de nos capacités.

Mais il me semble que depuis que nous avons commencé le renouveau, le résultat voulu par Dieu a été très différent de ce que nous avions envisagé. En effet, alors que nous espérions croître en nombre, nous sommes allés en diminuant ; quand nous espérions trouver le succès, nous avons souvent rencontré l'échec ; là où nous espérions trouver le respect, nous avons fréquemment dû affronter le scandale.

Aujourd'hui, la vie religieuse et notre Institut se trouvent à une croisée des chemins. Pendant les cinq dernières décennies, nous avons travaillé fort au renouveau, à la fois comme personnes et comme groupe. Pour de nombreuses raisons, nous n'avons pas réussi à accomplir pleinement la tâche. Un seul exemple : le temps a été trop court. L'histoire passée de changements importants dans la vie religieuse aurait dû nous apprendre que, pour toute démarche dans laquelle le vieux doit mourir pour laisser place au neuf, il faut au moins un demi-siècle de parcours. Tout groupe a besoin de ce temps pour « se défaire » suffisamment et pour que ses membres commencent à se poser certaines des bonnes questions. 

Chute et recommencement

Pendant ces cinquante dernières années environ, nous avons vu des changements significatifs dans notre vie mariste et la mission. Beaucoup de ces changements n'ont été qu'une préparation de ce qui va venir. Dans beaucoup de domaines l'expérimentation nécessaire pour nous aider à construire l'avenir a tout juste commencé, sans être arrivée à son terme.

Face à cette réalité, certains d'entre nous pourraient être tentés de présenter un panneau : « Ne pas déranger » et se dispenser du travail qui attend. Nous affirmons que nous sommes trop vieux pour recommencer, ou que le nombre des jeunes frères de notre Province ou District est suffisant pour en assurer l'avenir, ou simplement que nous sommes fatigués et avons notre compte « d'idées nouvelles » sur le renouveau.

Mais l'âge, le nombre de jeunes Frères dans une Province ou un District, ou la fatigue d'avoir essayé auparavant et sans succès ne sont pas des excuses pour nous dispenser du travail que nous devons tous affronter ensemble. Cela requiert de chacun au moins autant de sacrifice, d'effort et de prières que par le passé. De plus, nous avons un avantage : celui d'avoir suffisamment expérimenté la « chute » pour écouter aussi ce que Dieu pourrait nous dire sur notre mode de vie.

Des Frères m'interrogent souvent sur notre avenir : est-ce que je pense que nous avons un avenir comme groupe, et si oui, à quoi cela pourrait-il ressembler ? Je crois, sans hésiter, que la mission à laquelle Dieu nous a appelés est aussi urgente aujourd'hui qu'au temps du Fondateur : tant de jeunes et d'enfants pauvres souhaitent désespérément entendre la bonne Nouvelle de Jésus-Christ !

Je crois aussi, sans hésiter, que la vie religieuse a pour but d'être la conscience de l'Église, sa mémoire vivante de ce qu'elle peut et doit être. Ce rôle est aussi impor tant aujourd'hui qu'hier, et peut-être l'est-il davantage.

Finalement, je crois, sans hésiter, que la vocation de Frère est nécessaire dans notre Église avec plus d'urgence maintenant que par le passé. Pouvoir, situation sociale, et prestige n'ont jamais été nos soucis ; seulement la proclamation du Royaume de Dieu et son imminence.

Cela dit, je crois aussi que nous courons le risque de manquer le moment, de rester préoccupés de conserver le statu quo, de continuer à fournir le personnel de certaines institutions sans jamais nous questionner sur leur but ou notre présence dans ces institutions, de devenir tellement professionnels que nous perdons de vue l'importance du zèle apostolique. Je m'inquiète que nous puissions nous investir dans des activités prenantes, évitant ainsi de voir en face les grandes questions de notre époque et de notre Eglise.

Notre mode de vie n'a jamais prétendu être assuré, équilibré, conventionnel. Il a plutôt été fait pour nous remuer et nous pousser jusqu'à nos limites, nous faire paraître comme un peu fous pour certains, et pour être, finalement, une bénédiction sans mesure pour notre Eglise et pour le monde. La vie consacrée, pure et simple, n'a de sens que si nous sommes pleins d'amour pour Dieu. Plus encore, si, comme le Fondateur, nous ne pouvons retenir notre désir de donner à tous ceux que nous rencontrons, mais spécialement aux jeunes et aux enfants pauvres, ce trésor qui est le nôtre.

Ainsi donc, quelles options prendre dans la situation présente ? Une première option : celle de ne rien faire. Si elle peut paraître attrayante à certains parce qu'elle est moins perturbatrice, s'y attacher amènera des difficultés plus complexes pour l'avenir.

Deuxièmement, nous pouvons adopter des solutions peu engagées qui pourront fonctionner pendant quelque temps, mais qui finiront aussi par être vides à long terme.

Troisièmement, nous pouvons nous efforcer d'être aussi audacieux que Marcellin le fut dans sa vie. Et cela signifie confier l'Institut, aussi bien sa vie que sa mission et son travail de renouveau, à la mère de Jésus – en acceptant de participer pleinement à l'aventure qui s'ouvre.

Nous nous trouvons aujourd'hui exactement là où nous devrions être dans ce voyage. Une telle démarche n'a jamais voulu être rapide ou arriver à son terme sans que nous ayons à en payer le prix. Elle commence par un changement du cœur de chacun d'entre nous et en définitive du groupe dans son ensemble. Aujourd'hui, celui-ci comprend non seulement les Frères mais aussi les Laïcs maristes, hommes et femmes. Il nous faut travailler ensemble à promouvoir et à soutenir les vocations des uns et des autres en partageant pleinement le charisme, la mission et la spiritualité maristes. Dans beaucoup de cas, il n'existe pas encore de modèles pour le faire.

Nous devons travailler ensemble à les créer et à les mettre en œuvre. 

La nature apostolique de notre institut

Dès le début, Marcellin a eu, au plus profond de son cœur, une certaine vision de ses Petits Frères. Ils devaient être apôtres par nature, s'engageant dans un programme de sainteté fondé sur l'humilité, l'obéissance, la charité et le zèle, chacune de ces vertus ayant un caractère mariste spécifique. Par exemple, l'humilité mariste était décrite comme l'abandon filial à Marie non seulement pour chacun d'entre nous mais aussi pour l'Institut qui porte son nom.

Malheureusement, avec le temps et pour de nombreuses raisons, cette vision originelle s'est obscurcie. Dans la biographie du Fondateur par Jean Baptiste, par exemple, l'humilité est considérée, peu à peu, comme une vertu autonome sans lien avec la mère de Jésus tandis que la présence de Dieu, d'abord vue comme une attitude spirituelle générale, est devenue un exercice de dévotion. La vertu de zèle, que Marcellin voyait comme si essentielle à notre identité de frères, prenait aussi une place de seconde importance.

Même si ces changements peuvent paraître d'abord insignifiants, ils nous ont éloignés de notre forme de vie vraiment apostolique pour une perception plus monastique, contribuant en partie à la confusion actuelle sur notre identité. Aujourd'hui, nous avons une occasion de redécouvrir ce qu'il y avait à l'origine dans le cœur et l'esprit de Marcellin.

Et que devrions-nous attendre des responsables d'aujourd'hui ? Une aptitude à vivre dans l'ambiguïté et le conflit, une peau dure, et aussi beaucoup d'endurance et de persévérance. 

Un dernier défi

Le biographe de Marcellin l'a placé parmi les fondateurs des grands ordres monastiques. Je soupçonne qu'il aurait préféré être considéré comme un homme du peuple. De fait, c'est ce qu'il était : un homme bon et simple qui aimait Dieu ; un homme qui a lancé un mouvement capable de changer notre monde, au moins celui des jeunes et des enfants pauvres qui étaient son souci.

Cependant, s'il n'y avait pas eu Marie de Nazareth, Champagnat n'aurait pas pu accomplir ce qu'il a fait. Ensemble ils formaient une alliance qui leur permettait de toucher les cœurs et de transformer les vies de bien des jeunes et des enfants pauvres de cette époque et des années qui suivirent. Dieu n'était jamais loin du centre de sa vie. La contemplation, dans le sens le plus vrai du terme, était sa prière.

Beaucoup d'entre nous sont méfiants quand ils font cette expérience de la prière parce qu'elle semble requérir si peu de leur part. Pour qu'un esprit de contemplation s'enracine et se développe, il suffit de nous arrêter d'essayer de faire tout le travail de la prière et de laisser Dieu faire aussi sa part. La contemplation nous invite à ralentir, à cesser de parler et à nous mettre à écouter, surtout pour permettre à Dieu de nous regarder avec amour. Ce type de prières était fait sur mesure pour la vie apostolique, le type de vie que Marcellin envisageait pour nous.

Et qu'en est-il de la dévotion mariale ? Où trouve-t- elle place dans l'organisation de notre vie aujourd'hui ? Je préfère les termes « moments mariais » à « dévotion mariale » et je comprends les premiers comme ces brefs instants pendant lesquels, chaque jour, nous rappelons dans notre esprit et notre cœur, individuellement ou en groupe, la présence de Marie dans nos vies.

Absorbés par des tâches difficiles, nous pourrions, par exemple, prier une dizaine de chapelet, en nous arrêtant avant chaque « je vous salue Marie » pour rappeler le nom et les intentions de l'un de nos collègues.

Là encore, nous pourrions nous rappeler, et prendre à notre compte, l'instruction du Fondateur à nos premiers frères leur demandant de prier les cinq dizaines du chapelet chaque jour. Cependant, il a aussi nuancé cette directive de la façon suivante : « Si par suite de quelque événement imprévu ou par des obligations exceptionnelles » disait-il, « vous n'aviez pas le temps de le réciter en entier, dites-en deux ou trois dizaines ; et si cela ne vous est absolument pas possible, dites les trois premiers Ave, ou tout au moins prenez votre chapelet et baisez-le avant de vous coucher ». S'ils suivaient son avis, il assurait à ses Frères qu'ils ne seraient jamais privés des bienfaits de cette prière quotidienne[12].

Finalement, nous pourrions aussi reprendre l'une des anciennes litanies de l'Eglise ou une autre plus contemporaine et prier à voix haute seulement ces invocations qui nous parlent à un moment ou l'autre. Ces temps de prière mariale peuvent ne durer que trois ou quatre minutes ou aller jusqu'à une demi-heure. Pratiquées assez fréquemment, ces pauses, au cours de la journée, deviennent une seconde nature, brefs rappels de la présence et de la puissance que la mère de Jésus a dans votre vie et la mienne. 

Questions pour une réflexion 

Les questions ci-dessous ont pour but de vous aider dans votre réflexion sur le message de la circulaire.

1

Si Marie n'a pas une place prépondérante dans votre vie ou la vie de votre communauté actuellement, quelles démarches concrètes pouvez-vous prendre pour remédier à l'une ou aux deux situations ? Où pouvez-vous trouver un appui pour ce que vous décidez ?

 2

 Marie était la première disciple de Jésus. Que signifie pour vous personnellement être disciple du Seigneur ? De quelles manières Marie vous inspire-t-elle pour être le disciple du Seigneur ?

———————————

CONCLUSION 

Quand une ébauche des cinq appels proposés pendant le 20ième Chapitre Général fut présentée pour h première fois aux capitulants, deux omissions apparurent immédiatement : ni Marie, ni les pauvres n'étaient mentionnés dans le texte. Tous deux y furent rapidement insérés mais, selon moi, l'occasion de réfléchir fut mise de côté.

Je dois avouer n'avoir pas été surpris que ces deux éléments importants de notre vie mariste ait été, une fois encore, négligés. Après tout, nous avons bataillé sur ces deux sujets depuis le Concile. Cependant le temps presse pour remettre ces deux éléments à leur place dans notre Institut. Si nous n'y parvenions pas, un authentique renouveau serait impossible.

Nous sommes une congrégation mariale ; la mère de Jésus a une place centrale au cœur de notre Institut. Elle doit aussi en avoir une dans le cœur de chacun Cette présence doit être une présence éclatante de pleine de vie : elle ne peut se satisfaire de quelque prières récitées quotidiennement ou d'une série de pratiques pieuses.

Marcellin Champagnat était plein d'amour pour la mère de Jésus ; sa confiance en elle et son recours à sa protection ne faisaient pas question. Aujourd'hui, nous devons rassembler nos efforts et retrouver pour la mère de Jésus la place qui convient dans la vie mariste et dans notre Eglise. Nous pouvons faire cela le plus efficacement et étant, comme elle, de vrais disciples du Seigneur Jésus, des annonceurs de la Parole de Dieu aux jeunes et aux enfants pauvres.

Prions aujourd'hui afin que Marie redevienne pour nous, une fois encore, la source de foi et d'espérance qu'elle fut fût notre Fondateur et ses Frères.

Marie, notre Bonne Mère,

Ressource Ordinaire,

et notre sœur dans la foi,

toi qui as touché le cœur

et transformé la vie

de Marcellin Champagnat,

fais de même Pour nous.

Amen.

 

Bénédictions et affection, 

Frère Seán D. Sammon, FMS

Supérieur général


——————————– 

LITANIE MARISTE À MARIE 

Marie, source de paix,

Sois notre source de consolation.

Modèle de courage,

Sois notre exemple.

Modèle de l'engagement risqué,

Sois notre inspiratrice.

Modèle de persévérance,

 

Sois notre force.

Marie, notre Bonne Mère,

Conduis-nous au Christ.

Femme de pitié,

Apprends-nous à être miséricordieux.

Femme de foi,

Aide nous dans nos doutes.

Femme visionnaire,

Ouvre nos yeux.

 

Consolatrice des affligés,

Donne-nous un cœur compatissant.

Cause de notre joie,

Conduis-nous à la vie.

Signe de contradiction,

Aide-nous dans les incertitudes.

Femme de sagesse et de compréhension,

Enrichis-nous de ton savoir.

 

Ressource ordinaire,

Protège-nous et guide-nous.

Femme pleine d'espérance,

Sois la source d'une nouvelle vie.

Première disciple,

Montre-nous la route.

Pèlerine, notre compagne,

Sois avec nous tout au long de la vie.

Tu recherchais la volonté de Dieu,

Aide-nous à la faire comme toi.

 

Amen.

 


[1]Voir René Laurentin,Queen of Heaven: A short treatise on MarianTheology(London: Burns, Oates & Washbourne, 1956).

[2]Un groupe, dans un optique « christotypique », espérait que le Concile aurait proclamé un dogme sur « Marie, médiatrice de toute grâce ». L'autre groupe, dit « ecclésiotypique », prévoyait de la part du Concile, une réorientation fondé sur l'é­vangile, en ce qui concerne le regard de l'Eglise sur la Mère de Jésus.

[3]Voir Elizabeth A. Johnson,Truly our Sisler, p. 114-134

[4]  Document marial, p. 22.

[5] C. 4.

[6] C. 74.

[8] Ibid.

[9] Voir George Pitcher, "The Archbishop's sermon at Lourdes," imprime .1 p.ntn de Telegram Media dansMarist Newsletter: Marist Brothers of the Province ni M, / bourne, 40(4), Mai 2009, p. 16-17.

[10] Cité par Alain Delorme,Prier 15 jours avec Henri Vergés: religieux martyr en Algérie (Editions Nouvelle Cité, 2008), p. 49-50.

[11]Voir Deirdre Cornell, "Our Mother, Our Advocate: The Many Journeys of Mary of Nazareth," dans America, 200(16), 13 mai 2009, pp. 15-17

[12] Voir Frère Jean Baptiste, Vie de Joseph Benoît-Marcellin Champagnat (Roma, IT: Maison Généralité îles Itères Maristes, 1989), p. 359.

 [1]  Voir Joseph Benoît Marcellin Champagnat, "Testament Spirituel," dans Constitutions et Statuts, Rome, 8 déc 1986, p. 169.

[2]Le terme lui-même est attribué à Nicholas Nigido, qui l'a utilisé dans son traité écrit en 1602, intitulé Summa sacræ Mariologiæ.

[3]Voir Elizabeth A. Johnson, Truly our Sister: A Theology o/Mary in the Communion of Saints (New York: Continuum International Publishing Group, 2006).

[4]  Voir André Lanfrey, FMS, « Essai sur les origines de la Spiritualité », dans Cahiers Maristes n° 19, Juin 2003, p. 19.

[5]  Ibid., p. 19-20.

[6]  Ibid., p. 19.

[7]Pour plus d'informations, voir Antoine Forissier, Présences de Marie – Fondateurs et Fondatrices Maristes, Nouvelle Cité, Paris 1990, p. 47 ss.

[8]Voir Paul Sester, FMS, "Documents : Frère François évoque le Père Champagnat, Cahiers Maristes n° 18(8), Juin 2002, p. 81.

[9]Cité dans Paul Sester, FMS, "Marie dans la vie de Marcellin Champagnat," Cahiers maristes n° 8, Janvier 1996, p. 30.

[10]  Ibid.

[11]Voir Frère Paul Sester, FMS, Lettres de Marcellin J.B. Champagnat, Rome, Fratelli Maristi, 1985, p. 367-369.

[12]Voir Frère Paul Sester, FMS, « Frère François évoque le Père Champagnat» Cahiers Maristes n° 18, Juin 2002, pp. 81.

[13]  Voir « Information » Cahier Maristes n°8 janvier 1996, p. 3.

[14]Voir Lettres, p. 62.

[15] Voir Frère Paul Sester, FMS,Lettres de Marcelllin J.B. Champagnat, pp.62-64.

[16] VoirRègle de1837

[17] Voir Frère Jean Roche, FMS,"Marie, Notre Bonne Mère : Selon les Lettres de Marcellin Champagnat" Cahiers Maristes n° 2, Juin 1991, p. 53-60.

[18]Ibid., p. 57

[19]Ibid.

[20]Voir Elizabeth A. Johnson,Dangerous Memories: A mosaic of Mary in Scripture (New York, NY: The Continuum International Publishing Company, Inc., 2005), p. 100-122.

[21] Voir aussi,Lettres, 194, p. 391-394.

[22]Voir Seân D Sammon, FMS,Un cœur sans frontières, Saint Marcellin Champ­agnat : sa vie et sa mission : CSC Grafica, srl – Roma), p. 87-94.

[23] Voir Paul Sester, FMS : Lettre n° 249 dansLettres de Marcellin J. B. Champagnat 1 Textes (Rome, Casa Generalizia dei Fratelli Maristi, 1985), p. 479.

[24]Frère Jean-Baptiste Furet,Vie du Joseph-Benoît-Marcellin Champagnat (Rome, Maison générale, 1989), p. 503.

[25]Ibid., p. 550

 [1]  cf. Lettres de Marcellin J.B. Champagnat, n° 194, du 27 mai 1838, p. 391, Rome 1985.

[2] www.freebase.com/view/en/basilique de ND del Pilar

[3]   http://cnsblog.wordpress.eom/2008/12/l1/our-lady-of-guadalupe-patror.ev-of-the-americas/4..

[4]  Voir Document mariai: La Sainte Vierge dans la vie du Frère mariste, Rome (Italie: Typographie Polyglotte Vaticane, 1969).

[5]C 4.

[6]  www.champagnat.org/shared/20Chapitre/Documents/Howard/EN30102_ Charles.doc

[7]Voir Frère Benito Arbués. fidélité à la mission dans des situations de crises sociales (Rome, Italie, Maison générale, 3(2), 8 Mai 1998).

[8]  Voir Document marial: La Sainte Vierge dans la vie du Frère mariste.

[9]Voir Elizabeth A. Johnson, Truly our Sister. A Theology of Mary in the Communion of Saints (New York: Continuum International Publishing Group, 2006), p. 114-134

[10] Pour une vue très large de ce sujet, voir Charlene Spretnak, Missing Mary: the Queen of Heaven and her re-emergence in the modem Church, (New York, NY: Pal – grave/Macmillan, 2004).

[11]Pour un plus grand développement de cette idée, voir Karl Rahner, Foundations of Christian Faith: An Introduction to the Idéal of Christianity (New York, NY: Sea- bury, 1976).

[12] Voir Leonardo Boff, The Maternai Face of God: The Feminine and its Religious Expressions (Maryknoll, NY: Orbis, 1987).

[13]Cité dans Elizabeth A. Johnson, Dangerous Memories: A mosaic of Mary in Scrip- ture (New York: Continuum International Publishing Group, 2004), p. 24.

[14]Voir Raymond E. Brown, Karl P. Donfried, Joseph A. Fitzmyer, et John Reumann (rédacteurs), Mary in the New Testament (Ramsey, NJ: Paulist, 1978).

[15]Le travail du Frère Paul Sester qui a rassemblé les lettres et autres écrits du Père Champagnat et qui en a donné un commentaire ; les cours sur le Patrimoine en 1993 et 2008, le travail en cours du Frère Aureliano Brambila au CEPAM au Mexique ; les recherches historiques du Frère André Lanfrey ; l'installation des Archives à Rome, ainsi que les recherches faites par Frère Gabriel Michel, Alain Delorme, Alexandre Balko ; et les efforts de beaucoup de traducteurs dévoués, tout cela nous a permis une compréhension plus profonde qui n'existait pas 50 ans auparavant. La publication de l'Eau du Rocher en 2007 a aussi introduit une large audience à la Spiritualité apostolique mariste.

[16] Voir Rea McDonnell, SSND, Into the Heart of Mary (Notre Dame, IN: Ave Maria Press 2009).

[17]http://www.vatican.va/archive/hist_councils/ii_vatican_council/documents/ vat_II_const_1964112 l_lumen-gentium_en.html

[18]http://www.vatican.va/holy_father/paul_vi/apost_exhortations/documents/hf_p- vi_exh_19740202_Marialis-cultus_en.html

[19]  Voir Document marial : La Sainte Vierge dans la vie du Frère mariste.

RETOUR

Circulaires 410...

SUIVANT

Il nous a donné le nom de Marie...