Fondation de lInstitut des Petits Frères de Marie

Quand il a vu des enfants et des jeunes sans éducation religieuse, Marcellin s’est exclamé : “Il nous faut des frères.” Le 2 janvier 1817, il a commencé avec deux jeunes le projet de l’Institut des Petits Frères de Marie.

Pourquoi a-t-il fondé l’Institut ?

ElevĂ© au sacerdoce en 1816, je fus envoyĂ© dans une commune des cantons de St. Chamond (Loire). Ce que je vis de mes yeux dans cette nouvelle position touchant l’Ă©ducation des jeunes gens me rappela les difficultĂ©s que j’avais moi-mĂŞme Ă©prouvĂ©es Ă  leur âge, faute d’instituteurs. (Champagnat, Lettre 59)

Une bonne Ă©ducation est le moyen le plus sĂ»r de procurer de bons sujets Ă  la sociĂ©tĂ©. Malheureusement la plupart des communes rurales sont privĂ©es de cet avantage: l’insuffisance des ressources municipales, la pĂ©nurie des habitants ne leur permettent pas de confier l’Ă©ducation de leurs enfants aux Frères des Ecoles ChrĂ©tiennes, dont on connaĂ®t le mĂ©rite et la capacitĂ©; de lĂ , la triste nĂ©cessitĂ© ou de laisser croupir leurs enfants dans une ignorance funeste, ou (ce qui est encore plus fâcheux) de les livrer Ă  des instituteurs peu capables de les former Ă  la science et aux vertus nĂ©cessaires Ă  de bons citoyens.
Pour obvier Ă  ces inconvĂ©nients, M. Champagnat, soussignĂ©, prĂŞtre du diocèse de Lyon, voyant le zèle que le Roi et son gouvernement mettent Ă  procurer Ă  toutes les classes de la sociĂ©tĂ© le grand bienfait de l’instruction, s’est proposĂ© de former, près de la ville de St. Chamond, une association d’instituteurs primaires, sous le nom de PETITS Frères DE MARIE, et a rĂ©digĂ© les statuts suivants aux fins d’obtenir une autorisation qui procurera aux membres de cette sociĂ©tĂ© le moyen d’exercer leur importante et pĂ©nible fonction d’une manière lĂ©gale et par lĂ  plus avantageuse. (Champagnat Ă  Sa MajestĂ©, Louis Philippe, Roi de France, 1834, Lettre 34)

Pourquoi des Frères ?

NĂ© dans le canton de Saint Genest Malifaux (Loire), j’ai senti par ces peines infinies que j’avais Ă©prouvĂ©es pour apprendre Ă  lire et Ă  Ă©crire l’urgente nĂ©cessitĂ© de crĂ©er une sociĂ©tĂ© qui pĂ»t donner Ă  moins de frais aux campagnes le bon enseignement que les Frères des Ecoles ChrĂ©tiennes procurent aux villes. (Champagnat au Ministre de l’Instruction publique, 1837, Lettre 159)

La Société de Marie

C’est vers cette Ă©poque (1812 – 1815) que furent jetĂ©es les premières bases de la SociĂ©tĂ© des Maristes. Quelques sĂ©minaristes, Ă  la tĂŞte desquels se trouvaient M. l’abbĂ© Colin et M. l’abbĂ© Champagnat, se rĂ©unissaient souvent pour s’animer Ă  la piĂ©tĂ©, et Ă  la pratique des vertus sacerdotales. Le zèle du salut des âmes et la recherche des moyens pour le procurer, Ă©taient le sujet le plus ordinaire de leurs entretiens. De la communication mutuelle de leurs sentiments et de leurs projets, pour atteindre ce but, surgit la pensĂ©e de la fondation d’une SociĂ©tĂ© de prĂŞtres…

La dĂ©votion particulière que cette rĂ©union d’Ă©lite professait pour la Sainte Vierge, lui inspira la pensĂ©e de placer cette nouvelle SociĂ©tĂ© sous le patronage de la Mère de Dieu, et de lui donner le nom de Marie… Dans une de ces rĂ©unions, il fut convenu qu’ils feraient, tous ensemble, le pèlerinage de Fourvière, pour dĂ©poser aux pieds de Marie leur projet…

Mais dans le plan de la nouvelle association, aucun de ces MM. n’avait pensĂ© aux Frères enseignants. L’abbĂ© Champagnat seul conçut le projet de leur institution, et lui seul l’a mis Ă  exĂ©cution. Souvent il disait Ă  ses confrères: “Il nous faut des Frères, il nous faut des Frères pour faire le catĂ©chisme, pour aider les missionnaires, pour faire l’Ă©cole aux enfants.” (Vie, III, pp. 29-31)

L’expĂ©rience Montagne

Les choses Ă©taient lĂ , quand un Ă©vĂ©nement, mĂ©nagĂ© sans doute par la Providence, vint fixer les incertitudes de M. Champagnat, et le dĂ©terminer Ă  s’occuper sans dĂ©lai de l’Institution des Frères. Un jour, il fut appelĂ© pour aller confesser dans un hameau un enfant malade, et selon son habitude, il y alla tout de suite pour confesser l’enfant, il l’interrogea pour s’assurer s’il connaissait les dispositions nĂ©cessaires pour recevoir les sacrements; il ne fut pas peu surpris de voir qu’il ignorait les principaux mystères et qu’il ne savait pas mĂŞme s’il y avait un Dieu. AffligĂ© de voir un enfant de dix-sept ans dans une si grande ignorance, de le voir mourir en cet Ă©tat, il s’assied Ă  cĂ´tĂ© de lui pour lui apprendre les principaux mystères et les vĂ©ritĂ©s essentielles du salut. Il passa deux heures pour l’instruire ou pour le confesser et ce ne fut qu’avec de grandes difficultĂ©s qu’il lui apprit les choses les plus indispensables: car l’enfant Ă©tait si mal qu’il comprenait Ă  peine ce qu’il lui disait. Après l’avoir confessĂ© et lui avoir fait produire plusieurs fois les actes d’amour de Dieu et de contrition pour le disposer Ă  la mort, il le quitta pour aller voir un autre malade qui se trouvait dans la maison voisine. En sortant, il s’informa de l’Ă©tat de l’enfant: “Il est mort un instant après que vous l’avez quittĂ©, lui rĂ©pondent ses parents tout en pleurs. Alors un sentiment de joie, pour s’ĂŞtre trouvĂ© lĂ  si Ă  propos, se confond dans son âme avec un sentiment de frayeur… Il s’en retourne tout pĂ©nĂ©trĂ© de ces sentiments, et en se disant souvent Ă  lui-mĂŞme: “Combien d’autres enfants sont tous les jours dans la mĂŞme position et courent les mĂŞmes pĂ©rils, parce qu’ils n’ont personne pour les instruire des vĂ©ritĂ©s de la foi! ” Et alors la pensĂ©e de fonder une SociĂ©tĂ© de Frères, destinĂ©s Ă  prĂ©venir de si grands malheurs, en donnant aux enfants l’instruction chrĂ©tienne, le poursuit avec tant de force, qu’il va trouver Jean-Marie Granjon, et lui communique tous ses projets. (Vie, VI, pp.61-62)

L’Ă©ducation des jeunes Frères Ă  La Valla

(Marcellin) appelait de tous ses vĹ“ux le moment oĂą ses Frères pourraient se charger d’une classe. Mais ne les trouvant pas encore assez capables. , il prit le parti de faire venir un maĂ®tre d’Ă©cole. En agissant ainsi, il avait un double but: l’Instituteur, dans sa pensĂ©e, Ă©tait nĂ©cessaire, d’abord pour donner l’instruction primaire aux enfants de la paroisse, ensuite pour perfectionner les Frères dans les connaissances qu’ils avaient acquises, et pour les initier Ă  la mĂ©thode d’enseignement…

L’instituteur vĂ©cut en communautĂ© avec les Frères; il ouvrit son Ă©cole dans leur maison, et bientĂ´t elle fut pleine d’enfants. Les Frères le secondaient dans l’instruction des Ă©lèves, le voyaient opĂ©rer, se formaient sur lui, et prenaient sa mĂ©thode; ils recevaient en outre, entre les classes, des leçons particulières sur les diverses parties de l’enseignement. )Vie, VII, pp. 74-75)